Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome II/Séance du 7 mai 1832

Bulletin de la société géologique de France1re série - 2 - 1831-1832 (p. 389-408).
Séance du 7 mai 1832.


Présidence de M. Brongniart.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, le président proclame membres de la société :

M. Simon (Victor), juge à Metz, présenté par MM. Boué et Desnoyers.

M. Albert de la Marmora, lieutenant-colonel au corps royal d’état-major général de S. M. sarde, présenté par MM. Boué et Michelin.

On lit une lettre de M. Victor Simon (Metz, 27 avril), dans laquelle, après avoir exprimé le désir qu’il a de faire partie de la Société géologique, il donne la note suivante des principaux mémoires qu’il a publiés sur une contrée généralement peu connue :

« Mémoire sur le calcaire bleu à graphites des environs de Metz ; Mémoire sur le Quadersandstein d’Hétange et les environs de Sierck ; Éssai géognostique sur les terrains du département de la Moselle ; Rapport sur le gisement du fossile trouvé par M. de Pouzzoli, près de Thionville ; Notice sur les débris d’un rhinocéros trouvé à Louvigny près Metz ; Rapport sur les ossemens fossiles trouvés à la côte de Rosemberg près Thionville ; Itinéraire géologique et minéralogique des départemens de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ; Notice sur les carrières de lias du Guenange ; Notice sur une dent de rhinocéros, trouvée à Gourmelange près Metz ; Itinéraire géologique et minéralogique de Metz à Sarrelouis, Oberstein, Bingen, Coblentz, Laach, Trèves et Sierck. La plupart de ces Mémoires sont consignés ou mentionnés dans le Recueil des travaux de l’Académie de Metz.

M. Simon annonce encore qu’il vient de fonder à Metz une petite Société géologique qui se réunit chez lui, et fait une course chaque semaine ; elle commence à établir des relations avec les villes voisines ; son but est de compléter l’Histoire géognostique du département de la Moselle.

— M. Desnoyers communique l’extrait suivant d’une lettre de M. le lieutenant-colonel de Chesnel (Prades, près Montpellier, 26 avril).

« Je pense absolument comme vous au sujet des ossemens humains trouvés dans les cavernes du midi de la France, qu’il suffit de s’éclairer de l’histoire et de la topographie des lieux où se trouvent ces cavernes, pour repousser le système récemment établi sur la contemporanéité de l’homme avec les grandes espèces perdues. Je ne prétends pas nier positivement l’existence de la race humaine à une époque plus reculée que celle que lui assignent les documens historiques ; mais je veux dire que les savans qui cherchent la prouver la contemporanéité en question, se fondent sur des faits qui, loin d’être conclu ans en faveur de leur hypothèse, me semblent tout au contraire déposer contre elle ; ainsi, pour qui s’est donné la peine d’observer attentivement l’action générale du cours des eaux, et ce que celles-ci opèrent ordinairement dans les cavités souterraines, où elles charrient ce qu’elles ont rencontré sur leur passage, il ne se voit rien que de fort simple dans la réunion sur un même sol de corps de diverses natures, et de différens âges, et liés quelquefois en un aggrégat stalagmitique ; c’est par cela même, je le répète, qu’il se trouve ensemble des ossemens d’animaux anciens et modernes, mêlés à des débris de coquilles terrestres, de poteries, d’ustensiles, etc. ; qu’il n’est pas possible, pour ratifier cette circonstance, de s’arrêter à des causes simultanés, c’est-à-dire, aux phénomènes généraux qui résultent des cataclysmes qui ont bouleversé notre globe.

« J’ai eu occasion, dans mes voyages, de me convaincre de l’exactitude des faits rapportés par Florus et Eginhard que vous citez ; et dans un Mémoire que je communiquerai prochainement, je ferai connaître un assez grand nombre d’observations sur les cavernes et les camps fortifiés de la Novempopulanie, remarques qui me conduisent à des conséquences pareilles à celles que vous déduisez de vos propres investigations... »

— Une lettre de M. Albert de la Marmora annonce qu’il se propose de compléter incessamment sa description géologique de la Sardaigne ; il donne les détails suivans sur ses dernières courses en Piémont :

« J’ai visité les serpentines de Baldissero, où le jaspe est presque plus abondant que dans l’Apennin et la Ligurie, dans une région apparemment non visitée par M. Brongniart ; ce jaspe est en contact avec une espèce d’arkôse, et des schistes, dans lesquels je n’ai pu découvrir jusqu’ici d’empreintes. Près de Bielle, j’ai vu un filon de serpentine, lié d’un côté, comme celle de Baldissero, avec la syénite, et de l’autre avec un porphyre, contenant des parties chloriteuses et quelques cristaux de pyroxène. Ce porphyre a dans son ensemble beaucoup de ressemblance avec un porphyre que je pris moi-même à Grantola, non loin du Pechstein de cette célèbre région ; il se lie ensuite avec ceux de Crevacuore, qui, de nuance en nuance, passent à ceux d’Arona, décrits par M. de Buch. J’espère pouvoir visiter de nouveau ce lieu (Crevacuore), où parait être la jonction des porphyres verts aux porphyres noirs. Les débris tertiaires de Masserano et de Crevacuore appartiennent au système de marne bleue subapennine. Ils ont cependant quelque relation avec eux du Vicentin, et paraissent faire passage entre les terrains de la Superga et ceux de l’Astesan (vallée d’Andona), etc., etc. J’ai trouvé à Crevacuore la scaglia (?) soulevée et modifiée par les porphyres, mais non dolomisée ; et à Goyano (où l’on trouve aussi un dépôt tertiaire, pareil à celui de Maggiora), je trouvai un calcaire rouge à Térébratules, à petites ammonites (?), et autres fossiles que je n’ai encore pu déterminer. Ce marbre rouge, que je compare à celui de Vérone, est un peu bréchiforme, et est identique avec celui d’Arzo et de Viggin, près du lac de Côme, dont parle Amoretti dans son voyage aux trois lacs, et connu en Lombardie sous le nom de Macchia Vecchia. (Voir la note sur les marbres d’Arzo et de Bisaccio, page 169 de son Viaggio da Milano ai tre laghi, faisant partie de la Bibliotheca secha di opere italiane, vol. 28. Milano, presso Silvestri, 1824, 1 vol. in-12 de 373 pages.) »

