Causeries, deuxième série/De la Liberté et de plusieurs autres choses

Hachette (2p. 145-160).

DE LA LIBERTÉ ET DE PLUSIEURS AUTRES CHOSES.

Il y avait autrefois une langue française. Elle n’était pas aussi pompeuse que l’espagnol des Castillans, ni aussi douce que l’italien de Toscane, ni aussi riche en subtilités métaphoriques que l’Allemand de Kant et de Hegel ; mais elle avait le plus rare et le plus précieux de tous les mérites : elle était claire. La diplomatie l’adopta, de préférence à toutes les autres, dès l’année 1648, un demi-siècle avant la naissance de Voltaire, lorsque Racine n’était qu’un gamin de neuf ans, la Fontaine un petit provincial inconnu, et Molière un comédien ambulant, aussi obscur que misérable. Cette langue, à peu près fixée par l’honnête Vaugelas, qui achevait alors de vivre, eut la gloire de devenir européenne, parce que l’Europe entière était comme éblouie de sa limpidité. Elle portait partout la lumière avec elle ; elle dissipait les équivoques comme un soleil d’été dissipe les brouillards du matin.

Pauvres nous ! Qu’en avons-nous fait de notre belle langue française ? Le Dictionnaire de l’Académie est recommencer d’un bout à l’autre. Mais, par qui ? Par l’Académie ? non ! La France et l’Europe récuseraient l’Académie de M. Thiers, de M. Villemain et de M. Guizot, pour cause de suspicion légitime.

Un exemple entre cent :

Comment les grands vieillards de l’Académie définissent-ils aujourd’hui le plus beau mot de la langue moderne, liberté ?

J’arrive trop tard pour donner mon avis sur le célèbre discours de M. Thiers. Heureusement, vous savez que j’avais pris l’avance[1]. Mais j’estime qu’il n’est jamais trop tard pour arrêter les sophismes dangereux, surtout quand le talent les emporte sur son aile jusqu’aux dernières limites du monde.

L’honorable M. Thiers s’est présenté pour la dernière fois devant les électeurs de Paris comme un ami de la liberté, sans commentaire. Les électeurs sont gens de bien ; la confiance a toujours été leur fort. Ils savaient tous, car ils ont de la mémoire, que M. Thiers a fait les lois de septembre, qui ne sont pas le dernier mot de la liberté de la presse. Ils savaient que la liberté des échanges, comme le Crédit foncier, comme les chemins de fer, comme la coupure des billets de banque, a trouvé dans M. Thiers un redoutable ennemi.

Mais le jour où l’illustre orateur est venu leur offrir ses services avec MM. Picard, Ollivier, Jules Favre, Guéroult, Havin, Pelletan, Jules Simon et consorts, ils ont pensé que le temps et le progrès avaient porté conseil. Ils ont dit noblement : À tout péché miséricorde ! Le voisinage garantissait les nouveaux principes du candidat ; les bonnes gens qui l’ont nommé croyaient voter pour la liberté en personne. L’élection s’est faite par la naïveté publique ; un petit coup d’épaule de M. Haussmann n’a servi qu’à rendre le résultat plus brillant. Mais, je vous le demande en bonne foi, sans passion et sans malice, auriez-vous voté pour M. Thiers si vous aviez connu sa définition de la liberté ? Vous tous qui défendez la liberté, avez-vous supposé que l’oppression des Romains, le pouvoir temporel du pape, Antonelli, Mérode, le droit divin dans ses applications les plus insolentes, le massacre de Pérouse, le rapt des enfants juifs et toutes ces iniquités qui fourmillent dans la sentine de Rome (comme disait Luther) fussent le commentaire logique et légitime de la liberté de conscience ?

Le nom de liberté est à la mode : tant mieux ! cela fait l’éloge de notre temps. Mais il faudrait s’entendre à la fin et savoir ce que parler veut dire.

