Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome II/Séance du 21 mai 1832

Bulletin de la société géologique de France1re série - 2 - 1831-1832 (p. 408-411).


Séance du 21 mai 1832.


Présidence M. Brongniart.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, M. le président proclame membres de la Société :

M. Le Valois, ingénieur des mines à Dieuze, présenté pst MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy.

L’abbé Croizet, curé de Nechers, près d’Issoire (Puy-de-Dôme), présenté par MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont.

La Société reçoit les ouvrages suivans :

1° De la part de M. Nérée Boubée, la première demi-livraison de son Recueil d’itinéraires pour servir de minéralogiste, au conchyliologiste et au géologue, dans toute la France, accompagné d’un Bulletin de nouveaux gismens pour toutes les parties de l’histoire naturelle. In-12. Paris, 1832.

2° La quatrième partie du premier volume de la Revue normande, sous la direction de M. de Caumont.

3° Le N° 27 (juin 1832) du Magasin d’histoire naturelle, par M. London.

4° Le N° 11 (novembre 1831) du Bulletin des sciences naturelles et de géologie, sous la direction de M. de Férussac.

5° Le N° 107 (mars 1832) du Bulletin de la société de géographie de Paris.

6° Les numéros 24 et 25 de l’Européen, journal des sciences morales et économiques.

7° Les numéros 24 et 25 des procès-verbaux de la société géologique de Londres.

8° Le N° 17 du deuxième volume du Journal des travaux de l’Académie de l’industrie agricole, manufacturière et commerciale, fondée à Paris par M. César Moreau.

— On lit une lettre de M. Steininger, traduite de l’allemand par M. Boué. Cette lettre est accompagnée d’un assez grand nombre de figures d’espèces nouvelles de fossiles des terrains de transition de l’Eiffel, que la Société juge dignes d’être publiées dans ses Mémoires.

— M. Reynaud lit une Note sur la géologie de la Corse. En voici le résumé :

« Les observations générales que renferme cette note me portent à regarder les montagnes occidentales de la Corse comme indépendantes, au moins en partie, des montagnes orientales, et, suivant toute apparence, d’un âge antérieur. En considérant cette partie de l’île en elle-même, et suivant l’indication de ce cachet si saillant qui y a empreint la direction O.-S.-O., on est porté à la comparer à la partie granitique du département du Var et à quelques parties des Pyrénées, qui sont sillonnées à peu près dans le même sens.

« La grande netteté de direction que présente la longue chaîne N.-S. de la Corse et de la Sardaigne, son antériorité au dépôt de l’étage tertiaire, et son rapport avec la sortie des trachytes, permettent de rattacher ce point du bassin de la Méditerranée à quelques uns des accidens du continent européen.

« La position horizontale du calcaire d’Aleria au pied des couches inclinées des montagnes de Fiumorbo, le dépôt de Saint-Florent, compris dans le fond d’un golfe déterminé par les rides N.-S., et chargé des débris des roches talqueuses et serpentineuses qui paraissent contemporaines du soulèvement des montagnes sur lesquelles il repose, ne permettent pas de douter que le relief de la zone orientale n’existât déjà, au moins en partie, au moment de la formation du terrain tertiaire. Des dislocations particulières ont dû amener la différence qui se rencontre dans la hauteur de ce terrain au-dessus du niveau de la mer. Des trois lambeaux que j’ai décrits, celui de Saint-Florent est celui dont les couches présentent les indices les plus frappans de soulèvement. La grande arête de fracture court a très peu de chose près dans la direction S. 25° O. Peut être les mouvement dus à l’action des serpentines se sont-ils continués postérieurement au soulèvement de la grande chaîne. À Bonifacio les couches sont surtout inclinées dans le voisinage des grandes fissures, leur inclinaison atteint en quelques points 8 à 10 degrés, et près de Canetta on voit sortir du calcaire une petite source chargée d’hydrosulfate comme dans le Fiumorbo.