─ La Société reçoit, de la part de la société géologique de Londres, la première et la deuxième parties du tome III de ses Mémoires (Transactions of the geological Society of London.)

La première partie, publiée en 1829, in-4o de 240 pages et 27 pl. de cartes, coupes et fossiles, contient douze mémoires, savoir :

1° Sur un groupe de roches schisteuses (On a group of slate rocks) s’étendant est-sud-est, entre les rivières Lune et Wharfe, depuis Kirby-Lonsdale, jusqu’à Malham, et sur le phénomène qui lui est particulier, par M. Phillips. 21 pag., 2 pl.

2° Sur la relation géologique des strates secondaires dans l’île d’Arran, par MM. Sedgwick et Murchison. 16 pages et 1 planche double.

3° Sur les relations géologiques et la structure interne du calcaire magnésien et les parties inférieures du nouveau grès rouge dans le Nottinghamshire, le Derbyshire, le Yorkshire, le Durham, et les extrémités méridionales du Northumberland, par M. Sedgwick. 88 pages, 9 planches.

4° Sur la structure et les rapports des dépôts contenus entre les roches primitives et les couches oolithiques dans le nord de l’Écosse, par MM. Sedgwick et Murchison. 36 pages, 5 planches.

5° Sur la géologie des baies de Tor et Babbacombe (Devonshire}, par M. de la Bèche, 11 pages, 3 planches,

6° Sur la géologie des environs de Nice et de la côte, depuis cette ville jusqu’à Vintimiglia, par M. de la Bèche, 16 pages, 4 planches.

7° Observations sur les formations secondaires entre Nice et le col de Tende, par M. Buckland. 4 pages,

8° Sur la géologie d’une partie du Bundelcund, Boghelcund, et des districts de Saugor et Jubulpore, par le capitaine Franklin. 10 pages, 2 planches.

9° Tableau des restes organiques du comté de Sussex, par M. Gédéon Mantell. 16 pages.

10° Sur la découverte d’une nouvelle espèce de Ptérodactyle dans le lias à Lyme-Regis, par M. Buckland. 6 pages, 1 planche.

11° Sur la découverte des coprolithes ou fœces fossiles dans le lias, tant à Lyme-Regis que dans d’autres terrains, par M. Buckland. 14 pages, 4 planches.

12° Lettres de M. Prout à M. Buckland sur l’analyse des fœces fossiles d’Ichthyosaures et d’autres animaux. 3 pages.

La deuxième partie, publiée en 1832, in-4o de 200 pages et 9 planches doubles de coupes, cartes et fossiles, contient les mémoires suivans :

1° Sur le district oolithique de Bath, par M. Lonsdale. 35 pages, 1 planche de coupes.

2° Sur un renard (fox) fossile découvert à Æningen, près Constance, avec une description du terrain qui le contient, par M. Murchison. 14 pages, 2 planches.

Description anatomique de ce renard, par M. G. Mantell. 4 pages, 2 planches.

Sur les causes astronomiques qui ont pu avoir de l’influence sur les phénomènes géologiques, par M. Herschell, 7 pages.

Sur la structure des Alpes orientales, avec coupes traversant les formations les plus nouvelles des flancs nord de la chaîne, les terrains tertiaires de Styrie, etc., etc., par MM. Sedgwick et Murchison. In-4° de 120 pages, 1 charmante carte des Alpes orientales, 1 grande planche de coupes, 3 planches de coquilles et de polypiers fossiles de Gosau.

— La Société reçoit aussi :

1° De la société géologique de Londres, le rapport annuel sur ses travaux de 1831, par le président M, Murchison. In-8° de 26 ages.

2° De la part de M. Murchison, son Mémoire sur un renard fossile découvert à Æningen, près Constance ; avec une description du terrain qui le contient. In-4° de 14 pages, avec 2 planches. Londres, 1832.

3° De la part de la société philosophique de Cambridge ; les première, deuxième et troisième parties du tome III, et la première partie du tome IV de ses Transactions (Transactions of the philosophical soc. of Cambridge).

4° De la part de M. le comte Razoumovsky, ses Observations sur les environs de Vienne. In-4° de 58 pag., 10 pl.

5° De la part de M. Cordier, l’extrait de plusieurs lettres de M. Jacquemont, voyageur naturaliste du Muséum, en mission aux Indes orientales (extrait des nouvelles Annales du Muséum d’histoire naturelle, tome Ier, pages 135 et suivantes). In-4° de 19 pages.

6° La 22e livraison de la Description des coquilles fossiles des environs de Paris, par M. Deshayes. In-4° (les planches sont d’une exécution de plus en plus soignée).

