Bibliographie sur le Velay

BIBLIOGRAPHIE



Dans notre bulletin bibliographique de 1878 nous avons parlé du premier tome de la Chanson de la Croisade contre les Albigeois, publiée par M. Paul Meyer. Le deuxième volume de cette belle édition est sous nos yeux et nous offre le plaisir de rendre un complet hommage à l’œuvre si remarquable de l’éminent philologue. Fauriel, en tirant de la poussière le manuscrit de la célèbre Cansos, avait rendu sans doute un service notable à l’érudition, mais son travail de défrichement et de début laissait de la marge à ses successeurs. On peut croire que le sujet est maintenant épuisé. M. Meyer a dit le dernier mot. Son édition restera comme le monument définitif de la critique sur le curieux poème consacré à la grande guerre de religion du XIIIe siècle. Encore jeune, M. Meyer est directeur de l’École des Chartes : il y a beaux jours qu’il a gagné ses éperons dans la noble chevalerie de la science nationale. L’ouvrage, dont nous rendons compte, joint la clarté française à la profondeur allemande, et met le sceau à une réputation qu’il semblait difficile de voir grandir.

Le premier volume de M. Meyer renfermait seulement le texte original du poème, mais un texte soigneusement épuré et éclairé par les variantes et les leçons les plus sûres. Le second volume contient une traduction élégante et fidèle, enrichie à chaque page de notes, d’éclaircissements, de commentaires, condensés avec une abondance et un art de premier ordre. Dans une large introduction, M. Meyer examine la Cansos sous tous ses aspects et ne laisse aucun point douteux sans une solution décisive. Ce qui ressort avant tout des recherches du savant éditeur, c’est le double courant et, pour mieux dire, la double composition du poème. Du premier au 2768e vers, c’est Guillem de Tudèle qui tient la plume, Guillem de Tudèle, jongleur et troubadour de profession, mais en même temps homme d’église, puisqu’il fut gratifié par le comte Baudouin, de la maison des comtes de Toulouse, d’un canonicat à Saint-Antonin, près de Montauban. Cette première partie du poème n’a pas une grande valeur littéraire : l’écrivain est froid, timide, sans véritable inspiration. Il n’a pas vu de près les scènes terribles qu’il raconte, sa muse n’atteint qu’une honnête médiocrité. La seconde partie de la chanson, au contraire, étincelle de verve, de couleur et d’éloquence. C’est un vrai poète qui chante, un témoin attristé des folies et des crimes de son époque, et qui emprunte à ses propres sentiments des notes d’une sombre énergie. Il est fâcheux que toutes les recherches n’aient pu fournir encore le moindre indice sur la personnalité de ce grand artiste inconnu.

La poésie de Guillem de Tudèle est de peu de prix, mais les renseignements historiques, qu’il donne sur la croisade, ont une sérieuse importance. En ce qui nous concerne, nous autres gens de Velay, nous trouvons dans les XIIIe et XIVe laisses, c’est-à-dire du 279e au 342e vers, de précieuses indications sur le rôle de nôtre province dans la plus sanglante de nos guerres religieuses. Si l’on ajoute au récit de Guillem de Tudèle quelques passages de l’Histoire anonyme de la guerre des Albigeois, histoire qu’on appelle vulgairement la Relation en prose et dont une nouvelle édition a été donnée en 1863 par un indigène (le marquis de Loubens), on arrive à préciser d’une manière à peu près exacte comment se comporta notre Velay au début de l’immense conflit du Nord et du Midi de la France.

Notre ami et confrère, M. Jacotin, a le premier mis à profit, dans l’intérêt de notre histoire locale, la Chanson de la Croisade et la Relation en prose[1]. Il a comparé ces deux sources originales et de cette comparaison il a fait ressortir l’attitude très active, très militante de l’évêque du Puy, au moment où les deux partis en vinrent aux mains. M. Jacotin démontre que Bertrand de Chalencon ne garda point la neutralité et se déclara de bonne heure, avant même que le glaive fût tiré. Il aida aux préparatifs de la lutte et s’associa aux revendications préliminaires d’Innocent III. En 1207, il accompagnait, dans ses courses en Languedoc, le légat du Souverain Pontife, l’intrépide et malheureux Pierre de Castelnau. Le légat du pape avait pour mission de tenir en haleine par ses prédications et ses encouragements l’orthodoxie des fidèles, de convertir les égarés et de réchauffer les tièdes : la présence, en ce moment décisif, de notre évêque à côté du représentant du Saint-Siège atteste que Bertrand de Chalencon avait compris les périls de l’unité catholique, et prenait sa part dans les difficultés de la défense commune.

Bertrand de Chalencon n’était point un inconnu pour Innocent III. L’illustre pontife, préposé au gouvernail de l’Église dans une si noire tempête, avait temps pour tous les devoirs de sa charge apostolique. De la main qui lançait au monde des bulles enflammées, il traçait des règles de conduite pour les évêques des plus lointains diocèses. Ce vaste génie, occupé de tant d’affaires politiques et religieuses, ne craignait point de s’abaisser aux plus humbles détails de la discipline sacerdotale. En 1201, Bertrand de Chalencon lui soumit le cas d’un chantre de son église, qu’il hésitait à ordonner prêtre dans les circonstances suivantes. Une certaine femme accusait ce chantre de l’avoir frappée par derrière et de lui avoir procuré un avortement. Le chantre avouait bien qu’il avait jadis donné un coup à une femme, mais il ne croyait pas que cette violence eût eu un résultat si grave. Le pénitencier de la Cathédrale avait fait une enquête, d’où il ressortait que l’accusé était homme intelligent et de bonnes mœurs et que sa dénonciatrice voulait exercer une spéculation. Néanmoins l’évêque ne savait s’il devait conférer la prêtrise au chantre et il demandait au pape conseil sur la conduite à tenir. Innocent III lui répondit par la lettre suivante :


