Le nommé de Lepervanche


Il était plutôt connu ici sous le nom de chevalier de Lepervanche mais il se nommait en réalité Charles-François de Mezières de Lepervanche et était né à Boisset-le-Pervanche, diocèse d’Évreux, en Normandie, du mariage de Henri de Mézières et de Marie Tracet.

Cadet de famille, le chevalier de Lepervanche passa dans la Nouvelle-France un peu avant 1720 avec une commission d’enseigne dans les troupes du détachement de la marine.

Il fut en garnison à Québec, à Montréal et ensuite dans les postes de l’Ouest.

Lieutenant en 1728, puis capitaine en 1743, il fut la même année commandant du fort de Chambly puis reprit son service dans les forts de l’Ouest.

En 1754, M. de Lignery, commandant du fort Machault depuis 1758, était appelé au commandement du fort Niagara. C’est le sieur de Lepervanche qui reçut temporairement le commandement du fort Machault.

Ce fort avait en 1759 une garnison assez importante, vingt officiers et près de trois cents soldats : L’intendant avait un garde-magasin au fort Machault et le munitionnaire y était représenté par un Commis. De très graves irrégularités y furent commises. Bigot les explique ou les excuse en prétendant que le commandant du fort, M. de Lepervanche, et le garde-magasin s’entendaient très bien pour voler le Roi. Les états de consommation des vivres auraient dû être dressés par le garde-magasin et certifiés par le commandant et le commis du munitionnaire. Or, c’est le Commandant du fort lui-même qui les dressent et les deux autres officiels se contentaient de les signer. On peut croire que M. de Lepervanche ne se gênait pas pour augmenter le nombre des rations.

M. de Lepervanche se rendit aussi coupable d’une autre tromperie.

Il convertissait en rations les achats qu’il faisait lui-même des rafraîchissements pour lesquels il donnait au garde-magasin des ordres de consommations de rations, relativement au montant des achats qui étaient réglés sur le prix du lieu. De cette façon, le commandant et le munitionnaire faisaient, chacun un profit fort respectable[1].

Tout ceci, évidemment, est la version de Bigot qui, pour se justifier, trouve toujours le moyen de jeter la faute sur les commandants des forts, et sur les gardes-magasins, tous nommés par lui et qui, conséquemment, étaient ses créatures.

Chose singulière, M. de Lepervanche, repassé en France en 1761, ne répondit pas à la convocation du Châtelet en 1763. Le tribunal, le 10 décembre 1763, décida qu’il serait plus amplement informé sur les faits qu’on lui reprochait.

Apparemment, M. de Lepervanche n’était pas aussi coupable que Bigot voulait le faire croire ou, encore, il avait de puissants protecteurs puisque, vivant en France, on ne l’inquiéta pas après 1763.

M. de Lepervanche décéda un peu avant 1774. Le comte de Maillé s’intéressa au sort de sa veuve et obtint pour elle une gratification du Roi. C’est ce qui ressort d’une lettre du président du Conseil de marine au comte de Maillé, du 5 novembre 1774. Un peu plus tard, madame de Lepervanche obtint une pension qui, en 1784, fut portée à 500 livres.

Madame de Lepervanche, née Louise-Suzanne Nolan, avait de bons amis en France. L’un d’eux, M. Budet, de Château-Gontier, tenta d’obtenir des pensions pour ses fils, mais le président du Conseil de Marine lui répondit, en 1776, que M. de Lepervanche avait subi un procès par contumace pour irrégularités commises au détriment du Roi et que de ce fait il était impossible de donner des pensions à ses fils. L’un des fils de M. de Lepervanche, enseigne dans les troupes, avait péri dans le naufrage de l’Auguste à l’automne de 1761.

  1. Mémoire pour Messire François Bigot, 1ère partie, p. 244.