Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome III/Séance du 6 mai 1833


Séance du 6 mai 1833.


Présidence de M. G. Prévost.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le président proclame membres de la Société :

MM.

Bontems, physicien à Paris, présenté par MM. de Roissy et Bertrand-Geslin.

Chaubard, naturaliste à Paris, présenté par MM. Boué et Boubée.

Riviere (A.), professeur de sciences physiques, à l’École royale et à l’Athénée de Bourbon-Vendée, présenté par MM. Boué et Desnoyers.

Lecointe de Laveau, secrétaire de la Société impériale des naturalistes de Moscou, présenté par MM. Boué et Desnoyers.

Fischer, directeur de la Société impériale des naturalistes de Moscou, Membre de plusieurs Académies, présenté par MM. Boué et Desnoyers.

Zeiszner (Louis), professeur de minéralogie et de géologie à l’Université de Cracovie, présenté par MM. Boué et Desnoyers.

De Witt Bloodgood, vice-président de l’Institut d’Albani (aux États-Unis), présenté par MM. Boué et Desnoyers.

Canali (Louis), professeur à Perugia (États-Romains), présenté par MM. Boué et Desnoyers.

Castel, géomètre du cadastre, membre de la Société linnéenne du Calvados, à Caen, présenté par MM. Boubée et de Montalembert.

Viquesnel (Auguste), propriétaire à Paris, présenté par MM. Mutel-Delisle et de Castro.

Magne, médecin du collège Louis-le Grand, à Paris, présenté par MM. Duperrey et de Roissy.

Sauveur, docteur-médecin, Membre de l’Académie de Bruxelles, à Bruxelles, présenté par MM Levy et d’Omalius d’Halloy.

M. Darchiac (La Fère, 26 avril), adresse à la Société les détails suivans, sur le forage d’un puits artésien, entrepris à Laneuville sous Laon (Aisne).

« On est en ce moment arrivé à une profondeur de 794 pieds, dont 48 à la partie supérieure, ont été percés dans le sable quartzeux, sur lequel repose l’étage inférieur du calcaire grossier, et les 746 pieds restans, dans le massif de la craie blanche, dont la composition s’est constamment présentée la même sans aucune interruption de couches argileuses, et par conséquent aussi sans que l’on ait rencontré d’eau jaillissante. La matière triturée rapportée de cette profondeur par la cuiller, offre une cassure terreuse ; sa couleur est d’un gris-blanc. Au soleil on y remarque des points brillans extrêmement petits ; je n’ai pu même sous la lentille d’un microscope reconnaître si c’était des fragmens de coquilles spathifiées. Dans l’acide nitrique, l’effervescence a été très vive et a laissé un résidu d’un dixième environ, d’une matière argileuse très fine et de petits fragmens anguleux de silex noir, gris et blanchâtre. Le travail du forage se continue avec activité, sans que l’on ait cependant de données sur son issue et son terme. On peut remarquer que l’argile plastique semble manquer en cet endroit, mais qu’on la retrouve à environ une demi-lieue, où l’on voit la craie disparaître complètement sous les collines tertiaires qui bornent au nord-est le bassin de Paris. Elle y accompagne aussi constamment les dépôts de lignites qui s’étendent sous ces mêmes collines.

M. Rivière, professeur de sciences physiques au collège royal de Bourbon-Vendée (Bourbon, 5 avril 1833), en demandant à devenir Membre de la Société géologique, promet d’adresser les résultats des recherches auxquelles il se livre sur la géologie du département de la Vendée.

M. Chaubard (Paris, 1er mai), adresse une feuille supplémentaire au chapitre IV de ses Élémens de Géologie.

M. Boubée (Rennes, 5 mai) lait part à la Société de l’excellent accueil, que lui et ses compagnons de voyage, membres de la Société, ont reçu des naturalistes de Caen (MM. de Magneville, Deslongchamps, de Caumont, Busnel, Tesson) et de Vire (MM. Castel et Chatel). Il annonce : 1° que M. Castel offre à la Société une collection de roches de ses environs ; 2° que le grès intermédiaire de Jurj près Vire contient de très beaux fossiles non moins remarquables que ceux de la roche analogue de May ; 3° qu’aux environs de Vire, on voit de tous côtés de beaux exemples d’éjections de granite et d’eurite au milieu de phyllades mâclifères, en forme de véritables dikes verticales ; 4° qu’il a observé dans le Calvados plusieurs faits à l’appui de la réalité du diluvium, et du creusement des vallées à plusieurs étages, par les eaux post-diluviennes.