Ex litteris tuæ fraternitatis accepimus, quod, cum Aniciensis ecclesia sacerdotibus indigeret, dilectum filium P. cantorem ejusdem ecclesiæ, virum litteratum et moribus insignitum, ordinare in presbyterum voluisti, sed ipse respondit quod non fieret nisi de nostra permissione sacerdos, eo videlicet quod olim quædam mulier dixit ei, quod eam cum pede percusserat semel in tergo, quare fecit aborsum, et cantor ipse credebat, quod hanc vel aliam cum pede semel in dorso percusserit, sed eam nunquam aborsum fecisse credebat. Mulierem quoque, ut quaeret plenius veritatem ab ea, ad pœnitentiarium Aniciensem adduxit, qui, quæsitis attentius quæ super iis fuerant inquirenda, nihil certum potuit ab ipsa percipere, sed credebat quod mulier ipsa talia fingeret ut extorqueret pecuniam a cantore ; qua de causa ad ordinationem ipsius procedere noluisti, donec super hoc apostolicum responsum haberes. Quocirca fraternitati tuæ apostolica scripta mandamus, quatenus inquiras super iis diligentius veritatem, et si assertionem prafate mulieris non constiterit esse veram, cantorem ipsum, si alias habeatur idoneus, et super hoc non fuerit infamatus, ac eum conscientia non remordet, ad presbyteratus cures officium promovere.

Datum Romæ, apud Sanctum Petrum, XVII kalendas januarii anno septimo[2].


En 1207, l’hérésie albigeoise prenait une extension menaçante. Innocent III craignit que les habitants de notre ville ne se laissassent séduire par les nouvelles doctrines, sous prétexte d’observer exactement les canons et de résister aux injustes exigences de leur évêque. Les habitants du Puy, en effet, avaient envoyé à Rome des députés pour se plaindre de ce que Bertrand de Chalencon exigeait d’eux certaines redevances pour les sépultures. Ils se plaignaient aussi de ce que le prélat, malgré la défense signifiée à son prédécesseur par le pape Luce III d’empêcher les veuves de se remarier et d’extorquer d’elles une somme pour permettre leur convol, commettait les mêmes vexations. Au dire des Aniciens, l’évêque, à propos d’enterrement et de second mariage, allait jusqu’à fulminer d’iniques sentences d’excommunication ou d’interdit. Le Pape enjoignit à l’évêque et à son clergé de restituer ce qu’ils avaient mal à propos reçu, de laisser aux fidèles la liberté de poursuivre leur instance auprès du Saint-Siège, de ne point molester les envoyés de la ville à leur départ pour Rome ou à leur retour, et de s’abstenir désormais de toute injustice, sous peine de châtiments exemplaires. Après avoir remis les supérieurs dans la droite voie, le pape n’eut garde d’oublier, en ce moment de révoltes et de séditions, ce qui était dû par les inférieurs à l’autorité légitime. Il recommanda aux citoyens du Puy de rendre à leur évêque l’honneur et le respect et il commit à l’exécution de ses propres ordres les évêques de Clermont et de Nevers. Ces prescriptions diverses, empreintes de sagesse et de fermeté, sont contenues dans le bref pontifical qui suit, en date du 7 juillet 1207 :


Claromontensi et Nivernensi episcopis. Ex parte dilectorum filiorum Aniciensium civium nostris est auribus intimatum quod licet a piæ recordationis Lucio papa prædecessore nostro bonæ memoriæ… Aniciensi episcopo fuerit sub officii pœna præceptum ne legitima viduarum matrimonia impediret, aut pro eis contrahendis sen decedentium sepulturis pecuniam exigeret contra canonicas sanctiones, vel a suis subditis extorqueri aut exigi pateretur, venerabilis noster… successor ipsius non solum hujusmodi postmodum attentavit, verum etiam dictos cives in iis et aliis molestando, excommunicationis et interdicti sententias jaculari præcipitanter in ipsos pro voluntate sua sine causa rationabili non formidat. Unde nos eidem episcopo sub interminatione canonicæ pœnæ dedimus in praceptis ut quæ per ipsum vel clericos suos ab eisdem civibus contra justitiam sunt extorta restituens et restitui faciens, ut tenetur, de cætero ab hujusmodi sic abstineat quod justam de se querelam non oporteat iterari, propter quod manum nostram in ipsum gravare merito deberemus, dictos quoque cives aut eorum nuntios non impediat nec faciat impediri quo minus eundo et redeundo causam suam secure ac libere prosequantur.

Nos enim memoratis civibus per scripta nostra præcipiendo mandamus ut eidem reverentiam et obedientiam tam debitam quam devotam impendant et laudabilem consuetudinem hactenus observatam ex pia devotione parentum erga sepulturas charorum diligenter observent, ne forsan ex fermento pravitatis hæreticæ illam corrumpere videantur sub prætextu canonicæ puritatis. Ideoque fraternitati vestræ per apostolica scripta mandamus quatenus ab episcopo et civibus antedictis, monitione præmissa, per censuram ecclesiasticam faciatis, appellatione remota, præceptum nostrum inviolabiliter observari.

Datum Viterbii, nonis julii anno decimo[3].


