Cham - Albums du Charivari/Scènes d’automne

Journal le Charivari (5p. 321--).


Scènes
Scènes

D’AUTOMNE

par Cham
par Cham

— Adieu, mes amis, venez nous voir à Paris :
ma femme se fera un plaisir de vous offrir sa chambre.
— Vous êtes ben honnête ! je savions pas si
not’ vache pourriont supporter le voyage !


Paris
Paris
MAISON MARTINET
172, rue de rivoli, et rue vivienne, 41
AUX BAINS DE MER.

— Je voudrais me baigner.

— Tout ça le même jour ?

— Dis donc, maman, ils ont de plus beaux cheveux que toi, ici ! Vois donc leurs filets !

— Mais partez donc, cocher ! je suis déshabillée et prête à entrer dans l’eau…

— Pardon, madame, il y a encore de la place dans ma voiture ; voilà un monsieur qui va peut-être monter.

— Le médecin ma ordonné quinze bains de mer !

— Alors, madame, faudra cette année que vous en preniez trente. Vous concevez, ce temps-ci leur enlève de la force ; ce sont des bains coupés !

— Sapristi ! on voit bien que ces scélérats de collégiens sont encore en vacances ! Voilà le troisième lapin que je rencontre avec une queue en papier.

— Charles, veux-tu bien finir ! me sauter par-dessus les épaules au moment où je tenais ce lièvre. Satané polisson, va ! il est temps que tu rentres à ton collège.

— Ernestine, vous ne jouerez plus avec ce petit collégien ; je trouve que vos manières ne sont peut-être plus aussi bonnes.

— Mais quel intérêt as-tu à passer toute ta journée devant ces haricots ?

— Maman, je cherche s’il n’y aurait pas moyen de donner la maladie des pommes de terre aux haricots, afin qu’on ne nous en serve plus au collège.

— Je ne puis pas faire mes thèmes en vacances.

— Tu n’as donc pas tes livres ?

— Si fait, mais je suis tout seul ; je n’ai pas mes voisins, sur lesquels je copiais… Faut que tu les fasses venir.

— Malheureuse ! c’est ta belle robe de satin noir qui est arrangée comme cela ?…

— Maman, c’est mon petit cousin qui a voulu m’en faire un zouave ; il m’a dit que c’était la grande mode.

— Quel bonheur ! il va arriver un accident : je ne rentrerai peut-être pas à mon collège !

— Encore au collège à son âge !

— Je veux lui faire faire sa philosophie.

— Faites-lui plutôt faire sa barbe !

— Maman, tu m’avais dis que nous quitterions la campagne quand il n’y aurait plus de feuilles dans le parc !

— Oui, mon enfant, aussi nous partons.

— Mais, maman, les statues qui sont dans le parc en ont encore.

— Votre mari devrait se méfier de ce vin-là, il tape sur la tête !

— Oh ! monsieur, il tape pas seulement sur la tête, mon mari tape partout quand il a bu.

— C’est votre petit, mère Mathurin ?

— Oui, madame ; il y a un monsieur de Paris qu’il a entendu crier, qu’il a dit que s’il continuait à crier comme ça, qu’il ne pouvait pas manquer d’entrer au Grand Opéra de Paris.

À LA CAMPAGNE

— Que c’est donc triste de n’avoir que ces êtres-là pour admirer mes belles toilettes de Paris !

AU CAMP DE CHALONS.

— T’as pas l’air content de ton logement ! ingrat, un appartement composé de deux pièces !

— Je ne les vois, pas les deux pièces.

— Deux pièces de toile, parbleu !

— Saprelotte ! on n’y voit pas clair la nuit dans ce camp. Le capitaine qui avait donné l’ordre de placer des éclaireurs. Je ne vois cependant pas le moindre bec de gaz !

— Halte là ! on n’emporte pas les tentes !

— Mais ce n’est pas une tente, c’est ma crinoline !

— Il ne voudra plus de moi, le caporal !

— Et pourquoi donc cela ?

— Dame ! il revient du camp, ous qu’on lui a perfectionné son instruction, à ce qu’il parait, et pour lors, va s’apercevoir de mon manque d’inducation à moi.

— Ah ! mon Dieu ! quel est donc ce monument-là ?

— Ça, c’est la tente du tambour-major ; un bel homme fini !

— Excusez, capitaine, voulez-vous nous permettre de vous offrir une crinoline en paille que la compagnie a fabriquée pour madame votre épouse au camp de Châlons ?

Ce que l’on entend au camp par faire une partie de piquet

— Caporal, j’ai attrapé un rhumatisme.

— T’as bien fait de l’attraper ; il n’y reviendra plus, s’il voit qu’on l’attrape comme ça chaque fois.

— Françoise, je vous avais dit d’éviter les militaires !

— Madame, ce n’est pas de ma faute, ils arrivent du camp de Châlons, où ils ont appris à manœuvrer qu’il n’y a plus moyen de leur échapper.

— Ah ben, excusez ! vous ne vous gênez pas, monsieur Dumanet !

— Mam’selle Catherine, c’est-z-au camp de Châlons ousque n’on nous a appris à nous servir des épaulements.

