Imprimerie Royale (p. 255-270).
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A C T E   V.
S C È N E   P R E M I È R E
C I C É R O N, ſeul.

Caton ne paraît point, et la nuit qui s’avance
Accroît à chaque inſtant l’horreur qui la devance.
Pétréius, invité de hâter ſon retour,
Ne peut plus arriver avant la fin du jour ;
Et ce jour malheureux était le ſeul peut-être
Qui pouvait me flatter de triompher d’un traître :
Plus ſur ſon innocence il a cru m’abuſer,
Plus mon cœur défiant s’obſtine à l’accuſer.
Je ſais qu’à Manlius il vient d’ôter la vie ;
C’eſt pour mieux m’éblouir qu’il nous le ſacrifie.
Trop heureux ſi je puis à mon tour lui cacher
Le péril du décret qu’il vient de m’arracher !
Mais nous ſommes perdus ſi jamais il devine
Qu’en ſecret par Céſon je trame ſa ruine ;
Des pièges qu’on lui tend habile à ſe venger,
Il en ferait ſur moi retomber le danger.
Rufus m’aſſure en vain d’une longue défenſe,
Céſon eſt déſormais mon unique eſpérance.

Quelle honte pour vous, indomptables romains,
De n’avoir pour appui que de ſi faibles mains !
Ô toi, qu’en ſes malheurs Rome toujours implore,
Et que ſans te nommer en ſecret elle adore ;
Toi, qui devais un jour, couronnant ſes exploits,
Soumettre à ſon pouvoir les peuples et les rois,
Daigne aujourd’hui du moins, favorable génie,
La ſauver de l’opprobre et de la tyrannie.
Caton ne revient point ; je crains que ſon ardeur
Plus loin que je ne veux n’entraîne ſon grand cœur.
Mais je le vois, c’eſt lui. Quoi ! Vous êtes en armes ?
Venez-vous redoubler, ou calmer nos alarmes ?


S C E N E   I I.
Caton, Cicéron.
C A T O N.

Je voudrais vainement, dans ce déſordre affreux,
Vous promettre, conſul, quelque ſuccès heureux :
Le deſtin du ſénat eſt d’autant plus terrible
Que la main qui nous frappe eſt encore inviſible ;
Victorieux, vaincu, j’ai combattu longtemps
Sans pouvoir reconnaître un ſeul des combattants.
Nos ſoldats étonnés, peu touchés de leur gloire,
N’ont plus ce noble orgueil garant de la victoire :

J’ai vu non ſans frémir nos premiers vétérans
Muets, intimidés, abandonner les rangs.
La nuit achèvera bientôt de tout confondre ;
Et Rufus de Céſon n’oſe plus me répondre.
Si Pétréius enfin ne vient nous ſecourir,
Il ne nous reſtera que l’honneur de mourir :
Mais ſi nous en croyons les lenteurs de Pompée,
Notre attente ſur lui ſera toujours trompée :
Son lieutenant, nourri dans cet abus fatal,
N’imitera que trop ce tiède général.
Cependant il eſt temps que Pétréius arrive ;
La chaleur du combat ne peut être plus vive.
Le fier Catilina, revêtu d’un emploi
Dont vous avez voulu le charger malgré moi,
Sur le frivole eſpoir de pouvoir le ſurprendre
Dans des pièges nouveaux que vous croyez lui tendre,
L’adroit Catilina vous aura pénétré :
Aux portes de Préneſte il ne s’eſt point montré ;
L’intrépide Rufus, qui s’en eſt rendu maître,
À ce poſte du moins ne l’a point vu paraître ;
Et je crains qu’il ne ſoit au palais de Sylla,
Car j’en ai vu ſortir Célius et Sura :
Pomponius, ſuivi d’une troupe fidèle,
L’inveſtit, et pour vous rien n’égale ſon zèle ;
Il a fait mettre aux fers, ſur l’avis de Céſon,
Pluſieurs ſéditieux, les gaulois, et Sunnon.

