Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BARBANÇON, Albert de Ligne, prince DE

◄  - Tome 1 Tome 2  ►




BARBANÇON, Albert de Ligne, prince DE



BARBANÇON (Albert de Ligne, prince DE) et d’Arenberg, naquit en 1600, de Robert de Ligne, baron de Barbançon, et de Claude, comtesse de Rhin et de Salm. Robert de Ligne était le deuxième fils de Jean de Ligne, comte d’Arenberg, et de Marguerite de la Marck[1] ; il mourut le 2 mars 1614, ayant obtenu des archiducs Albert et Isabelle l’érection en principauté de sa terre de Barbançon, le 8 février précédent[2]. Il était capitaine des archers de la garde de ces princes, chef d’une compagnie de trente hommes d’armes et colonel d’un régiment de cavalerie allemande[3].

Albert de Ligne débuta de bonne heure dans la carrière des armes ; il comptait dix-huit ans à peine, lorsqu’il quitta sa patrie pour aller servir sous Bucquoy, en Bohème. Il fit, dans l’armée envoyée par Philippe III et les archiducs au secours de Ferdinand II, deux campagnes pendant lesquelles il se trouva aux assauts de plusieurs places ; il assista aussi au furieux et sanglant combat à la suite duquel Bucquoy, qui gardait la tête du pont du Danube devant Vienne, fut forcé de se retirer[4]. Revenu aux Pays-Bas, sur le désir que lui en exprima l’archiduc Albert, il fut nommé par ce prince capitaine d’une compagnie de deux cents cuirassiers[5], destinée à faire partie de l’armée du Palatinat qu’Ambroise Spinola commandait en chef. Les hostilités entre l’Espagne et les Provinces-Unies, interrompues par la trêve de douze ans, allaient recommencer : l’archiduc, sur la recommandation de Spinola, donna à Albert de Ligne la charge de cinq cents chevaux[6], à la tête desquels il prit part au siége et à la conquête de Juliers. En 1622, l’infante Isabelle, devenue veuve, ajouta au commandement qu’il avait déjà celui d’un régiment de quinze compagnies d’infanterie liégeoise[7]. L’année suivante, elle plaça sous ses ordres un corps de six mille hommes d’infanterie et de douze cents chevaux, avec dix pièces de canon, pour opérer en Westphalie. Plus tard, le siége de Bréda ayant été résolu, il se vit désigné parmi ceux qui devaient concourir à cette importante entreprise[8]. Dans la campagne de 1625, il fut fait chef et général de toutes les compagnies d’ordonnance[9] ; il était, depuis le 10 mars 1614, capitaine de celle qu’avait commandée son père[10]. Philippe IV, voulant récompenser ses services, le créa, le 19 juin 1627, chevalier de la Toison d’or : il reçut le collier des mains du duc d’Arschot, en la chapelle royale de Bruxelles, le 18 juin 1628[11].

Charles-Emmanuel, duc de Savoie, menacé à cette époque par la France, fit demander du secours au roi d’Espagne. Ce monarque résolut de lui envoyer un régiment d’infanterie que le prince de Barbançon lèverait en Allemagne, avec quatre cents chevaux qui seraient enrôlés au comté de Bourgogne[12]. Pour faire ces levées, il fallait de l’argent, et le trésor des Pays-Bas était vide ; Albert de Ligne prit à sa charge les frais qu’entraîna la formation de son régiment[13]. Ce corps était prêt à se mettre en route pour sa destination, lorsque l’infante Isabelle reçut la nouvelle que le duc de Savoie s’était arrangé avec Louis XIII. Des avis lui arrivaient coup sur coup, dans le même temps, que les Hollandais avaient le dessein de se rendre maîtres de Bois-le-Duc : elle ordonna au prince de Barbançon de faire descendre le Rhin à son régiment, qui était au Palatinat[14]. Bois-le-Duc ayant, en effet, été investi par Frédéric-Henri de Nassau, elle lui confia le commandement d’un corps d’observation qui fut placé à Genappe[15].

