Cham - Albums du Charivari/Soulouque et sa Cour

Journal le charivari (4p. 357--).

SOULOUQUE ET SA COUR
CARICATURES

PAR



— Attention, grenadiers, du haut de ces cocotiers quarante
singes vous contemplent.


PARIS
AU BUREAU DU JOURNAL LE CHARIVARI
16, RUE DU CROISSANT.

IMPRIMERIE LANGE LEVY ET COMP., 10, RUE DU CROISSANT, À PARIS

— Comment, drôle, je t’envoie à Paris pour m’acheter un trône, et voilà ce que tu me rapportes ?

— Sire, je n’en ai pas trouvé d’autre pour l’instant.

LA ROBE À QUEUE DE L’IMPÉRATRICE.

— Ma chère amie, quand mes finances me le permettront, je t’achèterai ce qui manque d’étoffe pour rendre la queue de ta robe encore plus impériale.

— Eh bien ! drôle, qu’est-ce que tu cherches ? je t’ordonne d’accrocher cette décoration à ta boutonnière.

ÉMIGRATION DE M. DUPIN.

— Ah ! monsieur le président, je ne vous aurais jamais reconnu.

— Je pars pour l’empire d’Haïti, où j’ai l’espoir d’être nommé duc.

L’abbé Chalet, ancien épicier, consent à sacrer l’empereur Soulouque, mais il met pour condition que l'on accordera la libre entrée des pruneaux de Tours dans tous les ports de l’empire.
Ayant fait venir une voiture de Paris pour la cérémonie du sacre, Soulouque est fort étonné d’entendre le cocher lui demander si c’est à l’heure ou à la course qu’il faut le conduire.
L'impératrice Ourika obligée de souffrir les espiègleries des pages attachés à sa personne.
Soulouque, n’admettant comme propriétaires dans ses États que les nègres de la veille, débarbouille tous ses sujets pour découvrir les nègres du lendemain.

— Toi, t’es sensé représenter le maréchal Masséna ; comme ce grand homme était borgne, approche ici que je te crève un œil.

L’empereur Soulouque se promenant dans ses états, suivi de deux aides-de-camp attachés à sa personne.
SOULOUQUE PASSANT LA REVUE DE SA GARDE.

— Ceci n’est pas mal comme grande tenue, mais pour la petite tenue, il faudrait me trouver quelque chose de plus simple.

Le tailleur de sa majesté impériale est mis au piquet pour avoir osé présenter son mémoire.
Soulouque accorde le grand cordon de Saint-Faustin au premier musicien qui aborde dans son empire.

Marco Saint-Hilaire étant débarqué à Haïti, Soulouque s’empresse de lui faire épouser une des demoiselles d’honneur de l’impératrice.

ÉTIQUETTE IMPÉRIALE.
Marco Saint-Hilaire se permet de faire observer à Ourika que l’impératrice Joséphine ne s’asseyait jamais de la même manière que l’empereur.
Soulouque n’ayant pu trouver dans tout son empire une femme sachant lire, est obligé de nommer Marco Saint-Hilaire lectrice de l'impératrice.
Soulouque, faisant faire son portrait, profile des tons de chair employés par l’artiste pour faire donner une couche à ses bottes.
L’impératrice Ourika devient furieuse contre son professeur de piano qui ose soutenir qu’une blanche valait deux noires.
Soulouque désirant avoir des comédiens ordinaires à l’instar de tous les empereurs, parvient, à force d’or, à attirer dans son île la troupe entière du théâtre Guignol.
Colère de l'impératrice en surprenant son mari qui courtise la directrice dans les coulisses du théâtre de la cour.
SOULOUQUE CHEZ UNE ÉLÈVE DE Mlle LENORMANT.

— Sire, je vois dans votre main une ligne qui forme le croissant, deux autres lignes formant un 16… ce qui signifie que votre règne sera blagué rue du Croissant, n° 16, bureau du Charivari.

N’ayant pas de monnaie sur lui pour payer la sorcière qui lui apprend cette mauvaise nouvelle, Soulouque trouve cependant moyen de lui accorder une gratification extraordinaire.
L’empereur d’Haïti présidant le conseil d’état chargé de rédiger le nouveau code Napoléon Soulouque.
Dans le but de compléter son costume napoléonien, Soulouque attire adroitement Émile de Girardin dans ses États et s’empare de sa mèche.
Toujours fidèle à la tradition impériale, Soulouque écrit à Paris qu’on lui expédie un artiste dramatique capable de tenir dans l’intérieur du palais impérial l’emploi de Talma : au lieu d’un acteur tragique arrive M. Levassor, qui, dès son arrivée, se conduit d’une façon très légère.
Soulouque ayant désiré voir se reproduire sous son règne les principaux événements de l’époque napoléonienne, une société d’amateurs lui organise une petite machine renouvelée de la rue Saint-Nicaise.
Soulouque désirant divorcer, fait partir pour Vienne un envoyé plénipotentiaire pour demander la main d’une des filles que ne peut manquer d’avoir un jour l’empereur d'Autriche. — Cet ambassadeur est reçu à la porte du palais avec les honneurs dus à son rang.
Soulouque ayant voulu poser la question du divorce, éprouve du désagrément de la part de l'Impératrice Ourika.

SOULOUQUE. — Voilà le jour de l’an, il faut pourtant que je donne de l’argent aux domestiques du palais.

OURIKA. — Bah ! tire leur les oreilles comme faisait l’empereur Napoléon ; ça suffit.

