Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère/Poire Délices Cuvelier

Poire Délices Cuvelier
Bulletins d’arboriculture, de floriculture et de culture potagère (p. 209-212).

La poire Délice Cuvelier.

Il y a dix ans[1], nous avons signalé aux amateurs de bons fruits la belle et excellente variété à laquelle nous consacrons aujourd’hui la planche coloriée de nos Bulletins.

Nous en avons donné alors une courte description avec une figure au trait que nous reproduisons plus loin (fig. 30).

Nous l’avons publiée à cette époque avec la dénomination sous laquelle nous avions appris à la connaître. Voici ce que nous en disions :

« Poire des Ursulines. — Nous connaissons ce fruit depuis plusieurs années ; nous avons appris à le connaître aux environs d’Ath où il est cultivé dans tous les jardins. Nous l’avons retrouvé cet automne (en 1864) à l’Exposition de Renaix, dans plusieurs collections, sous le nom de Passe Napoléon. Ni l’un ni l’autre de ces noms n’étant relatés dans les ouvrages de pomologie, non plus que dans les catalogues des pépiniéristes, nous sommes porté à croire qu’en dehors de ces localités le fruit n’est guère connu. »

Depuis lors nous avons constaté l’identité de la Poire des Ursulines avec la Jargonelle d’automne de M.  B. C. Du Mortier, dont notre ami M.  Delrue-Schrevens, de Tournai, nous avait envoyé quelques spécimens avec d’autres poires destinées à figurer dans notre Nouvelle Pomologie belge. Cette dernière dénomination, que nous avions déjà acceptée, doit aussi rentrer dans les synonymies. C’est du moins ce qui résulte d’une étude récente publiée par MM.  Carnoy et Gilbert, dans la Flore des serres, sous le titre de Spicilége pomologique.

Ces auteurs ont découvert à Soignies, par le plus grand des hasards, l’état civil et l’extrait de baptême bien authentique de cette variété, qui doit s’appeler dorénavant Délices Cuvelier, en souvenir de son obtenteur, Vincent Cuvelier, jardinier au couvent des sœurs Franciscaines à Soignies. Suivant les renseignements fournis par le fils de l’obtenteur, ce fruit aurait été gagné en 1811 ou 1812. Le pied mère, très malingre et chétif, est mort depuis longtemps.

MM.  Carnoy et Gilbert ont constaté en outre l’identité de notre variété avec la poire Miel de Waterloo, ainsi qu’avec la Fondante de Thines, la Fondante de Tumerelle et le Beurré Delhoungne. En rétablissant ainsi la synonymie d’un fruit à coup sûr remarquable et destiné à acquérir une large publicité, ces auteurs ont rendu à la science pomologique un service signalé. Ils n’en ont pas rendu un moins grand aux horticulteurs pépiniéristes, à qui la nomenclature si embrouillée des noms de fruits cause autant de déboires qu’aux savants. Disons ici en passant que ceux-ci par fois se montrent bien sévères et que l’accusation lancée à la tête des horticulteurs de rebaptiser les fruits et de leur donner des noms nouveaux pour les vendre plus facilement, est généralement très injuste.


Fig. 30. — Poire Délice Cuvelier.
Ceux qui sont à même d’apprécier impartialement les choses, penseront avec nous qu’on doit se garder d’autant plus soigneusement d’émettre un jugement en cette matière si délicate, que d’abord personne n’a le droit de se croire infaillible et qu’ensuite, dans la pratique, les causes d’erreurs, dans l’étiquetage notamment, sont excessivement nombreuses et difficiles à prévenir. Les savants de cabinet peuvent seuls s’en douter.

Pour en revenir à la poire Délices Cuvelier, nous croyons que ce fruit est loin d’être aussi connu, même en Belgique, qu’il le mérite. C’est incontestablement, à notre avis, la meilleure des poires d’été. Nous n’hésitons pas à la mettre au-dessus du Bon Chrétien William, du Beurré d’Amanlis et de la Bonne Louise d’Avranches. Voilà pour la bonté du fruit. Quant à la beauté de celui-ci, notre planche coloriée en donne une parfaite idée. Reconnaissons cependant que les modèles étaient d’une belle venue, au-dessus de la moyenne. Le dessin au trait, fig. 30, a été fait sur un fruit de grosseur ordinaire.

Pour ce qui est des autres qualités de l’arbre, sa vigueur et sa fertilité ne laissent rien à désirer. Sa fertilité surtout est excessive, on pourrait dire exagérée, lorsqu’il est greffé sur coignassier. C’est une des meilleures variétés pour la culture en fuseau. Les autres formes lui conviennent également.

Le caractère distinctif de l’arbre est un bois assez fort, de couleur rouge brun, et des feuilles étroites, espacées.

Le fruit est quelque peu variable et irrégulier dans sa forme ; souvent il est bosselé ; mais toujours il est aisé de le reconnaître. La peau est très fine et luisante, d’un vert jaunâtre, pâle du côté ombragé et vivement coloré de rouge brun, pointillé et marbré de roux du côté frappé par le soleil.

Le pédoncule est long, arqué, ligneux, inséré un peu sur le côté, parfois charnu à sa base, vert et brun.

L’œil est à fleur, ouvert, irrégulier, à divisions courtes.

La chair est blanche, très fine, très fondante, excessivement juteuse, sucrée et délicieusement parfumée.

Nous avons indiqué dans le Jaarboek la première quinzaine de septembre pour l’époque initiale de la maturité. Celle-ci commence le plus souvent un peu plus tard et se prolonge jusqu’en octobre. Inutile d’ajouter qu’il faut entrecueillir le fruit si l’on veut en prolonger la jouissance.


  1. Jaarboek voor hofbouwkunde, uitgegeven door Ed. Pynaert, Em. Rodigas, F. Crépin en F. Burvenich. Derde jaargang, 1865. — L’article auquel il est fait allusion et qui porte pour titre : Over eenige nieuwe en weinig gekende Peersoorten a été tiré à part à un petit nombre d’exemplaires.