Chansons populaires du Canada, 1880/p100

Texte établi par Robert Morgan,  (p. 100-104).


dans les chantiers nous hivernerons.


M. J. C. Taché dans sa belle étude de mœurs canadiennes intitulée : Forestiers et Voyageurs, n’a pas oublié de faire une mention spéciale de cette chanson par excellence de tout forestier canadien. Je cite :

« … À l’heure convenue du lendemain, nous vîmes arriver nos jeunes compagnons de route. Ils venaient, piquant au plus court, à travers la neige des champs, montés sur leurs raquettes. Ils chantaient, sur un air aussi dégagé que leur allure de voltige, le gai refrain des bûcherons canadiens :


        Voici l’hiver arrivé,
        Les rivières sont gelées,
        C’est le temps d’aller aux bois
        Manger du lard et des pois !
Dans les chantiers nous hivernerons !
Dans les chantiers nous hivernerons !


« Je serais bien empêché, ami lecteur, de vous donner les autres couplets de cette chanson, attendu que, sauf ce prélude obligé,… tout le reste s’improvise pour répondre aux besoins des circonstances.

« Il est cependant une stance qu’on chante presque toujours pour clôture de la saison des chantiers ; mais celle-ci sur un ton quelque peu ennuyé, avec une apparence affectée de fatigue, la voici :

        Quand ça vient sur le printemps,
        Chacun craint le mauvais temps ;
        On est fatigué du pain,
        Pour du lard on n’en a point.
Dans les chantiers, ah ! n’hivernons plus !
Dans les chantiers, ah ! n’hivernons plus !

« Le mot chantier, continue M. Taché, a diverses acceptions : c’est ainsi qu’il signifie quelquefois l’ensemble d’un établissement, ou l’industrie de l’exploitation des bois elle-même ; quelquefois le logement des ouvriers. C’est de cette dernière acception que les anglais font usage dans le mot shanty (corruption de chantier,) par lequel ils désignent une hutte de colon. » (Soirées Canadiennes, — deuxième année, p. 24.)

Les couplets qui suivent m’ont été chantés par M. Louis Blondin, de la Baie-du-Febvre.





\version "2.18.0"
\layout {
  indent = #10
  line-width = #150
  ragged-last = ##t
}
 \relative c'' {
 \time 2/4
 \autoBeamOff
 %\key 
 \set Score.tempoHideNote = ##t
 \override Score.BarNumber.break-visibility = #all-invisible
 \tempo 4 = 110
 \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
 
% Ligne 1 
   g4 c | c4. e8 | d4 c | a2 | g4 d' | d c\break 
% Ligne 2 
   e <d g> | c2 \bar "||" f4 e | d f | e <d g> | c2 \break 
% Ligne 3 
   a4 b8[ c] | d4 c | b a | g4. f8 | e4 g\break  
% Ligne 4
   c c8 c | a4 a | d4. c8 | d4 e | d c8 c \break
% Ligne 5    
   a4. b8 | c2 \bar "||"
 }
\addlyrics { 
Voi -- ci l’hi -- ver ar -- ri -- vé, Les ri -- viè -- res 
sont ge -- lées. C’est le temps d’al -- ler aux bois 
Man -- ger du lard et des pois! dans les chan- 
tiers nous hi -- ver -- ne -- rons! Dans les chan -- tiers nous hi -- 
ver -- ne -- rons! 
}

        Voici l’hiver arrivé,
        Les rivières sont gelées ;
        C’est le temps d’aller au bois
        Manger du lard et des pois.
Dans les chantiers nous hivernerons !
Dans les chantiers nous hivernerons !

Pauv’ voyageur que t’as d’ la misère !
Souvent tu couches par terre ;
À la pluie, au mauvais temps,
À la vigueur de tous les temps !
        Dans les chantiers, etc.

Quand tu arriv’ à Québec,
Souvent tu fais un gros bec.
Tu vas trouver ton bourgeois
Qu’est là assis à son comptoi’.
        Dans les chantiers, etc.

— Je voudrais être payé
Pour le temps que j’ai donné.
Quand l’ bourgeois est en banqu’ route,
Il te renvoi’ manger des croûtes.
        Dans les chantiers, etc.

Quand tu retourn’ chez ton père,
Aussi pour revoir ta mère ;
Le bonhomme est à la porte,
La bonn’ femme fait la gargotte.
        Dans les chantiers, etc.


— Ah ! bonjour donc, mon cher enfant !
Nous apport’ -tu ben d’ l’argent ?
— Que l’ diable emport’ les chantiers !
Jamais d’ ma vie j’y r’ tournerai !
Dans les chantiers, ah ! n’hivernons plus !
Dans les chantiers, ah ! n’hivernons plus !


Ces couplets sont parfaits comme peinture de mœurs. En voici un autre qui a bien son mérite. Il y est question d’un bourgeois qui paie son monde en marchandises, comme cela d’ailleurs se fait très-souvent. L’expression « on se trouve clair » veut dire ici qu’il ne reste plus rien au crédit du travailleur :

 
Monsieur Dufroi c’est un bon bourgeois,
Mais il n’ nous donn’ pas grand monnaie.
On travail ben tout l’hiver ;
Au printemps on se trouv’ clair !
Dans les chantiers, etc.

Enfin voici trois autres couplets dont la forme diffère un peu d’avec celle des couplets précédents. La mélodie, nécessairement, s’en trouve légèrement affectée.





\version "2.18.0"
\layout {
  indent = #10
  line-width = #150
  ragged-last = ##t
}
 \relative c' {
 \time 2/4
 \autoBeamOff
 \key g \major
 \set Score.tempoHideNote = ##t
 \override Score.BarNumber.break-visibility = #all-invisible
 \tempo 4 = 110
 \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
 
% Ligne 1 
    d4 g | g~ g8 \stemUp b16 b | a4 g | e2 | d4 fis \break 
% Ligne 2 
    a4 g | \stemDown g d' | \stemNeutral g,2 | r4 c4 b4. a8 | b4 d \break 
% Ligne 3 
    g,2 | g4 r4 | d g | g fis8 e | fis4. g8 | a4. fis8\break  
% Ligne 4
    g4 d' | d~ d8 c16 c | b4. a8 | g4 r4 | r2 \break
% Ligne 5    
     \bar "||"
 }
\addlyrics { 
À By -- town c’est un’ jo -- li’ place Où il 
s’ra -- mass’ ben d’la crasse; Où ya des jo -- lies 
fil -- les Et aus -- si des jo -- lis gar -- çons. Dans 
les chan -- tiers nous hi -- ver -- ne -- rons! 
 
}

 
À Bytown c’est un’ joli’ place
Où il s’ ramass’ ben d’ la crasse ;
Où ya des joli’ s filles
Et aussi de jolis garçons.
Dans les chantiers nous hivernerons !

Nous avons sauté le Long-Sault,
Nous l’avons sauté tout d’un morceau !
Ah ! que l’hiver est longue !
Dans les chantiers nous hivernerons !
Dans les chantiers nous hivernerons !

V’ là l’automne qu’est arrivé.
Tous les voyageurs vont monter.
Nous n’irons plus voir nos blondes,
Dans les chantiers nous hivernerons !
Dans les chantiers nous hivernerons !