Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome III/Séance du 20 mai 1833


Séance du 20 mai 1833.


Présidence de M. de Blainville.

nouveaux membres de la société.

M. le Président proclame :

MM.

Alois de Maier, conseiller du gouvernement à Przibram en Bohême ; présenté par MM. Boué et Desnoyers ;

Dupays, naturaliste à Paris ; présenté par MM. Boubée et Revenas ;

Dumarallach, avocat à Quimper ; présenté par MM. Boubée et de Kergorlay ;

Le comte Paul de Vibraye, à Paris ; présenté par MM. Bmngniart et Ravergie.


DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.


La Société reçoit les ouvrages suivans :

1o  De la Société Géologique du Cornouailles, les quatre premiers volumes de ses Transactions (Transactions of the royal Geological Society of Cornwall). In-8o  avec pl. Londres, 1818-1832.

2o  De la part de M. Boubée :

Géologie populaire à la portée de tout le monde, appliquée à l’agriculture et à l’industrie ; in-18, 256 pages, 1 pl., Paris, 1833.

3o  De la part de M. Lyell :

Principles of Geology, 3o  vol. in-8o, 508 pages avec pl. et vignettes. Ce volume contient les tableaux de coquilles fossiles dressés par M. Deshayes, pour les différens groupes des terrains tertiaires.

4o  De la part de M. le comte Grégoire de Razoumowski, son portrait peint à l’aquarelle.

5o  De la part de M. Boué, un Mémoire, intitulé : Sur des os d’éléphans et d’autres curiosités naturelles des montagnes de la Romagne dans le Véronais (Delle ossa d’elephanti e d’altre curiosita naturali, etc.), par l’abbé Albert Fortis, in-8o, 85 pages, 1 pl., Vicence, 1786.

6o  De la part de M. le baron Chaudruc de Crazannes ; Notice historique et bibliographique sur M. de Saint-Amant, in-8o, 68 pages, 1 portrait, Agen, 1832.

7o  De la part de M. d’Omalius-d’Halloy, au nom de M. A. Benoît, 2 planches lithographiées, représentant des fossiles trouvés dans le calcaire plombifère de Longwilly.

8o  Le numéro 29 (mai 1833) du Mémorial encyclopédique et progressif des connaissances humaines.

9o  Le premier numéro de l’Institut, journal des académies et sociétés scientifiques de la France et de l’étranger, (In-4°. une feuille ; Paris, 18 mai, 1833.)


OUVRAGES PRÉSENTÉS ET ANNONCÉS.


M. Boué présente :

1° Le numéro 8 de la Flore fossile de la Grande-Bretagne de MM. Lindley et Hutton, in-8o.

2° Un Mémoire sur la constitution géologique de la province de Liège, par M. A. H. Dumont, 1 vol. in-4o de 372 pag., avec une carte géol. et 2 pl. de coupes ; Bruxelles, 1832.

3° La 2e livraison des Ossemens fossiles de mammifères inconnus juqu’à présent, décrits par M. J.-J. Kaup ; 6 pl.in-folio avec texte in-4o ; ce volume contient la suite des Pachydermes.

4° Les Élémens de cristallographie, avec un arrangement des minéraux d’après leurs formes cristallines (Elemente der Kristallographie, etc.), par M. Gust. Rose ; Berlin, 1833, 1 vol. de 158 pages in-8o avec 10 pl.

M. Boué fait connaître de la part de M. Daubeny, la publication d’un ouvrage de M. Royle, sur la structure physique de la partie septentrionale de l’Indostan britannique. Cet ouvrage est accompagné de nombreuses coupes géologiques.


CORRESPONDANCE.


M. Klipstein n’admet pas les conclusions de M. Schwarz, relativement aux effets de soulèvemens qui se sont propagés, suivant cet auteur, jusque dans les couches jurassiques bordant la Forêt-Noire (Voyez Compte-rendu des progrès de la géologie pour 1832, p. cix). Il pense que le relèvement ne s’étend pas au-delà du grès bigarré, et il ajoute que : si M. de Beaumont le désirait, il se ferait un plaisir de lui communiquer des observations à cet égard.

M. Klipstein propose des suites de roches et de fossiles à meilleur compte que le comptoir minéralogique de Heidelberg. Il y en a déjà deux livraisons (chacune de 175 échantillons) prêtes à être expédiées.

Délibérations du conseil. — Choix de Clermont en Auvergne pour lieu des séances extraordinaires de 1833.

