Cham - Albums du Charivari/Croquis militaires
pour la chose que j’ai z’été en Italie, qu’il voudrait me
consulter sur un tableau de Raphaël qu’il a chez lui.
EN SAVOIE.
— Nom d’un bonhomme ! faut que la Savoie soit un pays joliment riche pour se payer des glaces tant que ça au cœur de l’été ! |
— Une Sarde à chaque bras ! excusez ! — Oui, mon cher, on est passé caporal dans le sentiment ; voilà mes deux sardines. |
— Les avalanches ? C’est bien simple, c’est les zouaves au général Hiver ! |
— Cré coquin ! il n’en finira donc pas ce macaroni italien ? Je vas demander une feuille de route au colonel pour que je puisse aller jusqu’au bout. |
— Bigre ! si mon billet de logement est pour c’te maison là, je crains bien que mon billet de logement ne soye un billet de parterre avant peu. |
— Tiens, mon garçon, voilà une voiture du pays ; et, comme c’est très-drôle, ils ont appelé ça un Rigolo. |
— Le coiffeur de la compagnie n’a plus qu’à se faire jardinier s’il a envie de garder notre pratique. |
— Milord, faut pas vous offenser, c’est votre épouse qui avait demandé un guide pour visiter l’Italie. |
— Camarade, faut ouvrir les yeux avec les femmes dans ce pays-ci, les hommes ont l’habitude de s’y laisser entortiller. Ça se voit rien qu’à leurs jambes et à leur chapeau. |
— Coco ! je ne veux pas que tu t’encanailles en fréquentant les chevaux italiens ! c’est tous des mules, faut tenir son rang. |
— Cré nom ! touché ! Voilà des yeux qui devraient porter des épinglettes de tir ! |
— C’est vexant ! Comme souvenir je voulais lui demander de ses cheveux et elle n’a que des serviettes ! ! ! |
— Je fais les logements pour le régiment. Je retiens d’abord cette longue maison. — C’est la tour de Pise ! — Mais puisque c’est pour loger le tambour-major de chez nous ! |
— Maman, je vais dans ces bosquets croyant cueillir des fleurs ! ! ! — Eh bien ? — Eh bien ! maman, c’était des gourbis ! J’ai cueilli un zouave ! |
— Brigadier, il n’est pas fameuse le café en Italie ! — Si t’avais de l’instruction, tu saurais que l’Italie est la patrie au Tasse seulement ! et pas z’aux demi-tasses. |
— Quel cauchemar ! je vas chez un artiste italien lui demander de tirer mon portrait pour l’envoyer à Françoise dans une lettre, et il me fait mon buste en marbre ! |
— Cré nom ! j’aurais dû m’en méfier ! la voilà qui me fait une frasque. Je l’avais entendu dire, du reste, qu’ils en faisaient les Italiens, même en peinture ! Ils appelions ça de la peinture à frasque sur les murs. |
— Excusez, une tarentelle ! Si j’avais su ce que c’était que la danse dans ce pays-ci, j’aurais pas demandé à être son cavalier. Prenons une voiture ! je ne peux plus suivre, moi, d’abord ! |
— Puisque madame cultive le tambour, je lui ferai remarquer que j’en suis le major. |
— En v’là un jobard ! il me procure une occasion de me battre et il s’appelle ensuite mon obligé ! |
— Le capitaine ne veut pas que tu raccommodes tes effets ; il veut que tu fasses ton entrée à Paris comme tu es. On ne veut pas que nous soyons trop beaux ! C’est pour la paix des ménages aux bourgeois. |
— Assez ! assez ! braves Parisiens ! vous z’allez m’attirer du désagrément z’avec les 60 000 hommes qui marchent par derrière. |
— Comme elles nous regardent ! Je crois que les maris ne dormiront pas bien ce soir. |
— Caporal, voilà une belle voiture ! — On voit bien que vous n’avez pas évu mon équipage z’à Milan ! |
— Mam’zelle Françoise, C’est z’une infamie celui qui vous z’a dit que j’étais un des amans de Bellone ! — Oui, monsieur Dumanet, et c’est en Italie encore qu’elle vous a accordé ses faveurs ! Si je connaissais ses maîtres je leur écrirais. |
— Malheureux ! tu es assis sur le chapeau de paille d’Italie de ma maîtresse ! ! ! — Excusez ; c’est que-vois-tu, Françoise, en Italie la paille nous avions l’habitude de nous asseoir et de nous coucher dessus. |
— Vous viendrez me voir, monsieur Dumanet ? Ça ne vous fait rien de monter un sixième étage ? — Plus que je monte, plus que je suis content, ça me rappelle Solférino. |
— Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle manière de marcher, s’il vous plaît ? — Caporal, c’est du style dans la marche que j’ai contracté en Italie, en étudiant la manière de se promener des statues antiques. |
— Croireriez-vous, mon bourgeois, que je n’ai fait que me présenter au camp autrichien, le lendemain il y avait quarante sapeurs de chez eux qui s’étiont brûlé la cervelle de dépit, rien que d’avoir vu ma barbe. |
— T’as pas été en Italie ? — Non ! — Eh bien ! alors, je te défends de causer sur la peinture ; tu m’entends ? |
— Mademoiselle Françoise, depuis mon voyage en Italie, je cherche la pureté dans les lignes ; votre visage ne peut plus m’aller ! |
