Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome IV/Séance du 17 mars 1834


Séance du 17 mars 1834.


présidence de M. constant prévost.


Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, le président proclame membres de la Société :

MM.

Castano, docteur médecin, aide major au 3e cuirassiers, à Tours ; présenté par MM. Virlet et Voltz ;

Bouillet, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Clermont-Ferrand, présenté par MM. Desnoyers et C. Prévost ;

Brignoli (Jean), professeur de botanique à l’université de Modène, présenté par MM. Bertrand-Geslin et Brongniart ;

Scott, docteur médecin, à Paris, présenté par MM. Roberton et Boué ;

Ward, des États-Unis, présenté par MM. Clemson et de Verneuil ;

Buteux, membre du conseil-général du département de la Somme, etc, à Fransart, près Roye (Somme), présenté par MM. Élie de Beaumont et Virlet.


dons faits à la société.

La Société reçoit les ouvrages suivans :


1° De la part de M. Fournet, les trois notices suivantes, dont il est l’auteur :

A. Notice sur les minerais de plomb carbonates noirs et blancs. In-8", 40 p. Clermont 1832.

B. Notice sur la silice gélatineuse de Ceyssat, près de Pontgibaud, département du Puy-de-Dôme, et sur son emploi dans les arts. In-8°, 28 p. Clermont-Ferrand, 1832.

C. Recherches sur les sulfures métalliques et aperçu sur quelques résultats de leur traitement métallurgique. In 8°, 62 p. Paris, 1833.

2° De la part de M. Raby, sa Notice sur le gisement des divers minerais de cuivre de Saint-Bel et de Chessy (Rhône). In-8°, 16 p. une pl. (Extrait des Annales des Mines, 3e série, tome IV).

3° De la part de MM. Virlet et Boblaye, la 7e livraison de leur travail sur la géologie de la Grèce, feuilles 33 à 38, grand in-4°, extrait de la partie des sciences physiques de l’expédition scientifique de Morée.

4° De la part de M. Boubée, son Bulletin d’histoire naturelle de France, 8e section : Statistique géotechnique. In-8°, 20 p.

5° De la part de M. William Nicol, son Mémoire intitulé : Observations on the structure of recent and fossil coniferœ. In-8°, 24 p. 3 pl. (Extrait de l’Edinburgh new philosophical journal for january 1834). Cet envoi est accompagné de plusieurs échantillons de ces bois fossiles, renfermés entre des lames de verre et de mica.

6° De la part de M. Jameson, une notice ayant pour titre : Galerie de portraits nationaux (National portraits gallery, etc.), In-8° 30 p. et trois portraits dont celui de M. Jameson. Londres 1834.

7° De la part de M. Tournal :

A. Ses Considérations générales sur les phénomènes des cavernes à ossemens. In-8°. 20 p.

B. Ses Souvenirs d’un congrès scientifique. In 8°. 44 p. (Extrait de la Revue du Midi, tome V, 1re livraison.)

Mémoires de la Société royale des sciences, de l’agriculture et des arts, de Lille. In-8° 1833.

Annales des mines. 3° série, tome IV, Paris, 1833.

10° Recueil de la Société libre, d’agriculture, sciences, arts, et belle-lettres du département de l’Eure. Evreux, 1834.

11° Bulletin de la Société industrielle d’Angers, et du département de Maine et Loire, n° 2, quatrième année.


correspondance et communications.


M. Hyacinthe Carena, secrétaire de la classe des sciences physiques et mathématiques de l’Académie royale de Turin, écrit que cette Académie consent avec empressement à l’échange de ses Mémoires contre les publications de la Société.

M. Simonot, ancien notaire, écrit de Palissot, près Bar-sur-Seine (Aube), qu’en faisant des recherches dans les montagnes des environs, il a découvert des pétrifications, de la pierre lithographique et du marbre, et il en adresse des échantillons à la Société.

M. James Yates écrit à M. Boué, pour le prier de faire part à la Société, que les réunions de l’association Britannique pour l’avancement de la science, se tiendront cette année à Édimbourg, et s’ouvriront le lundi 8 septembre 1834, sous la présidence de M. Murchison ; il invite tous les savans français à y assister.