7° Les numéros 1 à 7 du Recueil supplémentaire du premier volume des Mémoires de l’Académie de l’industrie agricole, manufacturière et commerciale, fondée à Paris par M. César Moreau, et les numéros 13, 14, 15 et 16 du deuxième volume du Journal des travaux de la même Académie. In-4°.

8° Le numéro 17 (mai 1832) du Mémorial encyclopédique et progressif des connaissances humaines. Paris, in-8o.

9° Les numéros 21, 22, 23 de l’Européen.

M. Michelin fait hommage à la Société de 33 échantillons de roches et corps organisés de Maestricht et des environs. Il lira dans la prochaine séance un Mémoire de M. Van-Hess sur cette même localité.

M. de Léonhard annonce que le comptoir de minéralogie d’Heidelberg, dont il envoie le dernier catalogue, désirerait entrer en relation d’échanges avec les géologues français qui habitent des localités riches en fossiles.

─ La Société reçoit de M. le comte de Montlosier la lettre suivante (Randanne, près Clermont, 5 mai 1832).

« Messieurs, je lis dans le résumé des progrès de la géologie pendant l’année 1831, Bulletin de la société, pag. 156, les paroles suivantes :

« L’espèce de cavité élevée, appelée Valle del bove, a paru à M. Hoffmann un cratère de soulèvement dont les bords sont formés d’alternats de scories et de roches trachytiques modifiées. En Italie, notre savant Prussien a aussi cru trouver des cratères de soulèvement dans les montagnes d’Albano... » L’auteur du Résumé ajoute : « Nous devons donc nous attendre à une controverse intéressante entre lui et M. C. Prévost, qui, comme M. Cordier, paraîtrait opposé à cette idée, et n’admettrait qu’une formation cratériforme, savoir, celle produite par des déjections incohérentes et des coulées de lave autour d’un cratère. »

« L’intérêt que je prends aux progrès de la géologie, l’intérêt aussi que je prends à des hommes aussi honorables que MM. C. Prévost et Cordier, n’engagent à vous adresser les explications suivantes :

« D’abord, je n’admets pas tout-à-fait l’expression de cratère de soulèvement, créée par M. de Buch et adoptée par M. Hoffmann. Cette expression suppose une force irrégulière opérant des effets irréguliers, pouvant être étrangers aux effets volcaniques. Les cratères de soulèvement mentionnés sont tous d’une composition cratériforme, ainsi que l’ont observé MM. Prévost et Cordier. Mais il faut en demeurer là, et surtout ne pas parler de courans de lave ; car l’absence de courans de lave est un des caractères précis qui les distinguent.

« L’Auvergne est en possession de deux de ces cratères appelés de soulèvement, c’est le lac de Pavin et le gour ou gouffre de Tazenat. En examinant, dans ma jeunesse, la nature et les circonstances de ces deux cratères formant des lacs, je leur avais reconnu une composition toute particulière, en ce que, 1° à la différence des autres cratères, la dimension de leur orifice était énormément plus considérable ; 2° en ce que leur pourtour était à peine marqué de quelques points de torréfaction ; 3° en ce qu’il n’en était émané aucune émission ni courant de lave. Frappé d’étonnement, d’un côté, de la puissance d’explosion qui avait pu opérer un tel vide sans l’accompagner de traits violens de torréfaction, apanage ordinaire des phénomènes volcaniques, je l’étais encore plus de la forme particulière du pourtour intérieur qui laisse à peine au bord de l’eau trois pieds de largeur, au bout desquels se présente immédiatement le gouffre en forme de cuve abrupte, cuve qui donne pour le lac de Pavin une profondeur de 300 à 302 pieds ; pour le gour de Tazenat, environ 200 pieds.

« Des circonstances particulières m’ayant amené, au commencement de 1789, à publier mon Essai sur la théorie des volcans d’Auvergne, mon attention, fixée sur ces deux cratères-lacs, dut, faute de points de comparaison suffisans, demeurer incomplète et indécise.

« En l’année 1813, ayant pu m’échapper un moment de la politique, je me hâtai de passer les Alpes pour aller chercher en Italie, sur ce point, objet continu de mes inquiétudes, les éclaircissemens qui m’étaient nécessaires ; je les trouvai avec abondance dans les lacs de Viterbe, dans ceux d’Albano, ainsi que dans les champs phlégréens. Là, comme en Auvergne, mêmes caractères : 1° orifice d’une dimension énorme en comparaison des cratères ordinaires ignés ; 2° absence sur leur pourtour, je ne dirai pas positivement de laves, mais de cette abondance de matières violemment torréfiées ; 3° absence de courans de lave.

« Cependant, convaincu depuis long-temps que la nature, qui présente souvent des opérations parfaites, a aussi quelquefois des ébauches, j’eus bientôt à reconnaître que, tout ainsi que parmi les cratères ordinaires ignés, il se trouve par-ci par-là quelques petits cratères qu’on pourrait appeler des cratérillons ; de même parmi mes cratères à explosion, dont plusieurs étaient des cratères-lacs, il y en avait aussi d’une petite dimension, même sans eau, et dans lesquels, quoique de la même espèce, la nature qui s’y était essayée semblait avoir manqué de puissance. En récapitulant dans mes notes les cratères de ce genre, soit parfaits, soit en ébauche, que j’ai observés en Italie, je peux en compter trente deux.

« Un phénomène plus grave, plus extraordinaire, plus inattendu en ce genre, devait bientôt attirer mon attention ; je veux parler du mont Vésuve.