Par des raisons qui ne nous sont pas connues, Albert de Ligne se vit retirer ce commandement ; il en fut vivement blessé, et son mécontentement s’exhala en paroles amères contre les ministres espagnols qui inspiraient les résolutions de l’infante[16]. Les murmures, du reste, comme nous l’avons dit ailleurs[17], étaient unanimes dans le pays : tout le monde attribuait la perte de Bois-le-Duc et de Wesel à la mauvaise direction des affaires, mais surtout à l’incapacité des généraux envoyés d’Espagne pour remplacer Spinola. La cour de Madrid, quoique avertie de l’état des esprits aux Pays-Bas, n’ayant pas donné satisfaction à l’opinion publique, le désir d’un changement de gouvernement gagna peu à peu une grande partie de la population de ces provinces. Plusieurs des chefs de la noblesse entrèrent dès lors en relations, les uns avec le prince d’Orange, les autres avec le cardinal de Richelieu. Parmi eux, il y en avait qui ne recherchaient l’appui de l’étranger que pour chasser les Espagnols des Pays-Bas, lesquels se seraient alors gouvernés eux-mêmes, à l’instar des Provinces-Unies[18] ; mais tous n’étaient pas animés du même patriotisme, et quelques-uns étaient prêts, en vue d’avantages personnels, à sacrifier la nationalité belge. Ce fut le comte Henri de Bergh qui se déclara le premier, et son exemple ne tarda pas à être suivi par le comte de Warfusée. L’un et l’autre se retirèrent au camp du prince d’Orange.

Albert de Ligne était lié d’une étroite amitié avec le comte de Bergh ; celui-ci le traitait de fils, et il appelait le comte son père[19]. Aussi crut-on assez généralement qu’il avait été initié aux projets et aux machinations du comte ; on disait même qu’il avait promis de se déclarer son lieutenant[20]. Il démentit ces bruits et ces conjectures par la conduite qu’il tint lorsque, au mois de juillet 1632, l’infante Isabelle convoqua les chevaliers de la Toison d’or, pour leur communiquer la trahison dont l’un des principaux chefs de l’armée venait de se rendre coupable, et faire appel à leur fidélité et à leur dévouement : non-seulement il se rendit à cette assemblée, mais encore il déclara hautement à plusieurs de ses amis que le comte de Bergh était le plus grand traître du monde[21]. Pour mieux témoigner de ses sentiments, il servit dans la campagne de 1633, sous les ordres du marquis d’Aytona, avec les deux régiments qu’il commandait.

Cependant les avis de la conspiration envoyés par Gerbier au comte-duc d’Olivarès[22], le désignaient comme y ayant, participé. On savait aussi qu’il y avait eu des rapports suivis entre lui et le doyen de Cambrai, François de Carondelet, qui avait été l’intermédiaire du comte d’Egmont et du prince d’Epinoy avec le cardinal de Richelieu ; ses liens de parenté et d’intimité avec le prince étaient aussi un motif de le rendre suspect. Enfin il avait été plus d’une fois léger, inconsidéré dans ses propos. De là l’ordre que Philippe IV, le 18 mars 1634, donna au marquis d’Aytona de le faire arrêter[23].

Albert de Ligne se trouvait en ce moment à Bruxelles. Le 27 avril, il en partit avec la princesse sa femme pour aller faire ses dévotions à Notre-Dame de Hal ; de là il devait aller s’établir à son château de Barbançon : il était absolument sans défiance. Le marquis d’Aytona, qui connaissait à l’avance ses projets, fit, la nuit, sortir d’Anvers deux compagnies de cavalerie, sous la charge du châtelain, lesquelles, arriva à Hal, enlevèrent le prince, qu’elles conduisirent à la citadelle d’Anvers[24]. Quelques jours après, un acte expédié par le conseil privé, sous le nom du roi, commit pour l’examiner les conseillers au grand conseil Antoine de Vuldere, Gilles Stalins et Pierre Weyms, à l’intervention du conseiller fiscal Hovyne[25].