M. Studer de Berne. adresse à la Société dix années des rapports sur les travaux de la Société helvétique des sciences naturelles, et demande qu’on veuille bien lui envoyer en échange les volumes parus du Bulletin.

M. Fréd. Hoffmann annonce : l’envoi très prochain d’un Mémoire inédit sur les environs de la Spezia, et la formation des Dolomies, en addition aux observations de M. de la Bèche. Il a publié dans le 6e volume des archives de M. Karsten, un Mémoire sur Carrare. Enfin il s’étonne que M. Studer n’ait pas fait mention de lui dans sa notice sur les porphyres de Lugano, quoique M. Hoffmann l’ait engagé lui-même à revoir les environs de Lugano sous le point de vue particulier du classement des porphyres noirs et rouges. Dans tous les cas, M. Studer n’a fait sa course qu’après M. Hoffmann ; ainsi la priorité de ces observations appartient incontestablement à ce dernier.

M. Hoffmann donne un cours de géographie physique, et cet été il consacrera son cours de géologie aux volcans et aux phénomènes volcaniques.

La collection de fossiles de la Pologne, faite par M. Pusch, a passé en Russie, où elle a trouvé un meilleur prix qu’à Berlin.

M. Murchison annonce qu’il compte publier, l’hiver prochain, un ouvrage sur la géologie des terrains anciens d’une bonne partie de l’Angleterre, et, en particulier, du pays de Galles et des comtés limitrophes. Ouoiqu’il ait consacré à cette étude quatre mois de l’été passé, il a jugé nécessaire d’y donner encore un été entier pour pouvoir produire quelque chose de bien détaillé et d’important. Vu l’encouragement que la noblesse et les gentilshommes de province ont donné à M. Murchison, en souscrivant d’avances son ouvrage, il se trouve à même de le publier avec de grandes cartes et des coupes extraites du relevé exécuté par le bureau topographique militaire (Ordnance survey). Il y aura, de plus, au moins seize planches de fossiles non décrites jusqu’ici, des vues et des vignettes dont l’exécution avance déjà. Ses cartes modifient beaucoup celles de M. Greenough.

M. Murchison exposera dans cet ouvrage comment il est parvenu à diviser le terrain ancien de l’ouest de l’Angleterre en cinq groupes, y compris le grès pourpré intermédiaire (Old-Red) ; groupes caractérisés autant par leur position que par leurs roches et leurs fossiles.

De plus, il a découvert plusieurs vallées de soulèvement, dans lesquelles trois ou quatre formations convergent autour d’une masse centrale dénudée de roches anciennes. Dans les monts Abberly, M. Murchison a observé, sur une étendue de cinq à six milles, un renversement complet de deux de ces formations intermédiaires récentes, bouleversement si complet que le dépôt récent ou couches de Ludlow plonge au-dessous du dépôt plus ancien ou couches de Wenloch et de Dudley. Un tableau général de ces résultats sera publié dans le volume prochain des Transactions géologiques. Il annonce en outre avoir publié une description des environs de Cheltenham.

M. Will. Nicol, en adressant quelques exemplaires d’un Mémoire sur des conifères récens et fossiles, envoie quelques tranches minces et polies du tronc fossile qui a été découvert à Craigleith. Parmi ces tranches il y en à qui sont placées sous du mica, et sont vues avec la plus grande perfection à la lumière de la chandelle et sous un microscope grossissant trois à quatre cents fois. Il y a aussi une tranche longitudinale d’un radius d’Araucaria de la Nouvelle-Hollande. On peut bien observer les coupes transversales sous verre avec un microscope grossissant cinquante à soixante fois, mais les disques dans les coupes longitudinales du tronc de Craigleith ne demandent pour être vues qu’une simple lentille et la lumière du soleil plutôt que celle de la lampe. M. Nicol adresse ces échantillons afin qu’on puisse juger de la fidélité de ses dessins : toutefois, il fait observer qu’il a figuré les tranches les plus fines et les plus distinctes.

