Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Thévenot (Coulon de)


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THÉVENOT (Coulon de), ancien membre de l’Académie des sciences et de l’Institut, est considéré comme le créateur en France de l’art tachygraphique ou sténographique. Il naquit en Gascogne vers 1740, et fit ses premières études à Toulouse, puis à Bordeaux. Dès l’âge de onze ans, il se flatta d’avoir retrouvé le secret, perdu depuis longtemps, d’un art très-connu dans l’antiquité, et dont Xénophon s’était servi pour recueillir les leçons de Socrate, et Tiron celles d’Ennius, de Philalgius et de beaucoup d’autres pour les discours des orateurs de Rome, mais qui, par la multiplicité des signes, exigeait de longues études, une mémoire prodigieuse, et n’avait pu faire de grands progrès. Toutes ces difficultés semblaient même l’avoir condamné à un éternel oubli, quand Coulon osa entreprendre de le réhabiliter. Il avait déjà fait connaître plusieurs essais, lorsqu’en 1767 il lut à l’Académie des sciences un Discours très-remarquable sur un moyen mécanique de perfectionner l’art d’écrire, qui fut imprimé dans la même année in-4º, et suivi, l’année d’ensuite, d’une autre publication intitulée l’Art d’écrire, réduit à parallélogrammes rectangles, et nonrectangles, 1768, in-8º. Ces essais lui firent une sorte de réputation; le lycée de Bordeaux, où il était plus particulièrement connu, lui fit faire son buste où l’on plaça ces deux vers :

C’est lui qui de nos jours a trouvé l’art sublime
De peindre la parole aussitôt qu’on l’exprime.
Coulon de Thévenot publia encore dans la même année : Tableau tachygraphique ou Moyen d’apprendre de soi-même à écrire aussi vite que la parole, vol. in-8º ; seconde édition, Toulouse, 1783 ; puis : Tachggraphie fondée sur les principes du langage, de la grammaire et de la géométrie, ouvrage qui a eu vingt éditions, et dont Mlle Coulon a publié la dernière en 1827, in-4º avec trois planches. On doit penser que l’art décrire aussi vite que la parole, ainsi perfectionné dut acquérir beaucoup d’importance par la révolution, et surtout par l’établissement du système parlementaire. Coulon s’en flatta d’abord, et il fut persuadé qu’il allait y trouver d’amples moyens d’existence. Il s’en déclara donc, dès le commencement, un des plus zélés propagateurs ; et on le vit dans toutes les assemblées, principalement dans celle des Jacobins dont il recueillait les séances qu’il vendait à plusieurs journaux. Ne se bornant point à cette industrie, il parcourait les lieux publics, s’arrétant derrière chaque groupe, un crayon à la main. Il finit même par se mettre aux gages de plusieurs partis et notamment du général de la garde nationale, Lafayette, à qui il faisait des rapports quotidiens sur tout ce qu’il entendait. Mais il éprouva bientôt dans ce triste métier une grande contrariété, ce fut d’être atteint d’une surdité presque complète. Alors, ne pouvant plus fréquenter les assemblées ni parcourir les places publiques, il se borna à faire des élèves, et donna des leçons chez lui avec l’assistance de sa fille à qui il avait appris son art, et qui l’enseignait avec beaucoup d’intelligence. Il continuait dans le même temps à travailler pour M. de Lafayette, et à lui rendre d’utiles services. Il l’accompagna même, en 1792, à l’armée du Centre dont il était le général en chef, et y fut chargé de la correspondance intime. Revenu à Paris, après la révolution du 10 août, lorsque le héros des deux mondes eut pris la fuite, Coulon de Thévenot fut vu d’un mauvais œil par le parti dominant, et il n’échappa qu’avec beaucoup de peine au système de terreur alors si redoutable. Plus tranquille après sa chute, mais pressé par le besoin, il se chargea de débrouiller des ballots d’actes mortuaires venus pèle-mêle de l’armée, et il en expédia 250 mille en trois semaines. Réformé de cet emploi, il en trouva un autre dans les hôpitaux militaires ; vécut ainsi péniblement jusqu’en 1814, où il mourut dans le moment où le retour du duc d’0rléans, qu’il avait autrefois connu à la société des Jacobins, lui aurait offert quelques ressources. Ce fut sa fille (Mlle Félicité) qui en profita, en publiant sous ses auspices divers ouvrages de tachygraphie et en donnant à la duchesse et à ses enfants des leçons de cet art qui probablement lui furent bien payées.M—d—j.




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