Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Thiard (héliodore de)


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THIARD (héliodore de), comte de Bissy, neveu de Pontus, évêque de Châlons (Voy. Pontus, etc. XLV, 389) était fils de Claude de Thiard, grand écuyer du Charolais, et de Guillemette de Montgommery. Il naquit au château de Bissy en 1558, et fut page du roi Charles IX en 1573, puis écuyer d’Henri III, et guidon d’une compagnie d’ordonnance, à l’âge de 17 ans. Au combat de Grésilles, il défendit son étendard contre huit soldats de la ligue, qui ne purent le lui arracher, et, dans cette lutte, il reçut plusieurs blessures. Successivement capitaine de cinquante, soixante et cent hommes d’armes, il se distingua dans tous les combats que les troupes du roi eurent à soutenir contre la ligue. En 1591, le baron de Vitteaux, gouverneur de Verdun-sur-Saône, seule place forte de la Bourgogne, se laissa enlever cette forteresse par Guionville, un des chefs de la ligue, mais, peu de temps après, ayant réuni quelques troupes d’infanterie, il s’y introduisit par escalade pendant la nuit, et s’en rendit maître. Mais cette place était dénuée d’artillerie, de munitions, et les fortifications en étaient très-délabrées. Les finances du roi n’étant pas assez florissantes pour qu’il pût y subvenir, le comte de Bissy, résolut d’y suppléer par ses propres ressources, et il se procura à cet effet tout l’argent nécessaire. Nous croyons devoir donner textuellement l’arrêt en vertu duquel cet argent lui fut rendu par ses héritiers. C’est une pièce curieuse et importante dans l’histoire.[1] Bientôt la place fut en état de défense. Aussitôt après il prit lui-même l’offensive, et, maître du cours de la Saône, il intercepta toutes les communications avec Châlons, ce qui nuisit beaucoup aux habitants. Le vicomte de Tavannes, qui venait d’être nommé pour la ligue lieutenant général de la province de Bourgogne (1592), voulut faire rentrer Verdun sous son obéissance, et, avec un corps nombreux, vint mettre le siége devant cette place ; mais tous ses efforts furent inutiles. Après deux mois, vaincu dans toutes ses tentatives, il fut obligé de se retirer. Héliodore le suivit de près, et vint à son tour s’établir devant Châlons. Ayant attiré la garnison dans une embuscade, il la tailla en pièces. Ces succès ne donnaient pas les moyens de pourvoir à la solde des troupes, le roi Henri IV, qui alors était à Rouen, et auquel le comte de Bissy rendait directement compte de ses opérations, l’autorisa à lever des contributions dans tous les environs ; et par là, il assura sa domination dans toute la contrée, et le mit à même de pousser ses excursions jusques au delà de Châlons ; ce qui excita de plus en plus le mécontentement des habitants, alors près de se révolter et de reconnaître le roi. Ils envoyerent même une députation à Pontus de Thiars, leur évêque, tout dévoué à la cause de Henri IV, et qui avait été rejoindre son neveu, Héliodore, pour l’engager à un raccommodement. Tavannes, voulant empêcher ce commencement de révolte, fit un dernier effort, et vint une seconde fois assiéger Verdun ; mais cette tentative fut encore inutile. Dans toutes leurs sorties, les troupes du comte de Bissy battirent les assiégeants, et Tavannes fut obligé de lever le siége[2]. Mais cette victoire lui coûta cher. Il avait épousé Marguerite de Busseuil, d’une des plus anciennes familles de Bourgogne. Cette jeune femme qui aimait passionnément son mari n’avait jamais voulu le quitter pendant tous les siéges qu’il avait eu à soutenir. Avec l’aide des dames de Verdun, elle pourvoyait au besoin des blessés et à la surveillance des subsistances. Comme, lors du dernier siége la poudre commençait à diminuer, elle