Catéchisme d’économie politique/1881/01

Texte établi par Charles Comte, Joseph GarnierGuillaumin (p. 1-4).


I


CHAPITRE PREMIER

De quoi se composent les Richesses et ce que c’est que la Valeur.



Qu’est-ce que nous enseigne l’économie politique ?

Elle nous enseigne comment les richesses sont produites, distribuées et consommées dans la société[1].

Qu’entendez-vous par ce mot les « Richesses ? »

On peut étendre la signification de ce mot à tous les biens dont il est permis à l’homme de jouir ; et sous ce rapport la santé, la gaîté, sont des richesses. Mais les seules richesses dont il est question en économie politique, se composent des choses que l’on possède et qui ont une valeur reconnue. Une terre, une maison, un meuble, des étoffes, des provisions, des monnaies d’or et d’argent, sont des portions de richesses. Chaque personne ou chaque famille possède une quantité plus ou moins grande de chacune de ces choses ; leurs valeurs réunies composent sa fortune. L’ensemble des fortunes particulières compose la fortune de la nation, la richesse nationale.

Pour que les choses que vous avez désignées comme des richesses méritent ce nom, ne faut-il pas qu’elles soient réunies en certaine quantité ?

Suivant l’usage ordinaire, on n’appelle riches que les personnes qui possèdent beaucoup de biens ; mais lorsqu’il s’agit d’étudier comment les richesses se forment, se distribuent et se consomment, on nomme également des richesses les choses qui méritent ce nom, soit qu’il y en ait beaucoup ou peu, de même qu’un grain de blé est du blé, aussi bien qu’un boisseau rempli de cette denrée.

Comment peut-on faire la comparaison de la somme de richesses renfermée en différents objets ?

En comparant leur valeur. Une livre de café est, en France, au temps où nous vivons, pour celui qui la possède, une richesse plus grande qu’une livre de riz, parce qu’elle vaut davantage.

Comment se mesure leur valeur ?

En la comparant aux différentes quantités d’un même objet qu’il est possible, dans un échange, d’acquérir par leur moyen. Ainsi, un cheval que son maître peut, du moment qu’il le voudra, échanger contre vingt pièces d’or, est une portion de richesse double de celle qui est contenue dans une vache qu’on ne pourra vendre que dix pièces d’or.

Pourquoi évalue-t-on plutôt les choses par la quantité de monnaie qu’elles peuvent procurer, que par toute autre quantité ?

Parce qu’en raison de l’usage que nous faisons journellement de la monnaie, sa valeur nous est mieux connue que celle de la plupart des autres objets ; nous savons mieux ce que l’on peut acquérir pour deux cents francs, que ce que l’on peut obtenir en échange de dix hectolitres de blé, quoique au cours du jour ces deux valeurs puissent être parfaitement égales, et, par conséquent composer deux richesses pareilles[2].

Est-ce une chose possible que de créer de la richesse ?

Oui, puisqu’il suffit pour cela de créer de la valeur, ou d’augmenter la valeur qui se trouve déjà dans les choses que l’on possède.

Comment donne-t-on de la valeur à un objet ?

En lui donnant une utilité qu’il n’avait pas.

Comment augmente-t-on la valeur que les choses ont déjà ?

En augmentant le degré d’utilité qui s’y trouvait quand on les a acquises.


  1. La société est l’ensemble des individus et des familles qui entretiennent entre eux des relations pacifiques. La grande société humaine se divise en plusieurs sociétés séparées par divers accidents, tels que des chaînes de montagnes, des mers, des gouvernements différents ; on nomme ces sociétés particulières des nations.
  2. Ce qui nous porte surtout à évaluer les choses en monnaie, c’est qu’il n’y a point de marchandises dont la conservation soit plus facile et dont on puisse se défaire plus aisément en l’échangeant contre d’autres marchandises. Ch. C. — Voy. ch. XII, De la Monnaie.