Ces commissaires se transportèrent à Anvers le 6 juillet ; ils procédèrent à son interrogatoire les 11, 12, 27, 28, 29 du même mois et les 4, 5 et 8 août. Il protesta d’abord qu’il ne pouvait reconnaître d’autres juges que le roi et les chevaliers de la Toison d’or ; néanmoins, vu la difficulté de réunir un nombre suffisant de confrères de l’ordre, et le désir qu’il avait d’obtenir une prompte justice, il consentait à se soumettre au jugement du grand conseil. Cette protestation faite, il se montra prêt à répondre aux questions qui lui seraient posées. Il avoua, sans détour, qu’il avait témoigné de la mauvaise humeur contre plusieurs des ministres, à la suite de la mesure qui l’avait privé de son commandement en 1629 ; mais sur tous les autres chefs d’accusation, comme d’avoir eu connaissance des machinations du comte de Bergh, d’avoir pris part aux complots du comte d’Egmont et du prince d’Epinoy, d’avoir tenu des discours séditieux, d’avoir sollicité l’appui du roi de France contre les Espagnols, d’avoir entretenu des pratiques avec le résident du roi d’Angleterre à Bruxelles, d’avoir, pendant la campagne de 1633, donné avis au prince d’Orange de l’état de l’armée royale, il nia absolument et avec persistance, disant entre autres, sur le dernier point, « qu’il n’était traître ni descendu du sang de traître. » La présomption la plus forte contre lui et dont le fiscal se prévalait surtout, résultait du billet que, le lendemain de son emprisonnement à la Alameda, le duc d’Arschot avait écrit au comte-duc d’Olivarès, billet où il déclarait que le prince de Barbançon l’avait plusieurs fois sollicité de s’éloigner de la cour, en l’assurant que tout le monde le suivrait[26]. Albert de Ligne soutint que nulle foi ne devait être ajoutée à la déclaration du duc, parce qu’elle était extrajudicielle ; qu’elle avait été faite en prison et inspirée peut-être au prisonnier par le désir de sa délivrance ; qu’elle ne spécifiait ni le temps ni le lieu où les propos qui lui étaient attribués auraient été tenus ; qu’on devait y attacher d’autant moins d’importance que, selon le propre dire du duc, il ignorait le but dans lequel on l’engageait à quitter la cour ; enfin que, si celui-ci eût soupçonné qu’une telle suggestion cachait de mauvais desseins, il n’était pas vraisemblable qu’il eût autant insisté auprès de l’infante pour la convocation des états généraux[27].

Les commissaires, en rendant compte au marquis d’Aytona de l’interrogatoire du prince, avouèrent qu’il n’existait d’autre preuve contre lui que la déclaration du duc d’Arschot, « laquelle il avait débattue et contredite par beaucoup d’arguments et de raisons qui semblaient être de considération[28] ; « ils exprimèrent toutefois l’avis qu’il y avait matière suffisante à lui faire son procès, si les fiscaux se trouvaient munis d’autres preuves que celles déjà vues[29]. » Les fiscaux prétendirent qu’ils seraient en mesure d’en administrer. Le gouvernement donna des ordres en conséquence aux commissaires, et ceux-ci, le 26 septembre, rendirent une sentence interlocutoire portant qu’il serait passé outre, par-devant eux, à la parinstruction du procès[30]. Lorsque cette sentence fut signifiée à Albert de Ligne, il se borna à répondre « qu’il persistait en ses protestations précédentes, et qu’au surplus le roi, de son autorité souveraine, pouvait disposer de lui comme il trouverait convenir[31]. » Des informations furent prises en différents endroits, à la requête des fiscaux, sans qu’elles révélassent des faits graves à sa charge et sans qu’on lui fît subir de nouveaux interrogatoires. Sur ces entrefaites, le cardinal-infant, frère de Philippe IV, était arrivé aux Pays-Bas. Ce prince, par des lettres du dernier février 1635, commit au grand conseil le jugement de la cause d’Albert de Ligne : une chambre de sept conseillers à choisir par le président et auxquels serait imposé le plus grand secret, devait en être chargée[32].

Le 16 avril 1635, le cardinal-infant fit son entrée solennelle à Anvers. Comme il se proposait d’y visiter la citadelle, le prince de Barbançon en avait été extrait la veille et transféré au château de Vilvorde[33]. Le mois suivant, il fut conduit au château de Rupelmonde, pour être confronté avec le sieur de Maulde, frère de l’ex-gouverneur de Bouchain, Georges de Carondelet, qui avait été mis en cette prison d’État[34]. On le ramena ensuite à Anvers.

