Bulletin du comité historique des arts et monuments/Tome 1/1

Comité historique des arts et monuments
Imprimerie nationale (Tome 1p. 1-Gravure).

MINISTÈRE
DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES.

BULLETIN
DES
COMITÉS HISTORIQUES

ARCHÉOLOGIE — BEAUX-ARTS

ACTES OFFICIELS.


I.

Composition du comité historique des arts et monuments.

(Arrêté du 5 septembre 1848.)
MM. le Ministre, président.
A. Leprévost, vice-président.
Barbe, sculpteur.
De Bastard, membre de l’Institut.
Bottée De Toulmon, bibliothécaire du conservatoire de musique.
Depaulis, graveur.
Diéterle, peintre à la manufacture de Sèvres.
De Gasparin, membre de l’Institut.
Héricart De Thury, idem.
Leon De Laborde.
Ferd. De Lasteyrie.
Albert Lenoir.
Mérimée, membre de l’Institut.
De Saulcy.
Ary Schepper.
Le Directeur général des cultes.
Génin, chef de la division des établissements scientifiques et littéraires.
Fréd. Lock, chef du bureau des travaux historiques.
Didron, secrétaire.
Signé VAULABELLE.

II.

Organisation du Bulletin des comités.

Le Ministre au département de l’instruction publique et des cultes

Arrête :

Article 1er .

Le Bulletin archéologique du comité des arts prendra désormais le titre de Bulletin des comités historiques.

Ce Bulletin est destiné à l’insertion d’actes officiels relatifs aux travaux historiques, du compte rendu des séances des comités et à la publication des documents envoyés par les correspondants du ministère de l’instruction publique pour les travaux historiques.

Art. 2.

Il sera nommé dans chacun des deux comités historiques une commission, composée de trois membres, chargés de désigner parmi les travaux des correspondants ceux qui doivent être publiés dans le Bulletin.

Le chef du bureau des travaux historiques fera partie de ces commissions et surveillera la publication.

Les communications ayant pour objet la réfutation, la discussion ou le complément des travaux des correspondants pourront être publiés, sur l’avis de la commission compétente.

Art. 3.

Le Bulletin ne sera distribué gratuitement qu’aux personnes et établissements ci-après désignés :

1° Aux membres titulaires, aux membres non résidants et aux secrétaires des deux comités ;

2° À chacune des bibliothèques publiques de Paris ;

3° À la bibliothèque publique de chaque chef-lieu de département ;

4° À la bibliothèque publique d’Alger ;

5° Aux bibliothèques de l’école Normale, de l’école Polytechnique, de l’école des Chartes, de l’école Française d’Athènes.

Art. 4.

Chaque année, au mois de décembre, les commissions présenteront aux comités la liste de ceux des correspondants qui, par de fréquentes ou d’importantes communications, auraient des titres à recevoir gratuitement le Bulletin.

Les comités statueront sur ces propositions.

Toute demande directe de concession gratuite sera renvoyée à l’examen des commissions, qui feront un rapport, d’après lequel les comités statueront.

Art. 5.

La rédaction du Bulletin est entièrement gratuite.

Art. 6.

Le prix d’abonnement au Bulletin est fixé uniformément à neuf francs par an.

Chaque numéro du Bulletin se composera de trois feuilles in-8o de texte, avec lithographie ou gravure sur bois quand il y aura lieu, et sera renfermé dans une couverture imprimée.

Chaque année formera un volume.

Art. 7.

Le Bulletin sera imprimé par l’Imprimerie nationale, qui sera chargée en outre de recevoir les abonnements et d’expédier les livraisons.

Paris, le 8 janvier 1849.
FALLOUX.

III.

Rapport à M. le ministre de l’instruction publique et des cultes, sur la situation des travaux historiques au 1er  janvier 1849.

Monsieur le Ministre, j’ai l’honneur de vous rendre compte de la situation actuelle des travaux entrepris pour la collection des documents inédits relatifs à l’histoire de France.

Lors de l’avènement de l’administration républicaine, la collection se composait de 67 volumes, savoir ;

Outrages terminés :
Chronique des ducs de Normandie 3
Journal des États généraux de 1484 1
Ouvrages inédits d’Abélard 1
Procès-verbaux du Conseil de régence de Charles VIII 1
Règlements sur les arts et métiers d’Étienne Boileau 1
Livre de la taille de Paris 1
Croisade contre les hérétiques albigeois 1
Relation des ambassadeurs vénitiens 2
Correspondance d’Escoubleau de Sourdis 3
Rapport au roi et pièces 1
Rapports au ministre 1
Chronique de Bertrand du Guesclin 2
Négociations relatives au règne de François II 1
Lettres des rois et reines de France et d’Angleterre, et autres personnages 2
Cartulaire de Saint-Père de Chartres 2
Cartare de Saint-Bertin 1
États généraux de 1593 1
Les Quatre livres des rois 1
Négociations diplomatiques entre la France et l’Autriche 2
Captivité de François Ier 1
29
Outrages en cours d’exécution :
Négociations relatives à la succession d’Espagne, sous Louis XIV 4
Mémoires militaires relatifs à la guerre de la succession d’Espagne 6
Archives administratives et législatives de Reims 7
Chronique du religieux de Saint-Denis 5
Procès des Templiers 1
Papiers d’État du cardinal Granvelle 6
Mélanges historiques (Champollion) 3
Les Olim 3
Lettres missives de Henri IV 3
Volumes publiés avant février 67
À ces ouvrages, il faut ajouter les Éléments de Paléographie, par M. Nat. de Wailly, qui, sans faire partie de la collection, ont été publiés par l’État, afin de faciliter l’étude des anciens monuments de notre histoire. Les Éléments de Paléographie forment deux volumes, avec planches et fac-similé 2
Ensemble 69

Les circonstances difficiles qui ont suivi la révolution de février ont nécessairement ralenti les travaux. Toutefois, six volumes considérables ont pu être terminés et publiés ; ce sont : le 7e volume des Mémoires militaires, le 3e des Olim (2e partie), le 1er  des Négociations de la France dans le Levant, le 4e des Lettres missives de Henri IV, le 8e des Archives de Reims, le 4e des Mélanges historiques. Le nombre des volumes actuellement publiés se trouve ainsi porté à 75.

Les 5e et 6e volumes des Négociations relatives à la succession d’Espagne, par M. Mignet, sont préparés. Les matériaux des deux volumes sont réunis, et la copie en est prête ; mais les notices destinées à relier ces documents ne sont pas encore rédigées.

Du 8e volume des Mémoires militaires, 32 feuilles sont revues en seconde épreuve ; le bon à tirer est donné pour 31 feuilles. La transcription des documents est à peu près achevée pour les autres volumes.

Le 7e volume, publié dans le courant de 1848, comprend les campagnes de Flandre, d’Italie et d’Allemagne pendant l’année 1707, avec un atlas de cartes pour les opérations militaires.

M. Varin est arrivé presque au terme de la publication des Archives législatives et administratives de Reims. Le 3e volume de la série administrative vient d’être mis en distribution. De la série législative, il reste à publier les statuts du xviiie siècle, formant environ 75 feuilles, que suivront les tables générales de l’ouvrage. La copie des feuilles est livrée à l’imprimerie. La confection des tables, déjà avancée, ne pourra guère être achevée avant deux ans.

M. Bellaguet a terminé la traduction de la Chronique du religieux de Saint-Denis. La copie du 6e et dernier volume est prête pour l’impression. La table des matières, qui a exigé un travail très-considérable, est fort avancée et sera achevée pendant l’impression du texte.

Le Procès des Templiers, confié aux soins de M. Michelet, est arrivé à la 30e feuille du 2e volume.

Le 7e volume des Papiers d’État du cardinal Granvelle se poursuit activement. 55 feuilles sont imprimées en 2e épreuve ; le bon à tirer est donné pour 51. Le manuscrit du dernier volume est déposé au ministère. La commission que dirige M. Weiss n’a plus qu’à terminer les tables de l’ouvrage.