« Relativement à cette montagne, je n’étais pas tout-à-fait sans instruction. J’avais lu attentivement ce qu’en disent Denys d’Halicarnasse, Pline, mais particulièrement Strabon, qui, quoique géographe, en a mieux connu la nature que Pline. Après cela, je n’avais pas négligé ce qu’en disent, dans les temps modernes, les savans, et en général les voyageurs. En m’en rapportant à ces seuls documens, ce qu’on appelle aujourd’hui mont Vésuve pouvait être pour moi un objet de curiosité. En fait de montagnes volcaniques, j’étais depuis long-temps familiarisé avec les phénomènes propres à ces sortes de montagnes ; toutefois, un point me restait et me revenait toujours dans la pensée, c’était la montagne appelée Somma, qui est presque contiguë au Vésuve, et qui l’enceint dans une fraction de cercle. Aucun des savans et des voyageurs qui avaient depuis long-temps visité le Vésuve n’avait compris cette singulière position. Après l’avoir étudiée long-temps et soigneusement, je reconnus et pus constater les deux points suivans :

« 1° Ce qu’on appelle aujourd’hui mont Vésuve est un misérable usurpateur ; c’est une simple excroissance moderne qui date de la fameuse éruption sous Titus, et qui s’est, depuis cette époque jusqu’au moment présent, diversement accrue, modifiée, détériorée, en raison des diverses éruptions qui ont succédé.

« 2° Ce qu’on appelle aujourd’hui mont Somma est le reste légitime du véritable ancien mont Vésuve, tel que les anciens l’ont connu, que Strabon l’a décrit, et que la fameuse éruption sous Titus nous l’a laissé, après avoir détruit, démantelé et emporté dans les airs la principale masse de la montagne.

« Pour l’explication plus complète de ces deux points, je dois revenir à ce qui a été l’objet spécial de cette lettre.

« J’ai précédemment supposé deux espèces de volcans cratériformes : l’une formant des cratères d’une dimension ordinaire, amas désordonné de matières violemment torréfiées, et desquels sont sortis en général des courans de lave ; l’autre, dont les orifices sont d’une dimension extraordinaire, dont le pourtour, soit intérieur, soit extérieur, offre peu ou point de matières ignées, et des flancs desquels ne sont point sortis des courans de lave.

« En Auvergne comme ailleurs, on peut reconnaître et distinguer parfaitement ces deux espèces de vulcanisations cratériformes. Ces foyers, quoique rapprochés quelquefois, sont cependant toujours distincts. L’enceinte qui renferme aujourd’hui le mont Vésuve et le Somma offre à cet égard une particularité remarquable.

« En ce que les deux espèces de vulcanisations ayant eu lieu à la fois, et presque dans le même temps, sur deux foyers extrêmement rapprochés, il en est résulté d’un côté un mouvement d’explosion par lequel l’ancien mont Vésuve presque entier, mis en pièces et lancé dans les airs, a été au midi recouvrir et ensevelir sous ses débris argïlo-ponceux ; les malheureuses villes de Pompéia et de Stabbia, laissant à ses pieds le promontoire qui forme aujourd’hui l’ermitage du Sauveur ; tandis qu’un nouveau foyer, formé en conflagration, s’est ajouté au foyer d’explosion, a commencé le mont Vésuve d’aujourd’hui, et a donné un courant de lave qui, se dirigeant à l’ouest, a été couvrir et ensevelir Herculanum.

Jusqu’à présent, comme on n’avait eu encore aucune notion juste sur la différence des volcans d’explosion dont les caractère sont particuliers, et qui ont produit tous les cratères-lacs, d’avec les volcans ordinaires ignés qui ont produit des cônes, amas de déjections violemment torréfiées, ainsi que des courans de lave, il était impossible d’avoir quelque lumière sur la nature du mont Somma, ainsi que sur le fragment de cratère d’explosion qui enceint une portion de ce qu’on est convenu aujourd’hui d’appeler le mont Vésuve.

« Je viens, messieurs, de vous parler de mes recherches dans l’année 1813. En l’année 1817, étant parti de Randane pour aller en Allemagne m’assurer de quelques points sur lesquels je conservais de l’inquiétude, après avoir parcouru la Hesse, la Saxe et une partie de la Bohême, j’eus, à mon retour, à m’arrêter sur la rive gauche du Rhin, dans un vaste pays qu’on appelle l’Eiffel, entre Trèves et Aix-la-Chapelle. Je trouvai là, relativement aux volcans d’explosion (toujours cratériformes), une nouvelle et abondante source d’instruction. Dans un grand nombre de ces volcans d’explosion qui ont formé des cratères-lacs, et qui ont tous les caractères que j’ai assignés à ces cratères, je pus noter sur le pourtour de quelques uns diverses zones de matières torréfiées intercalées verticalement dans des masses qui ne l’étaient pas, avec les nuances suivantes : quelques cratères ayant le tiers de leur pourtour en matières torréfiées, quelques autres seulement le quart, quelques autres le cinquième ; enfin, j’en pus trouver un entièrement dépourvu de matières torréfiées. Ce cratère-lac a éprouvé son explosion au sein d’une roche argileuse feuilletée, sorte de cornéenne, ou de phyllade des géologues modernes. Ce cratère-lac, situé à environ trois lieues de Trèves, a cela de particulier que son pourtour extérieur, quoique presque abrupte, pourrait absolument être accessible aux pas de l’homme. »

À l’occasion des observations de M. de Montlosier sur les cratères de soulèvement, M. Cordier proteste fortement contre la réalité de ces prétendus cratères. Il expose qu’il n’a pu reconnaître dans les volcans brûlans ou éteints que trois sortes de cratères, savoir :

1° Cratères dans lesquels les gaz seuls ont été en action, et ont opéré à la surface du terrain d’une manière tout-à-fait analogue à l’explosion des mines que l’on fait jouer dans l’attaque et la défense des places. Ces cratères ont peu ou point de saillie ; ils affectent la forme d’un entonnoir irrégulier, dont les bords sont composés des couches mêmes du sol qui a été percé. Lorsque ces couches sont solides, l’affouillement offre souvent des escarpements peu ou point accessibles. On ne voit autour de l’hiatus que les débris dispersés et communément peu abondans du sol qui a été superficiellement évidé par la violence des gaz.