L’impératrice Ourika se rend chez le grand maréchal prince de la Cassonade pour recevoir ses étrennes.

— Mon ami, le facteur t’apporte un almanach ; faut-il lui donner cinq francs ?

— Ma foi, j’aime encore mieux lui donner cette croix, ça m’économisera cent sous.

Un marchand à vingt-neuf sous étant débarqué à Haïti, l’empereur monte son ménage.
LA SAINT-FAUSTIN.

— Sire, à l’occasion de votre fête, nous venons vous renouveler l’assurance de notre dévouement.

— J’aimerais mieux que vous me renouveliez autre chose… ma garde-robe, par exemple !

Sérénade donnée à l’empereur Soulouque par Marco Saint-Hilaire, le 15 février, à l’occasion de la Saint-Faustin.
CAROTTE IMPÉRIALE.

— Eh bien ! c’est la Saint-Faustin aujourd’hui, et l’on n’a seulement pas offert une orange à son empereur !

SOULOUQUE SE FAISANT COMMERÇANT.

— Tu vas me vendre ton sac de café vingt francs en bloc… je te le revendrai quarante francs en détail.

Soulouque, voulant avoir une étoile, prie M. Leverrier de lui en trouver une d’occasion.
Napoléon n’aimant pas les bas-bleus, Soulouque se croit obigé d’administrer le fouet à une petite fille qu’il surprend un alphabet à la main.
PAIEMENT DE L’INDEMNITÉ DE SAINT-DOMINGUE.

L’AMDASSADEUR. — Votre majesté avait promis de payer un million à la France ce mois-ci.

SOULOUQUE. — C’est juste… À propos, pourriez-vous me prêter 40 francs pour quelques jours.

L’ambassadeur ayant persisté à se faire payer sa petite note, Soulouque entre dans son cabinet pour réfléchir aux moyens de se procurer de l’argent, mais il se procure seulement une violente migraine.
Le grand maréchal du palais de Soulouque se livrant au cumul. Soulouque se faisant savonner, poncer, racler, dans la prévision d’une réaction blanche.
L’empereur Soulouque pinçant son épouse sur le point de s’embarquer pour le bal Musard.
Ne pouvant parvenir à l’imitation parfaite du grand Napoléon, Soulouque cherche à ressembler à Musard qu’on lui a dit être le plus grand homme de l’Europe moderne.
LA COUR DE SOULOUQUE LE MATIN.

— L’empereur Soulouque est-il visible ?

— Non, monsieur, il est occupé, il nettoie ses bottes à l’écurie.

— L’impératrice daignerait-elle m’accorder une audience ?

— C’est moi, monsieur.

Étant parvenu à négocier un emprunt de six cents francs en Angleterre, Soulouque se livre à tout son goût pour le faste, et il colle dans tous ses appartements du papier à douze sous le rouleau.
L’impératrice, pour se distraire de ses ennuis, prie Marco Saint-Hilaire de lui enseigner la gavotte.
SCANDALE À LA COUR.

— L’impératrice, au lieu de danser la gavotte que Marco Saint-Hilaire avait essayé de lui enseigner, se met à danser le grand pas chicard, ce qui est contraire à la tradition impériale.

L’empereur Soulouque, ayant appris la grossesse de la reine d’Espagne, se hâte de lui expédier en cadeau diplomatique une superbe nourrice noire qui apporte un échantillon de son lait, que Narvaez prenait, à première vue, pour du cirage anglais.

— Vous ne passerez pas, que je vous dis quand bien même que vous seriez le petit animal !

— Imbécile… tu feras donc tous les jours la même faute… c’est petit Caporal que je t’ai recommandé de dire !

Soulouque essaie en vain de faire établir une succursale de la banque de France dans la capitale de son empire.
Soulouque étant obligé de faire raccommoder sa redingote grise, et n’en ayant pas de rechange, emprunte, pour quelques jours, les habits de Marco Saint-Hilaire.
L’empereur d’Haïti ayant écrit à Paris pour demander des musiciens, reçoit une trompette de Sax, qui, dès la première note, lance Soulouque à cinquante pas de l’instrument.
Désirant entreprendre la guerre contre ses voisins et n’ayant pas d’argent pour acheter des fusils à ses soldats, Soulouque fait venir de France un professeur spécial qui leur enseigne la manière de passer la jambe à une armée ennemie.
Soulouque, étant tombé dans une embuscade ennemie, revient dans sa capitale avec ses effets légèrement détériorés.
La flotte de Soulouque ayant été capturée par les Dominicains, le grand-amiral qui la commandait est obligé, pour vivre, de reprendre son ancien état.
Soulouque n’entendant plus parler de son ambassadeur le duc de Troubondon, se rend lui-même à Paris et découvre que le duc a quitté ses fonctions pour entrer au service d’un dentiste.
Marco Saint-Hilaire, qui s’était enfui de l’empire d’Haïti, est fort surpris de retrouver un soir l’empereur Soulouque qui l’attendait chez sa portière pour lui faire des reproches sur sa conduite.
Dégoûté de la politique, Soulouque se retire à Batignolles et élève des lapins pour se faire trois mille francs de rentes, ce qui lui permet de vivre longtemps heureux et d’avoir beaucoup d’enfants.
SOULOUQUE APRÈS SA MORT.

L’empereur Soulouque, soigneusement empaillé, devient le principal ornement d’un cabinet de hautes curiosités.