Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Le mari de Saint-Pol de Léon


LE MARI DE SAINT-POL DE LÉON.
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   J’ai choisi une maîtresse, qui n’est pas de loin,
— Et riche elle est aussi, — (elle est) de Plonéri[1], en Saint-Pol.

   Jolie, jolie est ma maîtresse, bossue par devant et bossue par derrière ;
Si la dot en argent est à proportion des bosses, je me garderai
______________________________________ de lâcher prise.

   La première fois que je parlai à ma fiancée, mon beau-père me dit :
— Or ça donc, petit jeune homme, il est assez temps que vous
______________________________________ vous mariiez.

   Moi je ferai publier les bans, à la grand’messe, à la messe du matin,
Et vous, mon gendre, dit-il, vous irez à Saint-Pol, prendre les vôtres.

   Comme j’étais à Saint-Pol, après avoir réglé mes bans,
Moi, de regarder ma petite bourse ; j’avais encore de quoi me
______________________________________ payer à déjeuner.

   Je chantais, je sifflais, mon petit cœur était gai,
Il ne pensait pas à la tristesse qui devait ensuite fondre sur lui.

   Quand je fus entré dans l’église, pour être marié,
J’entendis un immense moine commencer à latiner,

   J’entendis un immense moine commencer à latiner
Et il disait, dans son latin, que c’était lui qui était le père...

   Si j’avais mis bois au vent, j’avais assez de force dans le bras,
Pour terrasser le gros moine, et un autre avec lui, sans difficulté...

   La première nuit que je couchai avec ma femme, elle me dit :
______________________________________« mon brave Jean,
Lève-toi vite de ton lit, pour aller me quérir une sage-femme. »

   J’empoigne mon pantalon et je prends ma course :
Au lieu d’aller chez la sage-femme, c’est chez le vicaire que je suis allé ;

   J’étais un garçonnet (encore) jeune, et je n’avais pas l’expérience
______________________________________ de ces choses.
Au lieu d’aller chez la sage-femme, j’étais allé chez le vicaire.


   Quand je fus arrivé chez le vicaire, que je lui eus conté mon affaire,
Le voilà de se moquer de moi : le vicaire me dit :

   — « Eh quoi ? fils de pute, baveux, si ta femme est en mal (d’enfant),
Ce n’est pas des prêtres qu’il te fallait venir chercher, cocu ! »

   Je m’en retournai à la maison, alors, à peu près comme
__________________________________un homme affolé,
Et empoignai une énorme trique, dans l’intention de rosser ma femme.

   Mais, comme j’allais la rosser, survinrent son père, sa mère,
— « Comment ! dirent-ils, homme barbare, n’as-tu pas honte ?

   Comment ! dirent-ils, barbare, n’as-tu pas honte ! Alors même que tu n’aurais pas fait l’enfant, elle n’en a pas moins
__________________________________ de peine à le mettre au monde !


Chanté par Marguerite Philippe.
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  1. Plonéri est un nom de lieu imaginaire.