2° Cratères dans lesquels l’éruption des gaz, amenant des profondeurs de la terre de la lave liquide et incandescente, a projeté en l’air cette lave à l’état de déjections incohérentes de volumes divers, et qui se sont successivement accumulées sous forme de montagne conique plus ou moins parfaite, autour de la cheminée éruptive. Ces cratères ont toujours une grande saillie ; la coupe, abstraction faite du travail ultérieur des solfatares, est toujours parfaitement accessible à l’intérieur.

3° Cratères qui, après avoir été formés comme les précédens, ont fini par dégorger de la lave liquide, qui, en s’épanchant, a plus ou moins échancré leurs contours.

La formation de chacun de ces différens cratères effraie le vulgaire, et souvent même le géologue, par les détonations qui l’accompagnent ; mais en résultat, la percée du sol n’en est pas moins un phénomène purement local, qui n’affecte pour ainsi dire qu’un point dans la masse du terrain traversé, qui opère sans soulèvement aucun de cette masse, qui s’effectue par une série de fentes très peu étendues, et dont les effets paraissent excessivement minimes quand le bruit a cessé. De plus, les tremblemens de terre accompagnans ne laissent communément aucune trace sensible de bouleversement dans la masse du pays environnant. Cette partie de l’écorce du globe est restée comme immuable dans ses fondemens.

Quant à la dénomination de cratère de soulèvement, l’association de ces deux mots est, selon M. Cordier, presque vide de sens. Elle est, suivant lui, aussi fausse et aussi vicieuse que l’hypothèse qu’on a eu l’intention de qualifier par son moyen. En effet, cette hypothèse est gratuite ; elle pose en fait l’existence et le renouvellement multiplié d’un phénomène qui est sans exemple, et qui d’ailleurs, par les forces prodigieuses et purement locales qu’il aurait exigées, ne serait en aucun rapport avec l’intensité et la nature des effets volcaniques authentiquement constatés. Non seulement elle ne soutient pas un examen sérieux lorsqu’on l’applique à l’état réel et non systématisé à priori des terrains volcaniques plus ou moins démantelés, qui sont antérieurs au dernier cataclysme diluvien ; mais à plus forte raison est-elle complètement en défaut lorsqu’on veut s’en servir pour expliquer isolément certaines formes du relief de tous les autres terrains, au lieu de reconnaître que ces formes ne sont que des cas particuliers au milieu de tous ceux qui ont été produits par les ruptures successives, par les dislocations plus ou moins générales que l’écorce de la terre a éprouvées dans toute sa masse. Sous ce dernier point de vue l’hypothèse dont il s’agit n’est propre, d’une part, qu’à induire en erreur les géologues peu exercés, en leur faisant croire qu’il y a identité entre les effets volcaniques observés et observables, et quelques unes des cavités non volcaniques du relief de la terre, qui d’ailleurs s’expliquent si naturellement et si évidemment, suivant M. Cordier, en les rapportant aux causes générales qui ont occasionné et reproduit les grands phénomènes de la dislocation de l’écorce du globe ; et d’une autre part à rapetisser et à fausser l’idée qu’on doit avoir des effets si variés de ces immenses phénomènes.

À l’occasion de la communication faite à la Société par M. Cordier, M. Élie de Beaumont présente l’analyse d’un Mémoire auquel il travaille en commun avec M. Dufrénoy, sur les cratères de soulèvement qu’on observe dans les contrées volcaniques de l’intérieur de la France.

Ces deux géologues pensent :

1° Que le groupe du Cantal présente un cratère de soulèvement dont la crête circulaire comprend nommément les cimes du Plomb-du-Cantal et du Puy-Mary, dont les vallées de Mandailles, de Vic, de Murat, de Dienne et du Falghoux forment les crevasses de déchirement, et dont le point central est occupé par une masse de phonolite tabulaire, dont le Puy-de-Griou est la cime la plus élevée ;

2° Que les masses de phonolite tabulaire qui constituent la roche Sanadoire, la roche Tuilière, et une troisième roche plus petite, mais de même nature, qui avoisine les deux premières, forment de même un centre de relèvement par rapport aux nappes de trachytes et de conglomérats trachytiques qui constituent le sol environnant, supportent les pâturages voisins du lac de Guery, et viennent présenter leurs tranches dans les escarpements qui font face aux roches de phonolite précitées, et les entourent en partie ;

3° Que le groupe du Mont-Dore, proprement dit, présente lui-même un cratère de soulèvement, dont la haute vallée de la Dordogne, et celle beaucoup plus courte où la Tranteine commence son cours, forment les crevasses de déchirement, dont la crête circulaire comprend nommément le Puy-Gros, le Puy-de-l’Aiguillier ; le Puy-Ferrand, le Puy-de-la-Grange, le plateau de Cacadogue, le roc de Cuzeau, le Puy-du-Cliergue, et le pan de la Grange, et dont le point central est occupé par la réunion de filons de trachyte, roche qui constitue la masse dentelée du Puy-de Sancy et de ses annexes.