M. Bertrand Geslin annonce, d’après une lettre qu’il a reçue de M. Brignoli, que l’ouvrage de ce savant sur l’histoire naturelle du duché de Modène, en 5 volumes in-8o, est déposé à Paris chez Baillière et se vend 50 francs.

M. Boubée annonce ensuite qu’il vient de se former à Perpignan une Société scientifique, sous le nom de Société philomatique de Perpignan.

Il demande qu’à l’avenir il soit fait un extrait ou un rapport sur tous les ouvrages de géologie qui sont adressés à la Société ; cette proposition est renvoyée au conseil.

M. Clemson fait connaître, d’après un journal des États-Unis, que le 12 février 1834 un tremblement de terre s’est fait sentir à Lancaster dans l’État de Pensylvanie ; que les maisons ont été fortement ébranlées, et toutes les lumières éteintes par la secousse, que les habitans comparèrent à une forte explosion d’un magasin à poudre.


Décisions prises par le conseil dans sa séance du 17 mars.


Sur la proposition de M. Boué, le conseil décide que les personnes chargées de rendre compte des travaux et des progrès de la géologie, seront à l’avenir désignées à l’avance, afin qu’elles aient le temps de réunir tous les matériaux nécessaires. En conséquence de cette décision, M. Rozet est chargé du résumé des travaux de la Société géologique pendant l’année 1834 ; il y joindra les différens travaux qui seront publiés en France.

M. Boué est chargé du résumé des progrès de la géologie en général, et particulièrement à l’étranger.

Sur la proposition de M. Boué, le conseil s’occupe de déterminer le lieu des réunions extraordinaires de cette année ; il propose Strasbourg, afin de permettre aux membres qui voudront y assister, de participer aussi aux réunions des naturalistes allemands, qui doivent avoir lieu vers la même époque à Stuttgard.

Enfin le conseil adopte les dispositions suivantes :

1° L’envoi du Bulletin aux membres qui au 1er janvier devraient plus que l’année expirée, sera suspendu.

2o Les membres sont légalement débiteurs de leur cotisation et du droit d’entrée envers la Société, jusqu’au jour où ils reçoivent le Bulletin sans envoyer leur démission.

3o Lorsqu’au 1er janvier, un membre devra à la Société plus de deux années de ses contributions, il ne sera plus porté sur la liste des membres de la Société, à moins qu’il n’ait allégué, par écrit, des motifs dont le conseil sera juge.

À dater du 1er janvier 1835, ces dispositions seront rigoureusement exécutées


mémoires.


M. Buteux lit un mémoire sur la géologie d’une partie du département de la Somme.

Dans la région S.-E. du département, c’est-à-dire dans la partie de l’arrondissement de Montdidier qui sert de limite au département de l’Oise, et dans les cantons de Chaulves et de Verle ; arrondissement de Péronne, se trouvent des terrains tertiaires qui paraissent appartenir au bassin géologique de Paris, et au groupe argilo-sableux des terrains thalassiques (d’argile plastique) de M. Brongniart.

Le mont Soufflard, monticule d’environ un quart de lieue de diamètre, situé en partie sur la commune de Villers-Tournelle, arrondissement de Montdidier, se trouve composé de haut en bas : 1o d’une couche d’environ 21 pieds d’épaisseur d’argile plastique grise, renfermant de petits galets de silex ; 2o d’une couche de 3 pieds d’argile plastique grise et jaunâtre ; 3o d’une autre couche d’argile sablonneuse gris-bleue d’environ un pied ; 4o d’une couche de 4 à 5 pieds de lignite ; 5o enfin d’argile plastique bleuâtre, reposant sur la craie blanche. Toutes ces couches sont horizontales, et, vers le nord de la montagne, le sol se compose de sables renfermant des galets.

« Sur les limites de la commune d’Ouvilliers, vers Boulogne (Oise), une argile grise est à la surface de la terre, et renferme des cérithes souvent entières et de nombreux fragmens de coquilles bivalves, mais si petites, que je n’ai pu déterminer l’espèce à laquelle elles appartiennent. À Ouvilliers, la surface du sol se compose d’une terre sablonneuse ; au-dessous est une argile jaune très sablonneuse appelée terre jaune dans le pays ; celle-ci contient en petit nombre des galets, des silex, de petits morceaux de craie et du fer pisolithique.

