Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Cyrille (S.), patriarche d’Alexandrie


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CYRILLE (S.), patriarche d’Alexandrie, fut élevé parmi les solitaires de Nitrie. L’abbé Sérapion dirigea ses études. Il lut avec avidité les écrits de Clément, de Denys, de S. Athanase, de S. Basile, et joignit la connaissance des auteurs profanes à celle de l’Écriture et des Pères. Théophile l’ayant retiré de sa cellule, lui permit de prêcher dans Alexandrie. On allait en foule l’entendre et l’applaudir ; des scribes recueillaient ses discours. Théophile mourut l’an 412, et trois jours après Cyrille fut installé sur son siége patriarchal. Il l’emporta sur l’archidiacre Timothée par le crédit d’Abundantius, son ami, qui commandait les troupes, et il prit le bâton pastoral au milieu d’une sédition. Cette victoire lui donna plus d’autorité que n’en avait eu Théophile lui-même, et « depuis ce temps , dit Fleury, les évêques d’Alexandrie passèrent un peu les bornes de la puissance spirituelle, pour entrer en part du gouvernement temporel. » Cyrille avait contracté sous le patriarche, son oncle, l’habitude de la domination. Il commença par fermer les églises des novatiens, et s’empara de leurs trésors. Les juifs ayant massacré plusieurs chrétiens, Cyrille se mit à la tête d’une multitude séditieuse, ferma les synagogues, chassa les juifs de la ville, fit raser leurs maisons, et livra leurs biens au pillage. Les juifs qui habitaient alors Alexandrie étaient au nombre de quarante mille, et ils jouissaient de divers privilèges qui leur avaient été accordés par les empereurs. Oreste, préfet d’Egypte, regarda comme un grand malheur qu’Alexandrie eût perdu tout à coup un si grand nombre d’habitants, et ne put supporter qu’un peuple furieux, punissant les crimes par la violence, n’attendît rien de la justice du magistrat. Il dénonça à l’empereur la conduite de Cyrille, qui, de son côté, chercha et réussit à se justifier. En même temps, Cyrille voulut se réconcilier avec Oreste ; il l’en conjura même par le livre des Évangiles ; mais Oreste se montra inflexible. Alors on vit cinq cents moines de Nitrie, partisans du patriarche, quitter leurs solitudes, et entrer menaçants dans Alexandrie. Ils attaquèrent le préfet sur son char, et dispersèrent son escorte à coups de pierres. Le peuple accourut à sa défense et les moines furent mis en fuite. L’un d’entre eux, nommé Ammonius, qui avait blessé Oreste au visage, fut saisi, jugé, et il expira sous les verges des licteurs. Cyrille recueillit son corps, le transporta processionnellement dans sa cathédrale, changea son nom en celui de Thaumase, c’est-à-dire, Admirable, et voulut le faire reconnaître pour martyr. « Mais, dit Fleury, les plus sages des chrétiens n’approuvèrent pas cette conduite, et peu de temps après, S. Cyrille lui-même laissa tomber la chose dans le silence et l’oubli. » La célèbre Hypatia avait ouvert dans Alexandrie une école de philosophie platonicienne. Oreste voyait souvent cette fille, qui surpassait tous les philosophes de son temps. On sema bientôt le bruit qu’elle était le seul obstacle à la réconciliation du préfet et du patriarche ; et, pendant le carême de l’an 415, des furieux conduits par un lecteur, nommé Pierre, l’enlevèrent de son char, la trainèrent à l’église appelée la Césarée, la dépouillèrent de ses habits, la tuèrent à coups de pots cassés (Fleury), et brulèrent ses membres au lieu nommé Cinaron. (Voy. Hypatia.) L’historien Socrate dit que ce meurtre attira de grands reproches à Cyrille et à l’élise d’Alexandrie. Théodose publia l’année suivante une loi pour réprimer les entreprises des parabolans : c’est le nom qu’on donnait aux clercs du dernier ordre, dont le nombre fut réduit à cinq cents ; et il fut défendu à tous les clercs en général de prendre part aux affaires publiques. Cyrille avait concouru avec son oncle Théophile, dans l’odieux conciliabule du Chêne, l’an 403, à la déposition de S. Jean Chrysostôme, dont il refiisa long-temps d’inscrire le nom dans les dypliques; mais il céda enfin (l’an 419) aux vives instances d’Atticus et d’Isidore de Péluse (Voy. Chrysostôme). Nestorius, patriarche de Constantinople, commençant alors à répandre sa funeste doctrine, ouvrit une plus vaste et plus noble carrière au zèle de Cyrille. Ce prélat dénonça la nouvelle hérésie aux chefs de l’empire et de l’église, aux moines d’Egypte, à l’Orient et à l’Occident. Le pape Célcestin fit condamner Nestorius dans un concile tenu à Rome l’au 450, et chargea Cyrille de faire exécuter la sentence de déposition. Cyrille écrivit à Nestorius plusieurs lettres pour le ramener par les voies de la douceur, mais Nestorius répondit avec emportement. Il avait des partisans à la cour de Constantinople. Cyrille écrivit à l’empereur Théodose et aux princesses ses sœurs de longues lettres ou plutôt des traités sur la foi de Nicée. Enfin, il adressa une lettre synodale à Nestorius, et le somma de souscrire douze anathématismes qui scandalisèrent Jean, patriarche d’Antioche, et furent combattus par André de Samosate et par Théodore de Tyr. Il fallut un concile pour terminer ce différend. Les pères s’assemblèrent à Ephèse l’an 431. Cyrille partit d’Alexandrie avec cinquante évêques ses suffragants. Nestorius arriva dans Ephèse, accompagné d’un