M. Robert Jameson annonce que le docteur Tournbunn Christie est mort à Bombay, où il était chargé du relevé géologique de la présidence de ce pays.

Un membre (M. Brongniart) annonce la mort récente de M. Jacquemont, qui voyageait aussi depuis plusieurs années dans les Indes, où il avait été envoyé par l’administration du Jardin du Roi.

M. de Witt Bloodgood fait offrir à la Société quelques vues coloriées de la chute du Niagara, récemment exécutées par un jeune artiste, et qu’il dit être remarquables par leur exactitude, quoique n’ayant pas le mérite d’une parfaite exécution. M. de Bloodgood a l’intention d’envoyer à la Société quelques articles sur la géologie des États-Unis.

M. Louis Zeiszner, professeur de minéralogie à l’Université de Cracovie, a adressé une lettre qui contient le passage suivant :

« Depuis quelques années, j’ai fait des voyages dans les parties des Carpathes qui me sont les plus voisines, généralement peu connues, et dont le grès présente autant de difficultés à l’observateur que le calcaire des Alpes. J’aurai l’honneur de communiquer sous peu de temps à la Société quelques unes des observations que j’ai recueillies dans mon dernier voyage, ainsi que mon résumé de minéralogie en polonais, qui va paraître incessamment. »

La Société reçoit les ouvrages suivans :

1° De la part de M. Boué :

A. Sur le calcul trigonométrique des hauteurs, avec une table de nivellement à travers la Bavière méridionale (Uber trigonometrische hohen Berechunng nebst einen niveau Verzeichniss, etc.], appendice à l’ouvrage sur la configuration de ce pays ; par M. C.-F. Weiss. In-4°, 56 pap. Munich, 1820.

B. Mémoire géologique sur le sud-ouest de la France, suivi d’observations comparatives sur le nord du même royaume, et en particulier sur les bords du Rhin ; par M. A. Boue. In-8°, 128 pag., 2 pl. Paris, 1824.

2° Le premier cahier pour 1833, des Neues Jachrbuch fur Mineralogie, Geognosie, Geologie ; par MM. de Leonhard et Bronn, contenant :

a. Un mémoire de M. Schmerling sur les cavernes à ossemens près de Liège.

B. Lettre de M. Edouard Schwarz à M. Élie de Beaumont.

C. Sur les Cristaux d’antimoine ; par le docteur Hessel. Diverses autres lettres.

3° De la part de M. Klipstein : son mémoire intitulé : Coup d’œil sur la géologie (Uebersicht der Geologie). In-12, 55 p. Giessen, 1833.

4° De la part de M. Voltz, une notice intitulée : Sur le Bradford-Clay de Bouxwiller et de Bavillers. In 4°, 8 pag. Extrait des Mémoires de la Société d’histoire naturelle de Strasbourg, t. II, 1833.

5° De la part de M. Texier, Rapport fait à l’Académie des sciences, par MM. Héricart de Thury et Brongniart, sur un mémoire relatif à la géologie des environs de Fréjus ; par M. Texier. In-8°, 16 pag. 1833.

6° Le n° 119 (mars 1833) du Bulletin de la Société de géographie.

7° Le n° 28 (avril 1833) du Mémorial encyclopédique et progressif des Connaissances humaines ; par M. Bailly de Merlieux.

8° Le n° 8 (août 1832) des Annales des sciences et de l’Industrie du midi de la France.

9° Les n° 28 et 29 (7 novembre 1832-26 janvier 1833) des Proceedings of the geological Society of London. Ces numéros contiennent les articles suivans :

Sur les intersections des filons métalliques du Cornouailles ; par M. W.-J. Henwood.

Sur une forêt sous-marine, dans la baie de Cardigan ; par James Yates.

Notice sur la géologie du nord-ouest des comtés de Mayo et de Sligo ; par M. Verschoyle.

Sur quelques coquilles fossiles recouvrant l’argile de Londres dans l’île de Sheppey ; par M. Sedgwick.

