Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BARBÉ, Antoine

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BARBÉ (Antoine), compositeur de musique, né au xvie siècle et probablement originaire du Hainaut. Antoine Barbé, que nous qualifierons de le Vieux, fut appelé à Anvers en 1527, pour y succéder à Maître Nicolle en qualité de maître de musique de la maîtrise et des trois jubés de l’église collégiale de Notre-Dame, aujourd’hui la cathédrale. Cette position eminente lui donna l’occasion d’utiliser son talent de compositeur, et il écrivit un grand nombre de morceaux de chant religieux, messes, motets, hymnes, antiennes, magnificats, etc., qui furent journellement exécutés sous sa direction. La dévastation de la cathédrale par les iconoclastes, en 1566, a causé la destruction des compositions manuscrites de Barbé déposées dans l’église ; d’autres, heureusement publiées du vivant de l’auteur, témoignent encore de sa science et de sa riche imagination. Parmi celles-ci, il en est une, plus importante que les autres, faisant partie d’un ouvrage que les bibliographes n’ont point encore décrit. C’est une messe, imprimée dans un recueil composé de trois livres et contenant quinze messes dues à différents auteurs du xvie siècle, et écrites à quatre voix : une de Tylman Susato ; six de Thomas Crequillon ; deux de Pierre de Manchicourt ; trois de Jean Lupus Hellinc ; une d’Antoine Barbé le Vieux, une de Jean Richafort et une de Jean Mouton. Ce recueil a été imprimé à Anvers, chez Tylman Susato, en 1545 et 1546, petit in-4o. Antoine Barbé est l’auteur de la sixième messe du deuxième livre, intitulée Vecy la danse de Barbarie ; elle tire probablement son nom d’une chanson en vogue, dont les premières notes paraissent avoir servi de thème au Kyrie, à l’Et in terrâ pax et au Sanctus. Dans l’ouvrage Quatuor vocum musicæ modulationes numero XXVI ex optimis autoribus diligenter selectæ prorsus novæ atque typis hactenus non excusæ, in-4o, imprimé par Guillaume van Vissenaken, à Anvers, en 1542, se trouvent deux motets d’Antoine Barbé le Vieux. Une chanson à quatre voix dont M. Alex. Pinchart a publié le texte dans les Archives des arts (t. I, p. 240), fait partie du livre IV des Chansons à quatre parties auquel sont contenues XXXIV chansons nouvelles, etc., imprimées à Anvers, par Tylman Susato, en 1544.

Pendant les trente-cinq ans qu’Antoine Barbé fut à la tête de la célèbre maîtrise d’Anvers, l’exécution musicale, tant sous le rapport des voix que sous celui de l’accompagnement instrumental, atteignit une perfection jusqu’alors inconnue, et les meilleurs musiciens de l’époque vinrent se mettre sous sa direction. Roland de Lassus, après avoir quitté, à Rome, sa place de maître de chapelle à l’église de Saint-Jean de Latran, se fixa, pendant plus de deux ans, à Anvers, et telle fut l’admiration de l’illustre compositeur montois pour la manière dont y était dirigée la musique religieuse à Notre-Dame, et telle son estime pour les chanteurs qui en étaient les interprètes, qu’aussitôt qu’il eut reçu, en 1557, l’avis de sa nomination à la place de maître de la chapelle du duc Albert de Bavière (position que cependant il ne put d’abord remplir à cause de son ignorance de la langue allemande), il emmena avec lui d’Anvers à Munich, presque la totalité des musiciens qui servirent à la réorganiser.

Dans sa jeunesse, Antoine Barbé avait été marié et était devenu père de plusieurs enfants. Après un long veuvage, il résolut d’embrasser l’état ecclésiastique. Un de ses fils, Jean Barbé, bon chanteur et musicien, imita l’exemple de son père, et tous deux célébrèrent leur première messe le même jour, 11 novembre 1548, dans l’église de Notre-Dame. Un autre fils d’Antoine Barbé le Vieux, nommé Antoine comme son père, cultiva également la musique et se distingua comme instrumentiste et compositeur, Il fut organiste de l’église de Sainte-Walburge, à la fin du xvie siècle, et eut de sa femme, Jeanne Ceels, entre autres enfants, Jean-Baptiste Barbé, le célèbre graveur, et Antoine Barbé, le troisième. On connaît d’Antoine Barbé, le deuxième, des pavanes et courantes insérées dans un recueil intitulé : Petit Trésor des danses et branles à quatre et cinq parties des meilleurs autheurs, propres à jouer sur les estremenz (sic). Imprimé à Louvain, chez Pierre Phalese, libraire juré, l’an 1573 ; in-4o oblong. La sœur de ce dernier, nommée Jeanne, épousa d’abord Corneille Van Mildert, organiste de l’église de Notre-Dame, et, à la suite du décès de celui-ci, Sévérin Cornet, compositeur, qui, après Gérard de Turnhout, devint aussi maître de musique à la même église. En 1562, Antoine Barbé, parvenu à un âge avancé et fatigué par ses travaux incessants, obtint sa retraite et quitta la direction de la maîtrise, dans laquelle il fut remplacé par le célèbre compositeur précité, maître Gérard de Turnhout. Mais il ne jouit pas longtemps de l’aisance qu’il avait acquise ni du repos qu’il avait sollicité : il mourut, moins de deux ans après avoir donné sa démission, non le 2 décembre (comme on l’a imprimé par erreur dans la Biographie universelle des musiciens, 2e édition), mais le 4 décembre 1564. Par son testament, il fonda, entre autres, en faveur des chapelains, ses confrères, deux distributions annuelles d’argent et de pain, aux jours commémoratifs de sa mort et de celle de sa femme. En outre, il leur donna le revenu d’une année d’un bénéfice à l’autel paroissial, dont, en devenant prêtre, il avait été pourvu par le chapitre. Un tableau représentant la sainte Vierge, avec les portraits d’Antoine Barbé le Vieux et de sa femme, était resté après leur mort en possession de leur fils Jean. Celui-ci, par son testament du 23 décembre 1573, le légua à sa sœur Jeanne, alors épouse du compositeur Sévérin Cornet.

Antoine Barbé, le troisième, petit-fils du maître de chapelle, fut organiste à Saint-Jacques, à Anvers, de 1595 à 1626. Il paraît certain, dit M. Fétis (op. cit.), que cet artiste est l’auteur du livre intitulé : Exemplaire des douze tons de la musique et de leur nature. Anvers, 1599 ; in-4o. Ses armes sont gravées sur un pilier de cuivre donné par lui et placé, en 1627, à la chapelle de Saint-Antoine, en l’église de Saint-Jacques, avec la devise : Spes altera vitæ.

Chev. L. de Burbure.