Bertrand de Chalencon était l’homme de son époque ; il pouvait en subir les entraînements et les préjugés, mais il en pratiquait aussi la foi vive et sincère. En 1205, il avait contracté avec l’évêque de Valence un pacte de confédération religieuse, et, en cette même année 1207 (6 janvier 1208, n. s.) il renouvela l’antique amitié, qui, de temps immémorial, associait dans une communion de mérites pieux et de privilèges réciproques l’église anicienne et le monastère de Cluny. Un prélat de cette vertu ne pouvait résister à l’ordre du Saint-Siège et il est probable que notre évêque abdiqua devant les injonctions formelles du Pape les droits litigieux dont une erreur passagère lui avait dicté la revendication. Ce qui prouve son obéissance à la parole d’Innocent III, c’est la mission que lui donna ce pontife, l’année suivante (28 janvier 1208), en faveur du chapitre de Brioude. Ce chapitre avait à souffrir beaucoup d’avanies ou de violences de la part des habitants des diocèses du Puy, de Clermont et de Mende, et, comme il relevait directement du Saint-Siège, il ne pouvait se recommander à la protection d’aucun ordinaire. Innocent III commit au redressement de ces excès Bertrand de Chalencon et les abbés de Saint-Pierre-Latour et de Séguret :


Episcopo et sancti Petri et de Secureto abbatibus Aniciensibus.

Licet ex injuncto nobis apostolatus officio omnibus paterna sollicitudine teneamur adesse, illis tamen debemus specialiter apostolicum præsidium impertiri, qui Apostolicam Sedem nullo respiciunt mediante. Cum igitur dilecti filii canonici Brivatensis ecclesiæ, quæ ad nos nullo medio noscitur pertinere, frequenter et a multis injurias, damna sustineant et rapinas, cum diæcesenum non habent ad quem possint recurrere quoties indebite aggravantur, nos ad supplicationem eorum ipsis duximus providendum. Quocirca discretioni vestræ per apostolica scripta mandamus quatenus, quoties ab eisdem fueritis requisiti, de malefactoribus suis in Claromontensi, Aniciensi et Mimatensi diœcesibus constitutis faciatis eis auctoritate nostra, sublato cujuslibet contradictionis et appellationis obstaculo, justitiæ plenitudinem exhiberi, eosdem ad id monitione præmissa per censuram ecclesiasticam, appellatione postposita, compellendo. Quod si omnes… tu, frater episcope, cum eorum altero ea nihilominus (exequaris).

Datum Laterani, V Kalend. Februarii, pontificatus nostri anno undecimo[4].


Les trois diplômes ci-dessus suffisent à établir que le pape Innocent III avait l’œil sur notre province, au moment où couvaient dans tout le Languedoc les ferments de guerre civile et religieuse, dont l’explosion allait bientôt remuer le monde chrétien. Le concile de Lyon ne fit que décréter une croisade faite dans les esprits. Notre évêque avait pris position dans la grande querelle avant la prise d’armes qui date de juin 1209. Bertrand de Chalencon s’était d’autant mieux associé aux préparatifs de la lutte, que le vicomte Pons IV de Polignac, son proche parent et le chef laïque du diocèse, avait vivement épousé la cause pontificale.

Les trois grands récits de la guerre des Albigeois, la Chronique, dite de Simon de Montfort, les ouvrages de Guillaume de Puy-Laurens et de Pierre de Vaulx-Cernay procèdent par masses et ne parlent que de cette armée, recrutée dans le Nord de la France, en Bretagne, en Picardie, en Brabant et qui forma sous la conduite d’Arnaut Amalric, abbé de Citeaux, et de Simon de Montfort, le gros des forces catholiques. Suivant la très juste remarque de M. Meyer (Introduction, p. 51), on ne saurait point, sans Guillem de Tudèle et la Relation en prose, qu’indépendamment de cette armée principale, il se forma deux autres corps, destinés à la répression de l’hérésie. Le premier de ces corps auxiliaires fut levé, paraît-il, d’après les noms de ces chefs, en Limousin, en Auvergne, en Quercy, en Bourgogne. Le comte d’Auvergne, Guy, avait sa bannière dans cet ost renforcé par les gens de Saintonge et du Rouergue. Le deuxième corps fut réuni par Bertrand de Chalencon en Velay, et eut pour chefs l’évêque et, suivant toute apparence, le vicomte de Polignac.

Dans son article très serré et très nourri, M. Jacotin a tracé d’une manière précise l’itinéraire des deux troupes levées en dehors de l’armée principale. Le corps, où se trouvait Guy d’Auvergne, était commandé par l’archevêque de Bordeaux, les évêques de Limoges, de Bazas, de Cahors et d’Agen, par le vicomte de Turenne, par Bertrand de Cardaillac, le seigneur de Monratier, du Quercy, etc. Cette agglomération un peu tumultueuse des combattants du centre descendit vers l’Agénois et vint assiéger Casseneuil, qui résista vaillamment. Si l’on s’en tient aux noms de ses conducteurs, cette bande devait avoir un important effectif : Guillem de Tudèle affirme, toutefois, qu’elle était inférieure en nombre aux croisés du Puy. Bertrand de Chalencon vint par le Rouergue, traversa le Quercy, fit halte à Caser et se dirigea ensuite sur Caussade et Saint-Antonin. Notre évêque aurait emporté ces deux derniers bourgs, s’il avait voulu, mais il préféra les épargner moyennant une bonne somme, ce dont il fut vertement blâmé : il se rabattit sur Villemur qu’il livra aux flammes et de là vint opérer sa jonction avec l’armée du nord, sous les murs de Béziers. On peut fixer une date sûre aux débuts des opérations de l’armée vellave. Les hostilités commencèrent après le 2 juin et la ville de Béziers fut prise le 22 juillet. C’est donc entre le 25 juin et le 22 juillet 1209 qu’eurent lieu à travers le Rouergue, le Quercy, l’Agénois et les frontières de l’Albigeois les marches et combats de l’ost de Bertrand de Chalencon.

