Chansons populaires du Canada, 1880/p283

Texte établi par Robert Morgan,  (p. 283-285).


à la claire fontaine

(Air recueilli par M. l’abbé Marquis)


Le lecteur a déjà pu observer que, dans des chants qui semblent d’abord appartenir au mode mineur, le chanteur populaire fait tout à coup apparaître une seconde majeure entre le septième et le huitième degré de la gamme, détruisant ainsi la note sensible, et plaçant la mélodie dans le premier ou le second mode de la tonalité ancienne. Or, ce qui arrive pour le mode mineur arrive aussi pour le mode majeur. Ainsi, dans la mélodie de la Claire Fontaine, que l’on va voir ci-après, et qui semble d’abord appartenir exclusivement au mode majeur, la note fa apparaissant naturelle, dans la dixième et dans la quatorzième mesure, la sensible disparaît par là même, et le huitième mode de la tonalité ancienne se trouve parfaitement accusé.

On dirait, quelquefois, que le peuple a horreur de la note sensible. Cela tient à des causes toutes naturelles que des musicistes distingués de ce siècle ont étudiées et expliquées d’une manière irréfutable. (Voir les Remarques générales, à la fin de ce volume.)

J’ai déjà dit que ces infractions aux règles de l’art moderne n’indiquent pas toujours l’ancienneté d’une mélodie. Souvent il arrive qu’une chanson de la ville, toute fraîche composée, vieillit tout à coup de plusieurs siècles, grâce aux altérations qu’elle subit en passant par des gosiers compagnards. Chacun connaît cet air d’un vaudeville intitulé : Les Canotiers de la Seine :


\version "2.18.0"
\layout {
  indent = #10
  line-width = #150
  ragged-last = ##t
  \override Rest #'style = #'classical
}
 \relative c'' {
 \key g \major
 \time 3/8
 \autoBeamOff
 \set Score.tempoHideNote = ##t
 \override Score.BarNumber.break-visibility = #all-invisible
 \tempo 4 = 90
 \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
% Ligne 1 
  g4 g8 | g4 \stemUp b8 | \stemNeutral d4 d8 | d4 b8 | c4 a8 | \break
% Ligne 2
   a4 fis8 | a4. | g4 \once \override TextScript.extra-offset = #'( 6 . -3.5 ) r8^\markup { "etc. ;" } | \break
 }
\addlyrics { 
Mes- dam’s, sa- vez- vous c’qu’il faut Pour ê- tre 
ca- no- tiè- re_?
}

Eh ! bien, voici comment j’ai entendu chanter ce même air par une jeune fille de l’Île-Verte, (comté de Témiscouata) :


\version "2.18.0"
\layout {
  indent = #10
  line-width = #150
  ragged-last = ##t
  \override Rest #'style = #'classical
}
 \relative c'' {
 \key c \major
 \time 3/8
 \autoBeamOff
 \set Score.tempoHideNote = ##t
 \override Score.BarNumber.break-visibility = #all-invisible
 \tempo 4 = 90
 \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
% Ligne 1 
  g4 g8 | g4 \stemUp b8 | \stemNeutral d4 d8 | c4 c8 | c4 a8 | \break
% Ligne 2
   fis4 a8 | b16[( g)]( g4)( | g) r8 | g4 g8 | g4 \stemUp b8 | \stemNeutral d4 d8 | \break
% Ligne 3
   c4 c8 | c4 a8 | f4 a8 | b16[( g)]( g4)( | g)\once \override TextScript.extra-offset = #'( 6 . -3.5 ) r8^\markup { "etc. ;" } | \break
 }

Ceux de mes lecteurs qui ont visité la capitale de la France se rappellent sans doute avoir vu, sur la place des Victoires, une statue équestre de Louis XIV, représentant le monarque avec un lambeau de vêtement sur le corps, et des sandales aux pieds. C’est un anachronisme de ce genre que faisait, bien à son insu, ma jeune chanteuse de l’Île-Verte, en dépouillant de sa note sensible la mélodie toute moderne du vaudeville français.





\version "2.18.0"
\layout {
  indent = #10
  line-width = #150
  ragged-last = ##t
  \override Rest #'style = #'classical
}
 \relative c'' {
 \key f \major
 \time 3/8
 \autoBeamOff
 \set Score.tempoHideNote = ##t
 \override Score.BarNumber.break-visibility = #all-invisible
 \override Stem.neutral-direction = #up
 \tempo 4 = 110
 \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
 g4. | a4 bes8 | c4 a8 | bes4 a8 | g4. | \break
 a4 bes8 | c4 a8 | a4. | a4( g8) | fis4 g8 | a4 bes8 | \break
 c4 d8 | a4( g8) | fis4 g8 | a4 bes8 | g4. | g | \break
 a4 bes8 | c8. a16 a8 | bes4 a8 | g4. | \break
 g8 f g | \tuplet 2/3 { a4*1/2 bes4*1/2 } | g4 r8 \bar "||" \break
 }
\addlyrics { 
  À la clai- re fon- tai- ne M’en 
  al- lant pro- me- ner, J’ai trou- vé l’eau si 
  bel- le Que je m’y suis bai- gné. Lui 
  ya long- temps que je t’ai- me, ja- 
  mais je ne t’ou- blie- rai.
}