voulut se charger de la distribuer elle-même aux soldats. L’usage des cartouches n’était pas établi à cette époque, et, peu avant la levée du siége, un jour où elle était occupée de cette distribution, un soldat s’étant approché avec sa mèche allumée en laissa tomber une étincelle sur le baril qui sauta en éclats. La malheureuse dame fut emportée avec tout ce qui l’entourait. Elle était âgée de 19 ans, et douée de tous les attraits de son sexe. Sa mort glorieuse fut célébrée dans une elégie en vers latins par Jacques Guyon, auteur bourguignon, et imprimée à Autun, en 1658, vol. in-4º. Peu de jours après la levée du siége, Héliodore, qui avait des intelligences dans la ville de Beaune, conçut le projet de l’enlever à la ligue, et s’en approcha avec une partie de ses troupes ; mais le duc de Mayenne, qui venait d’arriver dans la province, ayant été averti, entra pendant la nuit dans la place, et se porta, le lendemain, avec un corps de cavalerie considérable, au-devant d’Héliodore, qui, voyant son projet découvert, ordonna la retraite ; mais (comme le dit Tavanne, dans ses Mémoires), il ne voulut pas se retirer sans avoir abordé l’ennemi, et la rencontre eut lieu dans les environs de la Chartreuse, sur un terrain tout coupé de fossés et de sillons très-profonds. Son cheval s’abattit en fesant une passade et pendant qu’il faisait ses efforts pour le relever, il fut percé en cinq ou siæ endroits par des gendarmes de la compagnie de Nagut. Sa compagnie le croyant mort se retira, et il fut obligé de se rendre. On le porta à Beaune, où il mourut huit jours après, non sans soupcon que sa mort eut été avancée par ceux qui paneaient ses plaies. On l’enterra à l’abbaye de Mézières, ordre de Cîteaux, où il lui fut élevé un mausolée sur lequel était placée une lance de cuivre qui, enlevée en 1793, est aujourd’hui dans la chapelle du château de Pierres, habitation de ses descendants. Après la mort d’Héliodore, Gadagne fut nommé gouverneur de Verdun, et Tavannes de la Province de Bourgogne. Alors ce dernier s’engagea à faire restituer les 6,500 écus aux héritiers d’Hèliodore. Mais Gadagne fut tué lui-même peu de temps après. Plus tard un procès s’engagea entre les deux familles, et se termina par l’arrêt que nous avons cité plus haut. M—dj.


  1. A tous ceux qui ces présentes verront, les gens tenant les requêtes du palais et conseillers du roi notre sire en sa cour du parlement, commissaires en cette partie, salut, comme différend ait été par devant nous entre messire Pontus de Thiard, ancien évêque de Chalons-sur-Saône, conseillers du roi en son conseil d’état privé, et son aumônier ordinaire en son nom et comme tuteur des enfants mineurs de feu Héliodore de Thiard, chevalier, seigneur de Bissy, son neveu, lieutenant et gouverneur pour le roi à Verdun, demandeur d’une part ; et messire Guillaume de Gadagne, chevalier aussi conseiller roi, seigneur de Bothéon et de Verdun, sénéchal de Lyon, tant en son nom que comme héritier de défunt Gaspard de Gadagne son fils, défendeur, d’autre part ; pour raison de ce que le sieur demandeur disait que le sieur de Bissy ayant été établi par le roi, gouverneur et capitaine de la ville de Verdun sur Saône, la plus importante place qui tint en Bourgogne pour ledit roi, icelui sieur de Bissy aurait été nécessité, trouvant ladite place toute nue, icelle munir de canons, artillerie et toute espèce d’armes et munitions, et ce à ses propres frais : les affaires du roi ne permettant pas de bailler deniers à cet effet, si bien et si opportunément pour la conservation d’icelle au service du roi, et pour le défendeur qui en est seigneur domanial, que en icelle aurait soutenu deux siéges signalés, et par eux causé la ruine de la ligue en