Bigot et sa bande/30
Le nommé Papin
En généalogie, un détail anodin mais erroné conduit souvent à une conclusion qui fausse l’histoire d’une famille pendant plusieurs générations. Dans une note inédite de Mgr Jean Langevin, premier évêque de Rimouski, nous lisons que son ancêtre maternel le sieur Pépin dit Laforce avait été cité devant le Châtelet de Paris, en 1763, dans l’Affaire du Canada. Si on se réfère à la liste des accusés du Châtelet on constate que ce n’est pas un Pépin qui fut au nombre des accusés mais un sieur « Papin, ci-devant garde-magasin à Frontenac. »
Les familles Pepin et Papin sont absolument distinctes l’une de l’autre et aucun lien de parenté de proche ou même de loin ne les unit.
Il est vrai que sous le régime français deux Pepin dit Laforce furent gardes-magasins. L’un d’eux même a une certaine importance dans notre histoire puisqu’il fut l’otage des Anglais en 1755 et qu’il eut l’honneur d’être remarqué par Washington. Mais une étude approfondie de ses allées et venues dans les dernières années du régime français nous a convaincu qu’il ne fut pas garde-magasin au fort Frontenac en 1759. La note de Mgr Langevin ne s’appuyait d’ailleurs sur aucune pièce officielle ou certaine. Le prélat rapportait simplement une tradition conservée dans sa famille et ces sortes de souvenirs sont souvent détruits par une note écrite ou encore par un acte de l’état-civil qui, lui porte toujours des dates.
Jusqu’à preuve du contraire, il faut donc croire que le garde-magasin du fort Frontenac en 1759 était un sieur Papin.
Comment l’identifier parmi les dix ou douze Papin, qui, à cette époque, auraient été d’âge à être garde-magasin ?
M. E.-Z. Massicotte a parlé à plusieurs reprises d’un Gilles Papin qui fut d’abord dans le commerce puis arpenteur dans la région de Montréal. Ce Gilles Papin eut deux ou trois fils de ses deux mariages. Nous croyons que le garde-magasin de Montréal fut un des fils Papin.
La charge de garde-magasin par sa fonction même et par les rapports qu’elle favorisait entre l’employé du Roi et les marchands préparait bien au commerce. La plupart des gardes-magasins qui restèrent au pays après la Conquête se mirent dans le commerce et plusieurs y réussirent assez bien. L’ancien garde-magasin Joseph Papin ouvrit un magasin à Montréal et y fit de bonnes affaires.
En 1763, Joseph Papin ne répondit pas à la convocation du Châtelet et le tribunal déclara qu’il serait plus amplement informé sur les faits qu’on lui reprochait.
On comprend que Papin ne fut pas pressé de révéler son identité puisque à peu près dans le même temps où on le réclamait à Paris pour subir un procès il soumettait devant une cour canadienne instituée à cette fin une réclamation pour une somme de 19,726 livres d’ordonnances et de lettres de change qu’il prétendait lui être dues par l’ancienne administration française.
Un de ses frères, Pierre Papin, réclamait à la même source pour une valeur de 5,481 livres.
Les frères Papin semblent avoir été parmi les négociants les plus importants de Montréal pendant un certain temps.[1]
- ↑ Rapport de l’archiviste de la Province de Québec, 1924-1925, pp. 232, 244.