« Une partie du sol occupé par le village de Tilloloy offre à la surface une couche de sable ou au moins de terre extrêmement sablonneuse dont je n’ai pu savoir la profondeur : elle contient en petite quantité des silex, de petits galets, des morceaux de craie et de petites huîtres.

« Vers Bus on trouve une argile sablonneuse et crayeuse, renfermant beaucoup de silex, qui recouvre le sable pendant un petit espace : mais à Bus, au-dessus du sable est une couche d’argile plastique grise de 1 pied et demi d’épaisseur ; cette épaisseur augmente à mesure que l’on approche de Fécamp, jusqu’à environ 15 pieds. Alors cette argile plastique est grise, brunâtre, jaunâtre, et renferme, dans les parties supérieures, des galets de silex en petite quantité, quelques fragmens de pierre calcaire fort dure, anguleux, offrant des vestiges d’empreintes de coquillages, et détachés de roches éloignées. L’argile disparaît à Fécamp, et laisse à découvert la terre sablonneuse qui ne renferme ni craie, ni silex, ni coquillages, au moins dans la partie supérieure. Dans tous ces lieux, la craie blanche se trouve à 20 ou à 25 pieds environ de la surface du sol. »

Au village de Rollat, situe aux limites du département, trois exploitations de lignite permettent d’étudier le terrain facilement ; on y trouve à peu près les mêmes alternances qu’à Villers Tournelles ; seulement on y observe de plus qu’en cette dernière localité, de petites bandes coquillière.

Ce terrain s’étend aussi sur une partie du terroir de Rencangie, sur celui d’Emery situé au sud de la route de Nesle à Ham, qui s’élève au-dessus d’une plaine de terrain d’alluvion de la même nature que celui du Santerre. L’extraction de la terre glaise, des sables et des lignites permet d’y observer le terrain en plusieurs endroits. Au N.-O., on observe dans l’argile plastique des dérangemens singuliers ; à Chaulves et à Lihous, les lignites forment à la partie supérieure des ondulations de 3 à 4 pieds.

Au N.-E. du village de Belloy, on observe au milieu des bancs de sables variés, de très gros nodules d’un grès extrêmement dur. A Damery, près Roye, on ne trouve, au-dessus de la craie blanche, que des sables que l’on retrouve encore à Liancourt-Fosse et à Étalon ; en général, toutes les couches sont horizontales.

Dans les lieux où il n’y a pas de terrains tertiaires, les silex sont disséminés en plus ou moins grande quantité ; on en trouve des amas irréguliers assez considérables, excepté cependant dans le terrain d’alluvion que je vais décrire : parfois ils sont disposés par lits assez distincts et parallèles à la surface du sol, c’est-à-dire qu’ils sont tantôt horizontaux, tantôt inclinés ; il en existe un remarquable dans la partie inférieure de la couche d’argile du terrain d’alluvion à Damery ; il est très mince, se présente dans une grande longueur en formant une ligne parfaitement droite et presque horizontale comme la surface du sol. Toutes ces circonstances annoncent un dépôt tranquille.

Les silex ne sont point partout dans le même état ; ils se présentent dans le département sous quatre aspects bien différens (non compris l’état des galets dans lequel ils s’offrent aussi, comme on l’a vu plus haut). Ils sont presque tous entiers et dans leur forme irrégulière ; ils ont de fortes protubérances, ou ces protubérances sont peu sensibles ; tantôt la moitié environ offre des cassures ; ailleurs il en est très peu qui soient entiers, ce ne sont que des fragmens. Selon l’état des silex (autant que je l’ai pu remarquer dans un nombre de cas, insuffisans, il est vrai, pour l’affirmer d’une manière certaine) les oursins pétrifiés qu’on trouve parmi eux appartiennent à des espèces différentes ; un examen attentif des silex pourrait peut-être conduire à connaître la du rection des courans d’eau qui les ont déposés avec les terrains dans lesquels on les rencontre.

