Chanson à boire le punch, à chanter dans le Nord

Poésies
Traduction par Adolphe Régnier.
Hachette (1p. 320-321).

CHANSON À BOIRE LE PUNCH, À CHANTER DANS LE NORD[1]


Sur libres hauteurs des monts, sous l’éclat du soleil du Midi, sous l’influence des chauds rayons, la nature produit le vin doré.

Et personne encore n’a découvert comment crée la grande mère : mystérieux est son travail, impénétrable sa puissance.

Étincelant comme un fils du soleil, comme la source de feu de la lumière, il jaillit petillant du tonneau, et vermeil, et clair comme le cristal.

Et il réjouit tous les sens, et dans tout cœur inquiet il verse le baume de l’espérance, et un nouvel amour de la vie.

Mais sur nos climats la lumière du soleil tombe oblique et terne : elle ne peut que colorer les feuilles, mais elle ne mûrit pas les fruits.

Pourtant le Nord aussi veut vivre, et ce qui vit se veut réjouir : aussi nous créons-nous, inventifs, sans vigne, du vin.

Ce que nous apprêtons sur l’autel domestique, n’est qu’un pale breuvage ; ce que forme et anime la nature brille d’un éternel éclat.

Mais nous puisons avec joie dans la coupe la liqueur terne : l’art aussi est un don du ciel, bien qu’il emprunte sa flamme à un foyer terrestre.

L’immense empire des forces est ouvert à son action : formant avec le vieux du neuf, il s’égale au Créateur.

Le faisceau même des éléments se rompt à sa voix souveraine ; avec des flammes terrestres[2], il imite le céleste dieu du soleil.

Au loin, vers les îles Fortunées, il dirige la course des navires ; et les fruits d’or du Midi, il les débarque à monceaux dans le Nord.

Que cette liqueur de feu nous soit donc un signe et un emblème de ce que l’homme peut conquérir par la volonté et la force.

  1. Voyez la note précédente.
  2. Variante : « Avec les flammes du foyer. »