— Vous voilà revenu de vacances, mon avocat ; faut pas vous gêner, si vous avez besoin de quelqu’un pour ouvrir vos malles, c’est ma partie !

LE DÉPART DE LA CAMPAGNE.

— Hi ! hi ! ça me fait de la peine de quitter mon cher petit cochon ! Hi ! hi !

— Ne pleure pas, tu le reverras à Paris ; j’ai donné l’ordre qu’on l’arrange pour mes provisions d’hiver.

À LA FOIRE À SAINT-CLOUD.

— C’est votre maman cette dame à barbe ?

— Non, monsieur, cette dame c’est mon papa.

— Charles, veux-tu bien descendre !… Je ne te mènerai plus jamais voir les baraques des saltimbanques !

— Jamais je ne retournerai aux fêtes Je crois monter dans une voiture de place, et pas du tout c’était celle d’un charlatan qui, sans me donner le temps de me reconnaître, m’a enlevé une grosse dent !

— C’est étonnant ! le vin d’habitude monte à la tête… celui-ci me descend dans les jambes…

— Dame ! c’est du vin nouveau ! il ne connaît pas encore bien son itinéraire !

Les Anglais se cassant la tête à chercher une solution à la question romaine. Irlandais cherchant à faire pousser la bosse de la religiosité sur la tête d’un garibaldien.
MODES DU JOUR.
Chapeau garibaldien, nouvelle forme de fabrication irlandaise.

— Tu as été à Hyde-Park voir le meeting garibaldien ? Étais-tu bien placé ?

— Oh ! parfaitement ; j’étais entre un garibaldien et un Irlandais.

— Dis donc, maman : j’ai vu sur le journal que tous les regards étaient tournés vers l’Italie, ce monsieur se trompe bien sûr de chemin, dis ?

— Mon bon monsieur, donnez-moi la préférence, je suis un misérable et je ne vous coûterai qu’un sou !

— Tiens ! Voltaire a fait des pièces ?

— Cela t’étonne ?

— Je croyais qu’il n’avait fait que des fauteuils.

— Tu veux entrer à l’Opéra… Tu n’as pas de voix !

— Que t’es bête ! c’est pour chanter la muette !

AU BOULEVARD DU TEMPLE
L’héroïque M. Brisebarre se posant en digue à l’envahissement d’un flot de maçons.
Les marchandes de pommes du boulevard du Temple suppliant qu’on les démolisse aussi, puisqu’on leur a enlevé les théâtres qui les faisaient vivre.
AU BOULEVARD DU TEMPLE
Le pauvre Pierrot trouve une station de fiacres à la place de sa chère Colombine.
L’ombre de Pixérécourt venant pleurer toutes les nuits à minuit sur les ruines du boulevard du Temple.

— Tu mets ton vieux chapeau pour aller au théâtre de la place du Châtelet ?

— Certainement ! il sera en harmonie avec la salle, puisqu’il a perdu son lustre.

Le ventilateur des nouveaux théâtres fonctionnant pour le grand bien-être des spectateurs. Merci !

— Tu crois que le marchand de contre-marques n’a pas voulu nous tromper ?

— Il n’y a pas de danger à ce théâtre-ci, le Palais de Justice est en face !

— C’est que, voyez-vous, messieurs, c’est joliment commode, votre théâtre ! C’est à côté de la rivière ; je peux aller à la pêche dans les entr’actes !

— Tu vas tous les soirs au théâtre du Cirque !

— Mais oui, cela vous rajeunit ! vous avez un lustre de moins.

— Allons, bon ! il ne va donc plus se coucher le soleil que le voilà qui passe ses nuits au spectacle !

CONSÉQUENCE DU VENTILATEUR DU THÉÂTRE DU CHATELET.

— Tu n’as pas pris ton éventail ?

— Au contraire, ma chère, j’ai pris mon paravent.

Sortie du théâtre du Châtelet, — le ventilateur ayant produit son effet.

— Baptiste, comment se fait-il que tout le sucre soit parti ?

— Madame, faut croire que c’est l’impôt qui l’aura effrayé !

— Alfred, je t’y prends à embrasser la bonne !

— Ma chère, il faut bien les rassurer, ces pauvres servantes, depuis le procès Dumolard.

— Mais, monsieur, mon caniche peut stationner sur le pont des Arts, il n’est pas aveugle, lui.

— Les aveugles ne stationnent pas sur les ponts !

— Monsieur, je ne suis que borgne.

Zémire et Azor ! faudra que je mène ma chienne voir cette pièce-là !

— Es-tu contente que je t’ai menée voir Lalla-Roukh ?

— Oui, mon ami, cette musique me fait trotter l’Inde en tête ; il faut absolument que tu m’achètes un vrai cachemire de trois mille francs.

M. Mario cassant son ut en voulant entrer à l’Opéra.
LE NOUVEAU SOUS-LIEUTENANT DE la Dame blanche.

— Qua-ran-te mil-le francs ! d’appoin-tements ! On ne dira plus, je pense, que je ne puis pas acheter un château sur mes économies !…