Soit haine, ſoit mépris, deſſein, ou négligence,
L’indifférent Craſſus garde un honteux ſilence.
Céſar ſe tait auſſi ; quel qu’en ſoit le ſujet,
Rien n’eſt ſi dangereux que Céſar qui ſe tait ;
Cependant ſon palais, dans une paix profonde,
Eſt, ſelon ſa coutume, ouvert à tout le monde.
La moitié du ſénat défend le champ de mars,
Où le peuple en fureur accourt de toutes parts ;
Rome enfin n’offre plus que l’effroyable image
D’un champ couvert de morts, et ſouillé de carnage.
Mais ce qui me ſurprend, c’eſt que Pomponius
M’a dit qu’en aucun lieu l’on n’a vu Manlius.

C I C É R O N.

Manlius ne vit plus.

C A T O N.

Manlius ne vit plus.Dieux ! Quel bonheur extrême !
Qui l’a donc immolé ?

C I C É R O N.

Qui l’a donc immolé ?Catilina lui-même.

C A T O N.

Conſul, vous m’alarmez ; et je crains que Céſon
N’abuſe comme vous d’un injuſte ſoupçon.
Gardons-nous d’attaquer un homme impénétrable,
Qu’il faut craindre encor plus innocent que coupable.

C I C É R O N.

Caton, écoutez moins cette rare candeur.
Eh ! Qui de tant de maux pourrait être l’auteur ?
Qui, hors Catilina, peut vouloir nous détruire ?
À de fauſſes lueurs vous laiſſez-vous ſéduire ?
Que Manlius ſoit mort, qu’il l’ait ſacrifié,
C’eſt prouver ſeulement qu’il s’en eſt défié :
Je ne vois dans ce coup que le meurtre d’un traître,
Qu’un autre a prévenu dans la crainte de l’être.
Plût aux dieux que, moins lent à punir ſes forfaits,
Du chef des conjurés Céſon nous eût défaits !
Si de quelque ſuccès ſon audace eſt ſuivie,
Ses cruautés n’auront de bornes que ſa vie.
Des infâmes complots formés par Céthégus
Ne voudriez-vous pas excepter Lentulus ?
Bientôt juſque ſur vous leur fureur va s’étendre.
Mais c’eſt trop s’arrêter.

C A T O N.

Mais c’eſt trop s’arrêter.Conſul, daignez attendre :
Je ne ſouffrirai point qu’abandonnant ces lieux
Vous oſiez expoſer des jours ſi précieux ;
C’eſt votre ami, c’eſt moi qui vous en ſollicite :
De chevaliers romains une troupe d’élite
Par mon ordre bientôt va ſe rejoindre à nous ;
Permettez qu’avec eux je combatte pour vous.

Mais je vois Lucius ; que vient-il nous apprendre ?


SCÈNE III.
Cicéron, Caton, Lucius.
L U C I U S.

Qu’à l’inſtant près de vous Pétréius va ſe rendre ;
J’entends déjà ſon nom voler de toutes parts,
Et déjà ſes ſoldats ont bordé les remparts :
Sans le ſecours heureux que le ciel nous envoie
Aux plus cruelles mains Rome allait être en proie.
Nous avons vu trois fois le fier Catilina
S’élancer en fureur du palais de Sylla,
Renverſer, foudroyer nos plus fermes cohortes ;
Trois fois, mais vainement, il a tenté les portes :
Je l’ai vu preſque ſeul ſe mêler parmi nous ;
J’ai vu Céſon lui-même expirer ſous ſes coups ;
De qui l’oſe attaquer la ruine eſt certaine,
Et Rufus contre lui ne ſe ſoutient qu’à peine.
Seigneur, il m’a chargé de vous en avertir.

C A T O N.

Je vois nos chevaliers ; il eſt temps de partir.


SCÈNE IV.
Cicéron, Caton, Tullie.
T U L LI E.

Seigneur, où courez-vous, tandis que le carnage
Au ſoldat furieux laiſſe à peine un paſſage ?

C I C É R O N.

Raſſurez-vous, ma fille, et reſtez en ces lieux ;
Bientôt nous reviendrons y rendre grâce aux dieux :
Ce temple en attendant vous ſervira d’aſile ;
Que ſur Rome et ſur moi votre cœur ſoit tranquille.