Il serait pour nous d’un grand intérêt de suivre nos Vellaves, après le sac de Béziers, dans les phases postérieures de la campagne, mais à partir du mois d’août 1209, le théâtre de la guerre s’élargit, les événements se précipitent : nos chevaliers et hommes d’armes se noient dans le flot des envahisseurs. Les récits contemporains sont avares de détails. Les personnalités et les épisodes disparaissent au sein de la mêlée immense. Il est certain, toutefois, que nos ancêtres firent leur partie dans le sanglant concert de cette lutte épique. On sait, par Chabron, que le vicomte Pons IV assista à la bataille décisive de Muret (12 septembre 1213), que son fils, Pons V, prit les armes en 1226 et se signala dans l’Albigeois au siège de plusieurs villes[5].

Le XXXIIIe volume des Annales de la Société d’Agriculture (1876-1877), qui vient de paraître, renferme d’abord un savant mémoire de M. Léopold Delisle sur les Bibles de Théodulphe. Nous avons déjà parlé de cette œuvre nouvelle de l’illustre académicien dans le procès-verbal de la séance de notre Société, en date du 2 mars 1878. En discourant alors sur le mémoire de M. Léopold Delisle, nous n’avions que le texte abrégé de ce travail tel qu’il nous avait été fourni par le Journal officiel. Les Annales ont eu la bonne fortune de donner le texte complet de la communication faite par M. Léopold Delisle, le 17 avril 1878, à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. On peut ainsi se rendre tout à fait compte des remarques ingénieuses et profondes inspirées à l’éminent directeur de la Bibliothèque nationale par le splendide manuscrit, joie et honneur du trésor de notre basilique. Au milieu de ses occupations si vastes et toujours si fécondes, M. Léopold Delisle jette de temps à autre un regard sur nos parages. Ses Recherches sur l’ancienne bibliothèque de la Cathédrale du Puy, insérées au tome XXVIII des Annales fournissent de lumineuses échappées sur l’histoire, encore si peu connue, de notre province aux Xe et XIe siècles. Nous espérons que M. Léopold Delisle voudra bien ne pas oublier une ville où il compte de nombreux admirateurs et qu’il continuera à nous gratifier de ses communications accueillies avec tant de plaisir et de gratitude.

Le mémoire de M. Léopold Delisle sur Théodulphe nous conduit à une incidence, comme dit notre bon Médicis. M. Léopold Delisle a cité le procès-verbal d’élection d’Antoine de Chabanes. Il nous apprend que cette pièce se trouve en la possession de M. Chassaing. Depuis longtemps nous sommes à la piste de cet évêque, qui prit une part importante à la conspiration du connétable de Bourbon. Nous avons déjà réuni un certain nombre de titres sur Antoine de Chabanes et, au premier jour, nous publierons sa biographie de tous points fort curieuse. Nous avons dû, en premier lieu, nous occuper de son élection et ce souci était d’autant plus légitime qu’Antoine de Chabanes fut le dernier prélat de notre église, investi de la mitre par le libre suffrage des chanoines de Notre-Dame. À partir du concordat de 1516, la nomination des évêques devint un privilège de la royauté et cette dévolution à la couronne des vieilles franchises électorales de notre chapitre ainsi que la mise en commende de tous les bénéfices ecclésiastiques ouvrirent au clergé du royaume une ère de servitude et de décadence. L’élection du 12 juillet 1514 marque donc, pour notre diocèse, la fin d’un régime qui avait donné à nos abbayes et à notre siège épiscopal une longue suite de titulaires d’élite. En publiant nous-même dans les Mémoires de notre Société, pp. 192 et suiv., de l’année 1878, le procès-verbal d’élection (7 décembre 1485) du protonotaire Pierre de Chalencon, notre but était de faire voir comment les choses se passaient dans notre église alors qu’il s’agissait de cette grave affaire : le choix d’un pasteur, comte de Velay. Nous serions heureux de voir M. Chassaing donner un pendant à notre titre de 1485.

La nomination du successeur de Jean de Bourbon se présenta, en effet, dans des circonstances dignes de souvenir. Le bon roi Louis XII professait une amitié particulière pour la famille de Chabanes, dont le chef, Jacques, maréchal et grand-maître de France, seigneur de la Palice, avait acquis sur maints champs de bataille une gloire exceptionnelle. Le frère puîné du maréchal, Antoine, était déjà protonotaire apostolique, prieur d’Ambierle en Forez et chanoine à la cathédrale du Puy. La famille de Chabanes tenait beaucoup, pour son cadet, à la succession de Jean de Bourbon et elle intéressa naturellement le roi à cette candidature. Louis XII se prêta avec une extrême bienveillance aux désirs d’une maison si considérable : il fit lui-même et fit faire par ses propres parents de vives instances auprès de nos chanoines pour la réussite du prieur d’Ambierle.

Une plaquette très rare, imprimée au Puy, le 1er 1620, chez Estienne André et que nous avons rééditée dans l’Annuaire de la Haute-Loire de 1878, donne le détail des diverses démarches accomplies auprès de notre chapitre par le roi, par le comte d’Angoulême, depuis François Ier, et par le futur connétable de Bourbon. Louis XII ne se contenta point d’écrire et de faire écrire aux chanoines en faveur de son protégé ; il leur dépêcha son secrétaire, Odinet Geuffroy, pour les prier d’avoir égard à la recommandation royale. Il fit plus : il constitua des mandataires pour agir directement sur les électeurs. Cette immixion de la couronne dans le scrutin du chapitre n’était point une ingérence arbitraire ou simplement déplacée. Nous avons déjà dit (Tablettes, I, 227 et suiv.) que, suivant une tradition, passée en force de loi et observée de temps immémorial, notre chapitre ne pouvait se réunir pour le choix d’un évêque sans permission du roi, et que les chanoines devaient avoir égard dans leur votes aux désirs des puissances. Les commissaires de Louis XII furent le vicomte de Polignac, le seigneur de Rochebaron, un personnage nommé Thuans, dont nous n’avons pu établir la qualité, et messire Jean Sallar ou Sarat, chevalier, conseiller du roi et maître des requêtes en son hôtel.

