Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BEX, Pierre DE

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BEX (Pierre DE), seigneur de Freloux, jurisconsulte distingué, bourgmestre de Liége, né en cette ville vers 1570, décapité le 22 février 1651. Il appartenait à une ancienne famille patricienne que l’on croit originaire de Maeseyck, et qui s’établit à Liége vers la fin du xve siècle. Stimulé par l’exemple de ses ancêtres qui avaient occupé des charges et des dignités importantes dans l’État et dans l’Église, Pierre de Bex s’intéressa de bonne heure aux affaires de son pays. Son dévouement à la cause du peuple et l’énergie qu’il déploya à la défendre pendant le règne si agité de Ferdinand de Bavière, lui valurent une grande popularité. Les clefs magistrales lui furent confiées pour la première fois en 1623. Son nom figure parmi ceux des candidats sur les rangs lors des fameuses élections de 1630, qui élevèrent au pouvoir Laruelle et Beeckman. Son tour revint en 1632, puis encore en 1637 et 1647. Il fut, ainsi que son parent, le colonel Jagmart, une des personnalités les plus influentes du parti des Grignoux, opposé à l’évêque Ferdinand et considéré par là même comme dévoué aux intérêts de la France. Délégué par la cité en 1640 pour négocier la paix de Tongres, dite Paix fourrée, qui valut de si amères déceptions à ses amis politiques, De Bex dut se réfugier la même année à Maestricht, afin d’échapper aux poursuites des Chiroux redevenus maîtres du terrain. Il y resta jusqu’à la réaction de 1646 ; sa magistrature de l’année suivante fut signalée par des représailles. Pendant toute cette malheureuse époque, Liége se vit en proie aux horreurs de la guerre civile. Aux massacres de la Saint-Grignoux (21 juillet 1646) qui avaient eu pour résultat la rentrée des exilés, les Chiroux répondirent en 1649 par d’autres scènes de violences, qui amenèrent la désastreuse capitulation du 29 août, dite Paix de Saint-Gilles, prélude de nouveaux désordres et le premier coup fatal porté aux anciennes franchises de la cité. Tout le pays fut cruellement rançonné ; la France elle-même, sur laquelle le parti populaire avait cru pouvoir compter pour faire respecter la neutralité liégeoise, la France exigea inopinément des contributions de guerre. Les Liégeois apprirent à leurs dépens, dit un historien, que les services rendus par les grandes puissances aux petits États sont rarement désintéressés.

De Bex avait de sérieux motifs de se croire en butte aux persécutions de ses anciens ennemis. Il jugea prudent de s’effacer entièrement : il vécut deux ans isolé, soit à Waremme, soit plus probablement à Herstal[1]. On lui avait conseillé de gagner Maestricht ; pour se défendre de suivre cet avis, il allégua un sauf-conduit dont il était porteur, et les immunités du lieu qu’il avait choisi pour retraite : Herstal appartenait alors à la famille de Nassau. Cette confiance le perdit. Le comte de Taxis, au service de l’archiduc Léopold, communiqua au nouveau prince de Liége, Maximilien-Henri de Bavière, une lettre compromettante prétendûment écrite par De Bex au duc de Lorraine, de commun accord avec des nobles suspects. Il y était question d’intelligences que l’ancien bourgmestre aurait conservées à Liége avec des partisans de l’opposition. Il n’en fallut pas davantage. Un détachement de troupes allemandes fut aussitôt envoyé à Herstal, du consentement, dit-on, de la princesse d’Orange : De Bex rentra prisonnier dans sa ville natale, le 3 février 1651.

On voulait un exemple. L’ancien ami de Laruelle et de Beeckman, le beau-père de Barth. Rolans fut condamné à mort par le tribunal des échevins. Le vénérable octogénaire pouvait, il est vrai, obtenir sa grâce, mais il devait la demander humblement au successeur de Ferdinand, au neveu de celui dont il avait si longtemps combattu la politique imprudente et souvent coupable. C’eût été désavouer son passé. Aux larmes et aux supplications de sa famille, il répondit par un refus stoïque.

Le 22 février, un échafaud était dressé devant la rue Neuvice ; tout autour on avait distribué les hommes du baron de Vierset et un corps de quatre cents fantassins. Vers trois heures après midi, De Bex fut amené portant nu flambeau à la main. Quand il gravit l’escalier fatal, les tambours commencèrent à battre, les trompettes retentirent. Tout ce bruit devait étouffer la voix du noble vieillard dont la tête, quelques instants après, tombait sous la hache du bourreau.

Le 3 novembre 1654, Maximilien-Henri, de son autorité principale, rendait une ordonnance par laquelle il absolvait la mémoire de De Bex, et restituait en tant que de besoin sa postérité en mesme estat qu’elle estoit et pouvoit estre auparavant et comme si cette mort ne fût survenue…..

De Bex est l’une des figures les plus populaires de l’histoire de Liége. « Il fut regretté de bien des gens qui le jugeaient d’une meilleure fortune pour sa grande habileté dans les affaires, son intégrité et sa grande érudition dans le droit. » Les historiens les plus favorables au parti èpiscopal ont épargné la victime de Maximilien-Henri. De Bex était sincèrement attaché à la neutralité liégeoise, aux priviléges et aux lois de son pays, dit M. de Crassier ; il a pu croire qu’il ferait quelque bien, mais il n’a pu ni prévoir ni empêcher les excès dont ses collègues se rendirent coupables. Le même écrivain ne le considère pas même comme ayant été un chef de parti dans le sens où il applique, par exemple, cette qualification à Laruelle et à Beeckman. — Le nom de De Bex s’est éteint le 22 février 1845, par la mort du chevalier J.-L.-E. de Bex, qui a occupé les fonctions de bourgmestre de Liége sous le règne de Guillaume Ier.

Ul. Capitaine.

Le portrait raccourci des factions, 1645. — Bouille, Hist. de Liége, t. III. — Foullon, Hist. populi Leod., t. III. — Loyens, Recueil héraldique. — De Gerlache, Hist. de Liége. — Polain, Les derniers Grignoux. — De Groutars, Le village de Jupille.


  1. Le récit de Foullon qui adopte cette dernière opinion est parfaitement clair et vraisemblable.