Paul Ollendorff (p. 37-39).
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XXII


Fév.,


Moi le malin, moi qui me pique
De connaître le cœur humain,
Après un an de lutte épique
Je ne peux pas toucher sa main.

Mon histoire est toujours la même.
L’amour me rend si maladroit
Que je n’ai pas encor le droit
De saluer celle que j’aime.


Je suis planté sur le trottoir
Quand elle passe d’aventure ;
Ma voiture suit sa voiture,
Et j’écrivasse chaque soir.

J’ai consumé bien des bougies
À rimer des vers incompris ;
Un plus habile, un moins épris,
N’aurait pas fait des élégies.

Un autre, hélas ! sans l’ahurir
De son amour exagérée,
Dans un salon l’eût rencontrée ;
Moi, j’ai tâché de l’attendrir.

Avant de pénétrer chez elle,
J’ai voulu son consentement ;
J’ai voulu, romanesque amant,
Qu’elle fut d’abord infidèle.

L’honnête femme avec raison
A refusé de me connaître.
J’ai trop rôdé sous la fenêtre,
Je me suis fermé la maison.


Si j’avais eu plus de tenue,
Nous causerions en ce moment…
Mais vous savez, chère inconnue,
Comme il vous aime gauchement !