On trouve dans l’arrondissement de Montdidier des empreintes de peignes sur des silex, et des oursins du genre Spatangue, convertis en silex. Des silex qui ont été brisés offrent quelquefois sur la cassure de petits cristaux de même matière et qui ont été formés après cet accident :

Sur les coteaux situés à droite de l’Avie, près des communes d’Arvilliers et du Plessis-Rosainvillers, les silex sont assez abondans et disséminés à la surface du sol ou forment des amas. On y trouve mêlés beaucoup de petits galets de grès, et des fragmens de grès calcaires, dont les aspérités sont émoussées ; ces derniers contiennent des nummulithes et d’autres coquillages.

Les petites collines au S. et au S.-E. de Vesle, contiennent, au-dessous de la terre végétale, des amas irréguliers de quelques pieds d’épaisseur de silex roulés, enveloppés dans un sable vert, dur au toucher ; quelquefois ce sable ne contient aucun silex. Au-dessous se trouve la craie en grain qui paraît avoir été remaniée par les eaux dans une épaisseur de plus de 15 pieds, car elle contient de gros fragmens de pierre calcaire et quelques silex, sans aucune disposition régulière et horizontale, comme on l’observe ailleurs dans le département.

Sur la droite de la route de Vesle à Ham, près le Bipout, une colline présente, dans la partie supérieure, de la craie qui a une teinte jaunâtre, est fort dure, et compose de gros blocs d’une forme irrégulière.

Sur les hauteurs et près des bois de Villers-aux-Érables, de Mézières, de Bourges et de Baugard, on rencontre des dépôts d’argile plastique rougeâtre, renfermant quelques petits silex ; ces dépôts ont peu d’épaisseur et reposent sur la craie.

Entre Guerbigny et Marquivillers, encore sur une hauteur, il existe un dépôt semblable d’une étendue d’un peu plus d’un hectare ; il est à un pied de distance de la surface du sol, à trois pieds d’épaisseur et repose sur la craie.

Au sud du bois de Braquemont, près Roye, dans un vallon, il se trouve de l’argile plastique rougeâtre, ainsi que près du bois des Vignes, commune de Gayencourt. Toutes ces argiles rougeâtres sont propres à faire des carreaux et des tuiles, mais elles n’ont pas la ténacité nécessaire pour faire de bonne poterie ; ce ne sont donc pas de véritables argiles plastiques dans l’acception rigoureuse du mot, et je ne crois pas qu’elles fassent partie des terrains tertiaires dont j’ai parlé, mais du terrain d’alluvion ou de transport d’eau douce qui dans le Santerre et dans une partie des cantons voisins recouvre immédiatement la craie, et dont voici la composition :

Au-dessous de la terre végétale qui n’a pas un pied d’épaisseur, est principalement argileuse et ne renferme que très peu de silex, est une argile rougeâtre assez dure, ce qu’elle doit à l’oxide de fer qu’elle contient, et plus encore à l’absence d’une quantité suffisante d’alumine, puis une argile sablonneuse et jaunâtre, quelquefois d’un gris-blanc, très friable, très fine, Elle se conserve pure à la profondeur de deux ou trois mètres, et se trouve ensuite mélangée avec de petits morceaux de craie et de petits silex ; dans un des endroits où j’ai pu examiner la su cession des terrains, à Fransart, elle était parsemée de nombreux coquillages dont je dois la détermination à M. Baillon d’Abbeville, naturaliste aussi obligeant qu’instruit. Ces coquillages appartiennent aux espèces suivantes, savoir : Planorbis vortex, Drap. ; P. marginatus, id. ; Lymnœus palustris, id. ; Succinca amphibia, id. ; Puppa dolium, id. ; Paludina, espèce voisine du P. muriatica, Lamk., mais beaucoup plus grande.

L’analogie de ces fossiles avec ceux du terrain d’eau douce supérieur, de la formation épilymnique des terrains thalassiques du bassin de Paris de M. Brongniart, jointe à la disposition assez généralement, stratifiée du terrain dans lequel ils se trouvent, ne suffiraient-ils pas pour rapporter la formation de celui-ci à la même époque, et pour le ranger dans le groupe tertiaire ? Je laisse cette question à décider à de plus doctes que moi.

