Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BERKEN, Louis

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BERKEN (Louis), né à Bruges dans la seconde moitié du xve siècle, est regardé comme l’inventeur de la taille du diamant. Son nom est souvent écrit De Berken ou De Berquen. Nous avons préféré la première forme, parce qu’elle nous a paru plus correcte au point de vue de la langue ; c’est néanmoins sous la dernière qu’il est cité par un de ses descendants, Robert de Berquen (voir l’article suivant), qui nous a fait connaître tout ce qu’on sait de notre personnage et de son invention. Chose étrange, d’anciens auteurs, fort compétents et d’une époque intermédiaire, comme Boetius de Boot, Brugeois aussi, et De Laet, Anversois, ne font aucune mention de la découverte de la taille du diamant.

D’après le récit de Robert de Berquen, le jeune Louis fut envoyé à l’Université de Paris « pour y apprendre les lettres humaines, mais consommant tout son temps en mille et mille gentillesses et inventions entièrement esloignées de l’application que doit avoir nécessairement un escolier, son père, averty, le rappela en sa maison, et le voyant tout occupé en des machines et en des préparatifs tellement extraordinaires qu’on n’en pouvait du tout point prévoir l’usage, il lui laissa toute l’estendue de son esprit, pour pouvoir dans une pleine liberté exécuter quelque chose de grand. Ce père était noble aussi bien d’humeur que de race ; et comme en son pays, aussi bien qu’en Allemagne, Pologne, Italie et ailleurs, on juge plus équitablement de la noblesse qu’on ne fait en France, dans tous les quels pays on tient que c’est probablement le vice et l’oisiveté qui y déroge et non le trafic et tout autre exercice honneste, il laissa agir son fils, lequel, pour bien dire, ne fit rien au préjudice de sa naissance. Ce fils… mit deux diamants sur le ciment et après les avoir esgrisés l’un contre l’autre, il vit manifestement que, par le moyen de la poudre qui en tombait » poudre connue aujourd’hui sous le nom d’égrisée « et à l’aide du moulin avec certaines roues de fer qu’il avait inventées, il pouvait venir à bout de les polir parfaitement, mesme de les tailler en telle manière qu’il voudrait. » Ceci se passait en 1476.

Charles le Téméraire, ayant appris cette invention, remit à l’auteur trois grands diamants pour être taillés et il fut « tellement ravy d’une invention si surprenante, qu’il lui donna trois mille ducats de récompense. » Ce prince fit don d’une de ces pierres au pape Sixte IV, d’une seconde au roi Louis XI et garda pour lui la plus belle, qu’il portait toujours au doigt. R. de Berquen assure qu’il l’avait encore un an après, lorsqu’il fut tue devant Nancy (5 janvier 1477) ; mais il parait constant que ce diamant fut perdu à la journée de Morat (1476) et retrouvé par un Suisse qui le vendit, pour un écu. Il fut plus tard racheté fort cher par un duc de Florence et passa de là, dit-on, après plusieurs vicissitudes, à la couronne d’Espagne. D’après M. Delepierre, ce diamant était le Sancy, qui fut estimé un million huit cent vingt mille francs la dernière fois qu’on le vit. Cette assertion ne nous semble pas fondée : le Sancy nous est connu pour la première fois comme ayant été mis en gage, chez des juifs de Metz, par Nicolas de Harlay, baron de Sancy, qui l’avait rapporté de son ambassade en Turquie et qui vint ainsi au secours des finances délabrées de Henri IV. R. de Berquen dit, qu’après avoir passé par différentes mains, il appartenait de son temps à la reine d’Angleterre. Il fut acheté six cent mille livres par le duc d’Orléans, régent, qui le donna au Trésor, sous le nom qu’on lui connaît : il fut perdu en 1793, avec la plupart des diamants qui faisaient partie du domaine de la couronne de France. On l’estimait, selon Dufrénoy, à plus du double du prix d’achat.

G. Dewalque.