M. Champollion-Figeac a continué le recueil de Mélanges dont il est chargé. Le tome IV, qui vient d’être publié, renferme dans sa 2e partie les notices parvenues au ministère jusqu’à la fin de l’année 1847, et dans sa 2e partie, des documents originaux depuis le xe siècle jusqu’à la fin du xviie. Les quatre volumes des Mélanges présentent ainsi une série de notices et de documents originaux depuis les temps les plus reculés de notre histoire nationale jusqu’aux temps les plus modernes.

Les trois premiers volumes des Olim, publiés par les soins de M. Beugnot, forment une série complète. Une décision ministérielle arrête ou du moins suspend la suite de cette collection, qui comprendrait les Registres criminels. M. Beugnot a pensé lui-même que cette mesure ne pouvait offrir d’inconvénient.

Le tome IV des Lettres missives de Henri IV, par M. Berger de Xivrey, renferme la période comprise entre l’abjuration de Henri IV et la paix de Vervins ; il complète ainsi la partie militante de ce règne et s’arrête où commence la partie organisatrice. L’ouvrage est arrivé à plus de la moitié ; M. Berger de Xivrey pense que deux années suffiront pour achever la série chronologique de cette correspondance, qui se complétera par un volume de supplément comprenant les lettres sans date et celles qui ont été communiquées tardivement à l’éditeur. Un dernier volume sera uniquement consacré à divers relevés destinés à guider les recherches, et aux tables générales de l’ouvrage. Ces derniers travaux exigeront encore une année, en sorte que la publication totale pourra être mise à fin dans trois ans environ.

Le 1er  volume des Négociations de la France dans le Levant, édité par M. Charrière, comprend la correspondance diplomatique sous François Ier, depuis 1515 jusqu’à 1547. Le 2e volume, dont l’auteur s’est occupé sans désemparer, contiendra les négociations effectuées pendant les règnes de Henri II, François II et Charles IX ; le 3e, les règnes de Henri III et Henri IV ; le 4e, le règne de Louis XIII. La copie du 2e volume est prête pour l’impression. La transcription des matières est faite in extenso pour les tomes III et IV. La collation et l’annotation du texte se poursuivront pendant l’impression du 2e volume.

Le texte du 1er  volume de l’Histoire du tiers-état, par M. Augustin Thierry, est imprimé depuis longtemps. La table analytique et l’index général le sont aussi, sauf les quatre dernières pages, où doit se trouver l’errata. 26 feuilles de l’introduction sont imprimées, 18 sont tirées. Il reste encore à faire de ce travail deux chapitres, que l’auteur s’efforcera de réduire à un seul. M. Augustin Thierry promet d’y consacrer d’une manière exclusive tout ce qu’il lui reste de forces.

Le 2e volume pourra être mis sous presse dès que le premier aura paru. La rédaction est complète pour une grande partie et le sera, pour la fin du volume, dans trois mois. De nombreux matériaux ont été rassemblés, examinés et classés pour la composition de la suite de cet important ouvrage.

Le Cartulaire de Notre-Dame de Paris, qui est sous presse depuis plusieurs années, devait paraître à la fin de 1848. Les circonstances ont retardé les travaux. Les trois premiers volumes sont imprimés, le 4e est tiré jusqu’à la feuille 43 inclusivement. Il reste à imprimer environ 10 à 12 feuilles, contenant la fin des tables et le vocabulaire. Lorsque l’ouvrage complet sera imprimé, l’éditeur aura à rédiger la préface, qui doit renfermer le résumé des quatre volumes. Ce travail prendra trois mois au plus ; l’impression pourra durer cinq ou six semaines. Le Cartulaire pourra donc paraître vers le mois de septembre 1849.

Outre cette publication considérable, M. Guérard prépare l’édition des Cartulaires de Saint-Victor de Marseille et de Saint-Hugues de Grenoble, formant ensemble deux volumes. La copie du grand Cartulaire de Saint-Victor est achevée, mais celle du petit est encore à faire. Quant à la copie du Cartulaire de Saint-Hugues, elle a été envoyée, sous l’administration de M. de Salvandy, à M. Terrebasse, ancien député, qui s’est chargé de rechercher sur les lieux les noms géographiques modernes et de les ajouter au manuscrit.

Le texte du Livre de jostice et de plet est entièrement imprimé depuis longtemps. L’introduction, par M. Rapetti, vient d’être envoyée à l’impression. Le bon à tirer est donné pour les deux premières feuilles et, selon toute probabilité, l’ouvrage pourra paraître en février ou mars prochain.

M. Avenel a terminé le manuscrit de la collection des Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal Richelieu. Le premier volume vient d’être mis sous presse, ainsi que le premier volume de chacun des ouvrages suivants :

Recueil de documents inédits concernant l’histoire de l’administration publique en France sous Louis XIV, par M. Depping, devant former 4 volumes ;

Recueil des lettres de Catherine de Médicis, par M. Philippe Busoni, 5 volumes.

Quatre autres ouvrages sont entièrement terminés en manuscrit et prêts pour l’impression :

Correspondance des princes de la maison de Lorraine, par M. Joseph de Croze, 2 volumes ;

Actes du concile de Perpignan en 1408, par M. de Mas-Latrie, 1 volume ;

Cartulaire de Redon, par M. Aurélien de Courson, 1 volume ;

Négociations de Louis XIV avec le royaume de Siam, par M. Étienne Gallois, 1 volume.

M. Margry, chargé de préparer un Recueil de documents relatifs à l’histoire des anciennes colonies françaises dans l’Amérique du Nord, a réuni un nombre très-considérable de pièces fort curieuses et peu connues, accompagnées de cartes dont quelques-unes sont tracées de la main même de célèbres navigateurs. Quelques recherches et transcriptions sont encore nécessaires ; après quoi M. Margry commencera à rédiger l’introduction, dont il soumettra le plan à l’examen du comité.

Un Recueil de la correspondance de Calvin est confié à M. Jules Bonnet, qui a terminé ses investigations dans les bibliothèques de Paris. Des recherches sont nécessaires dans les dépôts littéraires de Genève et d’autres villes de la Suisse. M. Bonnet a obtenu pour les faire une mission de quelques mois.

Mlle  Dupont, chargée de former un Recueil d’extraits des chroniques d’Angleterre de Jean Waurin, a été arrêtée par une maladie assez grave dans l’exécution de son travail, dont elle va reprendre le cours.

M. Yanoski, membre du comité, se propose de faire connaître au comité les motifs qui lui ont fait ajourner jusqu’à présent la publication de la chronique rimée de Martin de Cotigny.

M. Claude poursuit, sous la direction de M. Naudet, l’Inventaire et le Recueil des chartes et diplômes de la Bibliothèque nationale. Cet inventaire, presque achevé pour les cartulaires, présente une série de plus de six cents cartulaires originaux, rangés par ordre alphabétique de localités. L’inventaire des chartes et diplômes est déjà commencé et sera continué avec assiduité.

M. Le Glay s’occupe avec un zèle infatigable et que l’âge ne ralentit point, du dépouillement, de l’inventaire et de l’étude des documents renfermés dans les archives de l’ancienne Flandre, du Hainaut, du Cambrésis et des provinces limitrophes. Un rapport sur le résultat de ses travaux est soumis au comité.

Les publications entreprises sous la direction du comité des arts se sont continuées presque sans ralentissement depuis la révolution de février. Ces publications sont de deux natures : les unes consistent en instructions destinées à servir de guide aux correspondants pour l’étude et l’appréciation des monuments d’art qui gardent sur notre sol le souvenir des civilisations passées ; les autres retracent les monuments encore existants, ou nous rendent l’image de ceux qui ont disparu par le fait du temps ou des hommes.

Au 24 février, voici quelle était la situation de ces différents ouvrages :

Instructions du comité des arts : cinq parties avaient paru : la première et la seconde, traitant des monuments grecs, romains et gaulois, rédigées par MM. Albert Lenoir, Auguste Leprévost, Mérimée, Charles Lenormant ; la troisième, concernant l’architecture militaire, était l’œuvre de MM. Albert Lenoir et Mérimée ; la quatrième contient des notions sur la musique, par M. Bottée de Toulmon ; enfin, la cinquième, formant, sous le titre d’Histoire de Dieu, un fort volume in-4o, par M. Didron aîné, est consacrée aux représentations religieuses de la personne divine. Chacune de ces parties est accompagnée de gravures sur bois et de fac-simile.