« Les fissures profondes qu’on observe dans quelques parties du cap corse, surtout aux environs de Bastia, et le dépôt considérable de blocs roulés, mélangés d’argile et de sable grossier qui forment la plaine marécageuse de Biguglia, ont probablement quelque rapport avec le soulèvement du terrain de Saint-Florent qui se trouve dans leur voisinage.

« Au reste, le sol de la Corse ne paraît avoir subi aucune variation de niveau depuis les temps historiques. Il existe sur le littoral deux points de repère qui permettent d’en faire une vérification assez exacte. L’étang de Diane, qui formait le port de la ville antique d’Aleria, a conservé une profondeur qui le rendrait encore commode aujourd’hui pour les bâtimens de petite dimension, si, par suite de son abandon, l’entrée n’en avait été complètement ensablée. L’île de Cavalo, dans le détroit de Bonifacio, a servi long-temps de carrière aux Romains qui y faisaient exploiter par leurs esclaves un beau granite grisâtre à grains fins : on voit encore la petite anse dans laquelle les navires venaient charger les blocs et les colonnes, et le pilier tout usé auquel ou attachait les amarres. En Sardaigne, on retrouve des carrières analogues, mais leur caractère de stabilité n’est point démontré par une preuve aussi claire.

« Je ne puis terminer cette note, qui ne sera peut-être pas inutile aux personnes qui visiteront après moi la Corse, sans joindre aux renseignemens des points que j’ai visités, l’indication de ceux que j’aurais voulu mieux voir, et sans appeler leur attention sur l’étendue de la Serra del Prato et de la Serra d’Ese, sur celle de la Pienosa, et sur celle assez commode dans la bonne saison, des terrains de la plaine d’Aleria. »

— M. Dufrénoy lit un mémoire intitulé : Sur la relation des ophites, des gypses et des sources des Pyrenées, et sur l’époque à laquelle remonte leur apparition.

Les conclusions de ce Mémoire sont :

1° L’ophite, presque constamment composé d’amphibole et de feldspath distincts, est quelquefois homogène ; il ressemble alors au pyroxène en masse ou Lherzolite ; dans quelques localités rares cette roche est amygdaloïde.

2° Cette roche, produite par soulèvement, occasionne toujours par sa présence des dérangemens dans les terrains stratifiés auprès desquels elle se trouve. Ces dérangemens sont fréquemment accompagnés de brèches.

3° L’ophite est venu au jour à une époque qui est comprise entre les terrains tertiaires les plus modernes (ceux qui correspondent aux terrains de la Bresse) et les terrains d’alluvion du commencement de l’époque actuelle.

4° Son action s’est fait sentir suivant des lignes qui courent E. 18° N. à O. 18° S. Une grande partie de la Catalogne, de la Navarre et de la Biscaye, des Pyrénées-Orientales et des Basses-Pyrénées doit sa forme actuelle à ce soulèvement. Il se rapproche par sa direction du système principal des Alpes, et paraît en être une dépendance ; malgré l’intensité considérable de cette action, l’ophite ne forme ordinairement que des monticules de peu d’étendue.

5° L’ophite est constamment accompagné de gypse, et fréquemment de sel gemme. L’existence du sel n’est souvent annoncée que par des sources salées.

6° Les terrains calcaires ont éprouvé fréquemment des altérations par la présence de l’ophite, les parties en contact avec cette roche, presque toujours caverneuses, sont à l’état de dolomie. Le gypse lui-même n’est peut-être que le résultat d’une altération du même genre.

7° Enfin, l’ophite est souvent accompagné de beaucoup de substances étrangères, telles que fers oxidulés, fer oligiste, quarz cristallisé, épidote, etc.

— M. Michelin lit une notice géologique sur les environs de Saint-Pierre de Maestricht, extraite de sa correspondance avec M. Van Hees.

— On lit une notice de M. Marcel de Serres sur la caverne à ossemens de Mialet, près Anduze (Gard). Ce sont les mêmes faits que ceux décrits par M. J. Teissier, et analysés dans le Rapport des travaux de la Société pour 1831, § 14.