Chansons de la roulotte/Monsieur Constans aux prises avec l’adversité


Monsieur Constans aux prises
avec l’adversité














MONSIEUR CONSTANS
aux prises avec l’Adversité

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   % 1er couplet (complet)
   Quand ses é- lec- teurs de Tou- lou- se
   L’eur’nt fait simp- le par- ti- cu- lier,
   C’pauvr’ Cons- tans dit à son é- pou- se_:
   «_J’m’en vais me r’mettre à tra- vail- ler…
   Mais, au dir’ des con- frè- res,
   On n’fait plus d’bonn’s af- fai- res_!
   L’as- sas- si- né d’au jour d’au- jour- d’hui
   N’a plus d’ar- gent sur lui_!… 
}
textB = \lyricmode {
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     % 2e couplet (partiel)
   \repeat unfold 63 \skip 1  
   Un pan-
}
textC = \lyricmode {
  \override LyricText.font-size = #-1
     % dernier couplet (partiel)
   \repeat unfold 26 \skip 1  
   Faut donc que j’rentre au Lu- xem- bourg.
   J’forc’
   \repeat unfold 30 \skip 1  
   rai la por- te… É- cou- te_!…
   Mi- nuit_!… C’est l’heu- re_!… En rou- te_!…
   Pass’ moi mes in- sign’s de sé- na- teur
   Et les pinc’s mon- sei- gneur_!_»
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Monsieur Constans aux prises
avec l’adversité[1]

Au Docteur Émile Goubert


I

Quand ses électeurs de Toulouse
L’eur’nt fait simple particulier,
C’ pauvr’ Constans dit à son épouse
« J’ m’en vais me r’mettre à travailler…
Mais, au dir’ des confrères,
On n’fait plus d’ bonn’s affaires !
L’assassiné d’au jour d’aujourd’hui
N’a plus d’argent sur lui !…

II

Un panné ! Peuh !… Et puis ajoute
Qu’au Sénat j’ai tout oublié.
Song’ donc ! V’là trois ans que j’ m’encroûte !
C’t effrayant c’ que je m’ sens rouillé !
Je m’ verrais, en présence
D’un vieillard sans défense,
Sur les minuit, boul’vard Rochechouart,…
J’ trouv’rais pas son mouchoir ! »

III

Ell’ dit : « Bah ! ’Y a l’Académie.
Maintenant qu’ te voilà déformé,
Présent’-toi. — Mais, ma pauvre amie,
J’ suis connu ; je n’ s’rais pas nommé !
Puis une œuvr’ littéraire
Me serait nécessaire.
J’ fus ministre, donc il est certain
Que j’ pass’ pour un crétin. »

IV

Là-d’ssus, chez Méline bien vite
Il court et, d’un ton détaché :
« ’N’auriez pas un’ plac’ tout’ petite
Pour un vieux brigand bon marché ?
— J’ai plus rien, crie Méline,
Plus rien que c’est la ruine !
J’ peux pas mettr’ la République au clou…
J’en aurais pas un sou !…

V

Doumer m’a coûté l’Indo-Chine,
Et Doumer n’est pas le dernier.
Tout l’ parti radical me chine
Et m’engueul’ comme un chiffonnier.
Il faut qu’ je l’ satisfasse…
Et vous voulez un’ place !
Vous qui n’ m’app’lez ni vach’ ni salaud !
Vous avez du culot ! »

VI

« Tiens ! s’ dit Constans, j’ai mon affaire !
Bourgeois avait pris pour second
Ce Doumer nommé fonctionnaire ;
Or, comm’ c’est lui, Bourgeois, au fond,
Qu’un gouvernement sage
En Doumer dédommage,
Il doit être dans un extrême en-
Doumerdédommag’ment ! »

VII

Chez Bourgeois il se précipite,
Criant : « Doumer est un sauteur.
Je prends sa place à votre suite !
Ex-ministre, ancien sénateur,
Ci-devant commodore
De la pompe inodore, [2]
Je s’rai pour vous, ça n’est pas douteux,
Un très bon Doumer II.

VIII

— Ah ! dit Bourgeois, la place est prise
Par le député musulman !
Ce monsieur vêtu d’un’ chemise
Qui lèch’ mon parquet dévot’ment. »
Constans fut fort honnête :
« Oh ! là là ! c’te binette !
Fit-il poliment, Allah ! Allah !
Allah ! c’te gueul’ qu’il a ! »

IX

Et, rentrant chez lui tout morose,
À sa femme il dit : « Mon amour,
Je n’peux plus fair’ la moindre chose ;
’Faut donc que j’rentre au Luxembourg !
J’ forc’rai la porte… Écoute !…

(L’heure sonne au piano. — Dramatiquement, à l’octave au-dessous.)

Minuit !… C’est l’heure !…

(Dans le ton normal, mais lentement pour finir.)

En route !
Pass’-moi mes insign’s de sénateur
Et les pinc’s-monseigneur ! [3]»

  1. Sénateur sortant de la Haute-Garonne, l’éminent homme d’État avait été réélu, sans aucune pression administrative, à une voix de minorité.
    Mais cette élection était tenue pour suspecte et attaquée avec violence par une certaine presse dont le parti pris d’incrédulité en matière de candeur gouvernementale est, du reste, un scandale public.
    Naturellement, les Pères Conscrits restèrent sourds à tous les ragots et validèrent leur vieux camarade. Pour qui connaît tant soit peu notre haute Assemblée, cette décision était évidemment inspirée par l’amour de la justice. Mais M. Constans n’en vécut pas moins, six semaines durant, dans des transes que l’auteur de cette chanson partages avec tous les bons Français.
  2. Variante : Ci-devant vieill’ colonne
    Des pomp’s de Barcelone,
  3. Fait invraisemblable et qu’on aura bien de la peine à comprendre dans quelques années d’ici, M. Constans, lorsque cette chanson lui fut connue, en désapprouva les termes. Il mit même une certaine affectation à l’exclure du programme des petites soirées musicales qu’il offrit, cette année-là, aux électeurs sénatoriaux de la Haute-Garonne.
    Il en résulta entre lui et l’auteur un refroidissement dont il eut du mal à se rétablir et à la suite duquel il resta un peu floche.
    Ainsi, apprenant par son chef de cabinet que la Censure avait enfin résolu d’imposer silence audit auteur, il se sentit incapable de mouler un mot historique et ramassa sordidement la belle réponse de Saint Louis à l’avocat d’un vieux paillard scalpé par un mari jaloux à l’âge de quatre-vingt-dix ans : « Ses… plaisanteries ont assez duré. »
    Triste !