Il y avait trois ans qu’il avait été arrêté ; il y en avait deux que toutes poursuites étaient abandonnées contre lui : cependant on ne le jugeait pas et on le retenait sous les verrous. Il s’en plaignit au cardinal-infant, en demandant, ou qu’on le condamnât, s’il était coupable, ou qu’on le rendît à la liberté, s’il était innocent. Tout ce qu’il obtint du grand conseil, à qui Ferdinand renvoya sa demande, fut qu’il « pourrait faire parinstruire de sa part le procès, pour, ce fait, y être ordonné comme il appartiendrait[35]. » C’était là une étrange manière d’administrer la justice. Albert de Ligne s’y soumit néanmoins : il présenta requête au grand conseil, « afin qu’il fût ordonné aux fiscaux de passer outre à la parinstruction de son procès ou d’y renoncer. » Le cardinal-infant en écrivit lui-même à cette cour souveraine[36]. Les fiscaux prétendaient toujours que des preuves leur manquaient, mais qu’ils ne renonçaient pas à les recueillir. Les mois, les années s’écoulaient ainsi. La princesse de Barbançon fit alors des démarches personnelles auprès du frère de Philippe IV, et le cardinal-infant ordonna aux sept conseillers qui composaient la chambre chargée de juger le prince, de lui donner leur avis, chacun à part, sur son procès. Tous déclarèrent uniformément qu’ils ne trouvaient contre le prince aucune preuve des faits dont il était accusé[37]. Peu de temps après, Ferdinand d’Autriche mourut (9 novembre 1641). Albert de Ligne renouvela ses sollicitations auprès de don Francisco de Mello, à qui Philippe IV avait confié le gouvernement intérimaire des Pays-Bas. Cette fois elles eurent plus de succès : le 24 décembre 1642, Mello le fit mettre en liberté et conduire à Namur, qu’il lui assigna pour résidence, sous le serment fait par lui et la caution, donnée par la princesse sa femme, qu’il ne sortirait pas de cette ville[38].

Albert de Ligne ne resta pas longtemps confiné à Namur : don Francisco de Mello lui permit bientôt après d’aller partout où il voudrait dans les Pays-Bas, hormis à Bruxelles, et cette unique restriction fut levée par le marquis de Castel-Rodrigo, qui succéda à Mello, en 1644. Une pleine et entière liberté lui était ainsi rendue. D’ailleurs il se vit différentes fois appelé, par l’un et l’autre des deux gouverneurs que nous venons de nommer, à des réunions des conseils d’État et de guerre ; il reçut de don Luis de Haro des lettres où le premier ministre l’assurait que le roi avait toute satisfaction de sa personne ; Philippe IV même le chargea d’investir, en son nom, le duc d’Amalfi du collier de la Toison d’or. Il pouvait croire, d’après tout cela, que son innocence avait été reconnue. Cependant on ne le rétablissait pas dans ses charges militaires, et on ne lui en conférait aucune autre. C’était en volontaire que, voulant servir le roi et le pays, il avait dû faire la campagne de 1646. Lorsqu’il lui arrivait d’en manifester son étonnement, les ministres lui répondaient qu’ils avaient les mains liées par les ordres de la cour[39].

Dans cette situation, il crut devoir prendre son recours au roi lui-même. Il adressa à Philippe IV, au commencement de 1647, une lettre où, après avoir rappelé les services rendus par lui et les siens à la maison d’Autriche, la captivité imméritée qu’il avait subie plus de huit années durant, le tort qu’elle avait causé à son honneur, les peines infructueuses qu’il s’était données pour être jugé, il faisait appel à la justice et à la religion du monarque : « Sire, lui disait-il, en terminant, Votre Majesté ne permette pas qu’une maison, laquelle, dans tous les troubles et révoltes de vos Pays-Bas, ne s’est étudiée qu’à donner à vos augustes prédécesseurs de perpétuelles preuves de son zèle et de sa fidélité à leur service royal par tant de belles et généreuses actions, et dont les enfants ont, en ce regard, si religieusement suivi la trace de leurs pères, soit plus longtemps privée de ce trésor que les gens de Votre Majesté m’ont enlevé par les prisons et apparences de poursuites criminelles desquelles la justice et bonté de votre naturel royal ont, par la grâce de Dieu, délivré mon innocence. Mais cela est bon pour ce qui regarde les commodités de la liberté du corps. L’esprit est plus enchaîné que jamais par ses inquiétudes et l’affliction que je reçois du mépris de vos ministres. Sire, mettez-le en liberté par la grâce que je demande très-humblement à Votre Majesté, de leur faire déclarer au moins que sa volonté est qu’ils sachent que je suis rétabli dans sa grâce royale et l’honneur de son estime, leur ordonnant de ne plus suivre ce mauvais principe qu’ils m’ont posé de la défense, que je ne puis croire que Votre Majesté leur ait faite, de m’employer à son service et de ne m’en point tenir pour moins digne que je n’étois auparavant ma disgrâce….[40]. »

