Jean François de Vassan


Breton d’origine, M. de Vassan était né à Mallevalle, diocèse de Quimper. Son père est qualifié de chevalier et lieutenant de vaisseau.

Comme la plupart des Français qui obtenaient des commissions dans les troupes de la marine, il n’avait pas de fortune. C’est en 1727 qu’il passa dans la Nouvelle-France avec expectative d’enseigne en second. Il obtint ce grade en 1731 et devint enseigne en pied en 1734. Il fut promu lieutenant en 1739. Pendant ces douze années, il avait été en garnison à Québec, à Montréal et dans différents forts de la colonie.

En 1739, M. de Vassan fit partie du corps expéditionnaire envoyé en Louisiane sous le commandement du baron de Longueuil. Cette troupe d’élite fut dépêchée en Louisiane à la demande du gouverneur Lemoyne de Bienville qui voulait mettre à l’ordre la puissante tribu des Chicachas qui, deux ou trois ans plus tôt, avait défait un corps de troupes louisianais et avait fait mourir sur le bûcher tous les officiers et soldats tombés en leur pouvoir.

Dans sa lettre au ministre du 30 septembre 1739, l’intendant Hocquart disait de M. de Vassan : « Le sieur Vassan, lieutenant, a été le premier de la garnison de Québec qui ait demandé à servir (dans l’expédition de la Louisiane)[1].

En 1747, M. de Vassan fut mis en commandement d’un corps de garde dans les environs de Sainte-Thérèse. Une relation anonyme de cette année mais évidemment rédigée par les ordres du gouverneur pour être envoyée au ministre de la marine, dit :

« Dans le même temps les Agniers ont fait un nouveau coup au Petit Rapide, à une lieue au-dessus de Chambly, où ils ont tué un enfant et pris deux hommes, deux femmes et quatre enfants. M. de Vassan, lieutenant, commandant un corps de garde à Sainte-Thérèse, a envoyé sur le champ un détachement à la rivière au Sable pour couper passage aux ennemis mais ce détachement est revenu sans avoir pu rencontrer aucune piste… » [2]

En 1748, M. de Vassan recevait le commandement d’une compagnie. Il était alors commandant du fort Frontenac où il avait été envoyé l’année précédente.

En 1750, M. de Vassan fut envoyé pour prendre le commandement du fort Beauséjour, en Acadie. Il succédait à M. de Lacorne.

Le commandement de M. de Vassan au fort de Beauséjour ne fut pas des plus heureux. Les soldats qui composaient la garnison n’avaient pas été choisis sur le volet et les officiers avaient beaucoup de difficultés à les garder dans la discipline. Une lettre de M. de Longueuil au ministre du 26 avril 1752 nous apprend que dans une seule saison trente-deux soldats avaient déserté le fort.

« Depuis le 12 octobre, dit cette lettre, il est déserté 34 soldats de la garnison de Beauséjour aux Anglais de la Nouvelle-Angleterre. M. de Vassan a fait faire des patrouilles pour éviter les désertions. Je lui donne ordre de faire instruire leur procès et de faire exécuter les jugements sur les lieux, ces exemples seuls pourront en imposer. »[3]

Le sieur de C, qui, dans son Mémoire sur le Canada n’a eu de pardon ou de sympathie pour aucun de ceux dont il parle, fait presque un portrait passable de M. de Vassan. Il l’avait vu à l’œuvre en Acadie et le juge ainsi :

« Cet officier était fier, brave et hautain, il avait de l’esprit et de la capacité du détail ; il s’acquittait mieux que tout autre officier n’aurait fait et avec plus de dignité de ce qui lui était prescrit par ses instructions (en Acadie française) il laissa ou plutôt abandonna à l’abbé de Laloutre le détail de ce qui regardait les Acadiens. Celui-ci usa en tyran sa supériorité, il ne délivra les vivres qu’avec une inégalité marquée, et il réduisit les Acadiens à le supplier et à regarder comme une faveur émanée particulièrement de lui les vêtements et les vivres que le Roi lui confiait pour les leur distribuer. M. de Vassan eut souvent des altercations très vives avec lui. Il eut besoin de tout son esprit et de toute sa supériorité pour lui résister ou accommoder les dissentions et les mécontements que sa conduite faisait naître parmi les Acadiens, on le taxa même d’avoir fait assassiner le sieur Howe, Anglais. »[4]

C’est en 1753 que M. de Vassan revint servir dans la Nouvelle-France proprement dite.

