Cham - Albums du Charivari/Le manuel des chasseurs
fusil à longue portée !
— Cristi ! voilà les collégiens dehors ! nous ne devons pas être loin de cet affreux mois de septembre ! (Traduit du lièvre.) |
— Saperlote ! je pars pour la chasse, et je ne trouve plus mon fusil ! Où est-il ? — Cher ami, je l’ai envoyé hier en Italie. M. Garibaldi demande cent mille fusils, j’ai cru te faire plaisir. |
— Dépêchez-vous, monsieur, le train n’attend pas ! |
EN CHEMIN DE FER.
— Grand Dieu ! monsieur, votre fusil qui vient de partir !… — Excusez-le, madame, il a entendu le signal du départ : il a cru que c’était pour lui ! |
— Mon chien ? — Voilà, monsieur… il a eu l’imprudence de se battre dans son box avec un chien plus fort que lui !… |
— Tiens ! mais je croyais que vous ne chassiez jamais ? — C’est vrai ; mais, depuis l’affaire Jud, je fais semblant d’être chasseur, pour avoir un prétexte de voyager en chemin de fer avec un fusil. |
— Faut-il qu’il soit égoïste ! il va s’amuser, et il me laisse là tout seul ! Il ne pensera seulement pas à m’envoyer du gibier… un ingrat auquel je fais un nom ! |
Courses d’automne. |
— Tu vas à la chasse à c’te heure habillé en garde national ? — Mon uniforme m’a porté bonheur à la cible du tir national ; je ne tirerai plus jamais un coup de fusil sans l’avoir endossé. |
— Ne bougez pas, vous allez le faire sauver ! Je l’attraperai peut-être ! |
— Comment ! vous allez chasser toute la journée avec votre fusil dans un étui ! — Mais certainement ! c’est mon fusil neuf, et je n’ai pas envie de l’abîmer d’un temps pareil ! |
INCONVÉNIENT DES ARMES À LONGUE PORTÉE.
Vous arrivez pour ramasser le gibier que vous avez tué à trois cents mètres, un voleur vous l’a déjà emporté depuis plus d’un quart d’heure. |
— Mon ami, il était inutile de rapporter cela, tu as tout ce qu’il faut à la maison. |
— Ventrebleu ! monsieur, je ne vous connais pas, laissez-moi tranquille ! — Monsieur, je suis avocat, et, comme je ne veux pas me rouiller pendant les vacances, permettez-moi de plaider devant vous la cause de ce lièvre. |
— Que le diable soit de mon fusil à longue portée ! À mille mètres, cette bête m’avait paru de la grosseur d’un lapin ! |
Les lièvres se mettant à suivre Jud, convaincus que c’est le bon moyen d’échapper à toutes les recherches. |
— Avec mon fusil à longue portée je tue le gibier à deux lieues d’ici ; seulement j’ai soin d’envoyer mon chien par le chemin de fer pour qu’il puisse lever les pièces. |
— Sapristi ! il n’y a pas moyen de chasser comme cela ! J’achèterai un autre parapluie pour mon chien ; il faut absolument que nous ayons chacun le nôtre ! |
— Mon brave homme, vous n’avez pas vu un lièvre par là ? — Si fait, monsieur, j’en ai vu un qui vous cherchait. |
— Mais tirez donc ce lièvre, il est sous votre nez ! — Il est trop près ; je le manquerais avec mon nouveau fusil : c’est une arme à longue portée. |
— S’ils n’ont pas de port d’armes, c’est votre devoir de les arrêter. — Que voulez-vous que j’y fasse ? ils me donnent maintenant pour prétexte qu’ils vont au tir national et non pas à la chasse… |
— Mais tire donc ce lièvre ! — Impossible, chère amie : il est dans un département où la chasse n’ouvre que demain ! Il faut que je le tienne en respect comme cela encore pendant toute la journée ! |
— Saperlotte ! mon diable de fusil à longue portée m’a fait cribler de procès-verbaux ! — Bah ! — Mais oui : tous les coups de fusil que je tire dans ce département-ci vont tuer le gibier dans le département à côté, où la chasse n’est pas encore ouverte ! |
— Comment ! tu n’as que la moitié de ce lièvre ? — Ma chère, il passait dans l’autre département, où la chasse n’est pas encore ouverte… Je n’ai pu tirer que sur la partie de son corps qui se trouvait encore dans ce département-ci ! |
— Excusez-moi ; j’ai tué ce sanglier avec une balle explosible : l’effet du projectile a été, à ce qu’il paraît, très en retard. |
— Mon fusil tout neuf ! heureusement que je ne l’avais pas encore payé et que je vais lui envoyer la facture… Ah ! mon gaillard ! vous croyez que vous allez en être quitte comme ça ! |
— Voilà mon nouveau fusil, l’armurier m’a garanti son feu ! — Comme durée ? Eh bien, il ne vous a pas trompé : il fait long feu ! |
— Catherine, que signifie tout ce tapage dans votre cuisine ? — Madame, c’est monsieur qui ne tue jamais son gibier qu’à moitié. |
— Alfred, ces messieurs ont la bonté de te permettre de tirer ; apprête ton arme, mon chéri. — Papa, sur qui faut-il que je tire ? — Alfred, posez votre fusil tout de suite et retournez à la maison. |
— Monsieur, voilà le sanglier que vous cherchiez. — Ah ! très bien ; je vais vite courir chez un charcutier m’informer combien il me prendra pour l’arranger ! |
— Imbécile ! crétin ! je t’avais dit d’aller me chercher un sanglier dans la forêt pour que je puisse le chasser demain ; je ne t’avais pas dit de l’amener chez moi dans mon salon ! |
— Monsieur, monsieur ! madame m’envoie vous chercher ; il y a du monde au château ! — Crétin de domestique ! qu’est-ce que tu fais ? Je suis de ce côté-ci, idiot ! |
— Mais il chasse très-mal, votre chien ! — Ne m’en parlez pas, c’est un chien que m’a prêté M. Babinet : il est constamment le nez en l’air à chercher des comètes ! |
— Enfin ! un perdreau ! — Ne le tirez pas, malheureux ! c’est peut-être le dernier ! |
SUJET DÉDIÉ À M. D’ENNERY.