Vers ce temps, le gouvernement des Pays-Bas fut confié à l’archiduc Leopold. Albert de Ligne s’adressa de nouveau à Philippe IV, afin qu’il voulût faire connaître à l’archiduc qu’il lui avait rendu ses bonnes grâces, et que, par conséquent, il pouvait être appelé à remplir des emplois publics. Les guerres avec la France l’avaient ruiné ; son château de Barbançon avait été saccagé deux fois ; un revenu considérable dont il jouissait en Lorraine avait été confisqué ; il ne recevait plus de solde ni de traitement depuis un grand nombre d’années ; il semblait donc de toute justice qu’on fît quelque chose pour lui. Philippe IV demanda sur cette requête l’opinion de l’archiduc[41]. Celui-ci ne se pressa pas de s’en occuper : ce fut seulement le 8 février 1650, plus de dix-huit mois après l’avoir reçue, qu’il répondit au roi. Tout en reconnaissant que les fautes imputées au prince de Barbançon n’avaient pu être prouvées, il n’était d’avis ni de lui rendre un commandement dans l’armée, ni de lui donner le gouvernement d’une place de guerre ou un siége au conseil d’État ; seulement il proposait que le roi le nommât gentilhomme de sa chambre en service ordinaire, dans la persuasion qu’il n’irait pas en remplir les fonctions[42]. Philippe se montra moins généreux encore que son cousin : il trouva que le prince se devait tenir pour satisfait, ne pouvant pas douter que le roi ne l’eût reçu en sa grâce, puisque ses gouverneurs avaient traité avec lui d’affaires de son service, l’avaient laissé aller à l’armée, l’avaient fait entrer dans le conseil de guerre et admis à exercer les fonctions de chevalier de la Toison d’or[43]. A partir de ce moment, nous perdons de vue Albert de Ligne jusqu’en 1658, époque où don Juan d’Autriche, gouverneur général des Pays-Bas, lui donna le commandement de la garnison d’Ypres, en lui conférant le titre de capitaine général de l’artillerie[44]. Nous le trouvons, en 1673, en Espagne, revêtu de la charge de conseiller au conseil suprême de guerre[45]. Il mourut à Madrid au mois d’avril 1674, et y fut inhumé au couvent des Capucins de la Patience[46]. Il avait épousé Marie de Barbançon, vicomtesse de Dave.

Moréri, l’auteur de la Historia de la Orden del Toison de oro et d’autres encore rapportent qu’Albert de Ligne fut créé duc par l’empereur Ferdinand III, en 1644. Ceci a besoin d’explication : Le diplôme du 9 juin 1644, par lequel Ferdinand III érigea en duché de l’Empire la principauté d’Arenberg, en conférant au prince Philippe-François d’Arenberg et à son frère Charles-Eugène le titre de duc[47], étendit cette dernière grâce à leurs cousins Philippe, prince de Chimay, et Albert, prince de Barbançon. Une telle concession faite par un souverain étranger à des Belges était contraire aux lois héraldiques des Pays-Bas : l’archiduc Léopold, par un décret du 27 janvier 1651, que Philippe IV approuva le 16 avril suivant, déclara qu’il n’y avait que le duc et la duchesse d’Arenberg qui pussent user de ce titre[48]. Celui de prince de Barbançon fut donc le seul que le gouvernement reconnut à Albert de Ligne.

Gachard.