Sur les restes de l’Iguanodon et autres reptiles fossiles des couches de la forêt de Tilgate en Sussex ; par M. G. Mantell.

Sur les formations oolithiques du Gloucestershire ; par M. W. Lonsdale.

Observations sur la houille ; par M. W. Hutton.

Sur une portion du Dukhun, dans les Indes-Orientales ; par le lieutenant-colonel Sykes.

Note accompagnant une carte de la forêt de Dean ; par M. H. Maclauchlan.

10o De la part de M. C. Prévost, Coupe des terrains tertiaires du bassin de Paris, faite en suivant le cours de la Seine, de Moret à Mantes. Une feuille oblongue, grand in-folio, 1833.

11o De la part de M. Ampère, la Classification des connaissances humaines, ou Tableau synoptique det sciences et des arts, 1 feuille in-folio.

12o De la part de MM. Treuttel et Wurtz, un catalogue systématique des principaux livres et ouvrages périodiques publiés en Angleterre, depuis avril 1831 jusqu’à avril 1833, et pour lesquels on peut s’adresser à M. Treuttel. In-8o, 130 pag.

13o De la part de M. Witt de Bloodgood, 7 vues de la chute du Niagara.

M. Boué communique les ouvrages suivans :

1o Le second volume du Traité de Minéralogie, savoir la géognosie (Handbuch der ges. Mineralogie, etc.) ; par M. Walchner. Carlsruhe, 1832, 1 vol. in-8o, de 1104 pag., avec 11 pl. de coupes.

2o Sur la constitution géognoslique des Iles de Lipari ; par F. Hoffmann (extrait des Annal. der Phys. u. Ch. de Poggendorf). Berlin, 1832. In-8o de 88 pag., avec 4 planches.

3o Sur la minéralogie et la géologie du département des Hautes-Alpes ; par Em. Gueymard. Grenoble, 1831. In-8o de 121 pag., avec une carte géologique.

4o Sur la minéralogie et la géologie du département de l’Isère ; par Em. Gueymard. Grenoble, 1831. In-8o de 119 p., avec une carte géologique.

M. Deshayes annonce en son nom et au nom de M. Duchâtel que le travail dont ils s’occupent en commun depuis plusieurs années, sur les fossiles de la craie de Belgique, commencera bientôt à être publié. Cet ouvrage contiendra la description et les dessins d’environ 800 espèces toutes recueillies par M. Duchâtel, dans les différens bancs du terrain crayeux. Ces dessins sont en partie terminés. M. Duchâtel offre à la Société une série de plus de 400 échantillons de ces fossiles, qu’il déposera après la publication de son travail.

M. Boué développe le plan d’une Bibliographie générale des Sciences géologique, minéralogique et paléontologique, ouvrage auquel il travaille depuis plusieurs années, et pour lequel il réclame les communications des naturalistes.

Cet ouvrage sera l’indication méthodique et chronologique : 1° de tous les ouvrages géologiques et minéralogiques qui ont paru jusqu’ici dans toutes les langues ; 2° celle de tous les mémoires géologiques et minéralogiques particuliers, ou insérés dans les recueils des Sociétés savantes, ou dans les journaux scientifiques de toute espèce ; 3° celle de tous les articles géologiques importans des dictionnaires, des encyclopédies et des revues ; 4° celle de toutes les cartes géologiques, et enfin, celle de tous les ouvrages et mémoires intéressans à connaître pour le géologue, et publiés jusqu’ici sur l’astronomie, la physique, la météorologie, les aérolithes, la mesure des hauteurs, la chimie, le magnétisme et l’électricité, la géographie physique, l’hydrographie y compris les eaux minérales, les diverses branches de l’histoire naturelle, la géographie des animaux et des plantes ; la paléontologie, la technologie minéralogique et géologique et la statistique hygiénique.