M. le président fait connaître les décisions suivantes prises par le conseil dans sa séance du 13 mai, sur diverses propositions faites par plusieurs membres, et la Société les adopte successivement :

Le conseil a accepté l’échange contre le Bulletin de la Société de l’American journal of sciences, de M. Silliman, et des Annales scientifiques et littéraires de l’Auvergne, rédigées par M. Lecoq.

Le conseil a autorisé la vente du Bulletin au prix de la cotisation annuelle. Cette demande avait été faite pour des bibliothèques ou autres établissemens publics.

Il a trouvé convenable que les volumes de Mémoires de la Société ne fussent délivrés à un prix inférieur des deux tiers à celui de librairie qu’aux membres qui auraient payé leur cotisation antérieure à l’année courante ; en conséquence les membres seront prévenus de cette décision.

Le conseil, ayant examiné les différentes localités proposées pour être le lieu de la réunion extraordinaire hors de Paris, a désigné l’Auvergne comme le plus convenable. Ce choix a été déterminé par les considérations suivantes : l’Auvergne est un point central où peuvent se réunir aux géologues de Clermont, d’Issoire, de Pont-Gibaud, etc., les autres membres que la Société compte en grand nombre dans les départemens du midi, du sud-ouest et du sud-est. Ce pays jouit d’une célébrité classique en géologie à plusieurs égards, tels que l’existence des volcans éteints et leurs différens âges ; l’existence et les relations de puissans terrains d’eau douce avec les terrains ignés ; la théorie des cratères de soulèvement ; plusieurs gîtes remarquables d’ossemens de mammifères : questions qu’une réunion d’observateurs éclairés par les géologues du pays peut étudier fructueusement.

Il est présumable que dix jours sur place suffiront pour voir les objets les plus importans ; la dépense peut être évaluée à 300 fr. approximativement, y compris le trajet, pour les membres de Paris.

Le rendez-vous est fixé à Clermont, pour le 25 août, chez M. Lecoq, professeur d’histoire naturelle, directeur du Jardin botanique. Les membres seront prévenus de ce choix, et invités à annoncer leur intention de faire le voyage.

Deux autres localités avaient été proposées, le département du Calvados et les bords du Rhin : elles ont été écartées par les motifs suivans : la Normandie, comme étant parfaitement bien connue des géologues, et comme ayant été déjà le lieu d’une précédente réunion ; les bords du Rhin, comme pouvant être choisis plus convenablement en 1834, époque à laquelle doit également se tenir en cette contrée la réunion annuelle des naturalistes d’Allemagne, ce qui faciliterait les relations des géologues des deux pays.


MÉMOIRES.


On lit une Description du gisement et de l’exploitation du minerai de plomb de Longwilly, canton de Bastogne, province de Luxembourg, par M. A. Benoît, conducteur, chargé de la régie des travaux de la Société de Longwilly.

Ce fut, dit l’auteur, vers l’année 1819 qu’un habitant d’Oberwampach, occupé à creuser un canal d’irrigation entre les villages de Longwilly et de Norhet-Allerborn, rencontra les premiers échantillons de galène, qui annoncèrent le voisinage de gîtes métallifères. Les recherches que l’on fit ensuite mirent au jour deux gîtes de minerai.

Ces gîtes se trouvent à peu près au centre du terrain ardoisier de l’Ardenne.

Le schiste, qui constitue le sol aux environs de la mine, et que l’on rencontre dans tous les travaux, est d’un gris-bleuâtre, à grains fins ou compactes, à cassure plane ou irrégulière, ou conchoïde ; il ne présente que rarement une apparence de fissilité, si ce n’est dans la partie qui avoisine le sol. Il se divise assez souvent en solides, rappelant assez bien la forme rhomboïdale. Il est rare qu’il résiste à une longue exposition à l’air ; il s’y réduit, au contraire, en une terre douce au toucher, ne faisant jamais pâte avec l’eau. Les parties dans lesquelles on aperçoit la structure feuilletée ne se décomposent pas aussi vite que les autres. Ce schiste est quelquefois pénétré de chaux carbonatée, qui se reconnaît à l’effervescence que cette roche fait dans les acides.