Bourgogne, serait revenu au mois de juillet 1593, qu’icelui seigneur de Bissy en une charge contre les ennemis du roi, fut blessé à mort, fait prisonnier de guerre et décédé en leurs mains. Incontinent après son décès, le sieur de Tavannes, lieutenant pour le roi en Bourgogne, s’achemine ès ville et château de Verdun pour donner ordre à la conservation d’icelle, ce qu’il ne pouvait faire sans retenir les canons, armes et munitions y étant, desquels fut fait inventaire, à la réquisition du demandeur, par commandement et en présence dudit sieur de Tavannes; et d’autant que lesdits canons armes et munitions appartiennent aux enfants dudit Seigneur de Bissy, comme ayant été achetés par leur père et de ses deniers, le seigneur de Tavannes en composa et s’obligea en son propre et privé nom envers ledit demandeur, au nom de tuteur desdits enfans mineurs et de demoiselle Guillemette de Montgommory leur aïeule paternelle, à la somme de 6500 écus, estimation faite desdites armes et munitions, avec promesse d’en payer la somme au premier janvier 1594. Ladite obligation passée, etc. Depuis et tôt après le défendeur envoya son fils en ladite ville et château de Verdun comme en son propre héritage, duquel, ainsi que ledit défendeur est propriétaire, seigneur et fait moyenner envers ledit seigneur de Tavannes que envers le roi que le gouvernement en est baillé à son dit fils. Le défendeur ni son fils ne pouvaient non plus garder ladite place sans en réserver lesdits canons, armes et munitions ; c’est pourquoi ledit feu Gaspard de Gadagne qui s’était acheminé sur les lieux, pria ledit seigneur de Tavannes, de la part de son père et de la sienne, leur vouloir laisser lesdites armes et munitions ; ce qui fut accordé par ledit sieur de Tavannes, moyennant que ledit fils s’obligeât par devant notaires et témoins le 24 dudit mois, avec promesse de faire ratifier son père dans un mois à la somme de 6500 écus envers ledit, à l’acquit dudit seigneur de Tavannes. Peu de temps après, ledit Gaspard de Gadagne fut tué dans une rencontre proche dudit Verdun, paravant qu’avoir fait ratifier son père. Après son décès, inventaire fut fait de ses biens, meubles, chevaux, armes et équipages, canons, armes et munitions qui étaient auxdites villes et château de Verdun, et qui se trouvaient les mêmes, et presque toutes celles qui avaient été délaissées par ledit feu seigneur de Bissy, desquelles et de tous meubles le défendeur se saisit par le sieur de Sabran, son frère, lieutenant audit Verdun ; les fit mener à Lyon, etc. Le demandeur prie le défendeur d’acquitter l’obligation ; lequel lui en donne assurance par lettre ; et néanmoins comme le demandeur voit comme il ne tenait compte d’y satisfaire, il est contraint de faire procéder par saisie desdits canons, artillerie, armes et munitions, et des biens meubles restant à Verdun, et fait donner assignation au défendeur à comparoir à Dijon, pour voir confirmer la saisie, et soi condamner à payer. Il comparaît, souffre quelque procodure, et néanmoins aprés il décline la juridiction du parlement de Dijon. Débouté de son déclinatoire, il se pourvoit au grand conseil, et par arrêt dudit conseil lesdites parties ont été renvoyées en cette cour. Tout vu et considéré, nous avons condamné et condamnons ledit défendeur, en son nom, à payer audit demandeur la somme de 6500 écus, mentionnée audit procès, et dont est question, à lui due pour les causes et moyens contenus en icelui procès, avec l’intérêt de ladite somme au denier douze, depuis le 1er janvier 1594, jusqu’au plein et entier paiement, sauf audit défendeur, son recours contre qui il appartiendra, etc.
  2. Histoire de Châlons, par le Jésuite Pérry.



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