Chansons populaires de la Basse-Bretagne/L’oiseau de Crec’h Simon


L’OISEAU DE CREC’H-SIMON
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   Approchez, jeunesse, et vous entendrez chanter
Une chanson divertissante, qui a été levée en cette année,

   Qui est faite à un jeune homme de la paroisse de Pluzunet
Qui, à la saison nouvelle, a été navré.

   Ce garçon-ci était un garçon sage, et un garçon déluré,
Qui dirigeait le ménage chez lui, dans la maison de son père.

   Il se mit dans la tête d’aimer une jeune fille,
De la paroisse de Plougonver, proche Guingamp.

   Le premier entretien qu’ils eurent ensemble
Eut lieu, le jour de la foire de Saint-Mathieu, sur la montagne de Bré.

   C’est là qu’il la remarqua, aussi belle et aussi resplendissante
Que le soleil béni, quand il se lève au firmament.

   Il va la saluer, avec honneur et respect :
— « Salut à vous, jeune fille, fleur ds toutes les filles !

   Me feriez-vous l’honneur, bien que je ne le mérite pas,
De venir en ma compagnie faire un tour de danse ? »

   Elle lui répondit, en se retournant (de son côté) :
— « Je ne suis pas venue ici vendre des honneurs.

   A danser et à faire des ébats, jeune homme, je ne m’entends pas,
Mais (je ferai) comme je sais faire, pour ne vous refuser point. »

   Le soir venu, il va la conduire à la maison ;
Il l’accompagne jusqu’au bourg de Plougonver.

   Il va le long du chemin, tout plein de vanité,
Sans écouter les oiseaux qui chantaient, à la cime des arbres ;

   Sans écouter les oiseaux qui, à la cime des arbres, chantaient ;
Pourtant ceux-là lui disaient la vérité :

   Les oiseaux disaient, sur le bout de la branche :
— « Tu vas conduire à la maison celle qui te sera une cause
________________________________________ de sanglots ! »

   L’oiselet disait, du haut du feuillage,
— « Tu vas conduire à la maison celle qui fera ta désolation !

   Celle-là est mariée à un jeune avocat,
Qui marche en tête de tous, dans le Parlement de Guingamp ![1] »


   Le jeune homme disait, quand il s’en retournait à son pays ;
— « Si j’avais obéi aux petits oiseaux,

   Si j’avais obéi à l’oiselet de Crec’h-Simon,
Je n’aurais pas maintenant la désolation au cœur.

   Celui-là me conseillait de rester toujours dans mon quartier,
De ne pas aller chercher des filles dans la paroisse de Plougonver !

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  1. Est-il besoin de faire remarquer que si les États de Bretagne se sont tenus quelquefois à Guingamp, il n’a jamais existé de parlement de Guingamp ?