Chêne et Roseau/Une flèche de Cupidon

Imprimerie de Dubuisson (p. 18-19).

UNE FLÈCHE DE CUPIDON


 
Pourquoi donc, Arabelle, en ce jour d’allégresse,
Pourquoi courber ton front, pourquoi tant de tristesse ?
Sont-ils donc revenus, ces jours où la raison
N’est qu’un mot, en hiver, froid comme la saison ?

Sont-ils donc revenus, ces jours remplis d’orages,
Qui déchirent le cœur et font tant de ravages,
Et qui, doublant la vie au soir de nos beaux jours,
Nous font dire : Pourquoi ne pas aimer toujours ?

Sont-elles revenues, ces joies pleines d’alarmes,
Qui font croire au bonheur tout en versant des larmes ?
Les tortures qui font chaque nuit sans sommeil,
Ainsi qu’un sanglot pour saluer le soleil ?

Et ces heures sans nom, de douloureuse attente,
Où soudain le cœur bat et l’âme se lamente !
Quand malgré les soupçons, bercé d’un fol espoir,
Bien en vain l’on attend son amant jusqu’au soir ?

 

Te faut-il donc encor les élans de tendresse ;
Et les baisers brûlants qui donnent tant d’ivresse ?
Te faut-il donc encore exposer ton orgueil,
Pour que demain ton lit te semble un froid cercueil ?

N’as-tu donc pas assez vidé la coupe amère ?
Et de l’amour toujours déplorant la chimère,
Faudra-t-il donc encore, ô ! noble et tendre cœur,
Te voir pleurer longtemps un seul jour de bonheur ?

Une voix murmura… Confiante en ma force,
Hélas ! je crus trop tôt ma vieillesse précoce,
Imprudente, et riant des flèches de l’amour,
Je bravais son courroux ; lui, me surprit un jour !