Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère/Poire Sainte Dorothée

Poire Sainte Dorothée
Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère (p. 339-341).

Poire Sainte Dorothée.

C’est avec bonheur que nous voyons le Cercle d’Arboriculture de Belgique ouvrir ses bulletins à un fruit digne d’éloges à tous les égards, et qui, jusqu’à présent, semble ne pas avoir été apprécié à son juste mérite. Ce n’est, en effet, pas une conquête nouvelle que la Poire Sainte Dorothée ; elle a plus d’un demi siècle d’existence, et bien peu d’amateurs la possèdent, disons plus, bien peu la connaissent. On ne la rencontre que rarement, même dans les collections les plus nombreuses. Elle tiendrait cependant sa place avec honneur, au milieu de toutes les variétés connues, au milieu surtout de bon nombre de variétés nouvelles dont on fait un éloge pompeux et qui sont bien loin d’atteindre toute sa perfection.

La Poire Sainte Dorothée a été gagnée en 1818, par M.  Joseph de Gaest de Braffe, dans le jardin de son hôtel, rue Roc St Nicaise, à Tournai, où il obtint également la délicieuse pomme trop peu répandue, la Dorée de Tournai.

M.  de Gaest de Brafle donna à son gain le nom de Dorothée, en mémoire de la patronne de la Société royale d’Horticulture de Tournai dont il était le président.

Quelques années après la première fructification, M.  de Gaest fut forcé, par le développement que prit le pied-mère et par l’exiguïté de son jardin de ville, de le transplanter en son château de Braffe, où on le cultiva en espalier à la muraille, au midi. Il poussa avec une vigueur telle, nous écrit M.  D’Anstaing, actuellement propriétaire de ce domaine, qu’il couvrit entièrement une muraille mesurant huit mètres de hauteur sur six de largeur.

Dans l’origine, cet arbre était éminemment épineux ; il conserva ses épines pendant de nombreuses années et ce n’est que depuis huit à dix ans qu’elles ont disparu.

M.  de Gaest qui appréciait la valeur de son gain, ne fit cependant rien pour le propager ; il se contentait d’en remettre des greffes aux amis qui avaient la bonne fortune de pouvoir le déguster, et tout se bornait là. Quant aux jardiniers de Tournai, c’était toujours avec appréhension, toujours timidement qu’ils se décidaient à introduire une variété nouvelle dans leur jardin, et ils refusaient presque obstinément de cultiver autre chose que les variétés anciennes et quelques-uns des gains de l’abbé Hardenpont.

Il n’en fut pas tout à fait de même à Gand. La Poire Sainte Dorothée introduite dans cette ville par M.  de Maelcamp, beau-frère de l’obtenteur, se propagea plus facilement que dans sa ville natale, et nous connaissons plusieurs amateurs gantois qui la cultivent depuis près d’un demi siècle et qui vantent hautement ses qualités.

Greffé sur franc et planté dans un terrain bien amendé, ce poirier est très vigoureux et se développe rapidement. Notons aussi que le fruit est infiniment meilleur et plus parfumé sur franc que sur coignassier.

L’arbre, dit le savant auteur de la Pomone Tournaisienne, est vigoureux, pyramidal, fertile, à rameaux dressés et ouverts. Scions épineux, allongés, roux clair. Bourgeons sans console, petits, obtus, ouverts. Boutons à fruits allongés, pointus.

Les feuilles sont très longuement pétiolées, ovales, allongées, acuminées, applaties, finement dentées en scie, stipules étalées.

Le fruit est fusiforme, allongé, gros, un peu de la forme des calebasses. Le pédoncule allongé, terminal, très peu ombiliqué. La peau est fine, jaune citron parfois lavé de roux ; la chair est fine, beurrée, sucrée, eau abondante.

Le fruit se présente sous deux aspects différents, suivant la nature du sujet et le sol dans lequel il est cultivé ; mais les fruits d’une teinte verdâtre à la cueillette deviennent également d’un jaune brillant à l’époque de leur complète maturité[1].

Traité en arbre de plein vent, le poirier Sainte Dorothée couvert de fruits est réellement ravissant. Ses magnifiques poires dorées pendent de tous côtés et produisent un effet splendide.


  1. La planche représente deux fruits offrant les coloris différents de deux fruits venus sur le sol de Tournai et sur celui de Gand. Il est à peine besoin de le dire, la poire St Dorothée si chaudement colorée nous a été envoyée de Tournai par notre estimé collaborateur M.  Delrue-Schrevens à qui nos lecteurs doivent déjà de connaître une série des meilleurs gains du Tournaisis.
    Réd.