SCÈNE V.
T U L L I E.

Eſpoir des malheureux, dieux, ſoyez mon recours !
Hélas ! C’eſt de vous ſeuls que j’attends du ſecours.
À quel excès de maux me voilà parvenue !
On me fuit, on ſe tait : ô ſoupçon qui me tue !
Que je plains les malheurs de ce fatal décret,
Que mon père a paru m’accorder à regret !
Loin d’oſer ſur ce choix lui faire violence,
Ne devais-je pas mieux pénétrer ſon ſilence ?

J’entends avec fureur nommer Catilina ;
On dit qu’il ſe retranche au palais de Sylla,
Tandis qu’en d’autres lieux il aurait dû paraître.
Eſt-ce là, s’il m’aimait, que l’ingrat devrait être ?
Peut-il m’abandonner en cette extrémité ?
Quel uſage fait-il de ſa fidélité ?
Aucun de ſes amis n’accourt pour ma défenſe ;
Et tous, juſqu’à Probus, évitent ma préſence.
D’un funeſte décret n’aurais-je armé ſa main
Que pour voir immoler juſqu’au dernier romain ?
Cruel Catilina, ſoit perfide ou fidèle,
Que tu coûtes de pleurs à ma douleur mortelle !
Que dis-je ? Et Manlius qu’il a ſacrifié
Ne l’a-t-il pas déjà plus que juſtifié ?
Ne l’aimerai-je donc que pour lui faire outrage ?
Dieux, éloignez de moi cet horrible nuage.
On vient : c’eſt lui. Je ſens redoubler mon effroi.


SCÈNE VI.
Catilina, ſans épée, un poignard à la main ; Tullie.
T U L L I E.

Seigneur, en quel état vous offrez-vous à moi ?
Quoi ! Tout couvert de ſang ! Quel déſordre effroyable !

À qui réſervez-vous ce fer impitoyable ?
Que vois-je ?

C A T I L I N A.

Que vois-je ?Un malheureux qui vient d’être vaincu,
Honteux de vivre encore, ou d’avoir tant vécu.
Dieux, qui m’abandonnez à mon ſort déplorable,
Ramenez-moi du moins l’ennemi qui m’accable.
En vain, pour le chercher, j’échappe à mille bras,
Le lâche à ma fureur ne s’expoſera pas.
Tandis qu’au déſespoir tout mon cœur eſt en proie,
Mes cruels ennemis ſe livrent à la joie.
Ce fer, que je gardois pour leur percer le flanc,
Ne ſera plus ſouillé que de mon propre ſang.

TULLIE à part.

Fatale vérité, que j’ai trop combattue,
De quel affreux éclat viens-tu frapper ma vue !
à Catilina.
Écoutez-moi, Seigneur, et reprenez vos ſens.
Qui peut vous arracher ces terribles accents ?
Si vous êtes vaincu, mon père eſt donc ſans vie ?

C A T I L I N A.

Eh ! Sait-il ſeulement qu’on meurt pour la patrie ?
Ce n’eſt pas vous, c’eſt lui que je cherche en ces lieux ;
Fuyez, éloignez-vous d’un amant furieux.
Dieux ! Après tant d’exploits dignes de mon courage,
Il ne me reſtera qu’une inutile rage !