Un parti considérable s’était formé dans notre église en faveur de Jacques de Sénecterre, abbé de la Chaise-Dieu. Le roi, en recevant la députation du chapitre qui vint à la cour solliciter la permission d’ouvrir le scrutin, insista vivement en faveur d’Antoine de Chabanes, surtout auprès des chanoines Guittard et de Sénecterre, joints à la députation, suivant le vœu formel de Louis XII. Les commissaires royaux firent, en outre, le jour du vote, de pressantes démarches auprès des électeurs, mais sans pouvoir réussir à détacher les partisans de l’abbé de la Chaise-Dieu. On trouve un récit succinct de ce jeu inutile de hautes influences dans la lettre suivante :


Sire, aujourduy a esté faicte lélection de lévesque du Puy, à laquelle faire estoient trente six chanoynes eslisans qui ont demouré en chappitre depuis sept heures de matin jusques à quatre après midy. Et a esté esleu par vingt et deux Mons. le prothenotaire de La Palice. Et n’y a eu remède de faire faire ladicte élection unique et en concorde, car treize seullement ont esleu labbé de la Chaise-Dieu, qui avoit ung sien frère et autres parens chanoynes de ladicte esglise. Mais puisque ledict sieur prothenotaire est esleu par la plus grant et seine partie et a neuf voix davantaige plus que lautre, ny aura pas grant difficulté en son afaire qu’il ne demoure évesque dudict Puy, selon vostre vouloir et intencion. Mesmement quil fauldra pour la confirmation de ladicte élection aler à Romme et non ailheurs, pour ce que ladicte esglise y est subgecte, sans moien, et appartient à confirmer ycelle élection au Pappe et non a aultre.

Sire, lon a faict ausditz chanoynes les meilleures et plus honnestes remonstrances quil a esté possible pour ne faire point de discorde et remectre le négoce au Pappe, là où ilz en vouldroient eslire ung autre que ledict sr prothenotaire, mais na esté possible de y faire autre chose.

Sire, en nous recommandans très humblement a vostre bonne grace, prirons Nostre Seigneur qu’il vous veulhe garder. Au Puy, ce XIIe jour de juilhet.

Voz très humbles et très obéissans subgetz et serviteurs :

Rochebaron. — Armant de Polignac. — Thuans. — Sarat.

Au dos est écrit : Au Roy, nostre Souverain Seigneur[6].

On le voit : le scrutin du 12 juillet 1514 mérite de survivre et M. Chassaing rendrait un bon office à l’histoire locale, déjà si redevable à ses travaux, en nous édifiant d’une manière positive sur une élection qui permit à nos chanoines de faire acte pour la dernière fois d’une loyale indépendance. L’œuvre vraiment méritoire, à laquelle nous convions M. Chassaing, lui donnera, à coup sûr, moins de peine que ne lui en ont coûté les deux notices dont il a enrichi le XXXIIIe volume des Annales.

Le Calendrier de l’Église du Puy au moyen âge est un document hors ligne pour les recherches courantes. Nous sommes à chaque minute arrêtés par de petits problèmes chronologiques et nous ne savons bien des fois comment nous y prendre pour dater les parchemins de nos Archives. Le Calendrier, publié par M. Chassaing, nous donnera des points de repère fort utiles pour cette aride mais nécessaire étude des cycles, indictions, lettres dominicales, etc., où les meilleurs trébuchent et les faibles succombent. La comparaison du Calendrier avec les deux Sanctoraux de nos évêques Just de Serres et Henri de Maupas jette un grand jour sur notre hagiographie vellave. Les notes succinctes mais topiques, dont M. Chassaing accompagne l’exhumation des deux Missels de 1511 et 1543, offrent à tous les points de vue un sérieux attrait, nous préférons toutefois celles qui visent le point de départ de l’année en Auvergne et en pays vellave.

Il résulte de plusieurs chartes de Chamalières, dressées aux temps des rois Hugues-Capet, Robert et Philippe Ier, qu’en notre province et au cours des Xe et XIe siècles, le premier jour de l’an tombait aux Calendes, c’est-à-dire à la Noël. — C’est même de là qu’est venue notre expression de terroir : Chalindes ou Chavindes, pour désigner la fête de la Nativité du Christ. Dans le cartulaire de Chamalières, la Noël figure comme échéance capitale des prestations en nature. De même aujourd’hui nos campagnes fixent à la même époque leurs gros paiements et la lieudze dou message, c’est-à-dire l’engagement de leurs domestiques. À quelle époque le Velay substitua-t-il à la Noël comme premier jour de l’an la solennité de l’Annonciation ? M. Chassaing estime que ce changement se produisit au XIIe siècle et, pour notre part, nous avons suivi cet avis en établissant, dans notre notice sur Humbert d’Albon (Annuaire de la Haute-Loire de 1880), que cet évêque était élu avant l’Annonciation, c’est-à-dire avant le premier jour de l’année 1128. Nous voulons faire un pas de plus et dire que l’Annonciation commença notre année bien avant le XIIe siècle. Il est permis de croire que les Vellaves furent guidés dans cette révolution de leur calendrier par l’importance de leur pèlerinage.