  1. Voy. Biogr. nat., p. 367.
  2. Archives du royaume.
  3. Ibid.
  4. Requête présentée par le prince à Philippe IV, en 1648.
  5. Patentes du 24 mai 1620, aux Archives du royaume.
  6. Patentes du 8 mars 1621, ibid.
  7. Patentes du 14 février 1622, ibid.
  8. Requête de 1648 ci-dessus citée.
  9. Patentes du 12 février 1625, aux Archives du royaume.
  10. Archives du royaume.
  11. Historia de la órden del Toison de oro, par don Julian Pinedo y Salazar, t. I, p. 345.
  12. Correspondance de l’infante Isabelle avec Philippe IV, année 1629. (Archives du royaume.)
  13. Il reçut en engagement, à titre d’indemnité, le comté de la Roche, dans la province de Luxembourg.
  14. Correspondance de l’infante avec Philippe IV.
  15. Mémoires du comte de Mérode d’Ongnies, publiées par le baron de Reiffenberg, pages 27 et 52.
  16. Interrogatoires du prince, en 1634.
  17. Voy. Biogr. nat., p. 390.
  18. Dans un mémoire du maréchal de camp d’Hauterive, envoyé par Louis XIII sur les frontières des Pays-Bas, mémoire daté du 7 octobre 1632, à Mouy, on lit : « Egmont et Barbançon ont cette folie de penser gouverner leurs provinces après en avoir chassé les Espagnols avec l’assistance du roi, et pour cela ils demandent qu’une armée entre dans leur pays, à condition de n’y rien prétendre. » (Archives des Affaires Étrangères, à Paris.)
  19. Interrogatoires du prince de Barbançon.
  20. Ibid.
  21. Déposition de François de Carondelet, doyen de Cambrai, détenu au château d’Anvers. (Archives du royaume, papiers du président Roose, t. LΧΙΧ, fol. 38 et suiv.)
  22. Voy. Biogr. nat., p. 394.
  23. Ibid., p. 586.
  24. Gazette de France, année 1634, p.179. — Lettre du marquis d’Aytona, du 2 mai, à D. Martin de Αxpe, secrétaire du cardinal-infant. (Archives du royaume.) — Interrogatoires du prince de Barbançon. (Ibid.)
  25. Archives de l’office fiscal du grand conseil.
  26. Voy. Biogr. nat., p. 396.
  27. Les interrogatoires originaux du prince de Barbançon sont aux Archives du royaume, dans le fonds de l’office fìscal du grand conseil.
  28. Lettre des commissaires au marquis d’Aytona, du 9 août 1634. (Papiers du président Roose, t. LXIX, fol. 262, aux Archives du royaume.)
  29. Lettre du 22 août 1634. (Ibid., fol. 245.)
  30. Archives de l’office fiscal du grand conseil.
  31. Lettre du greffier Van Paeffenrode aux commissaires, du 28 septembre 1634. (Ibid.)
  32. Registre du grand conseil, n° 927, fol. 48.
  33. Gazette de France, année 1635, p. 219.
  34. Ibid., p. 315.
  35. Appointement du 4 juillet 1637. (Archives de l’office fiscal de Malines).
  36. Lettre du 5 mars 1639 (Arch. du grand conseil).
  37. Lettre de l’archiduc Léopold à Philippe IV, du 8 février 1650 (Archives du royaume : Secrétairerie d’État).
  38. Actes conservés dans les arch. de l’office fiscal.
  39. Tous ces faits sont tirés de la lettre qu’il écrivit à Philippe IV en 1647.
  40. Cette lettre est dans le MS. Gaignières, 686, à la Bibliothèque impériale, à Paris. Elle ne porte pas de date ; mais nous avons cru pouvoir, d’après son contenu, la regarder comme ayant été écrite au commencement de 1647.
  41. Lettre du 21 juin 1648. La requête y est jointe (Archives du royaume).
  42. Archives du royaume.
  43. …. Ha parecido decir á V. Α., que el principe se podriá dar por satisfecho con que no puede dudar que yo le he admitido en mi gracia, pues roi governadores le admiten y han tratado con él negocios de mi servicio, dexandole ir á los exércitos, y entrado en la junta de guerra dellos, y admitidole en las funciones de la órden del Tuson…. (Lettre du 18 mars 1650, aux Archives du royaume).
  44. Patentes du 11 juillet 1658. (Archives du royaume, reg. aux patentes pour les troupes, 1658-1659, fol. 45 v°.)
  45. Il prend ce titre, avec celui de gentilhomme de la chambre du roi, dans une procuration passée à Madrid, le 6 novembre 1673, laquelle est relatée dans un acte du 21 juin 1674, portant cession et transport de la principauté de Barbançon en faveur de son fils Octave.
  46. Historia de la Orden del Toison de oro, t. I, p. 343.
  47. Voy. Biogr. nat., p. 405.
  48. Archives du royaume.