La même année, le 1er  avril, le roi lui avait accordé la croix de Saint-Louis.

En 1756, M. de Vassan recevait le commandement du fort de Niagara, poste qu’il devait garder jusqu’en février 1759.

Brave et bon soldat, M. de Vassan n’eut jamais la patience ni la douceur voulue pour se faire aimer des Sauvages. On voit par les lettres du chevalier de Lévis qu’il fut même question de lui enlever son commandement par suite du tort que ce manque de compréhension du caractère des Sauvages pouvait faire à la cause française.

M. de Vassan prit part à la bataille de Carillon avec sa compagnie. Il est mentionné à différentes reprises dans les ordres du marquis de Montcalm et du chevalier de Lévis.

En 1757, le marquis de Montcalm forma en brigades les troupes qui servaient dans les Pays d’en Haut. M. de Vassan reçut le commandement d’une de ces brigades. Il avait près de 500 hommes sous ses ordres. Il conserva toutefois son commandement du fort de Niagara.

C’est en avril 1759 que M. Pouchot releva M. de Vassan dans le commandement de Niagara.

M. de Vassan, se distingua particulièrement dans l’expédition dirigée par le chevalier de Lévis pour reprendre Québec aux Anglais. Dans la relation de la bataille de Sainte-Foy, le 28 avril 1760, rédigée par M. de Lévis lui-même, on lit :

« Le chevalier de La Corne et le sieur de Vassan, commandant chacun un bataillon des troupes de la colonie, s’y sont distingués et furent blessés l’un et l’autre légèrement. »[5]

Dans son rapport au ministre Berryer du 28 mai, en 1760 le chevalier de Lévis énumère les officiers qui méritent des récompenses. De M. de Vassan, il écrit :

« Le sieur de Vassan, commandant le second bataillon de la Marine, a été blessé, c’est un bon officier. »[6]

M. de Vassan, retourné en France en 1760 avec la plupart des officiers des régiments de Montcalm et des troupes de la marine, ne prévoyait pas le traitement qu’on lui imposerait après avoir servi avec honneur pendant trente-trois ans dans la colonie.

Un grand nombre d’irrégularités avaient été commises dans les forts de Beauséjour et de Niagara pendant les années qu’il y avait commandées. On le tint responsable de ces manquements et il fut incarcéré à la Bastille en même temps que Bigot et ses satellites.

M. de Vassan, par le jugement du Châtelet du 10 décembre 1763, fut trouvé coupable d’avoir visé inconsidérément et sans examen les inventaires des vivres appartenant au Roi dans les forts où il commandait et cédé au munitionnaire Cadet en conséquence de son marché à augmenter la fourniture au-dessus de la valeur réelle. Il s’en tira avec une simple admonition : « défense de récidiver sous telles peines qu’il appartiendra ».

Après sa sortie de la Bastille, M. de Vassan se retira à Blois. De là, il écrivit lettres sur lettres au président du Conseil de marine pour obtenir une pension convenable. Tout ce qu’il put gagner fut une pension annuelle qui lui permettait à peine de subsister.

M. de Vassan avait épousé, à Montréal le 3 février 1742, Jeanne-Angélique de Berey, fille de François de Berey des Essarts, trésorier payeur des troupes, et de Jeanne Nafrechoux. Il en eut six, ou sept enfants tous nés à Montréal.

Madame de Vassan, d’après la maligne madame Bégon, était une tête folle. Dans son Journal, à la date du 21 février 1749, elle écrit : « Madame de Vassan dont le mari est au fort Frontenac et qui l’avait laissée chez son père, ne s’est pas trouvée en assez grande liberté. Elle a pris appartement chez Martel où elle est bien secondée par sa femme aussi folle l’une que l’autre ; elle court jour et nuit. »

  1. Rapport de l’Archiviste de la province de Québec, 1922-1923. p. 184.
  2. Collection de manuscrits, vol. III, p. 339.
  3. Collection de manuscrits, vol. III, p. 508.
  4. Bulletin des Recherches Historiques, 1944, p. 69
  5. Guerre du Canada, Relations et Journaux, p. 235.
  6. Lettres du Chevalier de Lévis, p. 364.