Brèves apologies de nos auteurs féminins/Mme Duval-Thibault et Marie Sylvia

Mme  DUVAL THIBAULT
et
MARIE SYLVIA[1]



Voici deux poétesses qui ont le mérite d’avoir contribué d’une façon remarquable à notre patrimoine poétique et dont les poésies auraient pu figurer avec avantage dans l’Anthologie de nos poètes canadiens, publiée en mai dernier, mais qui ont été oubliées comme celles de tous nos poètes féminins, à l’exception des poésies de Mlle Blanche Lamontagne. Mme Duval-Thibault a, en effet, publié, en 1892, sous le titre de Fleurs du printemps, un recueil de poésies composées de 1890 à 1912 et dont trente-cinq sont en français et douze en anglais, et Marie Sylvia, un recueil d’une cinquantaine de poésies, composées de 1911 à 1916, sous le titre : Vers le bien.

Ces deux recueils ont été cependant l’objet d’appréciations fort élogieuses, et il y a des poètes dont les noms figurent dans cette anthologie qui n’en ont pas reçu de meilleures. Voici, en effet, ce que disait M. Benjamin Sulte, notre éminent homme de lettres et poète, qui a fait la préface du livre de poésies de Mme Duval-Thibault :

« Ceci est un livre de bonne foi, dirait Montaigne, et d’une expression bien naturelle, dira le lecteur. C’est la jeunesse qui vit dans ces pages ; c’est, l’élan du cœur qui s’y manifeste. Il est de l’essence de la jeunesse de chanter et d’admirer la nature. L’auteur de ce petit livre en est un exemple charmant. Il y a du Pierre Dupont dans sa plume agreste et descriptive.

« Le ton naturel des vers que l’on nous présente dans ce recueil indique un véritable fond poétique et un talent d’exposition qui ne peut guère s’acquérir tout entier par la seule pratique.

« La forme est presque toujours celle des vers chantants, des vers qui semblent chanter sans musique. J’aime ceux-là par dessus tout, parce qu’ils sont difficiles à composer, et qu’ils parlent la langue des hommes d’esprit.

« La variété des coupes du vers, des stances, des couplets, des strophes y est remarquable, signe d’un talent fécond et qui a des ressources. Chaque cri du cœur a son intonation particulière ; c’est tout un monde pour le poète qui sait le comprendre. Comme un instrument touché par l’artiste invisible, Madame Duval-Thibault fait résonner le vers et charme notre entendement. »


La poésie de Marie Sylvia dans son livre Vers le bien a aussi été à juste titre fort appréciée par trois de nos poètes.

En premier lieu, voici ce qu’en a dit M. Benjamin Sulte :

« Ces vers sont très bien faits. Chaque pièce est courte et d’une clarté de sens qui charme le lecteur. Le sentiment religieux y domine. On ne saurait trop louer ce petit recueil. »

« Ce beau livre, nous dit M. Rémi Tremblay, est plus qu’un acheminement « Vers le bien ». C’est une superbe envolée qui va droit au but. »

« Ce qui distingue le plus ces poésies, écrivait M. Antonin Proulx, c’est la fraîcheur de l’inspiration, la noblesse de l’expression, et en les lisant personne ne peut douter que leur auteur ne soit exquisément poète. »

L’oubli qu’on a fait de ces deux poétesses est donc à regretter, et il nous semble qu’on aurait pu aussi, sans irriter les dieux de l’Olympe, faire une place dans cette anthologie à quelques poésies de Fleurange (Mme  Lefebvre), de Odette Montausier, de Mme  Dandurand, d’Eva Circé, de Solange (Mme  Boissonncault), de Gaëtane, d’Atala, de Mme  Laeerte, de Mlle  Marie Beaupré, de Mlle  Adèle Bibaud, de Mme  Dion (née Yvonne Feuilletault), de Québec, poétesse aveugle, pour ne mentionner que les plus connues.

Mme  Duval-Thihault avait droit particulièrement à cet honneur ; elle est la première canadienne-française qui ait publié un recueil de poésies, et Marie Sylvia est la première religieuse à faire bénéficier le public de ses talents poétiques, qui s’affirment de plus en plus dans la revue Jeanne d’Arc qu’elle rédige depuis trois ans.




  1. Révérende Sœur Marie-Thomas-d’Aquin, fondatrice de l’Institut Jeanne d’Arc, à Ottawa, et rédactrice de la revue Jeanne d’Arc.