Déjà M. de Falloux et ses amis ont fait passer l’esprit humain sous les fourches du jésuitisme au nom de la liberté d’enseignement. Si nous souffrons que M. Thiers, au nom de la libéré de conscience, décrète la servitude illimitée de six cent mille Italiens, il faudra désormais que le genre humain se mette en garde au seul mot de liberté. Je vois poindre à l’horizon des orages de liberté pires que la grêle et la foudre. Si le malheur voulait que M. Thiers arrivât au pouvoir, il serait homme à proclamer, dans la libéralité de son vieux libéralisme, les libertés les plus terribles pour nous : la liberté de bâillonner, la liberté d’emprisonner, la liberté de bâtonner, la liberté de nous couper la tête. Méfions-nous des libéraux déchaînés ; on ne peut pas savoir où ils s’arrêteront dans cette voie. Rappelez-vous seulement, candides électeurs, certaine loi du 31 mai, qui accordait à la vile multitude la liberté de ne plus voter !

Je ne suis pas de ceux qui usent leurs pantalons aux genoux ; je n’ai pas besoin de lunettes bleues pour contempler les astres d’or, ou dorés, qui éclairent notre ciel politique. Mais, franchement, j’aime mieux le pouvoir tout nu, tout brutal et tout cru que ce libéralisme inverse. Le fatalisme est une erreur que je déplore ; l’absolutisme plus ou moins tempéré par les mœurs est un fardeau qui me pèse ; mais au moins on entend ce que le gouvernement vous dit et l’on sait que lui répondre. On n’est pas d’accord avec lui, mais on parle la même langue. Lorsque un orateur auguste, répondant à l’Adresse du Corps législatif, assure que « nous redoutons les abus de la liberté plus encore que les abus du pouvoir, » il n’y a pas d’équivoque possible. Nous répliquons hardiment « Non, Sire, vous vous trompez, ou vos ministres vous renseignent mal sur l’état de l’esprit public. Nous redoutons les abus du pouvoir, parce que nous les voyons tous les jours, et nous les sentons à toute heure depuis tantôt quinze ans. Quant à la liberté, comment en craindrait-on l’abus, quand on en a désappris jusqu’à l’usage ? Vous tenez à conserver votre pouvoir intact, parce qu’il vous est plus agréable ainsi et plus commode, et qu’il vous permet de faire sans distraction des choses quelquefois excellentes ; ce désir est logique, il est conforme aux intérêts actuels, immédiats de la situation que vous occupez. Nous pouvons être incommodés de ce qui vous paraît bon pour vous, mais quand l’animal le plus humble a l’instinct de conservation, il est trop naturel que l’État, cet organisme supérieur, s’applique à protéger son existence. Mais nous avons aussi des besoins légitimes, et le plus impérieux de tous, maintenant que l’ordre est solidement établi, est une soif de liberté. Essayez seulement de nous laisser libres : nous nous en trouverons mieux, et qui sait ? peut-être vos intérêts ne s’en trouveront pas plus mal. Vos ministres auront un supplément de besogne et de tracas ; la critique glissera souvent un grain de sable dans le petit pain que vos chefs de bureau mangent à leur déjeuner mais quand même un de ces messieurs se casserait la dent par mégarde, le pouvoir ne serait pas sensiblement ébranlé. Tout au contraire : issu du suffrage universel, le pouvoir ne peut vivre aujourd’hui que par l’assentiment quotidien du peuple ; chaque concession qu’il nous fait l’affermit sur sa base, en rétablissant l’harmonie des gouvernants et des gouvernés. » Voilà ce que les amis de la liberté osent dire poliment aux grands chefs qui nous la refusent. Nous n’en sommes pas moins les adversaires du pouvoir dans huit ou neuf questions sur dix, mais nous parlons la même langue que lui, d’où je conclus que nous arriverons peut-être un jour à nous entendre. Comment s’entendrait-on avec les éloquents et les subtils qui font du jour la nuit et de la liberté l’esclavage ?

C’est nous qui sommes les ennemis de la liberté, au compte de ces messieurs, parce que nous voulons émanciper tous les pauvres du pays en leur apprenant à lire !

C’est nous qui sommes les factieux lorsque nous réclamons l’application des lois.

Une congrégation détestable, ennemie déclarée de toutes les idées modernes, accapare non-seulement les millions, mais les générations, capte les héritages, fausse les esprits, corrompt les âmes, enseigne ouvertement la haine de nos principes et le mépris de nos institutions. Nous demandons que l’horreur de la liberté ne soit plus professée par les jésuites, et l’on nous impose silence au nom de la liberté !

