Catéchisme français et républicain/06

chez Debarle (p. 20-31).

DÉCLARATION
DES DROITS
de l’homme et du citoyen.


LE peuple Français, convaincu que l’oubli et le mépris des droits naturels de l’homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d’exposer, dans une déclaration solemnelle, ces droits et inaliénables, afin que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer et avilir par la tyrannie, afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat, la règle de ses devoirs ; le législateur, l’objet de sa mission.

En conséquence, il proclame, en présence de l’Être suprême, la déclaration suivante des Droits de l’homme et du citoyen.

Article Premier.

Le but de la société est le bonheur commun ; le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

II. Ces droits sont l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.

III. Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.

IV. La loi est l’expression libre et solemnelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.

V. Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics ; les peuples libres ne connoissent d’autres motifs de préférence dans leurs élections, que les vertus et les talens.

VI. La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui ; elle a pour principe, la nature ; pour règle, la justice ; pour sauvegarde, la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qui te soit fait.

VII. Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par l’usage de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits.

La nécessité d’énoncer ses droits suppose, ou la présence, ou le souvenir récent du despotisme.

VIII. La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

IX. La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent.

X. Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Tout citoyen appelé ou saisi par l’autorité de la loi, doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.

XI. Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudroit l’exécuter par la violence, a le droit de le repousser par la force.

XII. Ceux qui solliciteroient, expédieroient, signeroient, exécuteroient ou feroient exécuter des actes arbitraires, sont coupables, et doivent être punis.

XIII. Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter ; toute rigueur qui ne seroit pas nécessaire pour s’assurer de sa personne ; doit être sévèrement réprimée par la loi.

XIV. Nul ne doit être jugé et puni, qu’après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu’en vertu d’une loi promulgée antérieurement au délit. La loi qui puniroit des délits commis avant qu’elle existât, seroit une tyrannie ; l’effet rétroacrétroactif donné à la loi, seroit un crime.

XV. La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit, et utiles à la société.

XVI. Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

XVII. Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l’industrie des citoyens.

XVIII. Tout homme peut engager ses services, son tems ; mais il ne peut se vendre ni être vendu ; sa personne n’est pas une propriété aliénable. La loi ne connoît point de domesticité ; il ne peut exister qu’un engagement de soins ; de reconnoissance entre l’homme qui travaille et celui qui l’emploie.

XIX. Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

XX. Nulle contribution ne peut être établie que pour l’utilité générale. Tous les citoyens ont droit de concourir à l’établissement des contributions, d’en surveiller l’emploi, et de s’en faire rendre compte.

XXI. Les secours publics sont une dette sacrée ; la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.

XXII. L’instruction est le besoin de tous ; et la société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens.

XXIII. La garantie sociale consiste dans l’action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la consevation de ses droits.

Cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

XXIV. Elle ne peut exister si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n’est pas assurée.

XXV. La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

XXVI. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée, doit jouir du droit d’exprimer sa volonté avec une entière liberté

XXVII. Que tout individu qui usurperoit la souveraineté, soit à l’instant mis à mort par les hommes libres.

XXVIII. Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa constitution. Une génétation ne peut assujétir à ses loix les générations futures.

XXIX. Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agens.

XXX. Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.

XXXI. Les délits des mandataires du peuple et de ses agens, ne doivent jamais être impunis ; nul n’a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.

XXXII. Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique, ne peut en aucun cas être interdit, suspendu, ni limité.

XXXIII. La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’homme.

XXXIV. Il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé.

XXXV. Quand gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs.

Il y a oppression contre chaque membre, lorsque le corps social est opprimé.