Une pie noire et blanche en se posant sur un platane
A fait dégringoler un flot de feuilles jaunes.
C’est l’automne. Bourre de roses ta guitare
Et médite en silence aux dernières nuits chaudes
Sur tes lauriers en fleurs qu’a brûlés le tonnerre,
Et dans l’air tendre aux feuilles crois entendre
Ces soupirs qu’éclaira par un autre septembre
La topaze lunaire.
Des mots. Des mots. Pourtant ta douleur est si simple…
Pourquoi ne pas pleurer comme un pauvre jeune homme ?
Mais non ; chaque lanière qui te cingle
Te fait jaillir du cœur une harangue trop sonore ;
Et lyrique et debout dans les ruines et les roches
Et défiant le sort, les étoiles et la nature,
Tu peuples de discours ta malheureuse solitude
Et tu gardes tes pleurs pour verser des paroles.
Tu déclames ; tu crois jouer un vaste rôle ;
Mais qu’une feuille tombe au bois qui t’environne ;
Que tu triomphes d’une robe ;
Que trop lourde de sucre et prise à la rafale
Une abeille froisse son aile ;
Qu’aux verts bambous de la tonnelle
Un liseron se dénoue et se fane ;
Que les lilas noircissent sous la neige ;
Qu’un chien se noie au tumulte des gaves
Et que meure une ardeur que tu crus éternelle :
Ce sont toutes choses égales.
Les bleus martins-pêcheurs égratignaient le fleuve calme ;
Tu sommeillais sous les noyers dont l’ombre est fraîche et noire
Et tu rêvais, loin du faux musc et du vacarme
De la ville où régnaient la Matchiche et la Tonkinoise
Et cette blanche ballerine
Qui dansait nue avec un ara bleu sur la poitrine ;
Sous les feuillages qui chantaient au vent d’automne,
Malgré ton désespoir dans l’herbe de la rive
Tu n’avais pas ce cœur qui se lamente et qui s’étonne
Et tu savais encor, sous tes larmes, sourire.
Laisse tomber les feuilles jaunes des platanes
Et tes espoirs pareils à des fusées
Qui montaient en brûlant au-dessus des plaines natale ;
Demain il y aura de nouvelles rosées,
Des feuillages nouveaux et des lèvres persuasives
Et des amours que déjà tu désires
Éclatant sur tes jours comme l’orage et les tonnerres,
Des tendresses que berce en caresse l’azur des îles,
Et de plus en plus éternelles.