Paul Ollendorff (p. 50-52).
◄  XXVIII
XXX  ►



XXIX


Avril,


Ma tristesse vous offensa.
Hélas ! ma tête est orpheline ;
Voilà longtemps que je l’incline,
Étant petit, ça commença.

Pauvre écolier près de mon frère,
J’étais vêtu du bleu sarrot.
Heureux celui que l’on préfère !
Ma mère m’appelait De Trop.


De Trop, ce nom dit mes détresses ;
Ma mère ne m’a pas chéri.
De mon enfance sans caresses
Je suis encor endolori.

Camarades, maîtres d’étude
Pouvaient à l’aise m’opprimer,
Car aux vacances l’habitude
N’était pas de me réclamer.

Je me vois dans la cour pierreuse
L’aîné sortait, je restais là…
Mon fils aura l’enfance heureuse ;
Je ne veux pas pour lui cela.

De mes chagrins j’ai fait la somme.
J’ai trop souffert, je serai doux.
Tant qu’il sera petit, cet homme,
Je le prendrai sur mes genoux.

La vie est sombre et nous rudoie.
Je veux toujours lui pardonner ;
Car ma tendresse est une joie
Que je suis sûr de lui donner.


Mon cœur resta sans jalousie,
Et pour apaiser ma douleur
Dieu m’envoya la Poésie ;
Mais rien n’efface un tel malheur.

Quand on a ce regret dans l’âme,
Le front jamais n’est triomphant,
Et les baisers dus à l’enfant,
L’homme aujourd’hui vous les réclame.