Ah ! Si j’euſſe manqué de prudence ou de cœur,
Je pourrais au deſtin pardonner mon malheur ;
Mais que n’ai-je point fait dans ce moment terrible !
Et que fallait-il donc pour me rendre invincible ?
Intrépides amis, dignes d’un ſort plus doux,
Vous êtes morts pour moi, j’oſe vivre après vous !
Quoi ! Sylla preſque ſeul, plus heureux que grand homme,
N’eut beſoin que d’un jour pour triompher de Rome ;
Et moi, triſte jouet du perfide Céſon,
Je ſuis vaincu deux fois, et par toi, Cicéron !
Quoi ! Dans le même inſtant qu’il faut que Rome tombe,
C’eſt toi qui la ſoutiens, et c’eſt moi qui ſuccombe !
Mon génie, accablé par ce vil plébéien,
Sera donc à jamais la victime du ſien ?
Après m’avoir ravi la dignité ſuprême,
Ce timide mortel triomphe de moi-même !
Fortune des héros, ce n’eſt pas ſur les cœurs
Que l’on te vit toujours meſurer tes faveurs.
Que l’on doit mépriſer les lauriers que tu donnes,
Puiſque c’eſt Cicéron qu’aujourd’hui tu couronnes !
Ô de mon déſespoir vil et faible inſtrument,
Tu me reſtes donc ſeul dans ce fatal moment !
Mes généreux amis ſont morts pour ma défenſe ;
Et, pour comble d’horreurs, je mourrai ſans vengeance !
Dieux cruels, inventez quelque ſupplice affreux,
Qui puiſſe être pour moi plus triſte et plus honteux !

T U L L I E.

Malheureux ! Que dis-tu ? Quand la mort t’environne,
Ton cœur reſpire encor le fiel qui l’empoiſonne,
Et gémit de laiſſer des crimes imparfaits !

C A T I L I N A.

Qu’entends-je ? On m’oſe ici reprocher des forfaits !
Cœur faible, qui, rampant ſous de lâches maximes,
Croyez l’ambition une ſource de crimes,
Vaine erreur qu’un grand cœur ſut toujours dédaigner,
Apprenez que le mien était fait pour régner.
Rome eſclave, ſans frein, avait beſoin d’un maître :
J’ai voulu lui donner le ſeul digne de l’être ;
C’eſt moi. Si vous oſez condamner ce projet,
Vous ne méritez pas d’en devenir l’objet.
N’auriez-vous pas voulu, pour gouverner l’empire,
Que j’euſſe de Caton conſulté le délire ;
Ou que, faiſant un choix plus conforme à vos vœux,
J’euſſe, pour avilir tant d’hommes généreux,
Donné ma voix au dieu que le ſénat révère,
Lui dont la ſeule gloire eſt d’être votre père ?

T U L L I E.

Songez qu’il eſt du moins l’arbitre de vos jours.

C A T I L I N A.

Voilà celui qui doit décider de leur cours.

Tout vaincu que je ſuis, craignez de voir paraître
Cet arbitre nouveau qu’on me donne pour maître.

T U L L I E.

Écoutez-moi, cruel, avant que la fureur
Achève d’aveugler votre indomptable cœur :
Les moments nous ſont chers ; et celui-ci, peut-être,
Va flétrir ſur l’airain le jour qui vous vit naître.
Encor ſi, dans les champs où préſide l’honneur,
Où le vaincu ſouvent peut braver le vainqueur,
Je vous voyais chercher une ſorte de gloire,
Je pourrais, ſans rougir, chérir votre mémoire :
Mais ſe donner la mort pour de honteux complots,
Eſt-ce donc là mourir de la mort des héros ?
Je devrais vous haïr ; mais votre mort prochaine
Éteint tout ſentiment de vengeance et de haine.
Mon cœur, de ſes devoirs autrefois ſi jaloux,
Qui, malgré tout l’amour dont il brûlait pour vous,
Se fit de votre perte un devoir légitime,
Ne ſait plus aujourd’hui que pleurer ſa victime.
Barbare, ſi jamais vous fûtes mon amant,
Si la mort vous paraît un frivole tourment,
Craignez-en un pour vous plus cruel : c’eſt moi-même ;
C’eſt une amante en pleurs, qui vous perd et vous aime ;
C’eſt ma douleur, qui va me conduire au tombeau.
Voulez-vous, en mourant, devenir mon bourreau ?

Reconnaiſſez ma voix ; c’eſt la fière Tullie,
Que l’amour vous ramène et vous réconcilie,
Qui veut vous arracher à votre déſespoir,
Et qui ne rougit plus de trahir ſon devoir.
Songez, Catilina, que Rome eſt votre mère ;
Qu’à vous, plus qu’à tout autre, elle doit être chère.
Renoncez à l’orgueil de vouloir mettre aux fers
Un peuple à qui les dieux ont ſoumis l’univers.
Pour ſauver votre honneur, n’employez d’autres armes
Qu’un retour vertueux, vos remords, et mes larmes :
Jurez-moi que jamais vous ne teindrez vos mains
De votre propre ſang, ni du ſang des romains.
Je vais vous dérober au coup qui vous menace ;
Ce que j’ai fait pour Rome obtiendra votre grâce.