— Le chien de ma mère ! |
CHASSE AU FILET. |
— Tiens, mon fils, voilà une belle occasion, tu vas en tirer un ! — Merci ! j’ose pas… ils sont en force ! |
— Ah ! mon Dieu ! où file-t-il comme ça, votre ami ? — C’est son nouveau fusil qui porte et repousse à longue portée : le malheureux ne s’arrêtera qu’à deux lieues derrière lui. |
— Toi, mon ami, un homme distingué, un vicomte, tu vas à la chasse avec un charcutier !… — Écoute donc, chère amie, si je veux attaquer un sanglier, il me l’accommodera avant. |
— Tu m’engages à chasser sur tes terres ! — Eh bien ? — Eh bien, mais il me semble que tu n’es pas trop le maître chez toi ; on t’y tient tête joliment. |
— J’aime mieux le fusil à papa, moi, na ! il claque plus fort que celui des autres ! |
— Je vais tirer cette biche. — Papa, je t’en prie… ça ferait trop de peine à maman ; tu sais bien, à Paris, elle t’a grondé un soir parce qu’elle a dit comme ça que tu avais couru les biches ! |
— Mais cache donc ta tête, si tu ne veux pas que les bécasses t’aperçoivent ; je te préviendrai quand il faudra remonter… |
De la possibilité de faire double emploi de son temps à la chasse aux bécasses. |
— Ah ! sapristi ! parait que c’est son lundi ! elle reçoit… J’aime mieux revenir un autre jour de la semaine. |
— Mon cher, il n’y a aucun danger ! il est tout petit. — Méfions-nous… il est tellement jeune, que ses parents ne l’auraient jamais laissé sortir tout seul… nous allons être attaqués par sa bonne, c’est sûr : elle ne doit pas être loin. |
— Allez donc ! vous n’avez rien à craindre en l’attaquant comme cela ! — Merci !… je veux m’assurer avant s’il n’a pas des crocs encore de ce côté-ci ! |
— Grand Dieu ! le voilà qui vient me relancer jusque chez moi !… Quelle est la canaille qui lui a donné mon adresse ? |
MODES DE 1862. Coiffure pour sanglier. |
— Sapristi ! venez donc à mon secours, monsieur l’avocat ! — Du tout ! je suis avocat. En France, la défense est libre : ce sanglier a le Code pour lui. |
— Allons, bon ! voilà mon crétin de cheval qui s’imagine que c’est un steeple-chase ! |
— Tiens, c’est drôle, il ne me dit rien, à moi ! Est-ce qu’il me reconnaîtrait par hasard pour un confrère ?… |
— Mon enfant, tu n’as pas de port d’armes, par conséquent n’éveille pas l’attention des gendarmes : tire ton coup de fusil sans faire de bruit ! |
Du danger de tirer une bécasse qui vole au-dessus de vous
— Sapristi ! mon ventre ! |
— Sapristi ! c’est qu’elle n’a pas l’air de vouloir finir, cette partie de raquette ! Ces vilaines bêtes-là sont d’une adresse !… |
— Ah ! Édouard ! c’est là votre chasse !… C’est bien, je vais prendre un port d’armes de mon côté… |
— Eh bien, est-il attrapé ? — Oui, oui ; il est traversé… par la pluie. |
— Défends-moi donc ! Tire dessus ! — Mon ami, laisse-le jouir un peu de son reste, la chasse va fermer. |
FERMETURE DE LA CHASSE.
— Imbécile de lièvre ! restez donc ! nous n’avons plus que quelques heures à passer ensemble. |
NOUVELLE POSITIVE. Tout est maintenant à la paix… pour les lapins ! |