On rencontre parfois des bancs de sable verdâtre qui paraissent n’avoir qu’une assez faible étendue, et plus souvent des lits de silex qui ont peu d’épaisseur, c’est-à-dire un ou deux pieds environ ; à 10, 15, 20 ou 25 mètres paraît la craie. Elle est à un mètre de la surface du sol dans la commune de Caix ; plus bas on extrait des pierres d’une couleur jaunâtre qu’on recherche à cause de leur dureté, quoique cependant elles soient d’un grain fort inégal. Elles renferment fréquemment des cavités vers le centre desquelles se dirigent de toutes les parties de la circonférence des cônes cristallisés, mais dont les angles sont émoussés, et qui paraissent être des rhomboèdres de carbonate de chaux. Ces cristaux rhomboédriques ou du calcaire friable garnissent l’intérieur du test des oursins, converti en spath calcaire, que l’on trouve dans les pierres de Caix.

J’ai vu de semblables cristaux à Villers-Carbonnel, près de Péronne, dans la craie, qui à la même dureté que celle de Caix, à une teinte également jaunâtre, et est à peu près à la même profondeur, et dans la craie blanche et plus tendre de Mézière, canton de Moreuil. À Caix j’ai trouvé quelques pyrites sulfureuses : elles sont communes dans les pierres calcaires de la Saloise.

Il ne serait pas hors de vraisemblance de supposer que la plus grande partie au moins du département a été recouverte par des terrains tertiaires, dont ceux qui existent encore sont des fragmens ou points qui ont été laissés par les eaux diluviennes, c’est-à-dire du dernier cataclysme.

Il se trouve parfois de petits galets de silex mêlés aux silex dans ces terrains, mais ce n’est qu’aux environs des terrains tertiaires encore existans. Ils proviennent probablement des terrains tertiaires qui ont été emportés par la violence des eaux du dernier cataclysme, et qui liaient entre eux les fragmens qui existent encore, et ces galets avaient évidemment leur forme actuelle lorsqu’ils ont été mêlés avec les silex des terrains clysmiens qui n’ont éprouvé aucun frottement.

Ainsi on voit des galets, mais en petite quantité, auprès de Montdidier, en v arrivant par le chemin de Piennes et en beaucoup plus grand nombre entre la même ville et le Mesnil-Saint-Georges, dans le terrain à droite et à gauche de la route de Rouen à la Capelle, et dans lequel cette route est encaissée. Là ils sont mêlés à la couche supérieure de craie, qui est très divisée, et a été détrempée par les eaux diluviennes.

On rencontre encore des galets mêlés au diluvium, entre le village de Villers-Tournelle et le bois qui occupe une partie du mont Soufflard.

Enfin des galets, mais très peu nombreux, mêlés dans le diluvium avec des silex en très grande quantité, se voient entre Saigneville et Saint-Valery, auprès de la route départementale.

L’existence de galets en cet endroit, bien loin de détruire mon hypothèse, vient au contraire l’appuyer, car récemment M. Ravin a découvert à Saint-Valery des terrains tertiaires, qui, s’ils ne renferment pas de galets (ce que j’ignore) doivent peut-être l’absence de ceux-ci à l’enlèvement par les eaux diluviennes de la couche qui les contenait.

En résumé, la contrée dont je viens d’essayer la description présente au-dessus de la craie quelques restes bien distincts de terrains tertiaires, une grande étendue de terrain plus récent, mais que je suis disposé à ranger dans le même groupe, et enfin dans les autres endroits un diluvium d’une épaisseur variable et composé d’un mélange de sable, d’argile, de silex et de petits morceaux de carbonate de chaux.

On lit la notice suivante de M. Farines, sur un gisement de lignite, nouvellement découvert à Paziols (Aude).