Les philosophes réclament le droit de ne pas payer les frais du culte, et ils donnent, je crois, des raisons sans réplique. Le culte leur est indifférent, toutes les fois qu’il ne leur est pas désagréable. Celui qui ne fréquente pas les églises n’a que faire de les bâtir et de les meubler, et celui qu’on injurie publiquement du haut de la chaire devrait être dispensé de nourrir ses insulteurs. On nous répond que la conscience des fidèles ne s’épanouit à l’aise que dans des bâtiments très-vastes et très-ornés, au milieu d’un clergé nombreux et bien nourri ; que ce luxe, au plus juste prix, coûte 46 millions par an, et que le philosophe, en refusant un sou de ces 46 millions, violerait la plus sainte de toutes les libertés, qui est la liberté de conscience. Peste ! Il est bien heureux que la conscience des catholiques se soit humanisée depuis un siècle ou deux ; car si elle reprenait goût à la grillade, elle ne nous demanderait pas seulement notre argent, mais aussi notre peau, toujours au nom de la liberté de conscience !

J’ai l’air d’exagérer ; mais non : cela s’est vu. Il est vrai qu’autrefois les inquisiteurs étaient des hommes simples, qui appelaient les choses par leurs noms. Ils ne marmottaient pas des devises de liberté en poussant les verrous du Saint-Office ; ils n’avaient pas l’esprit de railler un pauvre diable en le menant à la mort et de lui dire « Tu vois ce bûcher ? Je l’appelle une glacière. »

Les sceptiques qui composent le nouveau parti libéral ont mis au jour un argument qui serait bien plaisant s’il ne concluait à l’iniquité la plus atroce. Le voici dans son nu :

« La conscience de 37 millions de Français a besoin d’un chef qui maintienne l’unité catholique ; elle veut que ce chef réside à l’extérieur et qu’il soit indépendant. Or, comme il n’y a d’indépendance que dans la souveraineté, nos 37 millions de consciences veulent absolument que le pape règne à Rome et qu’il opprime 600 000 Italiens qui ne nous ont rien fait ! »

J’admets qu’il y ait parmi nous 37 millions de catholiques cléricaux et ultramontains, ce qui manque de vraisemblance. Parmi les citoyens français qui ont été baptisés dans une église catholique, on trouverait, je crois, un certain nombre de déistes, de rationalistes, d’athées, de positivistes, de sceptiques, et surtout d’indifférents. Le vieux dicton populaire : « Je me moque de ça comme du pape, » est d’origine française ; je ne sache pas que nous l’ayons traduit de l’allemand ou de l’anglais.

Mais quand même la conscience de M. Thiers et la mienne et la vôtre, lecteur, auraient besoin de posséder un roi-prêtre hors du pays, s’ensuivrait-il logiquement que ce roi dût opprimer 600 000 hommes ? Jamais conscience chrétienne n’a pu élever des prétentions aussi exorbitantes que celle-là.

L’honorable M. Thiers croyait en 1849 qu’il fallait immoler trois millions d’Italiens à « cet intérêt de premier ordre » qui s’appelle le pontificat. Aujourd’hui, la Révolution a réduit le chiffre des victimes, et M. Thiers semble adhérer au progrès accompli : une fois n’est pas coutume. Mais si 2 400 000 Italiens ont pu s’affranchir du despotisme sénile de leurs prêtres, pourquoi n’essayerait-on pas d’en délivrer encore quelques autres ? La ville de Rome ne compte pas plus de 175 000 habitants. Le reste est dispersé dans la campagne, et vit fort mal.