Ils croient aussi pouvoir prouver que la formation de ces différens cratères de soulèvement est plus moderne que l’épanchement des Basaltes, et qu’elle est le résultat d’une commotion souterraine particulière, qui a eu lieu entre la période des Basaltes et celle des volcans à cratères.

M. Cordier entre dans quelques détails sur ces mêmes systèmes volcaniques de l’intérieur de la France.

Dans les vallées plus ou moins convergentes du Mont-Dore et du Cantal, dans les cirques qui terminent chaque vallée, dans les massifs et les mamelons centraux, dans les longs plateaux à gradins qui séparent les vallées, dans les gibbosités à surfaces ordinairement planes qui sont disséminées sur quelques plateaux, dans les chapeaux de laves isolés qui correspondent à ces mêmes plateaux vers les plaines, M. Cordier ne voit que les résidus d’une immense accumulation de courans de toute espèce, alternant avec des couches de déjections incohérentes, les unes encore meubles, et les autres consolidées ; accumulation qui s’élevait autrefois en forme conique très surbaissée, comme les grands volcans brûlans actuels, que des filons et des amas colonnaires de lave de toute espèce avaient successivement traversée, à mesure que les tremblemens de terre formaient des fentes et que des laves pressées dans des sens divers pouvaient s’y introduire, et qu’enfin la grande érosion diluvienne qui est admise par les géologues est venue dénuder, démanteler et sillonner à des profondeurs aussi variables que les résistances. Une foule de faits prouvent que toutes les couches volcaniques sont en place et à leur niveau primitif. Elles remontent toutes avec une pente de quelques degrés vers le centre du massif des montagnes, parce que c’est de ce centre ou des points qui en étaient voisins qu’elles sont sorties pour tendre au loin, ou pour couler en rayonnant vers les plaines. Dans le but d’expliquer un état de choses si simple et si naturel, l’hypothèse des prétendus cratères de soulèvement est complètement superflue. Il est bien inutile d’invoquer à cet effet des forces insolites, imaginaires, purement locales et vraiment merveilleuses, puisqu’elles auraient eu à remuer l’écorce de la terre jusque dans ses fondemens (10 à 20 lieues d’épaisseur au moins), sur une étendue de près de douze lieues de diamètre (plus de cent lieues carrées de surface). M. Cordier fait un grand nombre de remarques pour prouver que l’état des lieux ne répond nullement à l’hypothèse dont il s’agit. Il insiste surtout sur ce qu’on attribue à l’hypothèse des effets précisément contraires à ce qu’indiquent les plus simples notions de la géométrie des solides. Ainsi, par exemple, tout est plein et formé de couches successives à peu près horizontales au centre du Mont-Dore et du Cantal (sauf quelques filons et quelques amas colonnaires qui indiquent la place de diverses cheminées éruptives), et d’une autre part les vallées vont en s’élargissant et en se multipliant du centre vers la circonférence. Car, le prétendu soulèvement aurait produit un effet absolument différent ; il devrait y avoir au centre de ces deux massifs de montagnes un immense entonnoir, un gouffre énorme, profond de toute l’épaisseur du sol primordial qui supporte la pellicule volcanique, large en proportion de cette épaisseur, dont la bordure serait au moins superficiellement dessinée, malgré les matières adventives qui auraient pu le combler en partie, et duquel partiraient d’énormes crevasses, des gorges escarpées, qui se rétréciraient en s’éloignant du centre commun, et viendraient se fermer et disparaître à la circonférence. »

M. Cordier expose ensuite que l’hypothèse des prétendus cratères de soulèvement est encore bien moins applicable aux grands massifs volcaniques anté-diluviens, dont la dégradation superficielle n’a pas en lieu avec la spécieuse régularité du Cantal et du Mont-Dore. Il cite notamment le grand massif du Mézin dans le Vivarais, lequel est presque entièrement démantelé du côté de l’est, tandis que les autres faces n’ont presque pas été entamées.

Il termine en faisant remarquer 1o que dans tous les grands systèmes de volcans brûlans, tels que l’Etna et le Vésuve, les couches sont naturellement relevées vers un centre commun, et disposées précisément comme dans le Mont-Dore et dans le Cantal. 2° Que si une grande érosion diluvienne dans le genre de celle qui est admise par tous les géologues, et qui a plus particulièrement lacéré la surface des terrains tertiaires que celles de tous les autres, venait à se reproduire et à atteindre ces grands systèmes de volcans brùlans, l’effet de cette catastrophe serait incontestablement d’entamer chaque système, de manière à produire toutes les modifications de relief que présentent non seulement les grands massifs démantelés de l’intérieur de la France, mais encore toutes celles qui caractérisent l’aspect particulier des îles de l’Archipel grec, de Lipari, de Madère, des Canaries, et de tous les lambeaux volcaniques du même temps, qui sont dispersés soit au sein de l’océan, soit à la surface des continents.