La Statistique monumentale des arrondissements de Toul et de Nancy, par M. Grille de Beuzelin, était terminée ainsi que la Monographie de Notre-Dame de Noyon, par MM. Ramée et Vitet.

Il avait paru trois livraisons de planches de la Monographie de la cathédrale de Chartres, par MM. Lassus et Amaury Duval, texte par M. Didron ; trois livraisons et le texte des Peintures à fresque de Saint-Savin, par MM. Gérard Séguin et Mérimée ; enfin, vingt livraisons de planches de la Statistique monumentale de Paris, par M. Albert Lenoir.

Depuis février, il a été publié une livraison de planches de la Monographie de la cathédrale de Chartres et trois livraisons de planches de la Statistique monumentale de Paris ; la quatrième et dernière livraison de planches des Peintures de Saint-Savin paraîtra prochainement.

41 feuilles sont tirées des Comptes du château de Gaillon, publiés par les soins de M. Achille Deville. La copie du volume entier est prête. L’ouvrage se composera de 110 feuilles et de 16 ou 17 planches, dont 3 lithographiées et 13 ou 14 gravées au burin. 2 des planches lithographiées sont au tirage ; la 3e est entre les mains du dessinateur lithographe. 4 planches gravées sont au tirage ; les dessins des autres sont à l’exécution et quelques-uns très-près d’être achevés. Quatre dessinateurs y travaillent.

La série des instructions du comité pourra être, sinon complétée, au moins fort avancée, dans le courant de 1849.

M. Albert Lenoir a terminé son travail sur l’architecture monastique ; sa copie est prête et sera livrée à l’impression dès que, sur l’avis du comité, M. le ministre en aura donné l’ordre. M. Lenoir a, en outre, dirigé le tirage des planches de la Statistique monumentale de l’arrondissement de Montdidier, ouvrage entrepris, sur l’invitation du comité, par MM. Duthoit, Dusevel, Rigollet et Goze, correspondants du ministère. Le texte, imprimé en épreuves, sera soumis à l’examen du comité.

M. Auguste Leprévost achève un cahier d’instructions traitant de l’intérieur et des dépendances ou constructions accessoires des églises.

M. de Saulcy est chargé d’un travail d’instructions sur la numismatique française.

M. Didron a achevé le manuscrit d’un volume faisant suite à l’Histoire de Dieu et comprenant l’iconographie des anges et des démons, les représentations de la création, des signes du zodiaque, des arts et métiers, des travaux de la campagne, des vertus et des vices. Le volume est prêt pour l’impression.

M. Didron est, en outre, chargé de diriger un recueil contenant des documents inédits sur les anciens artistes français. Les pièces réunies jusqu’à présent forment la matière d’un volume qui est prêt pour l’impression et qui comprendrait plus de deux mille noms d’artistes, architectes, sculpteurs, peintres, émailleurs, verriers, orfèvres, etc., du moyen âge.

Enfin, le cinquième et dernier numéro du quatrième volume du Bulletin archéologique vient d’être publié ; ce numéro renferme toute la session de 1848, session que les événements ont forcément abrégée, mais qui n’a cependant pas été stérile.

En résumé, Monsieur le Ministre, si les circonstances politiques ont ralenti le cours des travaux historiques entrepris ou dirigés par le ministère de l’instruction publique, ces travaux n’ont toutefois pas subi d’interruption notable ; l’exécution en a été aussi consciencieuse que par le passé. L’Assemblée nationale a compris que la République ne pouvait laisser inachevé ce monument élevé à la gloire de notre patrie. Elle a généreusement alloué, sans aucune réduction, les crédits nécessaires pour le continuer. Grâce à son concours éclairé, grâce au zèle et aux travaux de nos collaborateurs, cette belle collection, commencée depuis plus de dix ans et qui n’a point de rivale, ne cessera pas d’être recherchée avec un égal empressement et par les savants et par les artistes.

Salut et respect.

Le Chef de la division
des établissements scientifiques et littéraires,
F. Génin.

IV.

Circulaire adressée aux correspondants du ministère de l’instruction publique et des cultes, pour les travaux historiques.


Paris, le 15 janvier 1849.

Monsieur, je vous adresse ci-joint le numéro complétant le 4e volume du Bulletin archéologique du comité des arts et monuments.

Je vous informe, en même temps, qu’en exécution d’un arrêté du 8 janvier courant, le Bulletin est reconstitué sur de nouvelles bases.

Restreint jusqu’ici aux travaux du seul comité des arts, ce recueil sera désormais commun aux deux comités historiques institués près le ministère de l’instruction publique et des cultes. Les procès-verbaux des séances de l’un et de l’autre comité y trouveront place, mais non point in extenso ; il n’y sera mentionné que les hommages de livres ou d’objets d’art adressés aux comités. Les nominations de correspondants et autres actes officiels relatifs aux travaux historiques y seront également consignés, soit textuellement, soit sommairement.

Mais la place la plus large sera réservée aux communications envoyées par les correspondants du ministère. Ces communications, toutefois, seront soumises à l’examen préalable d’une commission spéciale formée dans le sein de chaque comité. Tout travail inséré au Bulletin portera le nom de l’auteur. Il sera ajouté des planches reproduisant les dessins dont les commissions auront jugé la publication utile, soit pour l’intelligence du texte, soit à cause de l’intérêt artistique des monuments retracés.

Le Bulletin des comités historiques sera publié à la fin de chaque mois, par cahiers de trois feuilles chacun, accompagnés de lithographies ou de gravures sur bois d’après les dessins des correspondants. Le premier numéro paraîtra dans le courant de février.

La modicité du fonds affecté aux travaux historiques, et la nécessité pour l’Administration de faire face à la dépense qu’occasionnera le nouveau mode de publication, ne permettent plus que l’envoi gratuit du Bulletin soit la conséquence immédiate du titre de correspondant.

Le prix d’abonnement, calculé de manière à couvrir simplement les frais d’impression et de distribution, est fixé à 9 francs pour l’année. Les demandes d’abonnement devront être adressées en franchise à M. le directeur de l’Imprimerie nationale.

Au mois de décembre de chaque année, les deux commissions du Bulletin présenteront aux comités la liste de ceux des correspondants qu’elles jugeront avoir droit, par l’importance de leurs communications, à l’envoi gratuit du Bulletin.

J’aime à espérer, Monsieur, que vous trouverez dans ces dispositions une preuve du haut intérêt que je porte aux travaux des correspondants, puisque les communications que vous adresserez pourront désormais arriver à la publicité par une voie plus directe et plus prompte, le prix modique du Bulletin devant le faire rechercher avec plus d’empressement que par le passé.

Je vous prie donc de reprendre des travaux que les circonstances ont dû nécessairement interrompre ou ralentir. L’abondance et la variété sont grandes des matières qui appellent vos investigations. Les bibliothèques communales possèdent des manuscrits encore inconnus, des imprimés rares et curieux ; les archives départementales et municipales contiennent des actes précieux pour l’histoire des institutions ou des localités ; il existe encore dans nos provinces des monuments peu connus et mal appréciés ; chaque jour le sol de la France s’ouvre pour rendre au jour d’importants vestiges des arts d’autrefois ; les églises, les édifices communaux, certaines résidences particulières méritent d’être étudiés, soit par leur propre caractère, soit pour les souvenirs qui s’y rattachent.

Les instructions publiées par le comité des arts offrent des indications sûres et précises pour les études que vous pourrez entreprendre. Ces instructions seront très-prochainement complétées par la publication des cahiers depuis longtemps attendus.

Le comité des monuments écrits appellera de son côté l’attention de ses correspondants sur certains points encore mal éclaircis de notre histoire. Il donnera aussi des instructions analogues à celles de l’autre comité.

L’Administration compte que vous voudrez bien lui prêter, dans l’intérêt de la science, le concours le plus actif possible. Elle recevra avec reconnaissance les communications que vous lui adresserez ; elle les examinera avec soin et donnera à vos travaux le seul témoignage de gratitude dont elle puisse disposer, la publicité du Bulletin. Ce recueil sera entièrement l’œuvre des correspondants ; c’est d’eux qu’il dépend d’en assurer le succès et de lui faire prendre un rang distingué dans l’estime des savants. Recevez, etc.