À 500 mètres environ, et à l’ouest de la commune de Paziols sur la rive du Verdouble, au lieu appelé la rive de la Prade, l’eau a opéré un éboulement qui a mis à découvert des lignites de la plus grande beauté. Le terrain dans lequel gît ce combustible est une formation d’attérissement de nature marneuse, calcaréo-argileuse et sableuse, généralement bleuâtre, dans certains endroits jaune, rouge, noirâtre. Ces diverses couleurs sont dues à la présence du fer à différens degrés d’oxydation ; la marne argileuse est en assises d’environ deux mètres de puissance, alternant avec du grès gris-bleuâtre. Cette marne est d’une saveur styptique, efflorescente, pénétrée de fer pyriteux ; c’est sur la couche de grès que le sulfure de fer domine ; le toit est formé par une alluvion caillouteuse, peu épaisse, recouverte d’un dépôt de calcaire tubulaire, friable, d’un blanc jaunâtre, très léger, sur lequel repose une seconde assise alluviale, avec galets d’un volume plus considérable que ceux de la couche inférieure. Ce dépôt de calcaire lacustre, postérieur au terrain d’alluvion, est le résultat des sédimens formés par une mare d’eau douce qui existait dans cet endroit, et démontre combien la forme primitive du terrain a subi de modifications. Ce système repose sur la formation crayeuse. Les lignites y sont disséminés par blocs et non par couches, affectant toutes sortes de directions, d’un volume disproportionné, mais toujours représentant des portions d’arbres, soit le tronc, les branches, les racines ; j’y ai même trouvé un fragment de fruit de conifère, que je crois pouvoir rapporter au genre Pinus. Cette observation et le résultat de l’inspection des fibres du bois, qui sont très visibles, m’ont offert assez de caractères pour en inférer que c’est à des arbres appartenant à ce genre, ou au moins à la famille des conifères qu’est due l’origine de ces lignites.

Ce charbon fossile appartient évidemment à l’espèce fibreuso ; il offre les deux variétés suivantes :

1° Lignite fibreux, variété A. Il est de couleur noire, dur, susceptible de poli, ayant subi un commencement de bituminisation qui le rapproche du jayet.

Sa pesanteur spécifique, l’eau étant prise pour unité, est de deux ; soumis à l’action de la chaleur, il répand, avant de s’enflammer, une grande quantité de vapeurs, d’une odeur bitumineuse, piquante, acide ; brûle ensuite avec flamme, et laisse pour résidu 0,15 ; de cendres jaunes ferrugineuses.

Les morceaux de lignite qui sont en contact avec la couche de grès sont souvent recouverts de fer sulfuré qui paraît avoir remplacé l’écorce ; il s’est aussi infiltré entre les fibres, de manière qu’en les séparant, on voit une belle cristallisation pyriteuse, argentée ou dorée. Quelques fragmens conservent encore l’écorce du bois, qui est rougeâtre ; l’épiderme s’en détache facilement, sous forme de grains bitumineux et brillans comme du jayet.

2° Lignite fibreux, variété B, de couleur brune, friable, se déchirant facilement, présentant la texture ligneuse, beaucoup moins dur que le précédent ; il se brise sous la lame du couteau, prend du brillant lorsqu’on le racle, mais ne supporte pas le poli ; pesanteur spécifique 1,5. Exposé à la chaleur il offre les mêmes phénomènes que la variété A. ; mais donne moins de vapeur, brûle avec plus de flamme, et répand beaucoup plus de calorique ; soumis à la dessiccation, il perd les deux tiers de son poids : ainsi desséché et brûlé il fournit 0,12 de cendres jaunes, ocreuses. Ce lignite est plus imprégné de fer pyriteux que le précédent, car non seulement il y en a entre les fibres longitudinalement, mais encore il s’en est infiltré dans les gerçures transversales qui y sont assez fréquentes.

Ces deux variétés de bois bitumineux se trouvent indistinctement et en désordre dans le grès et les couches argileuses qui lui sont supérieures et inférieures, ce qui, par conséquent, ne permet pas de douter qu’elles ne soient contemporaines. On ne peut les attribuer ni à l’âge ni à quelque partie de l’arbre, puisqu’on trouve des fragmens de toutes les dimensions qui offrent les deux variétés ; est-ce à l’espèce de végétal qu’il faut les rapporter ? nous ne le pensons pas ; ils nous paraissent dus à la même origine végétale ; ce point de fait qui est encore inexpliqué, nous paraît tenir à des causes locales qui resteront long temps peut-être dans le domaine des questions problématiques.

