Biographie nationale de Belgique/Tome 3/BRIMEU, Charles DE

◄  Tome 2 Tome 3 Tome 4  ►



BRIMEU (Charles DE), comte de Megen[1], seigneur d’Humbercourt, chevalier de la Toison d’or, homme de guerre, mort à Zwolle, le 8 janvier 1572. Charles de Brimeu servit dans les armées de l’empereur Charles-Quint; il était déjà un des généraux des troupes impériales lorsque, en 1553, elles combattirent les Français à Falmas. En 1554, il fut revêtu de la charge de super-intendant de Thionville d’où il seconda énergiquement les opérations de Martin van Rossem contre les Français; il prit et détruisit le château de Cutange, mais ayant été atteint de la peste qui décimait alors l’armée, il dut rester étranger au reste de la campagne. Rétabli de cette terrible maladie, il reçut de l’empereur le gouvernement du Luxembourg, devenu vacant par la mort de Van Rossem; il obtint, en même temps, la patente de chef et capitaine d’une bande d’ordonnance de trente hommes d’armes et soixante archers. Sur la proposition du cardinal Granvelle, il fut nommé, en 1558, lieutenant et capitaine général du Hainaut; puis, lors de la répartition des hauts emplois faite par le roi Philippe II, en 1559. avant de quitter les Pays-Bas, il obtint le gouvernement de la Gueldre et du comté de Zutphen.

Le comte de Megen joua un rôle important dans les premiers événements de l’époque des troubles. Il entra d’abord dans la ligue contre le cardinal Granvelle; il était d’accord avec le prince d’Orange, les comtes d’Egmont et de Hornes, lorsque ces seigneurs annoncèrent ouvertement à la gouvernante des Pays-Bas qu’ils ne voulaient pas soutenir l’inquisition[2] et qu’ils quitteraient plutôt le conseil que de la favoriser; mais lorsqu’il eut reconnu que le prince d’Orange, de même que les comtes d’Egmont et de Hornes, avaient des projets plus vastes que ceux auxquels il s’était d’abord associé, lorsqu’il eut constaté enfin qu’indépendamment de la liberté de conscience qu’ils étaient unanimes à réclamer, ces seigneurs voulaient le renversement du trône de Philippe II et une révolution sociale, il se separa d’eux. Dès ce moment son dévouement au service du roi fut taxé de trahison et le comte de Megen se vit en butte à toutes les calomnies, à tous les outrages. Ses adversaires lui reprochèrent d’avoir dévoilé à la gouvernante le secret des délibérations auxquelles il avait assisté[3]. Le fait est que son zèle à faire réprimer les projets des confédérés fut parfois excessif et l’entraîna même à des actes que les passions politiciens expliquent, mais qui ne peuvent être justifies devant une conscience honnête. C’est ainsi que lors de l’assemblée de Saint-Trond, pour en connaître les résolutions, il ne se contenta pas d’y envoyer un de ses gentilshommes, il gagna le principal conseiller des chefs de la confédération en lui faisant espérer une place au grand conseil de Malines ou même au souverain conseil de Brabant[4]! C’était par de pareils moyens qu’il parvenait à tenir la gouvernante au courant de tous les projets des confédérés; il ne cessait, en même temps, de la pousser aux mesures les plus violentes, lui disant que quand même le roi accorderait la modification des placards et l’abolition de l’inquisition, « la feste ne se passeroit pas sans se frotter » et insistant pour qu’elle se mît en mesure de « rompre la teste à celluy qui ne se vouldroit contenter de la réponse du roi et empescher les presches. »

Il est juste de constater cependant que malgré son opposition aux projets des confédérés et son dévouement souvent aveugle à la cause du roi, le comte de Megen ne cessa jamais de réclamer la révision des placards contre l’hérésie et de s’opposer positivement à l’établissement de l’inquisition; il déclara sans détour à la gouvernante qu’il ne servirait jamais le roi pour la défense de ces deux causes[5].

