Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 2, 1886.djvu/La Vache Noire
II
la vache noire
a ville de Bagnères-de-Bigorre[1], n’a pas
sa pareille pour les eaux qui rendent la
santé aux malades. Voici comment ces
eaux furent découvertes.
Il y avait autrefois, dans la haute montagne, un pâtre vieux, vieux comme un chemin. Pourtant, il n’avait jamais vu neiger. Un matin, en se réveillant, il vit le pays blanc comme un linceul. Aussitôt, le vieux pâtre manda tous les siens auprès de lui.
— « Enfants, voici un mauvais signe pour moi. Quand j’étais jeune, mon pauvre père me disait souvent : « Garçon, quand tu verras la terre blanche, tu mourras avant le coucher du soleil. » La terre est blanche. Ce soir, je serai mort, à l’âge de mille ans moins un jour. Quand je serai avec le Bon Dieu, n’oubliez pas de faire ce que je vais vous commander.
— Père, vous serez obéi.
— Quand je serai avec le Bon Dieu, prenez la plus belle de mes vaches noires. Elle marchera droit, tout droit dans la vallée, jusqu’à ce que la terre ne soit plus blanche. Suivez-la, et là où elle s’arrêtera, sont des eaux chaudes qui feront un jour la fortune du pays. »
Le vieux pâtre mourut, avant le coucher du soleil, à l’âge de mille ans moins un jour. Après l’enterrement, les enfants se souvinrent de ce que leur père avait commandé. Ils choisirent la plus belle de ses vaches noires. La vache noire marcha droit, tout droit dans la vallée, jusqu’à ce que la terre ne fut plus blanche. Les enfants la suivirent, et là où elle s’arrêta, ils trouvèrent les eaux chaudes qui ont fait un jour la fortune du pays.
La vache noire fut changée en rocher, que l’on voit encore au-dessus du village d’Arize[2].