Le Ministre de l’instruction publique et des cultes,
FALLOUX.

TRAVAUX DU COMITÉ.


Procès-verbal de la séance du 22 janvier 1819.

Présidence de M. de Montalembert.

Sont présents : MM. Barre, d’Albert de Luynes, Durieu, Génin, F. de Guilhermy, F. de Lasteyrie, A. Lenoir, Lock, Mérimée, de Montalembert ; Didron, secrétaire.

Lecture est donnée du Rapport au ministre sur l’état des travaux historiques[1].

Une commission est nommée pour s’occuper de la rédaction du Bulletin des comités historique.

Sur la proposition de M. de Montalembert, M. le directeur général des cultes est invité à prier M. le ministre de la guerre de rendre au culte l’ancienne église du collège de Beauvais, située rue Saint-Jean-de-Beauvais, à Paris.

Sur la proposition du même membre, M. le ministre est prié de réclamer du ministère des travaux publics la conservation des restes de l’église de l’ancien monastère des Filles-du-Calvaire, rue de Vaugirard, à Paris.

Sur la proposition de M. F. de Lasteyrie, le comité décide que M. le ministre de l’intérieur sera invité à donner des ordres pour que l’église Saint-Julien-le-Pauvre demeure plus longtemps ouverte aux visiteurs.

Sur la proposition du même membre, le comité arrête qu’il sera écrit à M. le ministre des travaux publics, pour demander que les réparations du pont Neuf soient exécutées de manière à ne pas altérer le caractère du monument.

M. de Guilhermy signale l’aliénation de l’ancien Hôtel-Dieu de Louvres et, par suite, la destruction d’une partie de la façade de cet édifice, qui date du xiiie siècle. Le comité émet le vœu que M. le ministre de l’intérieur soit prié de veiller à ce que les communes ne puissent aliéner les monuments remarquables par leur ancienneté ou leur architecture.

M. d’Albert de Luynes désirerait que le ministère de l’intérieur fit dresser une statistique complète de tous les monuments historiques, et même de toutes les propriétés communales. L’administration de l’intérieur aurait ainsi le moyen de connaître immédiatement la valeur de ces propriétés. Le comité décide que ce vœu sera transmis à M. le ministre de l’intérieur.

M. Mérimée présente un mémoire manuscrit de M. Henry, archiviste de Toulon, ayant pour but de démontrer que l’amphithéâtre d’Arles n’a pas été terminé. Renvoi à la commission du Bulletin.

Ouvrages offerts.

Notice sur les bâtiments du collége d’Arras, par M. A. d’Héricourt, correspondant ; 1/4 de feuille in-12.

Notice sur l’église Saint-Éloi à Bordeaux, par M. L. de Lamothe, correspondant.

Séance de la Société archéologique de Béziers, du 13 mai 1847. Envoi de M. Azaïs, secrétaire de la Société.

DOCUMENTS HISTORIQUES.


I.

Rapport sur une restauration de vitraux à Montmort (Marne) ; par M. de Mellet, correspondant à Chaltrait (Marne).

L’église de Montmort (département de la Marne, arrondissement d’Épernay) a été classée, il y a quelques années, parmi les monuments historiques. Cet édifice, qui appartient au xiie siècle par son portail, par sa nef, ses bas côtés et son premier transsept, se termine par un second transsept et une abside de la Renaissance. Des sculptures architecturales qui ne manquent pas de mérite, un élégant tombeau de la famille d’Angest, et des fenêtres meublées de vitraux du xvie siècle, dus à divers donateurs, recommandent, à défaut d’une haute antiquité, le chœur, le sanctuaire et les chapelles latérales de cette église. Je ne dois point non plus passer sous silence la pierre tumulaire qui, dans la chapelle de la sainte Vierge, rappelle en ces termes le souvenir d’un personnage historique :

« Ici sont renfermées les entrailles de très-haute et très-puissante princesse Françoise de Nargonne, duchesse d’Angoulême, veuve de très-haut et très-puissant prince Charles de Valois, fils légitime de Charles IX, roi de France, morte en ce lieu le 10 août 1713, âgée de quatre-vingt-douze ans, après avoir passé soixante-huit ans de viduité dans la retraite et dans la pratique de toutes les vertus. »

Les désordres dont la grande révolution de 93 fut l’origine se firent cruellement sentir à l’église de Montmort. Les vitraux qui garnissaient les cinq fenêtres de l’abside pentagonale et les quatre autres du second transsept furent brisés, démontés, et plus ou moins dispersés. Plus tard, après la tourmente, on essaya de réparer ces désastres : on chercha, mais avec aussi peu de goût que d’intelligence, à rassembler les débris de vitraux épars, et à les rajuster, dans les fenêtres avec ce qui n’en était jamais complétement descendu ; les fenêtres furent à peu près rajustées pour l’œil de l’observateur placé sous le portail ; mais, vues de près, on ne trouvait plus qu’un amas confus et incohérent de panneaux sans suite et sans ordre : sujets intervertis, personnages remontés la tête en bas ; d’autres ayant la partie supérieure de leur corps dans une fenêtre et la partie inférieure dans une autre, tel était le spectacle qui s’offrait à l’archéologue qui cherchait à démêler quelque chose dans ce pêle-mêle. Cet état de choses dura longtemps, et c’est ainsi que je l’ai vu, lorsqu’en 1847 M. Émile Hémart, maire de Montmort, dont la sollicitude éclairée n’a cessé de s’étendre à tous les intérêts de sa commune, et qui, quelque temps auparavant, avait déjà fait classer son église parmi les monuments historiques ; lorsque M. Hémart, dis-je, obtint du Gouvernement une allocation qui lui permit de commencer d’une manière complète et sérieuse la restauration des vitraux. Sur sa demande, je fus chargé par M. Bourlon de Sarty, alors préfet du département de la Marne, de présider, au point de vue archéologique, à la réparation, qui fut confiée au travail de M. Vincent Larcher, peintre verrier de Troyes, un de nos meilleurs artistes en ce genre, et qui avait déjà fourni ailleurs de nombreuses preuves de ses talents.

J’ai suivi en détail les travaux de M. Vincent Larcher ; et c’est pour rendre justice au succès que cet artiste me paraît avoir obtenu dans le rétablissement des quatre fenêtres de l’abside qui lui ont été confiées, que j’ai résolu de mettre ce rapport sous les yeux du comité. M. Larcher a dû examiner avec un soin minutieux toutes les verrières de l’église, pour restituer aux fenêtres qu’il entreprenait les fragments dispersés dans les autres. Il lui a fallu conserver avec un soin scrupuleux tout ce qui, dans l’œuvre primitive, était susceptible de l’être ; éloigner avec discrétion les parties que le temps ou d’autres causes avaient trop complètement détériorées, et enfin substituer ses propres inspirations à l’œuvre du xvie siècle, partout où celle-ci faisait défaut. À mon gré, M. V. Larcher s’est acquitté avec bonheur d’une tâche souvent ingrate, et dans laquelle les proportions de la dépense ne devaient point compenser peut-être la sécheresse de la besogne. Le ton général des fenêtres n’a pas cessé d’être excellent ; et quant au détail des panneaux, quant au profil des personnages et à la coordination des sujets, l’artiste a su choisir ses réminiscences et ses types dans les meilleurs cartons de vitraux de la même époque recueillis dans des localités différentes.

Voici maintenant quelles sont les fenêtres restaurées : je donne à la fois le nom du sujet représenté et l’indication de la proportion dans laquelle il a fallu mettre du neuf pour chaque sujet différent. Une seule fenêtre sur les quatre de l’abside qui ont été réparées, celle qui représente la légende de saint Pierre, patron de la paroisse de Montmort, s’est trouvée à peu près intacte, bien qu’un des panneaux eût été complètement transporté ailleurs. Cette fenêtre seule aussi reproduit sous chaque sujet son texte explicatif en français de l’époque ; je l’ai également reproduit cidessous.