Cet ouvrage sera partagé en autant de grandes divisions que les sciences géologiques embrassent d’études différentes, et chaque partie se sous-divisera en autant de chapitres qu’il sera nécessaire. M. Boué s’attachera surtout à multiplier les sous-divisions, afin qu’il n’y ait pas un sujet géologique ou minéralogique, une idée théorique ou pratique, une contrée, un lieu remarquable, ou un genre de roches, de minéraux ou de fossiles, etc., sur lesquels on ne puisse tout de suite obtenir des renseignemens bibliographiques. Sous chacun de ces derniers chefs, on trouvera les indications bibliographiques, arrangées dans un ordre chronologique ; avec les renvois nécessaires, lorsque les ouvrages embrassent plusieurs sujets, et souvent avec des notes sur leur contenu, leur rareté, etc. Toutes les réimpressions, les traductions, les extraits considérables et les critiques des mémoires ou des ouvrages dans toutes les langues, seront soigneusement rapportés, autant que possible. Une table générale des auteurs et de leurs biographies terminera l’ouvrage et donnera le moyen de connaitre aisément tous les travaux de chaque auteur.

Comme cette publication ne peut manquer d’être utile à tous les géologues, et que sa composition difficile et laborieuse exige pour ainsi dire le concours de toutes les personnes versées dans la science, outre les conseils à donner pour la rédaction, M. Boué demande avec instance qu’on veuille bien l’aider dans la recherche des livres ou opuscules rares, et il recevra avec gratitude de telles communications.

Bien loin d’être une étude aride, M. Boué tâchera de montrer qu’un haut intérêt philosophique vient s’attacher aux recherches bibliographiques, en ce que les résultats arrangés chronologiquement et méthodiquement, sont pour ainsi dire l’empreinte de la marche progressive de l’esprit humain ; elles seules peuvent nous reporter par la pensée vers chacune des époques qui nous a précédés, et nous faire apercevoir l’enchaînement de causes très diverses et souvent peu importantes, qui ont conduit des erreurs à la vérité, ou vice versà, des idées les plus rationnelles à des absurdités complètes.

D’une autre part, l’étude de la bibliographie indique les causes du retard qu’ont éprouvé les découvertes scientifiques. Au milieu d’éclats de lumière ; on voit des époques d’obscurité, ou bien l’on trouve presque tous les esprits pendant un certain laps de temps absorbés entièrement par certaines questions, quelquefois même oiseuses, et ne rentrer dans la voie des recherches de toute espèce qu’à la naissance de quelque homme de génie, ou lorsque quelque grand évènement politique a renouvelé les idées.

Enfin, il est aussi intéressant de voir d’un côté la diversité des études auxquelles l’esprit peut se plier dans chaque individu et les résultats divers pour la société, d’efforts dirigés sur un seul but ou vers plusieurs, et de l’autre la science se perpétuer, non seulement dans certains pays, certains lieux, mais encore dans certaines familles, non pas pendant deux ou trois générations, mais durant des siècles ; tandis qu’à l’émigration de certaines familles on voit s’attacher la translation ou la diffusion de certaines idées. Ainsi on arrive successivement à mieux juger les hommes et leurs ouvrages ; les uns y gagnent ce que d’autres y perdent ; et l’influence prodigieuse des uns apparaît comme des fanaux au milieu de la foule des auteurs qui, quoique utiles matelots dans le navire de la science, n’ont fait que suivre les ordres des pilotes et n’ont rien fait pour le conduire dans le port de la vérité.

Les observations précédentes ont été présentées, parce que le développement de semblables considérations formera la préface ou le complément philosophique de cet ouvrage bibliographique.

Plusieurs personnes résidant à l’étranger ont bien voulu promettre leur assistance à M. Boué, qui lui-même irait au besoin visiter certaines bibliothèques étrangères pour rendre son ouvrage aussi complet que possible.

M. Dufrénoy lit une note de M. J. Levallois, ingénieur des mines, sur la température souterraine de la mine de sel gemme de Dieuze : il résulté des expériences de cet ingénieux, qu’un thermomètre placé dans une galerie à 107 m au-dessous du sol[1] a constamment indiqué une température de 13° 1. D’autres thermomètres placés à différens étages ont donné des variations sensibles, qu’on doit attribuer à l’influence de l’airage très vif qui règne dans ces travaux, puisque les températures minima indiquées par ces thermomètres ont toujours correspondu à la température la plus basse qui ait eu lieu au jour pendant ces expériences. De nombreuses observations faites au jour ont d’ailleurs donné 10° 1, pour la température moyenne de Dieuze.

M. G. Prévost entre dans quelques détails sur sa nouvelle coupe géologique du bassin de Paris, qu’il a présenter à la Société.

