Catalogue de la collection de M. Crabbe

Mercure de France (p. 259-261).



CATALOGUE DE LA COLLECTION DE M. CRABBE[1]


DIAZ. — Papillotages de lumière tracassée à travers des ombrages énormes.

DUPRÉ. — Mirages magiques du soir.

LEYS. — Manière archaïque, première manière, plus naïve.

ROSA BONHEUR. — Le meilleur que j’aie vu, une bonhomie qui tient lieu de distinction.

DECAMPS. — Un des meilleurs. Grand ciel mamelonné, profondeur d’espace.

— Paysage énorme en petite dimension. L’âne de Balaam. A précédé les Doré.

— Trois soldats ayant coopéré à la Passion. Terribles bandits à la Salvator. La couronne d’épines et le sceptre de roseau expliquent la profession de ces malandrins.

MADOU. — Charlet flamand.

CABAT. — Très beau, très rare, très ombragé, très herbu, prodigieusement fini, un peu dur, donne la plus haute idée de Cabat, aujourd’hui un peu oublié.

RICARD. — Un faux Rembrandt. Très réussi.

PAUL DELAROCHE. — Donne une idée meilleure de Delaroche que l’idée habituelle. Étude simple et sentimentale.

MEISSONIER. — Un petit fumeur méditatif. Vrai Meissonier sans grandes prétentions. Excellent spécimen.

TROYON. 1860. — Excellents spécimens. Un chien se dresse contre un tertre avec une souplesse nerveuse et regarde à l’horizon.

— Vaches. Grand horizon. Un fleuve. Un pont.

— Bœuf dans un sentier.

ROBERT FLEURY. — Deux scènes historiques. Toujours le meilleur spécimen. Belle entente du théâtre.

JULES BRETON. — Deux.

ALFRED STEVENS. — Une jeune fille examinant les plis de sa robe devant une psyché.

— Une jeune fille, type de virginité et de spiritualité, ôte ses gants pour se mettre au piano.

Un peu sec, un peu vitreux.

Très spirituel, plus précieux que tout Stevens.

— Une jeune femme regardant un bouquet sur une console.

On n’a pas assez loué chez Stevens l’harmonie distinguée et bizarre du tout.

JOSEPH STEVENS. — Misérable logis de saltimbanques.

Tableau suggestif. Chiens habillés. Le saltimbanque est sorti et a coiffé un de ses chiens d’un bonnet de houzard pour le contraindre à rester immobile devant le miroton qui chauffe sur le poële.

JACQUE. — Plus fini que tous les Jacque. Une basse-cour à regarder à la loupe.

KNYFF. — Effet de soleil gazé. Éblouissement, blancheur. Un peu lâché à la Daubigny.

VERBOEKHOVEN. — Étonnant, vitreux, désolant à rendre envieux Meissonier, Landseer, H. Vernet. Ton à la De Marne.

KOEKKOEK. — Fer blanc, zinc, tableau dit d’amateur. Encore est-ce un des meilleurs spécimens.

VERIVÉE. — Solide.

COROT. — Deux. Dans l’un, transparence demi-deuil délicat, crépuscule de l’âme.

TH. ROUSSEAU. — Merveilleux, agatisé. Trop d’amour pour le détail, pas assez pour les architectures de la nature.

MILLET. — La bête de somme de La Bruyère. La bête courbée vers la terre.

BONINGTON. — Intérieur de chapelle. Un merveilleux diorama, grand comme la main.

WILHEMS. — Deux. — Préciosité flamande. La lettre. Le lavage des mains.

GUSTAVE DE JONGH. — Une jeune fille en toilette de bal, lisant de la musique.

EUGÈNE DELACROIX. — Chasse au tigre. Delacroix alchimiste de la couleur. Miraculeux, profond, mystérieux, sensuel, terrible ; couleur éclatante et obscure, harmonie pénétrante. Le geste de l’homme et le geste de la bête. La grimace de la bête, les reniflements de l’animalité.

Vert, lilas, vert sombre, lilas tendre, vermillon, rouge sombre, bouquet sinistre.

  1. Collection Crépet. — Quelques fragments de ce catalogue avaient été publiés par Gil Blas (14 juin 1890), à l’occasion de la vente de la collection Crabbe ; d’autres par l’Art et les Artistes, n° 26.