1re  fenêtre, à droite de l’abside.

1° L’Annonciation, 2/5 de neuf.

2° La Visitation, 1/3 environ.

3° La Nativité, 1/4.

4° L’Annonce aux bergers, 1/4.

5° L’Adoration des mages, 2/5.

6° La Fuite en Égypte, 1/2 au moins.

2e fenêtre.

1° Un chevalier à genoux, les mains jointes : ce personnage est le donateur du vitrail, le seigneur d’Angest, 1/2 de neuf.

2° Quatre anges ; deux, au bas du panneau, soutiennent les écussons du seigneur d’Angest et de son épouse : les d’Angest portent d’argent, à la croix de gueules, chargée de cinq coquilles d’or, à la fasce crénelée d’azur, en chef. Les deux anges supérieurs supportent l’écu de France surmonté d’une couronne, 1/3 de neuf.

3° Une dame agenouillée, les mains jointes sur un livre, et la figure tournée vers le chevalier du panneau n° 1 : c’est la dame d’Angest, 1/2 de neuf.

4° L’Entrée de Jésus-Christ à Jérusalem, 1/5.

5° La Cène, 1/5.

6° L’Agonie au jardin des Olives, presque tout neuf.

7° Trahison de Judas, presque tout.

8° Jésus devant Pilate, 1/3.

9° La Flagellation, presque tout.

10° Le Couronnement d’épines, tout neuf.

11° Jésus montant au Calvaire, tout neuf.

3e fenêtre, dans l’axe de l’abside.

Notre-Seigneur sur la croix ; sujet unique du vitrail, refait à neuf aux 3/4.

La composition de ce vitrail est d’un très-bel effet, et me paraît offrir un des beaux types du xvie siècle. Le sujet occupe toute la hauteur de la fenêtre, moins quelques très-petits compartiments à l’amortissement, qui représentent la résurrection de Notre-Seigneur, et son apparition aux saintes femmes. Les figures sont plus grandes que nature, et le Christ, conservé dans sa totalité, est très-beau. La sainte Vierge et saint Jean se tiennent debout au pied de la croix, pendant que la Madeleine, prosternée, enlace avec amour dans ses bras le bas de l’arbre divin ; des anges reçoivent dans des coupes le sang qui coule des mains, des pieds et du côté de la grande victime.

Les têtes de saint Jean et de sainte Madeleine sont neuves et très-heureuses d’expression ; saint Jean surtout offre un profil remarquable. Du reste, M. Vincent Larcher a su reproduire avec beaucoup d’entente les parties qui manquaient, et harmoniser ses draperies et ses personnages de manière à présenter un tout qui fût aussi d’accord que possible avec l’ancienne composition du vitrail.

4e fenêtre, légende de saint Pierre.

Dans le bas du panneau inférieur sont représentés les donateurs à genoux, avec une inscription que je n’ai pas pu déchiffrer, et que je pourrai peut-être restituer plus tard. Viennent ensuite les différents faits de la vie du prince des apôtres d’après l’Évangile et la légende.

1° Vocation de saint Pierre, 1/30 de neuf.

« Comment saint Pierre pêchait poissons à la mer pour gagner sa vie, avec retz et hameçons, tant pour lui que pour sa maison. »

2° Jésus-Christ invite saint Pierre à marcher sur les eaux, 1/7.

« Comment Jésus-Christ apparaît à saint Pierre dessus la mer, et aussi comment il voulut pour Dieu courir tourment de mer. »

3° Prédication de saint Pierre, 1/6.

« Saint Pierre a fait mainte conversion à la foi catholique, en cette ville et région confondu les hérétiques. »

4° Résurrection de Thabite, 1/12.

« Par la grâce de Jésus-Christ les morts saint Pierre ressuscita, et moyennant Saint Esprit plusieurs à la foi redressa. »

5° Saint Pierre délivré de prison, 1/8.

« Saint Pierre fut emprisonné et de chaînes garrotté, mais par l’ange fut délivré de cruauté d’homme et d’enfer. »

6° Saint Pierre se préserve de la morsure des chiens de Simon le magicien, 1/4.

« Simon Magus les chiens harroit à saint Pierre pour l’étrangler ; mais du pain bénit leur donnoit pour se garder et préserver. »

7° Saint Pierre détruisant les prestiges de Simon, 1/2.

« Simon Magus voulait monter en paradis comme vrai Dieu, mais en montant sans plus douter en enfer tomba dans le feu. »

8° Saint Pierre et saint Paul devant Néron, qui les fait emprisonner, 1/3.

« Peu après la mort de Simon Magus, l’empereur fit prendre saint Pierre avec Saint Paul, et tous deux fit mettre en prison. »

9° Saint Pierre, s’enfuyant de prison, arrêté par Notre-Seigneur, 1/10.

« Saint Pierre en s’enfuyant de Rome, Jésus-Christ va à lui et lui dit: Quo vadis ? où vas-tu, mon ami ? »

10° Supplice de saint Pierre, 1/3.

« Saint Pierre, comme pouvez voir, fut crucifié la tête en bas ; il souffrit passion et pour la foi, n’en doubte pas. »

11° Ensevelissement de saint Pierre, 1/30.

« Saint Pierre fut enseveli après sa mort et mis en bière, et son esprit aux cieux ravi, porté devant Dieu le père. »

12° Saint Pierre revêtu de la chape.

« Ici dessus vous pouvez voir comment saint Pierre fut élu pape, moyennant son … et pouvoir de dignité y reçut la chape. »

À l’amortissement se trouvent deux petits sujets nouveaux, représentant saint Pierre et saint Paul dans la gloire.

Tel est l’état des restaurations faites aux vitraux de l’église de Montmort; l’allocation accordée n’ayant pas permis d’aller plus loin, il a fallu s’arrêter pour le moment. Si plus tard de nouveaux secours de l’État permettent de réparer la cinquième fenêtre de l’abside et les quatre autres fenêtres des transsepts, j’aurai l’honneur de mettre sous les yeux du comité la fin de ce travail.


II.

Description de l’ancienne cloche de l’horloge de l’hôtel de ville de Saint-Quentin, d’après le chanoine Charles de Croix ; par M. de la Fons-Mélicoq, correspondant à Douvrin (Pas-de-Calais).

« Le jeudy 9e d’août 1663, on a monté à l’Hôtel de ville la grosse cloche de l’horloge dans le lieu de la charpente dressée au-dessus dud. Hôtel de ville, laquelle charpente a esté faite par Louis Levant, charpentier, dont le dessin a été trouvé joly et agréable par un chacun. Il a eu pour sa façon d’icelle la somme de 750 livres. Messieurs de ville ont livré le bois nécessaire ; la plus grand part des bourgeois ont contribué à cet édifice, et chacun a donné ce qu’il a voulu : et moy, Charles de Croix, j’ai donné, sans reproche, la somme de onze livres pour ma part.

« Il y a écrit autour de lad. cloche de cette horloge ces mots :

« Je suis pour orloge à la ville du Castel en Cambresis, fondu du temps de Jacque de Croy, evesque de Cambray[2], en l’an mil cinq cens et six. »

« Il y a autour de cette cloche un écusson où est représentée la Vierge tenant Notre-Seigneur assis sur son genou droit, puis quatre autres plus petits écussons, où sont un ange, un lion, un bœuf et ung aigle représentant les quatre évangélistes.

« Plus il y a autour de lad. cloche de cette horloge un saint Michel terrassant un dragon.

« Il y a encore un grand écusson dans lequel sont trois grans lions, tous de hauteur. On y voit aussi deux autres petits écussons où sont les armes dud. Castel en Cambresis, assez difficiles à voir et connoître. Et, au commencement de l’écriture qui est sur lad. cloche, est représentée une croix.

« Cette cloche pèse 2500 livres, et toute l’horloge a coûté à Messieurs de la ville d’achat fait au maïeur dud. Castel, que le roi Louis XIII avoit gratifié, auparavant que ledit castel fût rasé par l’ordre de Sa Majesté chrétienne, en l’an 1644 ou 1645 ou environ[3], la somme de 1800 livres.