Dans certaines places on trouve beaucoup de fossiles, mais ils sont rarement bien conservés ; l’auteur a dessiné et fait lithographier ceux qu’il a trouvés les plus intacts. On voit sur cette planche des spirifères, des encrines. et d’autres corps dont le degré de conservation ne permet pas de déterminer l’espèce ni même le genre. Quelquefois la place occupée primitivement par un fossile est entièrement remplie de chaux carbonatée, facilement clivable en petits rhomboïdes ; d’autres fois ce sont les valves seules des coquilles qui sont de cette nature, l’intérieur étant rempli de schiste ; d’autres fois enfin, et c’est le cas le plus commun, on ne voit plus que le moule intérieur, enduit, assez souvent, d’une substance noire pulvérulente.

L’auteur donne ensuite la description des travaux de la mine ainsi que du mode d’exploitation, et passe à celle du minerai. Les principales substances qui composent celui-ci sont, dans l’ordre de leur plus grande abondance, le schiste qui sert de gangue, la galène, le fer sulfuré, le zinc sulfuré, le plomb carbonate, le plomb phosphaté, le quarz et la chaux carbonatée.

La galène se présente principalement en plaques qui s’étendent le long des parois de schistes, et dont l’épaisseur varie de 5 à 35 millimètres. Elle forme aussi des cristaux octaèdres, très rarement cubiques. Sa texture est ordinairement laminaire, quelquefois compacte ; alors elle est souvent antimonifère, plus rarement elle est striée ou globuleuse.

Le plomb carbonaté se trouve principalement dans le voisinage du sol, et disparaît presque entièrement à la profondeur de 10 à 12 mètres. Il forme des cristaux prismatiques à six pans, dans des géodes pratiquées dans la galène et dans le schiste, ou des cristaux aciculaires qui tapissent les interstices de la roche, ou des enduits qui recouvrent les cristaux de galène.

Le plomb phosphaté accompagne le plomb carbonaté ; il forme, soit des prismes à base hexagonale, soit des concrétions qui imitent des mousses.

Le fer sulfuré commence à se montrer aux points où le plomb carbonate et le plomb phosphaté disparaissent. Il est empâté dans la galène et dans sa gangue avec laquelle il a contracté une grande adhérence.

Le zinc sulfuré accompagne le fer sulfuré, souvent il est disséminé en particules imperceptibles dans le schiste où sa présence s’annonce par une teinte brune, et par la propriété de donner des étincelles sous le choc du pic ; d’autres fois il est en petites parties lamellaires empâtées dans la galène ou en cristaux dérivant du dodécaèdre, garnissant des géodes.

Le quarz se voit principalement dans les travaux inférieurs, quelquefois il remplace la galène, d’autres fois il coupe tout le gîte, ou se présente en cristaux prismatiques terminés par des pyramides et tapissant des géodes.

La chaux carbonatée présente de petits cristaux dodécaèdres tapissant aussi des géodes ; d’autres fois elle forme des veines ou elle remplace, ainsi qu’on l’a vu ci-dessus, l’espace occupé par les coquilles.

Le soufre se rencontre quelquefois sous la forme de légers enduits dans les cavités du plomb sulfuré, et l’on voit tous les jours des concrétions de chaux sulfatée se former sur les parois des galeries inférieures.

La liaison intime du minerai avec la roche, l’absence de toute matière terreuse à leur point de contact, l’identité de direction et d’inclinaison entre les couches schisteuses et les gîtes métallifères, la circonstance que ces dépôts ont éprouvé les mêmes dérangemens, annoncent qu’il y a une entière contemporanéité entre les couches schisteuses et les gîtes métallifères, et elles prouvent, comme l’a dit M. Cauchy, que ces derniers sont des amas dans des couches.

On a prétendu que les gîtes métallifères de Longwilly sont des filons, parce qu’ils se réunissent dans les travaux supérieurs ; mais cette disposition a lieu aussi dans les couches de houille, où l’on voit quelquefois disparaître le banc qui sépare deux d’entre elles, et où, d’autres fois, la couche de houille se réduit à une trace. On peut donc très bien admettre, ajoute l’auteur en terminant, que le schiste qui sépare les deux amas, et dont la plus grande épaisseur ne dépasse pas 18 mètres, se réduit ailleurs à zéro.

M. Elle de Beaumont lit un troisième et dernier fragment du Mémoire qu’il a rédigé avec M. Dufrénoy sur les groupes du Cantal et du Mont-Dore et sur les soulèvement auxquels ces montagnes doivent leur relief actuel.