La fête de l’Annonciation par sa rencontre avec le vendredi saint ramenait à notre sanctuaire son bonheur, sa gloire, son triomphe, et, pour tout dire d’un mot, son jubilé. Il est acquis que les peuples chrétiens empruntèrent tour à tour le début de leur année aux grandes époques de la vie du Sauveur et datèrent successivement de l’Incarnation, de la Nativité, de Pâques, etc. La Noël était sans doute un bel anniversaire, mais elle ne rappelait qu’une phase de l’existence mortelle du Christ, tandis que le jubilé évoquait ensemble deux grands souvenirs religieux : la conception du Messie et sa mort sur la croix. Les fidèles de notre diocèse prirent donc l’habitude d’inaugurer leur année par un jour doublement glorieux, par la solennité hors ligne, qui attirait toute la Gaule aux pieds de la Vierge d’Anis. Il nous semble donc légitime de remonter plus haut que M. Chassaing et de dire que la Noël céda la place à l’Annonciation comme ouverture de l’année, sitôt que notre pèlerinage eut acquis une grande popularité dans le monde chrétien. Or, nous avons la preuve que le pèlerinage du Puy, dans son expression la plus haute, c’est-à-dire le jubilé, le grand vendredi, le vendredi aoré, florissait dans notre cathédrale avant l’an mil. Dans certains titres du Xe siècle, le Puy est déjà appelé la cité de la Vierge… Podium Sanctæ-Mariæ. Bernard, écolâtre d’Angers, qui écrivit entre 1007 et 1020 le livre des Miracles de Sainte-Foix, dédié à Fulbert, évêque de Chartres, raconte dans cet ouvrage que plusieurs habitants d’Angers vinrent, à titre de pèlerins, vers cette illustre et populeuse ville qui avait quitté son vieux nom d’Anicium pour prendre celui du Puy Sainte-Marie…

… Profecti sunt nuper quidam ex nostris Andegaviensibus orationis gratia ad illustrem et populosam illam urbem, quam pene deleto antiquiore nomine, quod Anicium fuisse videtur, nunc Podium Sanctæ Mariæ vulgares appellant[7]


Dans la bulle envoyée par saint Léon IX à Pierre de Mercœur, en 1051, le pape déclare que, « dans l’église du Puy, plus que dans tout autre sanctuaire, la Bienheureuse Vierge Marie reçoit un culte éminemment spécial et filial d’honneur, de vénération, d’amour de la part des fidèles de toute la Gaule… ; que cette sainte, pieuse et illustre Vierge, visitée par tous, doit être d’autant plus honorée, glorifiée et exaltée par le Saint-Siège…

… Pro beatæ ac gloriosa, semperque Virginis Dei genitricis Mariæ digna reverentia, cujus in hac ecclesia Aniciensi, quæ et Vallavensis seu Podium Sanctæ Mariæ dicitur, specialius ac præcordialius præ cæteris œcclesiis sibi dicatis colitur, amatur, veneratur memoria a cunctis qui circumquaque universa morantur in Gallia. Hæc sancta, pia et præclara Virginis Matris dignitas, ab omnibus visitata, a nobis auctius et beatius honore summo et gloria multiplici est exaltanda[8]


Nous avons d’autres documents pour démontrer que la Vierge d’Anis était, avant l’an mil et aux débuts du XIe siècle, l’objet du culte universel de la Gaule. Ce point admis, n’est-il pas naturel de penser que le Puy Sainte-Marie, si justement fier de son grand pardon, voulût faire coïncider le renouvellement de l’année avec une double fête qui ramenait à son sanctuaire tant de prospérités temporelles et spirituelles ?

Le second mémoire, consacré par M. Chassaing aux Templiers de notre diocèse, comble heureusement une regrettable lacune de notre histoire. Nous savions par le P. Fita que les Templiers s’établirent de bonne heure en Velay et y tinrent vite une grande place[9], mais notre excellent et regretté collaborateur des Tablettes ne disposait que de titres généraux ou indirects et il n’avait pu fouiller son sujet. Grâce à M. Chassaing, nous possédons maintenant sinon un chartrier complet du Temple vellave, tout au moins un beau cadre de cartulaire et un cadre qui se remplira bientôt. Lorsqu’il publia dans les Tablettes, V, 575 et suiv., cinq chartes sur le couvent au Puy des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, M. de Lagrevol fit une observation d’une justesse frappante. « Il n’est pas étonnant, disait le savant magistrat, que la capitale du Velay, l’une des villes les plus importantes du Languedoc par sa population, ses foires, son industrie, ses pèlerinages, et qui venait de fournir à son évêque Aymard, partant pour la première croisade, un si brillant cortège de clercs réguliers et séculiers, de soldats et de chevaliers, ait attiré, en première ligne, l’attention d’un ordre spécialement destiné à venir en aide aux pèlerins de la Terre-Sainte. » Rien de plus exact que cette remarque. La ville du Puy était, avant Adhémar de Monteil, une ville essentiellement religieuse, la patrie adoptive de toutes les manifestations du génie chrétien[10]. Ainsi que nous venons de le voir, le pèlerinage de la Vierge était sa vie, la source de sa prospérité morale et matérielle. La renommée de son sanctuaire l’avait fait élire, entre toutes les villes d’Aquitaine, pour être le berceau de la première croisade : nous démontrerons bientôt que la grande entreprise d’Urbain II et de Godefroy de Bouillon naquit, en 1094 ou 1095, dans notre province, comme y était née, au commencement du même siècle, la Trêve de Dieu. Les croisades ne firent qu’accroître la splendeur du pèlerinage. Une partie notable des reliques, enlevées aux édifices religieux de Constantinople, après la prise de cette ville en 1204, devint le patrimoine de notre cathédrale. Cette belle conquête redoubla l’affluence des pieux visiteurs et elle scella la mystique alliance établie, au lendemain de la première expédition de Jérusalem, entre notre église et le Saint-Sépulcre. On comprend, dès lors, que les Hospitaliers aient jeté les yeux sur le Puy, comme sur l’un des premiers asiles de leur charitable institution et, de fait, les chartes publiées par M. de Lagrevol nous montrent ces religieux installés dans notre ville en 1153. L’organisation régulière de leur hôpital à cette date dénote un établissement antérieur. Il en fut de même pour les Templiers, les fils, eux aussi, de la Palestine et de la croisade. La fondation du Temple remonte à 1118 : ses chevaliers, au rapport de Dom Vaissette, vinrent en Languedoc en 1136 et nous les trouvons au Puy, dès 1170, munis d’une maison bien montée, non loin du Portail-d’Avignon, d’une hiérarchie assise, d’un personnel de chevaliers, de chapelains, de frères servants et de domestiques. Cette éclosion quasi spontanée dans nos murs d’un prieuré important suggère une remarque applicable à toutes les créations religieuses de notre province. Ce sol vellave était si propice aux germes de foi et de croyance qu’on voit la plupart de nos couvents prendre, dès leur origine, un brillant essor. Les Carmes, les Cordeliers, les Dominicains ont à peine touché notre ville qu’ils s’y implantent comme dans une terre promise. L’arbuste devient du premier coup un chêne vigoureux. Notre maison du Temple formait déjà en 1170 un prieuré prospère avec son chef ou précepteur dans la ville et ses dépendances ou commanderies dans la campagne.