« Elle a été achevée à être couverte de plomb, et la fleur de lys mise et posée le 8 janvier 1644. Elle a commencé à sonner au mois de fév. 1644, et à jouer le jour de l’Annonciation de la Vierge (25 mars).


III.

Notice sur une clochette du xvie siècle, par MM. Dusevel, membre non résidant du Comité des arts, et Goze, correspondant.

M. Dusevel, dans sa tournée d’inspection des monuments historiques du département de la Somme, trouva, dans la jolie église de Poix, sur les marches du maître-autel, une clochette ancienne dont il releva l’inscription. M. Goze, qu’il instruisit de ce fait, ayant eu l’occasion d’aller à Poix, prit l’estampage ci-joint de cette inscription. Par ses informations dans le pays, il sut que la clochette en question servait encore, il y a environ six ans, au clocheteur des trépassés. Ce vieillard presque nonagénaire, pour la modique somme de dix centimes, recommandait hautement aux prières des fidèles, la nuit, veille des grandes fêtes, chaque âme de défunt dont on lui donnait le nom.

L’établissement d’un clocheteur des trépassés avait lieu dans toutes les localités importantes de notre Picardie ; un chapitre des ordonnances de l’échevinage d’Amiens est ainsi conçu (date, 1586):

Clocheteur ou recommandeur des trespassez pour recommander aux prières des bonnes gens ceux qui sont décédez la veille dont lui est baillé mémoire.

On lui donnait 2 sols par personne.

À Péronne, en 1768, le duc de Chaulnes, gouverneur de Picardie, fit supprimer le sinistre héraut de la mort, parce que la haute et puissante dame son épouse, passant une nuit à Péronne, avait été grandement effrayée du terrible memento proclamé au sein des ténèbres.

On dit qu’à Crécy, la voix du clocheteur des morts répand encore l’épouvante dans ce champ de bataille où dorment trente mille Français morts pour la patrie. La même coutume existait à Domart-lez-Ponthieu et à Conty ; dans ce dernier bourg, la recommandation des morts se faisait la veille de Noël et le lendemain de la Toussaint. Voici la formule la plus habituelle débitée d’un ton traînant, nasillard et lamentable :

Réveillez-vous, gens qui dormez,
Priez Dieu pour les trépassés ;
Pensez à la mort ! pensez à la mort !

L’inscription de notre clochette offre plus d’un motif d’intérêt ; en tête, on y distingue, difficilement néanmoins, le blason des Tyrel, famille illustre du pays.

En général, on peut attribuer pour armoiries aux petites villes, à défaut d’autres renseignements, les blasons des familles puissantes qui y ont dominé ; souvent les monuments servent de preuve à cette supposition. À Picquigny, sur d’anciens sceaux, sur une maison en bois dans le style de la renaissance, près du pont, sur la grosse cloche et sur une des clefs de voûte de l’église, transsept gauche (date de 1575), on voit les armes de l’ancienne famille de Picquigny qui portait :

Fascé d’argent et d’azur de six pièces, à la bordure de gueules.

Les Tyrel, dont le blason fut adopté par la ville de Poix, portent : De gueules à la bande d’argent accompagnée de six croix recroisettées de même, trois en chef, trois en pointe.

Dans la restauration du portail de l’église de Poix, on a eu soin de reproduire fidèlement la croix en pierre qui en somme le pignon. Elle est recroisettée, comme celle des Tyrel, par le moyen de crochets en feuillages enroulés, tels que ceux qu’on remarque aux clochetons des monuments de style flamboyant.

Le clocheteur des trépassés était ordinairement un homme de service attaché aux hôpitaux, qui peut-être percevaient une partie de la rétribution exigée pour la recommandation des morts ; il était donc juste que l’Hôtel-Dieu de Poix contribuât aux frais nécessités pour la confection de la clochette de son employé.

Notre clochette a une forme élégante ; sa robe est allongée, d’un beau galbe ; en termes de fondeur, elle a peu d’épaisseur à son cerveau, ou partie supérieure, et beaucoup à sa pince, ou partie inférieure.

Conformément à la sévérité de sa destination, elle ne présente aucun ornement ; le manche en fer, ajouté après coup, n’offre rien de remarquable et semble usé par un long emploi. Approximativement, la clochette a de diamètre 12 centimètres, et de poids 3 kilogrammes. Les métaux de l’alliage qui la forment doivent être très-purs, car elle jouit de toutes les perfections des chefs-d’œuvre de l’art campanaire du xvie siècle. Son timbre, vibrant et argentin, devait retentir avec une certaine solennité dans les rues de la ville antique de Poix ; au sein des ténèbres, elle rappelait aux citoyens leurs graves devoirs envers leurs frères qui les avaient précédés dans ce monde terrestre.

Une dernière considération donne de l’intérêt à notre sonnette, c’est qu’elle mentionne le nom d’un artiste de nos contrées. En explorant les cloches des environs de Poix, peut-être trouverions nous quelque œuvre d’Andrieu Munier ; de même Péronne, Picquigny, Beauvais, nous exhibent simultanément sur leurs cloches antiques les noms des Croisilles, des Guérin, etc.


IV.

Notice sur l’abbaye d’Orbais, par M. de Mellet, correspondant à Chaltrait (Marne.)

Après avoir, dans plusieurs mémoires successifs, mis sous les yeux du comité historique un état de la situation monumentale actuelle de l’église d’Orbais[4], je crois qu’il ne sera pas sans intérêt pour ses travaux de lui donner ici des extraits d’un manuscrit inédit relatif à l’ancienne abbaye ; ce manuscrit, écrit vers 1702 par un religieux d’Orbais dont le nom n’y est point relaté, ce manuscrit, dis-je, est le seul titre, le seul écrit échappé, à ma connaissance du moins, au naufrage de ce monastère, illustre par ses origines et par son antiquité. Nous devons sa conservation au dernier prieur d’Orbais, dom Abel Carré, qui le recueillit et le sauva de la destruction de 1791, lors de la cessation de l’office divin dans l’enceinte du monastère. On lit à la dernière page du manuscrit, et d’une autre main que l’ouvrage, les lignes suivantes : « L’abbaye d’Orbais, supprimée par les décrets de l’Assemblée nationale, comme tous les chapitres et maisons religieuses de France, a cessé de faire l’office le 3 avril 1791, jour où l’on a achevé de dépouiller l’église et de vendre tous les meubles du monastère. Cette histoire a été sauvée des ruines et du pillage par moi, soussigné, prieur de ladite abbaye, F. Pierre-François-Abel Carré. »

Le comité trouvera dans les extraits de ce manuscrit des détails intéressants sur l’histoire de l’abbaye d’Orbais, et même sur l’ancien état monumental de son église. Il est intitulé : Recueil de quelques actes, bulles, chartres, extraits, pièces, titres, pour servir à l’histoire de l’abbaye de Saint-Pierre d’Orbais-en-Brie, ordre de Saint-Benoist, congrégation de Saint-Maur. Je donne ici le chapitre sixième, qui rentre plus spécialement dans l’ordre des travaux du comité historique des arts et monuments, et je ne change rien au style de l’auteur, qui est attachant par sa simplicité.

CHAPITRE SIXIÈME.
De l’église de l’abbaye de Saint-Pierre d’Orbais ; des saintes reliques et anciens monuments qu’on y conservent (sic).
§ 1er . — De l’église.

« L’église de l’abbaye Saint-Pierre d’Orbais, dédiée à Dieu sous l’invocation des princes des apôtres saint Pierre et saint Paul, dont la principale partie se voit encore aujourd’huy, a été bâtie par le zèle et les libéralités de Thibaud III du nom, comte palatin de Champagne et de Brie, vers la fin du douzième siècle ou au commencement du treizième siècle, par Thibaud IV, successeur du précédent, qui joignit à ses états le royaume de Navarre en 1234 ou 1236, à cause de Blanche I du nom, de Navarre, fille de Sanche VI, dit le Sage, et sœur de Sanche VII, dit le Fort ou l’Enfermé, mort sans enfans. Cette conjecture se tire d’un manuscrit intitulé : Singularités d’Orbaiz, écript par un ancien religieux le vingt-cinquième jour de novembre mil six cens neuf, jour de la fête de saint Réole, qui marque « qu’il y a quatre cens neuf ans que le corps de l’église fut renouvellé par un comte Thibaud, et ne s’en voit aucun titre ni chartres, d’autant que l’abbé Nicolas de la Croix avait enlevé tous les papiers, titres et autres renseignements qui ont été perdus depuis. »

« On solennise la fête de la dédicace de cette église le trentième jour d’août ; mais on ne sçait point en quelle année, par quel évêque, ni sous quel abbé la cérémonie de cette dédicace a été faite.

