Catalectes/Catalecte V

Traduction par divers traducteurs sous la direction de Charles Nisard.
Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètesFirmin Didot (p. 457-458).

V.
CONTRE LUCIUS.

(5, 1) Le poëte est à bas, dis-tu, parce qu’il ne peut plus, comme autrefois, courir les mers, braver les durs frimas, endurer les feux du jour, et suivre les armes du vainqueur. J’ai, crois-le bien, j’ai encore toute ma colère, toute ma vieille fureur, et ma langue tout entière pour te servir ; rien ne me manque, pas même ta sœur qui m’a prostitué sa jeunesse infâme. À quel propos me provoques-tu, impudique, digne de la censure de César ? (5, 10) Tu veux donc que je conte et tes vols, et ton patrimoine englouti, et ta tardive économie aux dépens de ton frère ; ou les festins où tu allais t’asseoir enfant avec des hommes faits, et ce sommeil pollué par la débauche, et ces cris qui tout à coup éclataient à ton oreille : Thalassio ! Thalassio ! Pourquoi pâlir, femme ? ces plaisanteries te blessent-elles ? Est-ce que tu reconnais là tes hauts faits ? Va, ce n’est pas moi que tu attireras à tes belles Cotytties, (5, 20) au milieu des phallus en fête. Je ne te verrai pas mouvoir tes flancs, la main appliquée sur les deux ailes de la robe safranée, puis courir à l’appel des galants à l’odeur de marée, sur les bords du Tibre aux ondes jaunes, là où viennent aborder les bateaux retenus dans le gué par la vase fétide, et luttant contre de maigres eaux. Je ne te suivrai point à la taverne, aux graisseuses compitalies, aux sales banquets d’où, replet comme l’éponge que gonflent les eaux de vaisselle, (5, 30) tu reviens à ton épouse obèse pour écraser savamment son embonpoint fumant, et pour humecter ses joues de tes longs baisers. Attaque-moi maintenant, harcèle-moi de plus belle, si tu peux ; et alors je te nomme ici en toutes lettres. Impur Lucius, est-ce que tes richesses t’ont quitté ? Est-ce que la famine fait claquer tes mâchelières ? Oui, je te verrai n’ayant plus rien que des frères paresseux, ayant Jupiter contre toi, (5, 39) le ventre pourfendu, et les jambes cagneuses de ton oncle le herniaire.