Cette coupe, qui suit le cours de la Seine de Moret à Mantes ; présente l’ensemble de tous les terrains parisiens vus sur plusieurs plans qui sont indiques par des dégradations de teintes ; procédé déjà employé par M. G. Prévost pour la coupe générale de la Sicile. (Bull, de la Soc. géol., tome II, pl. 3.)

La Société entend la lecture d’un résumé explicatif d’une coupe géognostique du bassin Gebenno-Pyrénéen, par M. Reboul.

« Le terrain tertiaire s’étend sur le bord de la mer du promontoire de Jugnos, auprès du port de la Nouvelle, jusqu’à celui du port de Cette.

Le premier de ces promontoires est un appendice des Pyrénées ou plutôt des Corbières ; l’autre termine une arête qui descend des Cévennes à la mer.

Les roches de ces deux promontoires sont de calcaire secondaire moyen, on supérieur. Celui de Cette est en partie dolomitique.

La direction des bancs est en général de l’E.-N.-E. à l’O.-S-O., et leur inclinaison est vers la mer.

Plusieurs raisons font présumer que, pendant une partie de la période tertiaire, l’arête gébennique a été prolongée jusqu’à la rencontre de celle des Corbières. La presqu’île de la Clape, dans le bassin de l’Aude, paraît être un reste de cet ancien barrage, qui a converti en lac, pendant un assez long temps, le bassin gébenno-pyrénéen tout entier.

Le fond de ce bassin est de formation marine ; il consiste surtout en marnes bleues qui s’enfoncent sous la mer à plus de 300 pieds, puis en calcaire coquillier, molasses coquillières et sables jaunâtres souvent coquilliers.

Cet étage inférieur est exclusivement marin, sans aucun mélange de fossiles d’une autre origine. Les huit vallées de l’Aude, de l’Orb, du Lifron, du Fongue, du Peyne, du Boyne, de l’Ergue et de l’Hérault, dont cinq appartiennent au bassin de l’Hérault, sont toutes excavées, au moins en partie, dans cet étage inférieur.

Mais l’excavation fait voir, dans toutes ces vallées au-dessus de cet étage, les restes d’un grand dépôt lacustre bien caractérisé par la texture de ses roches et de ses fossiles.

Le calcaire d’eau douce est donc parfois surmonté d’un deuxième terrain à fossiles marins ; mais celui-ci est essentiellement mixte et caractérisé par le mélange de ces fossiles avec ceux d’eau douce, par la présence des marnes blanches et des calcaires dont la texture est la même que celle des roches lacustres. On y rencontre aussi déjà des graviers quarzeux du terrain de comblement alluvial de la troisième époque tertiaire ; ce terrain mixte est souvent associé d’une manière intime au calcaire d’eau douce, et quelquefois entièrement intercalé entre deux de ces assises[2].

Les calcaires lacustres et mixtes occupent les points culminans du terrain tertiaire, tel qu’il se trouve actuellement disposé.

Ils sont recouverts sur leurs pentes moyennes et inférieures par un dépôt de limons et de graviers qui s’est accumulé dans les cavités lacustres, et les a comblées jusqu’à la hauteur d’environ 130 mètres.

Plusieurs vallées, notamment celle du Libron, sont excavées en grande partie dans ce terrain.

Les roches secondaires décrivent un arc autour de ce bassin tertiaire que traversent les huit vallées ci-dessus indiquées. L’étage marin supérieur ne s’étend qu’à 30,000 mètres de la mer dans la vallée de l’Orb, et à 50,000 dans celle de l’Hérault.

La limite des terrains d’eau douce est un peu plus reculée.

La ceinture secondaire qui circonscrit ce bassin est composée de roches des époques crétacée, oolithique, liasique, peut-être même intermédiaire.

Le terrain houiller de Néfiès, où est intercalée la butte porphyrique de Roquenègre, est en contact presque immédiat avec le sol tertiaire. Plus haut, le bassin houiller de Graissessac est enfermé entre les roches secondaires et les intermédiaires, ou même primaires.

L’horizon de tous ces terrains est couronné par le sommet granitique de l’Aïgoual, où l’Hérault prend sa source.

Un autre plateau granitique, celui de Caroux, moins élevé d’environ 200 mètres, est séparé de celui de l’Aïgoual par le plateau calcaire du Larzac, dont les eaux, comme celles de l’Aïgoual et de Caroux, se partagent entre le bassin du Tarn et le bassin gébenno-pyrénéen.