« Cette église seroit une des plus belles du pays et tout à fait digne de la magnificence de nos pieux comtes palatins de Champagne, qui succédoient les uns aux autres à une sainte émulation et affection pour cette abbaye, comme on a dit cy-devant, si elle avoit esté achevée ou soigneusement conservée ; mais on ne trouve rien qui prouve que ce grand dessein ait été achevé ; et si il l’a été, on ne sçait pas en quel temps, à quelle occasion, par quel accident ni par qui la plus grande partie de la nef, le portail ont été détruits, et que la voûte du bas de la nef est tombée.

« Il ne reste plus de ce beau monument de la piété de nos bienfaiteurs que le chœur, la croisée, le rond-point ou pourtour, et sept chapelles autour dudit rond-point, dont l’une, qui est vers le dortoir du septentrion, sert de sacristie et thrésor pour y conserver les vases sacrez, les saintes reliques, l’argenterie, ornements, etc.

« On voit encore après le chœur une partie de la nef dont la voûte tomba en mil six cens cinquante et un, du temps de Pierre de Séricourt, sieur d’Esclainvilliers, en Picardie, chevalier de Malthe et abbé commendataire d’Orbaiz. La chute de cette voûte fracassa le jubé de bois et les chaires du chœur voisines, et fit écarter le gros mur de ladite nef du côté du midi, ce qui est cause que les deux gros piliers surplombent de plus d’un pied vers les chapiteaux. On se contenta, quelques années après, de faire le lambris ou plafond, qu’on voit encore aujourd’hui, aux dépens de l’abbaye, puisqu’il fallut prendre des chênes dans le bois de la Croupière, qu’on a tout dégradé, quoique l’abbé dût faire ladite réparation, à cause du troisième tiers dont il jouit pour acquitter toutes les charges. Ce lambris coûta, pour la façon seulement, deux cens livres, suivant les quittances de Jean Heullier, charpentier de Mareuil, des sept et dix-huitiesme jours d’octobre 1657 ; et quelque temps après, le R. P. dom Pierre Mongé, a fait réparer les chaires du chœur rompues, sans rétablir le jubé.

« Au mois de may mil sept cent un, pour empêcher la ruine de la nef par la chute du gros mur vers le midi, les religieux firent placer et poser, en travers sur les chapiteaux des quatre pilliers de ladite nef, deux grosses poutres, suivant l’avis des experts nommez dans le procez-verbal fait par le sieur Hervé, conseiller au grand conseil, commissaire député en 1688 ; le 18 août, après une transaction du 3 mars 1687, suivie d’un arrest du 26 août 1687. Dans un autre procez-verbal conservé dans le chartrier, fait au mois de décembre mil cinq cens quatre vingt un par Louis Duras, conseiller audit grand conseil, commissaire député pour visiter les réparations de cette abbaye, après la mort de Nicolas de la Croix, à la requête de Jean du Pillet, son successeur dans cette abbaye, il y est dit qu’il n’y avoit que quelques ouvertures larges de quelques pieds à la voûte de cette partie de nef, lesquelles n’ayant pas été rebouchées et réparées promptement, par les soins de messieurs nos commendataires, elles ont causé la ruine et la chute de cette voûte. Le Rd P. dom Pierre Mongé pressant un jour Pierre de Séricourt de réparer l’église, il lui fit une réponse digne d’un abbé soldat : « Laissons tomber l’église ; nous ne serons plus obligez à l’entretenir ; la chapelle du Saint Esprit suffira pour faire l’office à si peu de moines. » Le Rd P. dom Pierre Mongé releva cette réponse impie avec toute sa force et son zèle ordinaires, ferma la bouche et chargea de honte et de confusion ledit P. de Séricourt, qui en fut tout interdit et ne sut que répliquer. Mais après tout, que devoit-on attendre d’un commendataire, et d’un commendataire soldat ?

« Les fenêtres de la croisée sont différentes de celles du rond-point et de la nef, celles-cy étant plus larges et mieux travaillées que celles-là ; ce qui peut dénoter une interruption et discontinuation de travaux, un changement ou des bienfaiteurs, ou d’architectes ou d’ouvriers d’un dessein et d’un goût différent.

« Les anciennes vitres étoient très-belles, peintes, et représentoient plusieurs évêques en habits pontificaux, et autres grands personnages, et au bas de leurs figures leurs noms en gros caractères gothiques, comme il en reste encore quelques-uns au rond-point, et comme on voit ailleurs dans les plus grandes et anciennes églises, selon l’ancien usage ; mais à mesure qu’elles se cassent, on en met des blanches qui rendent l’église plus claire.

« Les chaires du chœur, au nombre de quatorze supérieures et de neuf inférieures de chaque côté, sont d’un dessin et d’un goût gothique, et ont été faites apparemment sous Louis de Bourbon, cardinal de Vendôme, premier abbé commendataire d’Orbaiz, vers l’an mil cinq cens vingt. Ses armes y sont en relief aux dossiers de la première et dernière chaire du côté droit. Il portoit de France, à la bande chargée de trois lionceaux d’argent, qui est de Vendôme, l’écu surmonté du chapeau de cardinal. On rapprocha vers le maitre autel lesdites chaires au mois d’août mil six cens quatre vingt dix-neuf, pour rendre le chœur plus large et réparer les deux maîtres pilliers au bas et derrière lesdites chaires, qui avoient été fort endommagez et sapez par la baze.

« Il y avoit aussi un jubé de bois, de même dessein et de même façon que les chaires, où on chantoit l’épitre et le saint évangile aux messes des fêtes solemnelles ; mais il fut aussi rompu et brisé en morceaux par les pierres de la voûte tombée en 1641 ; il n’a point été rétabli : on voit encore dans les chaires du côté gauche la petite porte pour y monter.

« Après la démission libre et volontaire de cette abbaye faite par Jacques Pouilly de Lançon, abbé commendataire, sur la fin de l’année mil six cens quatre vingt seize, avec l’agrément du Roi, en faveur de Jean Louis Fortia de Montréal, ledit Rd P. dont Pierre Mongé fit réparer ledit rond-point, croisées et chapelles en dehors, crépir et blanchir en dedans le chœur, croisées, chapelles, basses-voûtes des collatéraux, etc.

« Il y a eu autrefois dans cette église un jeu d’orgues, dont le fust ou buffet occupoit presque tout l’espace de la croisée septentrionale au-dessous de la grande rose ou vitre du côté du dortoir, et fut démonté par Nicolas David, couvreur, en 1669, par ordre du Rd P. D. Félix Mauljean, premier supérieur depuis l’introduction de la congrégation de St -Maur en ce monastère, pour y placer l’ancienne horloge, au lieu de laquelle on a placé la nouvelle au mois de juin mil sept cens. On voit encore une pièce de bois ou corbeau qui avance à côté dudit horloge, qui soutenoit ledit buffet, suivant l’attestation des plus anciens habitans d’Orbaiz qui l’ont vu placé dans cette église. On dira ici par occasion que l’usage des orgues dans les églises, et même dans celles de nos monastères, n’est pas nouveau : pour en être persuadé, il ne faut que lire la préface du Rd P. dom Jean Mabillon, page 82, 83, 84 de la première partie du troisième siècle des actes des saints de l’ordre St -Benoist, où il rapporte plusieurs temoignages des autheurs irréprochables qui l’assurent. On y lit, page 83, les louanges que le moine bénédictin anglais donne en vers à Elfège, évêque de … pour avoir introduit et donné des orgues dans l’église de son monastère dans le dixième siècle.