─ M. Cordier communique l’extrait d’une lettre qui lui a été adressée de Naples par M. Constant Prévost ; à cette lettre étaient jointes une carte géologique de la Sicile et deux coupes générales des terrains de cette île, qui sont mises sous la yeux de la société : la première des deux coupes, allant de Trapani (extrémité nord-ouest) au cap Passaro, en passant par Palerme, Vicari, Valle-Lunga, Caltanisette, Castrogiovani, Piazza, Calatagirone, Vizzini, Modica, Pachino, a pour objet d’indiquer non seulement le nombre et les rapports des terrains qui ont été observés par M. Constant Prevost, mais encore de donner, autant que possible, l’idée de la physionomie de la surface du sol ; l’autre coupe remonte du cap Passaro jusqu’à celui de Melazzo au nord, en passant par Catane, coupant l’Etna, et la chaîne des terrains anciens qui sépare ce volcan de la presqu’île de Melazzo.

La lettre de M. Constant Prevost étant un long mémoire qui contient le résumé des observations qu’il a été à même de faire en Sicile, le Bulletin doit se borner aux citations suivantes :

« Le 28 janvier j’ai quitté Palerme, et je me suis dirigé par Caltanisette, Castrogiovani, etc., sur Militello, Palagonia et Vizzini, où j’ai trouvé la preuve que je cherchais, de véritables alternances entre les produits volcaniques et les calcaires tertiaires. Je suis disposé à croire que les roches volcaniques sous-marines de ces contrées, depuis le cap Passaro jusqu’au bord sud de la plaine de Catane, n’appartiennent pas à une même époque ; les plus anciennes sont peut-être antérieures à la craie qui reposerait dessus ; d’autres, parmi lesquelles sont de véritables basaltes, semblent avoir traversé de bas en haut les dépôts calcaires (la craie et le calcaire tertiaire ancien) qui ont été quelquefois altérés au contact, tandis que de plus nouvelles roches, qui ressemblent beaucoup plus aussi aux laves modernes, auraient coulé pendant le dépôt du calcaire tertiaire récent, avec les bancs duquel elles alternent. Il en est de ces produits et phénomènes volcaniques comme des calcaires qu’ils accompagnent : ceux-ci passent de l’un à l’autre par des nuances presque insensibles depuis la craie inclusivement jusqu’aux sédimens qui se déposent et se consolident encore maintenant, et si dans une localité on voit des caractères et des superpositions qui semblent annoncer des périodes bien tranchées, dans une autre on trouve des transitions graduées. C’est ainsi que de Syracuse à Pachino par Noto, on voit les terrains tertiaires les plus modernes passer graduellement à la craie, transition que l’on retrouve encore aux environs de Trapani, au pied du mont Erix. »

À l’occasion des dépôts gypseux et sulfureux, dont l’âge relatif paraît difficile à déterminer rigoureusement, M. Constant Prevost entre dans une discussion assez étendue pour appuyer son opinion qu’ils sont placés à la limite des terrains tertiaires et secondaires plutôt qu’au milieu de la formation de ceux-ci.

« ... L’association presque constante du gypse, du soufre, du sel gemme, avec deux roches calcaires, dont l’une marneuse, tendre, est très analogue par ses caractères extérieurs, soit à la craie, soit plus encore peut-être aux marnes du gypse des environs d’Argenteil près Paris, et l’autre, également blanche, plus dure, caverneuse, et offrant des parties siliceuses qui la font ressembler quelquefois de la manière la plus exacte à notre calcaire de Champigny, et même aux meulières inférieures, est un des principaux traits de la géologie de la Sicile. Cette grande formation, pour ainsi dire mixte entre les sédimens et les précipités, dans les caractères particuliers de laquelle on reconnaît avec les effets d’un dissolvant liquide, l’influence plus ou moins directe d’un ou de plusieurs agens qui auraient exercé leur action de bas en haut, se voit dans presque toutes les parties de la Sicile, depuis les environs de Melazzo jusqu’à Trapani, et de là à la plaine de Catane ; partout elle a le même facies ; mais elle n’est pas continue : elle apparaît, çà et là, comme des mamelons isolés, et quelquefois formant de longues collines à surface très tourmentée qui semblent s’élever du fond de bassins ou de vallées ouverts dans des terrains d’âge très différent. »

En preuve de cette disposition, M. Constant Prevost donne dans sa lettre quatre coupes relatives à ces différens gisemens, et après être entré dans quelques détails explicatifs, il ajoute :

« Je n’ai voulu présenter que quelques faits pour faire voir à quoi tient la difficulté que présente la solution de cette question du gisement de la formation gypseuse ; elle tient sans doute au mode de production des substances dont elle se compose : si celles-ci ou les élémens qui ont contribué à les former ont pris leur source dans le sein de la terre, ils ont pu traverser des terrains de différens âges et s’arrêter à différens étages, soit que le phénomène ait eu lieu à diverses époques, ou seulement à une époque récente.

«… De Vizzini j’ai rejoint la côte méridionale à Terra-Nova, et l’ai suivie jusqu’à Trapani ; j’ai visité les exploitations de soufre de Catolica si riches en beaux cristaux de strontiane, de soufre et de gypse ; j’ai étudié avec soin les volcans boueux de Macaluba, dont j’avais vu précédemment un exemple auprès de Caltanisette…

«… Il m’a semblé, autant que l’on peut en juger dans une course aussi rapide, que l’on pourrait reconnaître deux époques distinctes dans la formation des anfractuosités principales du sol de la Sicile ; les lignes saillantes dirigées du N.-O. au S.-E. (de Trapani, Palerme, etc., au cap Passaro) se rapporteraient à l’époque d’apparition de la chaîne des Pyrénées ; et en effet les terrains tertiaires déposés postérieurement reposent sur la craie en superposition contrastante, et ils sont généralement en place ; la deuxième époque comprendrait les montagnes de la pointe de Messine, qui, quoique composées des roches les plus anciennes, sont dirigées du N.-E. au S.-O., et n’auraient apparu qu’après le dépôt du calcaire tertiaire récent qui a été déchiré, bouleversé par ces roches anciennes, ainsi qu’on le voit à Melazzo et auprès de Messine… C’est entre Nicosia et Pati que l’intersection aurait lieu, et c’est aussi le point où les différentes formations sont le plus difficiles à séparer ; c’est le point que l’on désigne vulgairement comme l’ombilic de la Sicile.

