La Verdure dorée/Puisque je suis assis sous ce pin vert et sombre
CXVIII
Puisque je suis assis sous ce pin vert et sombre
Qui domine au soleil les tumultes marins,
Ô Muse, apporte-moi les syllabes de l’ombre
Pour rimer au premier de ces alexandrins.
Je sais que tout est vain ; je sais que tout est grave
Et je sais que mes vers tu ne les entendras,
Amie aux beaux cheveux qui rêves dans mes bras,
Cependant que le bleu s’argente sur la rive.
Pour toi ne faudrait-il chanter comme certains
Les sérénades à Grenade, les œillades
Et les baignades sans noyade des naïades,
L’échelle au clair de lune et l’amour au printemps ?
Mais tu dors ; langoureuse et lasse tu reposes,
Les cheveux caressés par le vent de la mer ;
Mais tu dors et ta main laisse glisser des roses
Sur le sable stérile et dans mon cœur amer.