C A T I L I N A.

Ma grâce eſt dans mes mains, cœur indigne du mien.
Cicéron vous a-t-il déjà tranſmis le ſien ?
Moi, fléchir ! Moi, prier ! Moi, demander la vie !
L’accepter, ce ſerait me couvrir d’infamie.

T U L L I E.

Eh bien ! Cruel, mépriſe un pardon généreux,
J’y conſens ; mais du moins, dans ton ſort malheureux,
De la part d’une amante accepte une retraite.

C A T I L I N A.

M’y pourriez-vous cacher ma honte et ma défaite ?

C’eſt là le trait cruel qui déchire mon cœur.
Ah ! S’il vous touche encor, reſpectez mon malheur.
Si de vous obéir ce cœur était capable,
J’aurais trop mérité le deſtin qui m’accable.
Dans l’état où je ſuis, loin de vous attendrir,
C’eſt vous qui devriez m’exciter à mourir,
Et même me prêter une main généreuſe.
Cachez à mes regards cette douleur honteuſe.
Que craignez-vous ? Ma mort ? La mort n’eſt qu’un inſtant
Que le grand cœur défie, et que le lâche attend.
Vous m’indignez : je ſens que ma raiſon s’égare.

T U L L I E.

Frappe ; mais, malgré toi, tu me ſuivras, barbare.
Ne crois pas m’effrayer par tes emportements ;
Je ne me connais plus dans ces affreux moments.
Quoi ! C’eſt Catilina qui manque de conſtance !
Malheureux ! Qu’attends-tu, ſans armes, ſans défenſe ?
Le ſénat va bientôt revenir en ces lieux ;
Veux-tu que je te voie égorger à mes yeux ?
Ingrat, ſuis-moi ; du moins, une fois en ta vie,
Reconnais, par pitié, l’empire de Tullie.
Tu n’as que trop bravé ſa tendreſſe et ſes pleurs ;
Prête-moi ce poignard.

C A T I L I N A, ſe perce, et donne le poignard à Tullie.

Prête-moi ce poignard.Le voilà.

T U L L I E.

Prête-moi ce poignard. Le voilà. Je me meurs !

C A T I L I N A.

Tout eſt fini pour moi : mais, ſi je perds la vie,
Du moins mes ennemis ne me l’ont point ravie.
Séchez vos pleurs, Tullie ; et que prétendez-vous
D’un cœur dont la mort ſeule éteindra le courroux ?
Étouffez des regrets que ma fierté dédaigne ;
C’eſt de mourir vaincu qu’il faut que l’on me plaigne.
voyant arriver les conjurés qu’on mène au ſupplice.
Voici le dernier coup que me gardait le Sort.


S C È N E   D E R N I È R E.
Catilina, Tullie, Lentulus, Céthégus, les licteurs.


C É T H É G U S, en paſſant.

Adieu, Catilina ; nous allons à la mort.

C A T I L I N A.

Amis infortunés, ma main vient de répandre
Ce ſang que j’aurais dû verſer pour vous défendre.

voyant paraître Cicéron et Caton.
Il ne me reſtait plus, pour comble de douleur,
Que d’expirer aux yeux de mon lâche vainqueur.

à Cicéron.

Approche, plébéien ; viens voir mourir un homme
Qui t’a laiſſé vivant pour la honte de Rome.

à Caton.

Et toi, dont la vertu reſſemble à la fureur,
Au gré de mes déſirs tu feras ſon malheur.
Cruels, qui redoublez l’horreur qui m’environne,

Il fait un mouvement pour ſe lever.

Qu’heureuſement pour vous la force m’abandonne !
Mais croyez qu’en mourant mon cœur n’eſt point changé.
Ô Céſar ! Si tu vis, je ſuis aſſez vengé.


F I N.