Le cartulaire de M. Chassaing ouvre le champ aux études les plus fructueuses. Il offre d’abord de très remarquables échantillons de la langue vulgaire usitée dans notre province aux XIIe et XIIIe siècles. On pourrait reconstituer dans ses lignes principales le vieux parler vellave en comparant l’idiome des chartes du Temple avec certaines phrases des Instrumenta de Chamalières et surtout avec les poésies de nos troubadours : Pons de Chapteuil, Guillaume de Saint-Didier et Pierre Cardinal. Pour suivre les destinées de notre dialecte dans les âges postérieurs, on aurait divers titres en prose populaire, épars dans Médicis, à la date du XVe siècle, et enfin on démontrerait les dégénérescences du roman, réduit au rôle de patois, à l’aide du recueil des Noëls de M. l’abbé Payrard. La comédie de M. Lambert clorait cette revue philologique et l’on posséderait ainsi une vue d’ensemble sur cette langue hardie, familière, mélodieuse, pleine de sel gaulois, riche en belles assonances et en locutions plaisantes où se délectaient l’humeur goguenarde et l’intarissable gaité de nos ancêtres.

Nous avisons dans le Cartulaire des Templiers d’utiles renseignements sur quelques unes de nos anciennes familles : les d’Allègre, les Ceyssac, les Solignac, les d’Agrain, les Montlaur, les La Rodde du Bouchet Saint-Nicolas, les Saunier de Mercœur et de Bains. Le meurtrier de Robert de Mehun figure (ch. IX) comme témoin dans la ratification consentie par la dame Aude à une vente faite en faveur du prieuré de Saint-Barthélemy par le mari de cette dame, Robert de l’Espinasse, seigneur de Séneujols. Nous voyons dans cet acte de 1212 que l’assassin de notre évêque était noble, puisque les autres témoins le sont aussi. On savait, du reste, par une vieille chronique, citée à la p. 279 du frère Théodore, que cet assassin était gentilhomme…, miles… Le nom de ce misérable est enfin connu d’une manière définitive : il s’appelait Bertrand de Cayres et avait son fief dans les appartenances de cette localité ou dans le bourg lui-même, à côté des domaines des autres gentilshommes, présents au contrat. Une note explicative de cette charte IX rappelle que la victime de Robert de Cayres, l’évêque Robert de Mehun, était probablement issue de la maison des Pagan d’Argental. Quant au mobile du crime de Robert de Cayres nous nous en tenons à ce que nous avons dit dans les Tablettes, VIII, 456 et suiv., et à ce qu’a dit après et mieux que nous M. Jacotin dans son article ci-dessus visé sur Bertrand de Chalencon.

Le testament de Pons, seigneur d’Allègre et chanoine de Notre-Dame, en date du 5 janvier 1252 (ch. XXVIII), offre des particularités intéressantes. Le testateur fait un legs de mille sous podienses, en expiation de certains tours d’écolier qui pèsent sur la conscience du vieillard, tels que bris de porte ou autres espiègleries (ludi) ; il veut racheter également les torts et préjudices causés par sa guerre privée avec Guigon de Châteauneuf, lequel, d’après le Gall. Christiana, Eccl. Aniciensis, t. II, col. 742, était doyen du Puy en 1232 ; il donne, de plus, dix livres du Puy à la maison de Lavoûte-sur-Loire pour réparer les torts qu’il a commis envers ce prieuré, par ordre de son oncle paternel, Hugues, doyen. Cet oncle paternel, dont le surnom figure seul dans la liste des doyens du chapitre (Gall. Christiana, ibid.), était par conséquent un d’Allègre.

On trouve enfin dans le Cartulaire des Templiers d’utiles notions sur — la symbolique du droit : la transmission de la propriété s’opère, en 1210 et 1217, par la délivrance d’une pierre. En 1210, Armand de Mirmande, chanoine de Saint-Agrève, ne pouvant prêter serment sur l’évangile, baise la croix rouge que le précepteur de Saint-Barthélemy du Puy, Foulques de Montpezat porte sur la poitrine ; — les monnaies courantes : dans le cartulaire, la monnaie du Puy sert à toutes les transactions de la vie civile. Deux deniers du Puy valent un denier de Clermont. Les monnaies de compte sont le marc d’argent, la livre et le sou. Il y a deux marcs, celui du Puy = 70 sous ou 3 livres ; celui de Polignac, dit Viscontin = 80 sous ou quatre livres ; — les mesures des grains : cartons, setiers ; les mesures de vin : la mensura de troil, mesure du treuil servant au vin du pressoir.