«… J’ai vu dans beaucoup de lieux plusieurs lignes de niveau qui attestent le séjour des eaux postérieurement à l’état actuel du sol. »

Note explicative jointe à la carte et aux coupes géologiques de la Sicile, envoyées par M. C. Prevost. (Voir la coups A, B.)

A. Massif des monts Pelores, qui s’étend depuis la pointe Rasocolun jusqu’à la base de l’Etna. La partie centrale et extrême est occupée par des roches cristallisées feldspathiques et micacées, qui, par leurs caractères, tiennent le milieu entre le gneiss et les vrais granites ; le granite ne forme pas de grandes masses, presque toujours des filons très divisés, qui semblent avoir pénétré les roches feuilletées ; celles-ci passent aux phyllades qui alternent avec des bancs de calcaire et de grès, et des conglomérats de roches anciennes. — Le calcaire marbre, à entroques, ammonites et même bélemnites de Taormine, des Madonies et des environs de Palerme, alterne dans la partie inférieure avec ces grès et schistes.

B. Calcaire de Taormine, des Madonies et des environs de Palerme. Il est d’un gris bleuâtre, en bancs puissans, très peu distincts dans certains lieux (monte Pelegrino, Cefalu), et en d’autres il est en assises nombreuses de quelques pouces d’épaisseur qui alternent avec des schistes (Termini, Taormine) ; cette dernière disposition indique plutôt la partie inférieure de la formation.

Il renferme des entroques, des térébratules, des ammonites, des bélemnites ; quelques bancs supérieurs sont oolithiques (Taormine).

C. Calcaire du mont Érix. Il a tous les caractère de la craie, et contient des bélemnites, hippurites, nummulites, huitres, des silex blonds et noirs ; il est en assises nombreuses et distinctes, et beaucoup plus blanc que le précédent, auquel il se lie d’une manière insensible, ainsi qu’on peut le voir au sud d’Alcamo ; c’est la partie supérieure d’une même grande formation calcaire.

C’est lui qui constitue les monts Saint-Calogéro de Sciacca, les monts de Calatabelota et le mont Camarata, qui a 4,600 pieds d’élévation ; il reparait à la pointe du cap Passaro.

D. Terrain tertiaire ancien dont la partie inférieure, que l’on

voit à Nota et auprès de Pachino, forme une sorte de transition
planche manquante
avec la craie, tandis que la partie supérieure paraît devoir se rapporter

plutôt aux calcaires du midi de la France qu’au calcaire grossier de Paris.

E. Calcaire tertiaire plus récent, généralement plus sablonneux, contenant les mêmes fossiles que le précédent, dont il est impossible de le distinguer lorsqu’il le recouvre d’une manière concordante ; — mais quelquefois la superposition est contrastante, il remplit même des anfractuosités et des fentes dans le premier (Syracuse, Trapani). Le calcaire D a été traversé par des roches volcaniques du Val di Noto, et souvent il a été altéré par elles, au point de contact, tandis que le calcaire E repose sur les mêmes roches volcaniques dont il contient de nombreux fragmens.

F. Les deux calcaires tertiaires couronnent tous les plateaux du centre et du midi de l’ile ; ils reposent évidemment sur des argiles verdâtres et grises, dont la puissance augmente progressivement en allant d’orient en occident (de Terra-Nova à Girgenti), et au centre de l’ile.

Les argiles sont quelquefois recouvertes par des bancs puissans de cailloux roulés et de pouddings (ogliastro), qui paraissent être un équivalent du calcaire tertiaire ancien.

G. Formation gypseuse, se composant de calcaire marneux à parties tendres et parties dures, souvent siliceuses (tout-à-fait semblable au calcaire de Champigny et aux meulières de ce calcaire) ; 2o de gypse en grands amas cristallisés ou quelquefois stratifiés, ayant alors les caractères extérieurs du gypse parisien ; les couches sont, ou horizontales, ou plus souvent contournées et même verticales (Calatagirone) ; 3o de la marne blanche tendre, renfermant partout (Terrmini, Calatagirone, Sciacca, Alcamo) de petits corps sphériques microscopiques ; ces marnes, qui ressemblent à la craie tendre, ont encore plus d’analogie avec les marnes d’Argenteuil.

C’est dans un calcaire qui diffère peu de celui qui accompagne toujours le gypse que l’on trouve le soufre qui le pénètre intimement et remplit toutes ses cavités.

Quelquefois le gypse est en amas au milieu des argiles, ainsi que le sel qui est recouvert par le gypse (Alimena, Catolica).

H. Roches volcaniques sous-marines. Il faut en distinguer de plusieurs époques, celles du cap Passaro et de Sortino paraissent plus anciennes que celles de Militello et de Vizzini.


On met en discussion le point de la France sur lequel la Société tiendra cette année ses séances extraordinaires.

La Société décide, après examen des diverses localités proposées dans le conseil, que la réunion d’automne lieu à Caen (Calvados), du 1er au 5 septembre.