Deux fragmens du même mémoire lus précédemment à la Société dans les séances du 3 décembre 1832 et du 4 mars 1833, et dont la substance avait même été présentée verbalement dans la séance du 7 mai 1832, avaient pour objet de décrire d’une manière générale la composition et surtout la structure du Cantal et des Monts-Dore, d’indiquer la disposition relative des différentes masses minérales qui les composent, et de remonter même aux causes de cette disposition. Les auteurs ont été conduits à penser que cette disposition résulte en partie de soulèvemens opérés chacun autour d’un point central. Ce nouveau fragment de leur mémoire, destiné à servir d’introduction aux deux autres, est relatif aux cratères de soulèvement en général.

MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont pensent que des soulèvemens est pu avoir lieu dans des contrées dont la surface était déjà composée de matières d’origine volcanique. Ils admettent que lorsque des matières fondues se sont répandues sur la surface de la terre, s’y sont étendues en nappes larges et épaisses, et s’y sont refroidies assez tranquillement pour former des roches compactes ou porphyriques exemptes de cellulosités, elles ont dû présenter après leur consolidation une surface très sensiblement horizontale, comme cela arrive aux coulées de laves abondantes qui s’étendent et s’arrêtent au pied des volcans actuels. Ils croient en conséquence que lorsque des lambeaux de nappes de ce genre se relèvent de toutes parts, à partir d’une circonférence plus ou moins régulière, vers un point central, on est fondé à supposer que la croûte extérieure du globe a éprouvé en ce point l’action d’une force agissant de bas en haut, qui l’a en quelque sorte étoilé, et qui a relevé en forme de pyramide les secteurs désunis de la surface plane primitive.

Désirant soumettre l’application de cette hypothèse au contrôle de quelques calculs numériques, les auteurs du Mémoire expriment, au moyen de l’analyse, quelques unes des circonstances géométriques qui résulteraient d’un soulèvement opéré ainsi qu’il vient d’être dit, et ils réduisent les formules qu’ils obtiennent d’abord à d’autres formules plus simples et encore suffisamment exactes pour l’objet qu’ils ont en vue.

La discussion générale de ces formules leur parait reproduire assez fidèlement les principales circonstances observées dans les cônes de soulèvement évidés à leur centre que M. Léopold de Buch a nommés cratères de soulèvement.

Passant ensuite aux applications, MM. Dufrénoy et Élie Beaumont introduisent successivement dans leurs formules les données numériques relatives aux parois coniques de différens cratères de soulèvement, tels que ceux de Palma. de Ténériffe, de Santorin, et font remarquer une sorte de parallélisme entre la marche des résultats numériques et celle des circonstances que l’observation a constatées dans la manière d’être de ces différens cônes.

Comme exemple des résultats auxquels les auteurs sont conduits, nous citerons seulement le tableau suivant qui, pour les parois de six cônes supposés produits par soulèvement, exprime le rapport de la somme des fractures par écartement mesurées à égale distance de la base et du sommet au développement d’une circonférence tracée sur la surface du cône au milieu, de sa hauteur.

Ce rapport mesure à la fois le crevassement primitif de la surface soulevée, et In manière dont, par suite des fissures dues au soulèvement, chaque cône se sera trouvé ouvert aux influences atmosphériques : il fournirait une sorte d’évaluation du degré de crevassement et de délabrement que chacun d’eux devrait présenter à l’observateur, si on pouvait faire abstraction de la diversité de solidité des matériaux, de la diversité du climat et de l’inégalité de longueur du temps depuis lequel ils sont peut-être exposés aux influences atmosphériques.

En calculant le rapport en question on trouve pour

Stromboli 0,14730
Palam 0,04470.
Mont-Doré 0,01012.
Ténériffe 0,00708
Cantal 0,00212
Santorin 0,00085

On voit, par ce tableau, combien ont pu être diverses les circonstances que le soulèvement aura fait naître dans la surface soulevée suivant que son intensité aura été plus ou moins grande.

Le Mémoire entier est imprimé dans les Annales des mines, 3e série, tom. 3, p. 531. (3e livraison 1833.) Il est accompagné de deux cartes intitulées : Esquisse topographique et géologique du Cantal, et Esquisse topographique et géologique des Monts-Dore.

« M. Boubée fait observer, par suite du Mémoire de M. de Beaumont, que le centre d’action à calculer devait être pris, non au-dessous de la montagne superficielle, mais au-dessous de 20 à 25 lieues, épaisseur moyenne de la croûte terrestre au-dessous de laquelle agit l’action soulevante. »