Catéchisme bouddhique/Introduction


Catéchisme bouddhique (Buddhistischer Katechismus, 1888)
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, LXIp. 1-6).



INTRODUCTION


1. De quelle religion[1] es-tu ?

Je suis Bouddhiste.

2. Qu’est-ce qu’un bouddhiste ?

C’est un homme qui vénère le Bouddha comme la Lumière du monde, comme le maître et le guide suprême de tous les êtres vivants ; qui regarde comme vraie la doctrine qu’il a enseignée ; en suit les préceptes et qui a affirmé ses convictions en prononçant solennellement et publiquement la formule de recours.

3. Quels sont les termes de la formule de recours ?

La formule de recours est ainsi conçue :

J’ai recours au Bouddha.

J’ai recours à la doctrine.

J’ai recours à la Confrérie des Élus. (Sangha.)

4. Que signifie la prononciation solennelle de cette formule de recours ?

Celui qui prononce cette formule veut témoigner devant tout le monde qu’il choisit désormais le Bouddha pour son maître et son modèle ; qu’il voit dans sa sainte doctrine le résumé et les principes fondamentaux immuables de toute vérité et de toute justice, en même temps que la voie pour arriver à son propre perfectionnement et à la délivrance ; enfin qu’il considère les membres de la Confrérie des Élus comme les successeurs vénérables et choisis du Bouddha, chargés d’annoncer, d’expliquer et d’appliquer la Doctrine.

5. Cette formule de recours est-elle obligatoire pour tous les Bouddhistes ?

Pour tous sans exception ; qu’ils appartiennent à la Confrérie des Élus, ayant adopté la vie de moine mendiant (Bhikshou, Samana) ou qu’ils soient adhérents laïques. Seul celui qui a prononcé la formule de recours devant la communauté ou ses représentants, appartient en réalité à la communion bouddhiste.

6. Comment nomme-t-on la sainte Triade à la conduite de laquelle le Bouddhiste se confie, en prononçant la formule de recours ?

Les étoiles conductrices. En effet, cette sainte Triade nous éclaire dans les ténèbres de la vie terrestre, comme les étoiles dirigent le navigateur, par une nuit de tempête. Elle conduit celui qui la suit fidèlement, à travers l’océan désolé de l’ignorance, des désirs et des passions, jusque dans le port de la paix éternelle.

Aussi c’est avec confiance, avec reconnaissance et plein de respect que le Bouddhiste regarde les trois étoiles conductrices, et c’est avec piété qu’il s’écrie :

Vénération au Bouddha, le saint, le sublime, le vainqueur du monde, l’artisan glorieux de sa propre perfection.

Vénération à la Doctrine pure, sainte et libératrice.

Vénération à la sainte Confrérie des Élus.


  1. Le Bouddhisme est-il plutôt une religion qu’une philosophie ; c’est une question qui a été souvent agitée par les savants européens. En réalité, il est les deux. Les doctrines morales et religieuses les plus sublimes se joignent en lui aux connaissances philosophiques les plus profondes, pour former un tout inséparable. Le Bouddhisme éclaire ses disciples sur la nature de l’univers et sur les lois et les forces qui le régissent ; il découvre à l’homme les profondeurs les plus cachées de son être ; il lui montre sa destinée qui dépasse de bien loin cette fugitive vie terrestre ; il éclaire son esprit, éveille en lui les forces et les capacités morales qui y sommeillaient, enflamme dans son cœur l’instinct de ce qui est noble et bon, enfin le met à même d’atteindre par de sérieux efforts et une consciencieuse application de ses préceptes, le but suprême de tout être vivant, la félicité éternelle, la délivrance, le Nirvâna. Le Bouddhisme est donc une religion.

    C’est en même temps une philosophie. Car il n’exige pas de ses disciples une foi aveugle, mais leur demande une conviction basée sur leurs propres recherches, sur leur propre examen et sur de sérieuses méditations. Il n’appuie pas ses doctrines sur la volonté d’un Créateur incompréhensible ou sur une révélation surnaturelle, mais sur la constitution naturelle de l’Univers que tout le monde peut étudier. Il ne cherche pas à faire peur au coupable en le menaçant de peines éternelles, mais à éclairer l’œil de l’égaré, encore troublé par les illusions terrestres, afin qu’il puisse voir la vérité. Il met celui qui s’y prête de bonne foi, sur le chemin de son développement spirituel et de son perfectionnement moral et l’amène à un point où tout ce qui est terrestre ne lui paraît plus qu’une vaine apparence et où toutes ces tristes contradictions, qui nous semblent insolubles, entre le cours du monde et la vie humaine disparaissent dans la perception claire de l’Éternel et de l’Immuable.