— Depuis que j’ai couché sur la terre d’Italie, je ne puis plus coucher sur le lit de camp ! J’enfonce dans ces diables de planches ! ! ! |
— Mais je n’y puis rien, à son affaire à ce pauvre grand-duc ! Voilà la quatrième lettre qu’il m’écrit cette semaine. |
— C’est comme je vous le dis, mam’zelle Françoise, en Italie il n’y a pas de pays plus commode pour les domestiques ! Les maîtres, c’est pas des bourgeois comme ici ! En Italie, les maîtres, c’est des tableaux, et y a pas moyen d’avoir des raisons avec ça. |
LE CHASSEUR. — Comment ! cela ne vous fait pas l’effet d’un bon fusil ? LE ZOUAVE. — Ma foi, non ! il n’y a pas de baïonnette au bout. |
— Excusez, braves bourgeois, si je viens vous demandera dîner comme ça tous les jours, mais notre caporal d’ordinaire a été tué en Italie, qu’il était adoré et qu’on ne veut pas le remplacer. |
— Faites pas attention, mon bourgeois ; j’ai dressé quelques lièvres par ici, histoire de m’amuser. En voilà un, je ne crois pas que vous le mécaniserez facilement. |
— Imbécile de lapin ! si t’avais tant seulement fait la campagne d’Italie tu ne ferais pas attention à ces bêtises-là ! |
— Mais mange donc, Caroline ! — Je ne peux pas. Tu me ramenais toujours trois ou quatre turcos pour dîner ; c’est devenu une habitude pour moi, je ne peux plus manger sans eux. Ma foi, tant pis ! va m’en chercher ou je ne mange pas ! |
— Eh bien ! qu’est-ce qui vous prend donc, monsieur Dumanet ? — C’est une dame qui a un bouquet à la main ; je crois toujours que je vais le recevoir à la tête, tant qu’on m’en a jeté dernièrement. |
— Vous ne pouvez pas marcher droit et vous osez dire que vous n’êtes pas pochard ? — Major, c’est un tic que j’ai contracté en Italie en regardant la tour de Pise. |
— Hélas ! elle est fermée ma chasse à moi ! ! ! |
— Je m’en fiche que ça soit l’idée à tes bourgeois, mais je ne veux pas que tu te promènes avec un zouave ; qu’on l’habille autrement ! |
— C’est indigne ! Vois donc comme ton fils traite sa bonne ! — Dame ! tu l’habilles en zouave, faut bien qu’il fasse le diable ! |
— Tiens, voilà mon courrier d’Italie ! Rien que ça ! Mais comment est-ce qu’elles ont pu se procurer mon adresse ? |
— Caporal, vous qui z’avez z’été en Italie, qu’est-ce que c’est la Fornarina ? — Parbleur ! c’est une position que nous avons enlevée à la baïonnette ! Le fort Narina, c’est connu ça ! |
— C’est-y bête, les peintres ! Il me dit comme ça que le gouvernement l’enverra en Italie s’il est fort en peinture. Bien sûr qu’il s’imagine que nous sommes de fameux artistes, nous autres. |
— Qu’est-ce que cela veut dire, brosseur ? Vous pleurez en cirant mes bottes ? — Major, quand on a z’été en Italie, cette image vous occasionne toujours une certaine émotion. |
LES TURCOS DE RETOUR DANS LEURS FOYERS.
— Bien regrettir Paris ; bien m’embêtir en Kabylie. |
Rentré dans ses foyers au retour de son voyage à Paris, le turco Abdallah s’aperçoit pour la première fois de sa vie que son épouse Fathma a un drôle de teint et qu’il y a mieux.
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— Plus vouloir restir ! Paris ! Paris ! Paris ! |
— Paradis de Mahomet là-haut ! — Pas là-haut ! Moi, turco, savir paradis Mahomet à Paris ; moi dansir, cancanir chez Mabille ! Bono paradis ! bono ! |
Le turco n’ayant plus la moindre considération pour le lion de l’Atlas, depuis qu’il le sait assez crétin pour se laisser mettre en cage au jardin des Plantes.
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Le turco ne voulant plus s’asseoir comme les autres croyants, mais bien sur deux chaises, ainsi qu’il l’a vu faire sur le boulevard des Italiens.
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Le cadi est fort étonné en voyant les turcos le saluer désormais à la mode de Paris et l’appeler « mon bon ! »
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— Vous promenir turcos toute la journée palanquin ! Moi apprenir le tarif à Paris, moi payir comme fiacre, moi donnir trois sous ! |
— Toi, turco, ancien Kabyle, dédaignir chameau, ancien ami à toi ! — Moi revenir de Paris, moi plus aimir les bosses qu’au restaurant. |
— Abdallah ! toi plus t’occupir de ta compagne, toi cherchir quelque chose depuis ton retour de Paris ? — Moi cherchir marchand de vin, moi pas trouvir, moi toujours cherchir ! |
Les femmes kabyles obligées de s’habiller désormais comme les Parisiennes pour fixer le cœur de messieurs les turcos.
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— Tu sais bien ces turcos que tu avais engagés à dîner ? Eh bien, ils t’envoient ça d’Alger ; seulement ils n’ont pas payé le port, et voilà le septième jour qu’il n’a pas mangé. |