Talia et auxistis bîc organa, qualia nusquam
Cernuntur, gemino constabilita sono.
Bisseni supra sociantur in ordine folles,
Inferiusque jacent quattuor atque decem.
Flatibus alternis spiracula maxima reddunt,
Quos agitant validi septuagiuta viri.
…………………………
Sola quadringentas quæ sustinet ordine musas,
Quas manus organici temperat ingenii.

« Cet usage était aussi dans nos monastères d’Italie, suivant la remarque du même dom Jean Mabillon, ibid., p. 83. « De Italia vero testatur Grebertus in epistola nonagesima prima ad Raimundum, Aureliacensem abbatem, in qua dicit non habere se quod scribat super organis in Italia positis, ac monacho dirigendo, qui ea conducat. » Baldricus, archevêque de Dôle, dans sa lettre aux religieux de Fécamp en Normandie, en parlant de leur église, dit que ce qu’il y avoit remarqué de singulier, et qui luy avoit extrêmement plu, étoit un certain instrument de musique, composé de flûtes d’airain ou de cuivre et de soufflets, qui rendoient un son fort harmonieux. Le même Baldricus ajoute ensuite que cet instrument ne plaisoit pas à tout le monde, qu’il y avoit dans ce temps là des humeurs et des esprits faits en dépit du bon sens, ennemis irréconciliables de tout ce qui peut élever nos cœurs et nos esprits à Dieu, les réunir et les recréer innocemment, plus farouches et plus brutaux que les bêtes, même les plus stupides, lesquelles s’arrêtent, s’apprivoisent et se laissent enfin gagner par les charmes et les attraits de la musique, comme il y a encore aujourd’huy de ces esprits hétéroclites, qui, bien moins par le motif d’une véritable piété et d’une sincère mortification de leurs sens extérieurs que par envie, par une fausse idée de réforme, ou parce qu’ils ont l’intelligence trop épaisse et trop bouchée, et l’âme rampante, pour pouvoir s’élever et comprendre ce que les orgues insinuent agréablement à nos âmes, ne peuvent les souffrir, les condamnent, les censurent absolument, déchirent par leurs médisances aussi injustes que cruelles ceux qui sçavent s’en servir pour louer Dieu, comme le saint roy David, élever et conduire insensiblement les hommes à la connoissance, au désir de posséder les plaisirs du ciel. On convient aussi que dans l’usage de cet admirable instrument, il faut observer très-exactement les règles si saintement prescrites par un concile provincial tenu à Sens en mil cinq cent vingt huit, 1528, le dix-septième.

« Organorum usum ecclesia a patribus ad cultum servitiumque divinum recepit. Nolumus itaque quod organicis instrumentis resonet in ecclesia impudica aut lasciva melodia : sed sonus omnino dulcis, qui nihil præter hymnos et cantica spiritualia representet. (Concil. Senon, can. 17, anno 1528.) »

« En mil six cens quatre vingt dix neuf, au mois d’août, on démonta un grand ouvrage de menuiserie et de sculpture, au milieu duquel il y avoit un grand tableau représentant Jésus-Christ ressuscité ; les gardes du tombeau, et un religieux à genoux, qui étoit au grand autel, et qui cachoit et bouchoit le fond du chœur, les basses voûtes du rond-point, la chapelle du Saint-Esprit dans le fond, celles de saint Jean-Baptiste et de la Magdelaine aux deux côtez. Les pieds d’estaux ou bazes, les colomnes, les chapiteaux, la corniche et un des frontons furent transportez et adossez contre les basses chaires du chœur du côté de la nef, et le tableau posé contre le gros mur de la nef en bas et en dedans d’icelle.

§ 2. — Des saintes Reliques conservées dans notre église.

On conserve dans cette église une particule ou morceau de la sainte vraie Croix, enfermée dans une croix couverte de lames de cuivre doré, enrichie de philagrammes et de quatorze pierres précieuses.

Un chef ou buste d’argent, haut d’environ deux pieds, et représentant un évêque, la mitre en tête, dans lequel sont enfermez des vertèbres de saint Réole, notre fondateur. Il y a plusieurs pierres ; deux chasses de bois noirci, longues d’environ deux pieds, garnies de feuillages et ouvrages d’argent à quatre faces, remplies des ossements du même saint Réole. Le reste est à Hautvillers. Deux bras de cuivre doré enrichis de philagrammes d’argent et de quelques rubis et autres pierres : dans l’un est un os de saint Firmin, évêque et martyr d’Amiens ; dans l’autre, un ossement du même saint Réole. Nous avons remarqué ci-devant que ces saintes Reliques avoient été mises avec cérémonies et solennités dans ces nouveaux reliquaires en l’année mil six cens quatre-vingt six.

Moribus et vita cunctis qui mansit amandus,
Hinc abiit, sed non obiit, transivit ad esse.

« La seconde pierre ou tombe au bas du presbythère ou sanctuaire de notre église, au-dessous de la lampe, est de Guy ou Guillaume de Treveslcay, abbé d’Orbaiz, mort au mois de septembre mil trois cens cinquante deux, comme il est marqué sur cette tombe de pierre blanche, sur laquelle les parolles suivantes sont gravez : « Cy gyst messire Guy (ou Guillaume) de Trevesclay, jadis abbé d’Orbès, qui trépassa l’an de grâce m. ccc. l. ii, ou mois de septembre, priez pour l’âme de li, en disant : Requiem œternam dona ei, Domine, et lux perpetua luceat ei, cum sanctis tuis in œternum, quia pius es. » Cet abbé est représenté revêtu des habits pontificaux, mitre en tête, anneau, gants, crosse en dehors, chaussures, etc., la tête en bas, les pieds vers l’autel, selon l’ancienne coutume de l’église.

« La troisième tombe au milieu de la chapelle dite du Saint-Esprit, dans le fond de l’église, est de Pierre de Chavigny, abbé d’Orbaiz, mort le septième jour du mois d’août mil quatre cens vingt et un, comme on lit sur ladite tombe, où les parolles suivantes sont gravez : « Cy gyst messire Pierre de Chavigny, jadis abbé d’Orbaiz, qui trépassa en l’an de grâce Notre Seigneur m. iiiic. xx. le septième jour du mois d’août. Priez Dieu pour l’âme de luy. » Cet abbé est représenté comme le précédent, revêtu de tous ses habits pontificaux, les pieds vers l’autel et la tête vers le bas, suivant l’ancien usage.

« On voit encore la figure en relief, longue d’environ cinq pieds, d’un évêque ou abbé régulier, sous une arcade au bas de la croisée méridionale dans un coin ; mais on ignore le nom de celuy qu’elle représente, faute d’inscription. On l’a changée plusieurs fois de place. En 1696, elle étoit à la porte par où l’on entre aujourd’huy au chœur, devant la sacristie, auparavant que l’on y eut fait la balustrade de bois.

« La grande pierre qui est au bas du chœur, à la porte, y fut apportée et posée au mois d’août 1699, lorsqu’on avança les chaires vers le maître autel pour élargir le chœur ; mais il n’y a aucun corps humain dessous.

« Dix à douze pieds au-dessous, dans la nef, on voit la moitié de la tombe de dom Jean Louveau, prieur claustral et vicaire général de Nicolas de la Croix, abbé d’Orbaiz. On ne sait où est le reste ; on croit que cette partie a été prise pour faire la marche.

« Outre les susdites saintes reliques, il y a encore quelques autres reliquaires de bois doré, dans lesquelz on conserve encore quelques ossements du même saint Réole, des SS. Apollinaire et Thimotée, martyrs de Reims, et autres saints ossements, comme un ossement d’une mâchoire qu’on tient par tradition, et suivant un inventaire du thrézor, être de saint Joseph ; des petits ossements de saint Cristophle, de saint Clément, saint Loup, et quelques ossements de saints inconnus ; suivant un procez-verbal fait par les RR. PP. dom Pierre Mongé, prieur, et dom Guillaume Jamet, religieux d’Orbaiz, le dernier jour de may 1381.


(La suite au prochain numéro.)
Sonnette de la chapelle du château, à Brugny
  1. Voir le rapport, page 4.
  2. De 1501 à 1516.
  3. Louis XIII mourut en 1643.
  4. Bulletin archéologique, tome II, pages 249 et 365 ; tome III, pages 96 et 135.