Quoi qu’il en soit, la gouvernante fut assez mal inspirée pour charger un homme qui ne jouissait plus d’aucun crédit, du soin d’aller à Anvers calmer les esprits ou d’aviser au moyen d’y arrêter le développement de la réforme. Le comte de Megen se rendit donc auprès des magistrats de cette ville, chercha à leur persuader de recevoir une garnison pour leur propre sûreté et défense[6]; mais il fut très-mal reçu : ses propositions soulevèrent une émeute; lui personnellement n’échappa que par une fuite honteuse au mauvais parti qu’on voulait lui faire. Le souvenir du triste sort de son aïeul, Guy d’Humbercourt, le chancelier de Charles le Téméraire, que les Gantois décapitèrent en 1477, n’était pas fait du reste pour l’encourager à braver les émotions populaires; il revint furieux des affronts qu’il avait reçus et conseilla à la gouvernante d’assiéger cette ville rebelle.

D’après les ordres de la gouvernante, il leva un régiment d’infanterie de Bas-Allemands de dix enseignes[7], se mit à la poursuite de Bréderode, qui avait rassemblé quatre à cinq mille hommes, et le força à abandonner Vianen dont le célèbre auteur du Compromis aurait voulu faire sa place d’armes pour agir ensuite sur toute la province. Megen, secondé par d’Arenberg et Noircarmes, déjoua tous ses projets, lui tua plus de cinq cents hommes et le contraignit à chercher un refuge chez son beau-père où il mourut bientôt après, miné par le chagrin et surtout par les excès de tout genre auxquels il s’adonnait.

Le comte de Megen fit rentrer Groninghe et toutes les villes de la Hollande et de la Zélande sous l’autorité de la gouvernante; il soumit également la Gueldre, déploya dans le gouvernement de cette province une sévérité extrême contre les sectaires et les fit exécuter sans aucune forme de procès[8].

Les services du comte de Megen et son dévouement au roi furent récompensés par de nombreuses faveurs, notamment par la charge de maître et capitaine général de l’artillerie dont Philippe II lui expédia la patente, le 30 décembre 1566. Le comte de Megen n’accepta cet emploi qu’à la condition de conserver en même temps le gouvernement de la Gueldre, ce qui eut lieu contrairement aux précédents et aux intentions du roi. Le duc d’Albe, à son arrivée aux Pays-Bas, ajouta encore à son importance en le désignant pour exercer, conjointement avec le duc d’Arenberg, le commandement des troupes destinées à agir en campagne. Le comte de Megen prit part, en cette qualité, à toutes les expéditions du duc d’Albe contre les confédérés; il ne put malheureusement arriver à temps sur le champ de bataille d’Heyligerlée pour secourir son collègue d’Arenberg, mais il rallia les débris de ses troupes et parvint, par la rapidité de ses mouvements, à empêcher l’ennemi d’occuper Groninghe. Il assista à la défaite de Louis de Nassau à Jemmingen (juillet 1568), et prit part, à la tête d’une partie des bandes d’ordonnance, aux opérations du duc d’Albe qui amenèrent la dispersion des troupes du prince d’Orange.

En 1570, le comte de Megen quitta le gouvernement de la Gueldre pour celui des provinces de Frise, d’Overyssel et de Groninghe où il résida jusqu’à sa mort.

Général Guillaume.

Pontus-Payen. — Hopperus. — Mendoce. — Strada. — Meteren. — Gachard, Correspondance de Guillaume le Taciturne. — Bulletins de la commission royale d’histoire, etc., etc.


  1. Megen, seigneurie située sur la rive gauche de la Meuse, formant la limite entre la Gueldre et le Brabant.
  2. Lettre de la régente, du 25 juillet 1563.
  3. Lettres de la régente, du 3 avril et du mai 1566.
  4. Lettre du 24 juillet.
  5. Opperus. — Lettre de la régente, du 25 mars 1566.
  6. Pontus-Payen.
  7. Lettre de la gouvernante, du 1er août 1566.
  8. Pontus-Payen.