Chansons populaires du Canada, 1880/p295

Texte établi par Robert Morgan,  (p. 295-298).


dans tous les cantons

(Paroles recueillies par M. J. A. Malouin)

L’auteur de ces couplets, après avoir énuméré les viscissitudes du ménage, nous apprend que lui en a été exempt, qu’il est tombé sur un bon « gibier. » Cela prouve deux choses : 1o que les femmes peuvent être bonnes quelquefois (elles le sont même très-souvent) ; 2o que les poètes de tous les calibres ne peuvent que difficilement se taire sur leurs avantages.

Cette chanson, au reste, est, dans son genre, un petit chef-d’œuvre. La morale en est toute pratique : savoir bien choisir son « gibier. »





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 bes4 r8 f | bes d f f | f4 r8 f8 | g f ees d | \break
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\markup \musicglyph #"rests.3" Dans tous les can- tons Ya des fill’s et des gar-
cons Qui veul’nt se ma- ri- er, C’est la pu- re vé- ri-
té. Les gar- çons vont les voir, Le plus sou- vent le
soir_; Les fill’s se ré- jou- iss’nt Quand ell’s voi’nt leurs a-
mis_; Ell’s se dis’nt en sou- riant_: Le voi- là mon a-
mant_! 
}

  
Dans tous les cantons
Ya des fill’ s et des garçons
Qui veul’ nt se marier,
C’est la pure vérité.
Les garçons vont les voir
Le plus souvent le soir ;
Les fill’ s se réjouissent
Quand ell’ s voi’ nt leurs amis ;
Ell’ s se dis’ nt en souriant :
Le voilà mon amant !

Jeunes fill’ s, écoutez,
Qui voulez vous marier :
Votre engagement
Vous causera du tourment.
Vous prenez un état
De pein’ s et d’embarras ;
Bien souvent du chagrin,
Sans en connaîtr’ la fin,
Qui vous f’ ra regretter
La maison qu’ vous quittez.

Étant mariée,
Il faut tout abandonner,
Tous les agréments
D’être avec les jeunes gens.
Faut rester au logis
Pour plaire à son mari ;
Vous êtes mariée
Par votr’ propr’ volonté ;
Vous avez pris mari,
C’est pour lui obéir.

S’il est complaisant,
Vous aurez de l’agrément ;
Mais s’il est jaloux,
Vous n’en aurez pas beaucoup.

 
Combien y en a-t-il
De ces méchants maris,
Que tout leur intérêt
C’est d’aller au cabaret,
Pour y passer leur temps
A boir’ tout leur argent !

Le soir arrivé,
Ils revienn’ nt à leur logis
Tout en furibons
Et menant le carillon ;
Disant d’un air fâché :
« Donne-moi à souper !
Promptement fais mon lit,
Car j’ai besoin d’ dormir ! »
Comment pouvoir chérir
Un si brutal mari ?

Vous, à la maison,
Ni pain, ni lard, ni poisson,
N’ayant pas le sou
Et souvent manquant de tout…
Et vos petits enfants
Qui vous diront : « Maman,
Donnez-nous donc du pain,
Car nous mourons de faim ! »
Hélas, quel crève-cœur
Vous f’ ra verser des pleurs !

Mais comme cela
Tous les hommes ne sont pas :
Car tous ces défauts,
Pour un seul, ce serait trop !
Yen a, assurément,
Qui sont plus complaisants :
Ils aim’ nt leurs compagnées
Puisqu’ils les ont épousées,
Ils veul’ nt les soulager :
C’est pour se faire aimer.


Mais si les maris
Ne sont pas tous garantis,
C’est qu’il yen a trop
De ces femm’ s qu’ont des défauts…
De ces humeurs marabouts,
Que rien n’est à leur goût ;
Quand on veut leur parler
Dans un coin s’en vont bouder.
Comment n’ pas faire courroux
Avec un tel hibou ?

La semaine, au logis,
Ell’ s ont l’air tout étourdies ;
Mal peignées, mal chaussées,
Et souvent mal arrangées.
Le dimanche arrivé,
Vous les voyez frisées,
Que tout’ s leurs qualités
N’est qu’ pour la vanité.
Ell’ s n’ont aucun souci
Pour l’affair’ du logis.

Qu’en a composé la chanson
C’est un vieillard de ce canton
Qui n’a pas regretté
Le jour qu’il s’est marié.
Il a pris un gibier
Qu’il a su conserver ;
Elle a des qualités
Qu’il n’a point publiées :
Que chacun fass’ comm’ moi,
Qu’il chante ce qu’il sait !