Les Romains de la ville sont, d’après M. Thiers, les obligés de la papauté. L’éminent orateur, qui est en outre un grand historien, a découvert que Rome devait tout à la société chrétienne. C’est un pape qui a vaincu Annibal et détruit Carthage ; plusieurs papes de génie ont conquis l’Espagne, la Grèce, la Gaule, la Germanie, l’Asie et le nord de l’Afrique. Scipion, Marius, César et autres chrétiens éminents ont fait de cette heureuse cité « la capitale d’un des plus grands empires du monde ! » L’historien national le dit ; il faut le croire. « Et ces monuments, dit-il, ces monuments immortels qui attirent chez eux le concours de tous les peuples du globe, à qui les doivent-ils ? à la chrétienté ! » En vérité, la science est une admirable chose, et rien n’est plus utile que d’écouter les grands historiens. On croyait jusqu’ici que les papes avaient gâté et trop souvent démoli les chefs-d’œuvre de l’architecture romaine ; on répétait par habitude le vieux calembour que vous savez :

Quod non fecerunt Barbari, fecerunt Barberini.

On déplorait même un peu, lorsqu’on avait du goût, cette affluence de richesses mal acquises qui permit aux pontifes du dix-septième et du dix-huitième siècle d’écraser la plus belle ville du monde sous les monuments les plus fastueux et les plus lourds. Mais passons ! Si les 175 000 Romains de la ville croient devoir une certaine reconnaissance au pouvoir qui les opprime de père en fils, ils le diront. Mais les 425 000 autres sujets du pape n’ont ni le souvenir orgueilleux de la conquête du monde, ni la vue des monuments trop lourds et des églises trop riches, pour se consoler de l’ilotisme auquel vous les condamnez. De tous les biens que le pouvoir temporel prodigue à l’univers, ils n’en connaissent qu’un : la fièvre paludéenne. Il n’y a pas de raison, même dans le discours de M. Thiers, contre l’émancipation de ces pauvres gens-là.

Restent 175 000 individus qui subiront éternellement le despotisme d’un prêtre, pour que les consciences de notre pays s’épanouissent en liberté. À ce prix seulement nous pourrons vivre heureux et disserter en termes choisis, dans les salons et dans les assemblées, sur les libertés nécessaires. Ô liberté ! que de crimes on commet encore en ton nom !

Est-il donc vrai, toute rhétorique à part, qu’un prêtre ne puisse être libre, s’il n’est despote ? Faut-il admettre aveuglément, ou sur la foi d’un homme d’esprit, qu’il n’y a d’indépendance que dans la souveraineté ? » Pour marier des cousins germains, éplucher des cas de conscience, discuter gravement des questions de liturgie, excommunier les idées modernes, mettre Dumas père et Dumas fils à l’index, et canoniser un jésuite de temps en temps, est-il absolument nécessaire de porter la couronne et de frapper monnaie ?

S’il n’y a pas moyen d’accommoder les choses, et que les consciences catholiques soient intraitables sur ce point, faut-il absolument que le pape règne à Rome et non ailleurs ? Les Romains se sont dévoués assez longtemps ; il serait juste enfin de leur donner congé et d’offrir à la papauté d’autres victimes. À qui le tour ? Personne ne répond. M. Thiers lui-même, j’en suis sûr, ne consentirait pas à loger le pape en France. Il tient à le laisser à Rome, parce que M. Thiers est ami de l’Autriche et ennemi de l’Italie : il compte sur les ravages qu’une balle oubliée, un éclat d’obus ou tout autre corps inerte produit à la longue dans un corps vivant. Reste à savoir si la nation française est pour l’Autriche avec M. Thiers, ou pour l’Italie contre lui.

L’honorable orateur a déployé dans sa plaidoirie toutes les ressources d’un esprit subtil. Cependant il a oublié un argument très-neuf et très-piquant, qu’un de ses nouveaux alliés m’adresse aujourd’hui même par la poste.

Le chanoine Salvador Petronio Russo, Sicilien d’origine et jésuite de profession, si je ne me trompe, a publié une brochure où il défend, lui aussi, le pouvoir temporel au nom de la liberté de conscience. Cet opuscule, où la foi la plus vive et la polémique la plus ardente remplacent avantageusement l’érudition et la logique, a été traduit à Dijon par M. l’abbé Victorin Simonet, qui l’a enrichi de ses observations personnelles. Simonet vous est peut-être inconnu et Petronio n’avait pas encore logé son nom dans la mémoire des hommes ; mais l’un des deux au moins mérite d’être cloué sur cette page, aux yeux de tous les honnêtes gens du pays. C’est lui qui a volé le petit Coën à ses parents, et il s’en vante !