L’aspect de cette partie de la France et, l’étendue des terrains divers dont elle est composée, m’a paru conduire aux indications suivantes :

1° Que le bassin gébenno-pyrénéen a été un golfe marin pendant toute la durée de la première époque tertiaire ;

2° Qu’il e été converti en lac et s’est maintenu en cet état pendant la deuxième époque ;

3° Que des brèches ouvertes dans sa bordure y ont, à diverses reprises, introduit les eaux marines auxquelles ont dus les terrains mixtes ;

4° Que le comblement des cavités lacustres, par les limons et les graviers, a occupé une troisième époque, et précédé l’excavation ultérieure des huit vallées tertiaires ;

5° Que l’horizon de ces terrains tertiaires, même déplacés et soulevés, ne s’élevant pas à plus de 200 mètres, ils ont été probablement déposés par une mer peu élevée au-dessus de cet horizon ;

6° Que les soulèvemens qui se sont opérés pendant la période tertiaire, dans ce bassin, ont été bien moindres que ceux des périodes antécédentes ;

7° Que la hauteur des terrains secondaires et primaires, relativement aux tertiaires, ne serait ni aussi générale et constante, ni aussi régulière, si ces terrains n’avaient été déposés par des mers plus hautes, et n’avaient subi de plus grands soulèvemens.

Ces considérations, les faits qui leur servent de base, et beaucoup d’autres, notamment ceux relatifs aux volcans éteints, au nombre de plus de vingt, sont développés d’une manière détaillée dans une description géognostique du bassin gébenno-pyrénéen. »

Cette notice est suivie de la lecture d’un Mémoire du même savant, intitulé : Mémoire sur les terrains de comblement et d’atterrissement quaternaires, et sur les terrains de comblement tertiaires.

Ce Mémoire n’étant pas susceptible d’analyse, est conservé pour les Mémoires de la Société.

M. Texier, architecte, développe quelques considérations sur la géologie des sept collines de Rome.

« En examinant la constitution géologique de la côte d’Italie, depuis Monte-Circello, jusqu’à Piombino, il est facile de voir que le sol des deux provinces, qui se composent de l’ancien Latium et de la basse Étrurie, doit sa formation à l’action des feux volcaniques, à laquelle a succédé le terrain d’atterrissement.

« Les volcans des monts Albains, dont les éruptions ont duré un grand nombre de siècles, ont laissé de nos jours seulement deux cratères bien reconnaissables, dans les lacs de Nemi et d’Albano. Les lacs de Bolsenna, de Brucciano, au nord de Rome, ne sont aussi que des cratères des volcans dont les déjections, en coulant d’abord dans la mer, ont forcé les eaux de se retirer, ce qui par la suite a formé des pays habitables.

« Mais entre ces deux groupes de volcans, il en existe encore qui n’ont pas été parfaitement observés et dont cependant l’action a duré plus tard que ceux que je viens de citer ; je veux parler des volcans qui ont donné naissance aux collines de Rome et dont les cratères se reconnaissent dans l’enceinte même de la ville.

« La roche Tarpéïenne attenant eau mont Capitolin, l’Aventin, le mont Esquilin et le Palatin, composés d’un tuf rouge assez compacte, ne paraissent être autre chose que les résidus de plusieurs volcans, dont les cratères s’ouvrirent dans les vallées intermédiaires.

« L’action des feux volcaniques attestée par la présence des scories, des micas noirs et de la pouzzolane dans la formation de ces collines, l’est encore par le témoignage des historiens. Des tremblemens de terre se manifestèrent à plusieurs époques dans l’intérieur de Rome, et le gouffre de Curtius n’est autre chose qu’un grand affaissement survenu dans l’emplacement même du cratère, et auquel succéda un lac, que les Romains nommèrent le lac de Curtius.

« En cet endroit, il existait déjà un amas d’eau stagnante, que l’on appelait le Velabre, et auquel un écoulement fut donné vers le Tibre, au moyen de travaux considérables.

