Catéchisme d’économie politique/1881/24

Texte établi par Charles Comte, Joseph GarnierGuillaumin (p. 139-143).

IV

CHAPITRE XXIV.

De la Consommation en général.


Qu’est-ce que consommer ?

C’est détruire l’utilité qui est dans un produit, et par là lui ôter la valeur que cette utilité lui donnait.

Donnez-moi l’exemple de quelques consommations.

Consommer des vivres, ce n’est pas détruire la matière dont se composaient les vivres, car il n’est pas au pouvoir de l’homme de détruire de la matière, c’est détruire ce qui faisait l’utilité de cette matière, la propriété qu’elle avait de servir d’aliment.

Consommer un habit, ce n’est pas détruire cet habit, car les parcelles qui s’en sont détachées à mesure qu’il a été usé, ont été répandues dans l’univers et subsistent encore quelque part, mais c’est détruire toute l’utilité qui se trouvait dans l’habit ; de manière que, ne pouvant plus être bon pour personne, personne ne consent à offrir aucun autre produit pour en devenir possesseur.

Une consommation se mesure-t-elle sur le poids, le nombre ou la grandeur des objets consommés ?

Non ; de même que la production se mesure par la valeur des choses produites, la consommation se mesure par la valeur des choses consommées. Une grande consommation est celle qui détruit une grande valeur, quels que soient les objets où cette valeur réside. Lorsqu’on fait usage d’objets qui n’ont point de valeur, comme des cailloux, de l’eau, etc., la consommation est nulle.

Y a-t-il des objets ayant une valeur qui ne soient pas susceptibles d’être consommés ?

L’homme ne peut ôter aux choses que la valeur qu’il leur a donnée lorsqu’il en a fait des produits. Ainsi, il peut consommer en totalité une valeur capitale, en consommant, sans reproduction, les produits dont la valeur était employée à faire des avances à la production ; mais il ne peut pas consommer le fonds d’un champ de blé, qui est une valeur que la nature a donnée gratuitement à son premier propriétaire.

N’y a-t-il pas des produits qui ne sont pas susceptibles d’être consommés ?

Non, mais il y a de grandes différences dans la rapidité avec laquelle ils sont consommés. La consommation d’une pêche est plus prompte que celle d’une bougie ; celle d’une bougie plus rapide que celle d’un cheval ; une maison sert plus longtemps qu’un cheval, mais elle s’use plus vite qu’un diamant. La valeur des objets qui durent très longtemps, comme celle de la vaisselle d’argent, passe pour une valeur capitale, parce qu’elle se trouve presque aussi grande à la fin de l’année qu’au commencement, et qu’elle se perpétue comme un capital, mais non par le même moyen ; car un capital se perpétue parce que sa valeur se reproduit à mesure qu’elle est consommée, et la vaisselle d’argent se perpétue parce qu’elle ne s’use pas.

Peut-on consommer deux fois le même produit ?

Non ; car une valeur une fois détruite ne saurait être détruite de nouveau ; il faut qu’il ait une nouvelle production pour qu’il y ait une nouvelle consommation ; mais un produit peut être consommé en partie, puisqu’on peut détruire une portion seulement de sa valeur. Lorsqu’après avoir porté un habit qui valait cent francs, on peut encore le revendre cinquante francs, on a consommé la moitié de sa valeur.

Qu’entendez-vous par les consommations privées ?

Ce sont les destructions de valeur qui ont pour objet de satisfaire aux besoins des particuliers et des familles.

Et par les consommations publiques ?

Celles qui ont pour objet de satisfaire aux besoins communs d’une ville, d’une province, d’une nation.

La réunion des consommations privées et publiques fait la consommation nationale, qui comprend tout ce qui est consommé par une nation, soit pour l’usage du public, soit pour l’usage des particuliers.

Les consommations privées ou publiques sont-elles de même nature ?

On consomme différents objets pour le public et pour les familles ; pour le public, des munitions de guerre, des édifices publics ; pour les familles, des logements, des vêtements et des vivres ; mais quant à la nature et aux effets des deux consommations, ils sont absolument pareils. On consomme, dans les deux cas, des produits dont la valeur est le fruit d’une production, valeur qui se trouve détruite par l’usage qu’on en fait.

Qu’est-ce que la consommation annuelle ?

La consommation annuelle du public ou des particuliers est la somme des valeurs qu’ils consomment pendant le cours d’une année, soit pour satisfaire à tous leurs besoins, soit pour reproduire de nouvelles valeurs. Si les valeurs qu’ils reproduisent n’égalent pas la totalité des valeurs consommées par eux dans l’un et l’autre but, les familles et l’État s’appauvrissent ; ils s’enrichissent dans le cas contraire.

Quels sont les consommateurs d’un pays ?

C’est tout le monde ; car il n’est personne qui puisse subsister sans satisfaire aux besoins qu’exige l’état de vie. Nous consommons des valeurs dans tous les instants de notre existence, même pendant notre sommeil, puisque, dans ce temps-là même, nous consommons le lit où nous sommes étendus, le drap qui nous enveloppe, la tuile même qui nous couvre.