Non-seulement il s’en vante, le malheureux, mais il tire de cet exploit un argument décisif en faveur du pouvoir temporel : « Si l’Église n’était pas souveraine, on ne serait pas libre de se sauver dans ses États ! »

Qu’en pense l’honorable M. Thiers ?

Il est certain qu’en France et dans tous les pays où l’Église n’est pas tout à fait souveraine, un tel crime ne serait pas toléré. À Rome, sous la protection du drapeau français, il a été non-seulement impuni, mais sanctionné par le chef de l’État, qui en fait son affaire personnelle.

Plusieurs versions ont circulé dans le public : voici la bonne, puisqu’elle émane du héros lui-même.

Petronio était lié avec deux cordonniers de son pays, bourboniens et fanatiques. Ces messieurs avaient leurs boutiques à deux pas du Ghetto. Un jour que le chanoine était allé faire une visite à ses amis, il les trouve en pleine discussion avec un juif, marchand de mouchoirs. Il n’était question ni de cuirs ni d’étoffes, mais du catholicisme comparé à la religion des Hébreux. Le chanoine intervient avec cette douce autorité qu’on admire chez les prêtres, partout où ils sont les plus forts. Il écrase le juif et lui ferme aisément la bouche. Ceux qui savent comment la liberté de conscience est tolérée au Ghetto devinent que le pauvre marchand n’osa pas répondre grand’chose. Un apprenti de onze ans travaillait dans un coin. Petronio, vainqueur, après avoir mis son ennemi en fuite, se tourne vers l’enfant et lui dit :

« Savais-tu ces belles choses-là ? les avais-tu déjà entendu dire si élégamment au catéchisme ?

— Ah bah ! interrompt le cordonnier ; c’est un enfant de juif !

— Bon Dieu ! mais il n’a pas la physionomie d’un juif. Dis-moi, mon bon petit enfant, aurais-tu par hasard le désir de te faire chrétien ?

— Oui. »

Voilà ce que j’appelle une vocation miraculeuse. Là-dessus, Petronio embrasse le petit, lui fait faire le signe de la croix, et lui apprend l’Ave Maria en latin. C’était le 8 juillet. Le 25 du même mois, les cordonniers, en compagnie d’un autre prêtre sicilien qui passait là par hasard, conduisent le petit au catéchuménat. On l’expédie à Frascati, où un cardinal constate sa vocation, et enfin, le 29 septembre, on le baptise malgré les cris et les larmes de ses parents.

L’enfant était d’ailleurs d’une précocité admirable, car déjà il disait : « Je ne puis plus voir les juifs !… Les juifs, on le sait, font toujours des tracasseries. »

Ses parents n’ont pas été admis à causer avec lui, mais les pauvres gens rôdaient autour du catéchuménat comme des âmes en peine. On l’appelait, on lui faisait des signes : il répondait à tout comme un jeune perroquet bien nourri. Il criait fort correctement à son père : « Ne m’importunez pas davantage ! »

Le baptême s’est célébré au noviciat des R. P. Jésuites. Le parrain est M. de Maistre, un nom connu dans l’histoire de la liberté de conscience.

Petronio parle avec un profond mépris « des réclamations importunes de M. de Sartiges ; » il cite la constitution de Benoît XIV (24 février 1747), d’après laquelle on peut convertir un enfant sans le consentement de son père lorsqu’il est parvenu à l’âge de raison, soit sept ans. Or, le jeune Coën a onze ans, donc, toute discussion sur la question de droit serait impertinente au premier chef.

Qu’il se trouve des papes pour autoriser ces infamies, des jésuites et des savetiers pour les commettre, et même un prêtre français pour en traduire le récit insolent, ce n’est pas ce qui me scandalise ; mais qu’un vétéran de la discussion, un député de la ville la plus libérale de notre pays défende la liberté de conscience dans le même esprit et presque dans les mêmes termes que Petronio Russo, cela m’afflige.

  1. Voir Causeries, tome I. Les conseils d’un orateur libéral.