« En examinant avec attention la partie abrupte de la roche Tarpéïenne, on y distingue des couches très minces de cristaux pyroxéniques qui se retrouvent dans la base du mont Palatin. La forme de cette dernière colline, entièrement défigurée par suite des travaux des Romains, ne saurait être déterminée. Il est probable que la partie à pic qui fait face à la roche Tarpéïenne a été taillée de main d’homme pour l’établissement du Forum ; mais on voit assez du sol primitif pour s’assurer que ces deux collines ont été formées en même temps et par la même cause.

« L’Esquilin est une longue colline qui s’étend de l’est à l’ouest, dans l’intérieur de la ville de Rome, et qui, en se rattachant au mont Cœlius, forme une espèce de vallée fermée dans laquelle existait aussi un marais appelé lac de Néron, et qui fut comblé pour établir le Colysée. C’est en cet endroit que l’on pourrait soupçonner un second cratère, d’autant plus que ces collines renferment des détritus de pierre ponce qu’on n’observe pas dans le Capitole ni l’Aventin.

Il est inutile de dire que ces montagnes ne sont autre chose que des éminences dont la plus haute n’a pas cent mètres d’élévation.

Le mont Pincius, près de la porte du Peuple, est composé d’un sable jaune et fin qui renferme des cristaux de péridot excessivement ténus, et des débris assez volumineux de pierre ponce et de madrépores. Les travaux que l’on fit dernièrement aux jardins qui l’occupent mirent à découvert au-dessous du sable la cendre volcanique grisâtre, analogue à celle de la campagne de Rome.

« Le mont Janicule, situé au-delà du Tibre est composé de strates calcaires qui paraissent avoir été bouleversés ; le travertin qui le forme est analogue à celui de Tivoli, mais il paraît beaucoup plus poreux ; cette formation constitue aussi la montagne du Vatican, qui domine la campagne de Rome.

« Le territoire des environs de la ville est composé d’un nombre infini de monticules de tuf rouge qui s’étend jusqu’à Albano.

« Les torrens qui se sont creusés leurs lits au milieu de ces terrains, ont mis à découvert le sol inférieur au tuf ; c’est une lave basaltique, très dure, compacte, et qui fait feu au briquet. Elle est exploitée pour paver les rues de la ville, à Capo-di-Bove, près de Rome.

« Cette lave renferme un grand nombre de cristaux de différentes espèces ; le péridot, l’arragonite y abondent ; c’est aussi dans ses géodes quel’on observe ce nouveau minéral, qui fut nommé Gismondine du nom de celui qui le découvrit.

« Les laves compactes doivent leur origine au grand volcan de Monte-Cazo ; ce sont les plus anciennes de l’éruption ; il est possible que leur contexture ne soit due qu’à leur refroidissement subit en coulant dans la mer. La seconde période d’éruption donna naissance à ce produit qui sous le nom de peperino est employé à Rome dans un grand nombre de constructions. C’est une pierre grise et composée d’un agglomérat de cendres, de mica et de dolomie ; elle est abondante autour du lac d’Albano et dans la plaine de Gabies, où elle est exploitée. Elle s’étend jusqu’au bord du Teverone vers Monte-Sacro, où commence la formation calcaire des terrains de Tivoli.

« Le travertin, formé avec abondance par les eaux de l’Anio, ou Teverone, menace de couvrir toute la campagne de Rome, car ce n’est pas seulement ce fleuve qui jouit de cette propriété, mais presque tous les fleuves et torrens qui coulent dans la Maremme. La Marra, la Fiora, déposent des masses de tuf qui obstruent leur cours ; et ensuite les eaux s’étendent sur les champs incultes qu’elles couvrent d’une incrustation calcaire.

« Ce fait s’observe surtout dans le pays situé entre Montalto et Viterbe, parce que les champs étant incultes depuis plusieurs siècles et le pays abandonné, les dépôts ont le temps de se faire tranquillement.

« Dans la plaine de Canino, lieu jadis peuplé de l’ancienne Étrurie, là où se font les belles découvertes de vases grecs dans les tombeaux étrusques, il faut percer un tuf calcaire de plusieurs décimètres avant d’arriver au sol ancien, qui est volcanique, et que les habitans appellent Nemfro ; ce tuf diffère de celui des environs de Rome, en ce qu’il contient de gros rognons noirs et blancs formés de pyroxène, de dolomie, de mica et de fer oxidulé.

