Brumes de fjords/Les Fleurs sans parfum

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LES FLEURS SANS PARFUM


La bergère cueillait des fleurs sur la montagne,

Lorsque la montagne s’ouvrit,

Et, des profondeurs surgit un Troll hideux et noir,

Plus noir que la nuit souterraine,

Plus hideux que les monstres de la mer.

Le Troll dit à la bergère :

« Pourquoi viens-tu cueillir les fleurs de la montagne ?

« Ce sont de pauvres fleurs sans éclat qui se flétriront dans tes mains. » La bergère répondit :

« Elles ont fleuri librement dans l’air des sommets. »

La bergère cueillait des fleurs sur la montagne.

Le Troll dit à la bergère :

« Descends avec moi dans les profondeurs.

« Je te donnerai des fleurs qui ne se fanent jamais.

« Des fleurs plus roses que les roses du buisson,

« Plus bleues que les gentianes,

« Plus blanches que les pâquerettes.

« Viens cueillir avec moi les fleurs éternelles. »

La bergère répondit :

« Je ne respirerai plus l’air des sommets.

« Mes pas ne fouleront plus la neige virginale des cimes.

« Je ne verrai plus le soir illuminer les hauteurs. »

Le Troll dit à la bergère :

« Viens tresser avec moi les fleurs éternelles. »

La bergère descendit dans la profondeur des montagnes.

Elle cueillit dans un jardin de ténèbres les rubis,

Plus roses que les roses de la montagne.

Elle cueillit les saphirs,

Plus bleus que les gentianes.

Elle cueillit les diamants,

Plus blancs que les pâquerettes.

La bergère cueillit les fleurs éternelles,

Mais elles n’avaient point de parfum.

Ses compagnes l’appelèrent du haut des rochers.

Ses compagnes l’appelèrent en pleurant.

Elle leur tendit les bras des profondeurs de la montagne.

Ses larmes coulèrent sur les fleurs sans parfum,

Mais elle ne put répondre à ses compagnes,

Car, déjà, elle avait oublié leur langage.

Elle ne respira plus l’air des sommets,

Ses pas ne foulèrent plus la neige virginale,

Car ses yeux s’étaient accoutumés à la nuit.

Elle était devenue aveugle dans la profondeur des montagnes,

Elle avait oublié le chemin qui mène aux sommets,

Elle avait perdu le désir de revoir les hauteurs.