Les terrains à lignite offrent en général des restes de coquilles d’eau douce, ce qui explique suffisamment leur origine ; il n’en est pas de même de ceux qui nous occupent. Malgré les recherches les plus minutieuses, je n’ai pu découvrir aucun reste de corps, organisé qui pût me fixer sur leur formation.

Ces dépôts sont-ils marins ? Cela n’est pas improbable, car ils ont la plus grande analogie avec nos terrains coquilliers. Sont-ils lacustres ? Cette hypothèse est encore possible, puisque le bassin de Tuchan dans lequel se trouve Paziols est dans une position à recevoir les eaux pluviales des montagnes qui l’entourent de tous côtés, et l’écoulement de ces eaux ne put s’opérer que par un seul point, qui est le Verdouble. Or cette rivière n’existait probablement pas dans les temps reculés, ou son barrage au nord-est était alors élevé de manière que le bassin était un vaste lac qui a donné lieu aux dépôts qui l’ont comblé en partie. Quoi qu’il en soit de ces hypothèses, la présence des corps organisés seule peut donner la solution de cette question.

Ce que nous connaissons de l’étendue du terrain à lignite de Paziols est assez considérable à 3 ou 400 mètres de la Prade, du côté opposé de la rivière ; au nord-ouest du village. en creusant un canal d’irrigation sur la propriété du nommé Étienne Pons, on a découvert un gisement de lignites à 60 centimètres de profondeur, dans une marne argileuse pareille à celle de la Prade, et qui évidemment n’en est que la continuation. Nous pensons que cette couche existe dans une grande partie du bassin.

Ce combustible, quoique pyriteux, ne dégage qu’une très petite quantité de vapeurs sulfureuses ; il peut remplacer le charbon ordinaire pour les usages domestiques ; il est très propre au chauffage des appareils des usines, il est même prouvé par expérience qu’il peut servir à forger le fer, puisque le forgeron de Paziols n’en use pas d’autre depuis sa découverte ; mais, dans tous les cas, il est nécessaire de l’exposer à l’air pendant plusieurs jours, en ayant soin de le remuer pour mettre toutes les parties en contact avec l’extérieur, afin de faciliter le dégagement de l’humidité surabondante et la décomposition d’une partie de fer sulfuré.

Les efflorescences qui se trouvent sur les marnes à lignite : peuvent être utilisées pour fabriquer de l’alun, et comme engrais dans les terres sablonneuses.

M. C. Prévost fait connaître, à l’occasion de ce mémoire, que M. Mullot vient de trouver à la partie supérieure de l’argile plastique, traversée dans le puits foré du Gros-Caillou, une grande quantité de bois converti en fer sulfuré compacte, et des grès quarzeux cimentés par cette même substance.

M. Virlet a observé, dit-il, un pareil phénomène dans tous les lignites de l’argile plastique du nord de la France, et notamment dans ceux des environs d’Avesnes, exploités pour les usages de l’agriculture sous le nom de cendres fossiles. On rencontre souvent au milieu de ces lignites pulvérulents de gros troncs d’arbres encore conservés, et dont les uns ont été en partie convertis en pyrite de fer et les autres silicifiés.

M. Brongniart fait remarquer que la présence et l’abondance du fer sulfuré dans les lignites de l’argile plastique est un fait général, qui pourrait peut-être servir à les faire distinguer des lignites supérieurs ; il cite plusieurs faits à l’appui de cette opinion.

Enfin M. Rozet rappelle que le même fait a été souvent observé dans la houille.

M. de Beaumont lit ensuite un Mémoire intitulé : Faits pour servir à l’histoire des montagnes de l’Oisans, destiné à être inséré dans les Annales des mines. Ce Mémoire n’est pas seulement la réimpression de celui sur le même sujet qui devait paraitre dans le cinquième volume des Mémoires de la Société d’histoire naturelle de Paris ; mais le résultat des nouvelles observations de l’auteur, qui depuis lors a de nouveau visité les lieux.