M. Walferdin donne communication à la Société de l’article suivant, inséré dans plusieurs journaux français, et particulièrement dans le Journal du Commerce du 15 avril.

« À un quart de lieue de Plombières-lès-Dijons, il existe une montagne appelée Contard par les habitans de ce village, et qui renferme dans son sein de vastes cavernes qui n’avaient point encore été explorées. Quelques naturalistes s’y sont rendus récemment : parvenus à des profondeurs considérables, ils ont découvert des ossemens fossiles de grands carnassiers, de cerfs gigantesques, et de chats de grande dimension.

« Un beaucoup plus grand nombre y paraissent ensevelis dans de grandes masses de stalagmites qu’il faut rompre pour en arracher les ossemens qu’elles recèlent. Tout annonce que les richesses géologiques de cette caverne ne sont pas moins immenses que celles des cavernes d’Osselles, près de Besançon. »


Addition à la Séance du 18 mars.

À l’occasion de la question relative au remplissage des cavernes, longuement discutée dans les séances du 4 et du 18 mars, M. Boubée a énoncé que, loin qu’il lui paraisse que l’on doive exclusivement admettre l’une ou l’autre des opinions soutenues par MM. C. Prévost et Dufrénoy, il faut les reconnaître toutes les deux comme parfaitement applicables à diverses localités, et en admettre encore deux autres, pour pouvoir expliquer tous les faits qui s’observent dans d’autres cavernes, ce qui élèverait à quatre le nombre des moyens d’explication pour le phénomène du remplissage des cavernes à ossemens.

« M. Boubée signale d’abord diverses cavernes qu’il a visitées, et qui témoignent, les unes le remplissage par des courans fluviatiles que défend M. C.Prévost, et quelques autres l’habitation des animaux dans les cavernes elles-mêmes, soutenue par M. Dufrénoy. Ainsi, dans la grotte de Bise, M. Tournal a découvert une fissure si étroite, qu’on ne peut y introduire la main qu’avec peine. Cette fissure est remplie d’ossemens de petits animaux rongeurs, tels que rats, etc., parfaitement conservés. Cette fissure a donc été long-temps le lieu de retraite de ces petits quadrupèdes. »

« À ces deux causes toutes naturelles, et qui n’ont jamais pu cesser d’agir, M. Boubée croit qu’il faut en ajouter deux autres non moins évidentes, quoique moins permanentes à la surface du globe : l’une qui ressort de l’observation importante faite par M. de Christel, que les cavernes de chaque vallée et de leurs affluens présentent les mêmes groupes d’animaux, et que ces groupes diffèrent notablement d’une vallée dans l’autre, ce qui semble annoncer, non pas un remplissage analogue à celui que peuvent opérer les rivières actuelles, mais un remplissage produit par de grands courans qui avaient entraîné et mêlé à la fois tous les animaux habitant un même bassin géographique. M. Boubée signale à ce sujet plusieurs grottes qui renferment des sables et des cailloux diluviens, même des blocs erratiques de petite dimension, etc.

« Enfin, des observations qu’il a faites avec M. Beltrami dans une grotte de l’Arriége, et qu’il a pu renouveler depuis dans quelques autres grottes des Pyrénées orientales, M. Boubée conclut que dans certaines de ces cavernes qui ont été remplies par l’une de ces trois causes, et quelquefois même par deux ou par trois de ces causes concurremment et successivement, il est survenu des remaniemens occasionnés par de nouveaux courans qui les ont vidées en partie, et qui ont brouillé ensemble les débris déposés successivement lors du remplissage primitif. »

M. C. Prévost rappelle qu’il n’a adopté exclusivement aucun mode pour l’introduction des ossemens dans les cavernes, et il ajoute que les explications qui viennent d’être données rentrent naturellement dans celle plus générale qu’il a proposée. (Mém. de la Société d’Hist. nat. de Paris, tome IV.)

  1. L’embouchure de la mine de Dieuze est à 212 mètres au-dessus du niveau de la mer.
  2. La terrasse de Béziers est celle où le terrain tertiaire mixte a acquis le plus de puissance ; il y repose sur un calcaire d’eau douce qui descend sous les eaux de l’Orb, et qui alterne même avec les dépôts mixtes. Le terrain marin inférieur se retrouve au-dessus et au-dessous de cette terrasse sur la rive gauche de l’Orb.