corps de troupes et des comtes Candidien et Irenée. Cyrille présida le concile au nom du pape. Nestorius refusa de comparaître, et fut déposé par plus de deux cents évêques (Voy. Nestorius). Mais cinq jours après, un conciliabule composé de quarante-trois évêques, et présidé par Jean d’Antioche, qui venait d’arriver à Ephèse, anathématisa, comme hérétiques, les douze articles de Cyrille, prononça la destitution de ce prélat, et le traita de monstre né pour la destruction de l’église. La sentence rendue contre Cyrille ne fut point publée à Ephèse, mais les évêques l’envoyèrent à Constantinople avec des lettres adressées à l’empereur, aux princesses, au clergé, au sénat et au peuple. Cyrille y était accusé d’avoir employé, pour dominer à Ephèse par la violence, des marins d’Egypte et des paysans asiatiques. Théodose prévenu ordonna que le concile continuât ses sessions. Les légats du pape arrivèrent, et après avoir entendu la lecture des lettres de Célestin, les pères s’écrièrent : « Un Célestin, un Cyrille, une foi du concile, une foi de toute la terre. » Cyrille fit condamner Jean d’Antioche : les esprits étaient divisés ; le sang coula dans Ephèse, et la cathédrale même fut souillée par d’indignes combats. Théodose envoya des troupes, et fit arrêter Cyrille et Nestorius. Cyrille écrivit aux évêques d’Egypte : « On a publié ici diverses calomnies contre moi ; que plusieurs mariniers m’avaient suivi d’Alexandrie ; que la déposition de Nestorius s’est faite par mes intrigues, contre l’intention du concile. » Il disait dans une lettre adressée au clergé et au peuple de Constantinople : « Nous sommes tous dans une grande affliction, ayant des soldats qui nous gardent et qui couchent à la porte de nos chambres, moi particulièrement. Tout le reste du concile souffre extrêmement. » Les nestoriens envoyèrent, de leur côté, des lettres qui trompèrent même S. Isidore de Péluse. Il écrivit à Cyrille : « La prévention ne voit pas clair, mais l’aversion ne voit goutte. Si donc vous voulez éviter l’un et l’autre de ces défauts, ne portez pas des condamnations violentes, mais examinez les causes avec justice. » Cependant le résultat de ce grand différend, fut que Nestorius resta déposé, et que Cyrille arriva triomphant à Alexandrie le 30 octobre 451. Quelques années après, il se réconcilia avec Jean d’Antioche, dissipa les préventions d’Isidore de Péluse, et mourut le 28 juin 444, ayant gouverné l’église d’Alexandrie pendant quarante-deux ans. Les Cophtes et les Ethiopiens le nomment Kerlos, par abréviation, et l’appellent le docteur du monde. S. Céleslin lui donne le titre de docteur catholique, et les théologiens lui conservent celui de docteur du dogme de l’incarnation. Sa fête est célébrée par les Grecs le 18 janvier, et par les Latins la 28 du même mois. Il laissa un grand nombre d’écrits : I. Traité de l’adoration, divisé en dix livres : c’est une explication allégorique et morale de divers passages du Pentateuque ; II. treize livres appelés Glaphyres, c’est-à-dire , profonds et agréables : c’est encore une explication allégorique des histoires de Pentateuque qui ont un rapport visible à J.-C. et à son église; III. Commentaires sur Iaïe et sur les douze petits prophètes ; IV. Commentaires sur l’Évangile de S. Jean, en douze livres, dont dix seulement sont entiers : on n’a que des fragments du 7e et du 8e : on y trouve une réfutation des Manichéens et des Eunomiens ; V. Traité de la trinité intitulé le Trésor ; VI. sept dialogues sur la trinité et deux sur l’incarnation ; VII. trois traités sur la foi, contre Manès, Cérinthe, Photin, Apollinaire et Nestorius ; VIII. cinq livres contre Nestorius ; IX. les douze Anathématismes ; X. deux Apologies des douze Anathématismes, l’une contre André de Samosate, l’autre contre Théodoret de Cyr. XI ; livre contre les Anthropomorphites : c’étaient des moines d’Egypte, ignorants et grossiers, qui croyaient que Dieu avait un corps comme les hommes ; XII. dix livres contre Julien l’Apostat , dédiés à l’empereur Théodose. XIII. vingt-neuf homélies sur la Pâque : les évêques grecs les apprenaient par cœur pour les prononcer ; XIV. Lettres canoniques. Les conciles généraux d’Ephèse et de Calcédoine adoptèrent la seconde lettre à Nestorius, et celle qui est adressée aux Orientaux. La sixième se trouve parmi les canons de l’église grecque. Ce n’est ni l’élégance, ni le choix des expressions, ni la politesse du style qui distinguent les œuvres de Cyille, mais c’est la justesse et la précision avec lesquelles il explique les dogmes, et surtout le mystère de l’incarnation. On estime particulièrement le Trésor et les livres contre Nestorius et Julien. On a deux versions latines peu estimées des Œuvres de Cyrille, l’une par George de Trebizonde, Bâle, 1546. 4 tom. in-fol. ; l’autre par Gentian Hervet, docteur de Sorbonne, Paris, 1575 et 1604, 2 tom. in-fol. La meilleure édition des Œuvres de S. Cyrille est celle qui a été donnée eu grec et en latin, par Jean Aubert, Paris, 1658, 6 tom. ordinairement reliés en 7 vol. in-fol. Le P. Lupus et Baluze ont publié quelques lettres de Cyrille, qui n’avaient été counues ni de Jean Aubert, ni du P. Labbe. On trouve la liturgie de S. Cyrille dans le recueil publié par Victor Scialach, maronite, Vienne, 1604, in-4o. V—ve.


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