M. Chassaing a donné une très bonne liste des précepteurs de notre Temple de 1190 à 1306, mais il s’est contenté de fournir quelques données générales sur le grand procès, intenté par Philippe le Bel et que Michelet considérait comme la plus grave affaire du moyen-âge. Nous comprenons, de reste, que M. Chassaing ait voulu se borner à l’inédit. — Il y a tant de plaisir à défricher un terrain vierge de l’érudition ! — le devoir toutefois des chercheurs est de mettre à la disposition du public la plus grande somme possible d’instruments de travail. Les interrogatoires des Templiers ont été publiés par Léon Ménard dans le premier volume de son Histoire de Nîmes. On peut donc recourir à l’ouvrage de Ménard pour l’instruction poursuivie contre les Templiers vellaves, mais cet ouvrage est rare et coûteux. Il est donc utile, à notre avis, de jeter dans la circulation courante les témoignages produits contre les Templiers de notre diocèse dans la formidable procédure inspirée par le roi Philippe le Bel et le pape Clément V. Dans notre modeste sphère, nous voulions prêcher d’exemple. Voici une déposition faite devant les commissaires pontificaux par un précepteur de la maison de la Drulhe en Rouergue. Cette déposition concerne la préceptorerie anicienne : elle est écrite dans ce latin, qui brave l’honnêteté et elle ne doit être retenue, comme nous disons en cour d’assises, qu’à titre de simple renseignement. Le témoin, très suspect par sa situation personnelle, a obtenu par ses aveux préliminaires l’absolution des juges : on sait trop ce que valent, dans les grands procès politiques de tous les temps, les révélations provoquées par la crainte, achetées par l’or ou les promesses. Lorsqu’une accusation pèse sur un grand nombre d’individus, il se détache toujours du groupe certaines âmes vénales ou timides, qui cherchent leur salut en dénonçant leurs compagnons d’infortune.


Frater Guigo de Ruppe Talhata, presbiter, preceptor domus Templi de Drulha, diocesis Ruthenensis, testis supra juratus, XXXa annorum vel circa, mantellum defferens, cum quo inquisitum fuerat, absolutus et reconciliatus per dominum episcopum Ruthenensem, lectis et diligenter expositis sibi omnibus et singulis articulis, respondit se nescire, nec credere, nec audivisse dici de contenus in eis nisi quod sequitur. Dixit enim se fuisse receptum circa instans festum beati Dionisii erunt X anni in capella domus Templi Aniciensis, per fratrem Guigonem Ademari, militem quondam, presentibus fratribus Bernardo Usclas, presbitero, Guillelmo, preceptore de Bocelis, Guillelmo de Castro Novo, commorante in dicta domo, et Joanne l’Alvernhatz servientibus, de quorum vita vel morte non habet certitudinem, in hunc modum : nam concordato cum dictis fratribus per dictum receptorem quod eum reciperent, fecit eum vovere et jurare castitatem, obedienciam, et vivere sine proprio, et imposuit ei mantellum, in nomine Patris et Filii et Spiritus sancti, dicto presbitero dicente psalmum Ecclesie Quam bonum, et quasdam oraciones, et aspergente aquam benedictam supra ipsum ; et dictus receptor et astantes fuerunt eum osculati in ore. Deinde allata quadam cruce alba, nescit si metallina vel lignea vel de panno, in qua non erat ymago Crucifixi, nescit per quem, et in terra posita, precepit ei quod spueret super eam, et ipse testis spuit non supra sed juxta. Deinde precepit ei quod oscularetur eum in ano et in umbilico, et fuit eum osculatus in locis predictis in carne nuda. Dixit eciam ei quod carnaliter poterat commisceri aliis fratribus ordinis et ipsi cum eo ; hoc tamen non fecit, nec credit quod in ordine fieret. Credit tamen quod predicta illicita confessata per eum, facta et dicta in presencia predictorum, intervenirent communiter in recepcionibus aliorum fratrum vel post, licet vident duos recipi, in quorum recepcionibus nichil illicitum intervenerit, quod ipse sciverit vel audiverit dici, videlicet fratrem Guigonem de Namans, militem, quem recepit frater Hugo de Penrando, in quadam capella domus Templi de Montilio Ademari, sunt sex anni vel circa, presentibus dicto fratre Guidone Ademari et fratre Jacobo de Mallevalle serviente, quem credit vivere, et ibidem, et per eumdem, et eodem modo et eisdem presentibus, fuit receptus frater Mondetus de Fara, miles, de Montilio Ademari, qui detinetur Parisius. Item, dixit quod in dicto ordine celebrabat secundum formam Ecclesie, et credit quod alii sacerdotes ordinis eodem modo celebrarent. Contrarium tamen fuit sibi preceptum per dictum receptorem, quia dixit quod erat in ordine consuetum quod obmitterent illa verba : Hoc enim corpus meum. Audivit dici a preceptoribus ordinis laicis, de quorum nominibus non recolit, quod ipsi poterant absolvere, secundum eorum privilegia, fratres ab inobedienciis eorum ; dictus tamen testis non credit quod propter dictam absolucionem debuissent obmittere confessionem. Jurabant ordinem non exire ; statim pro professis habebantur. Clandestine recipiebantur, nullis presentibus nisi fratribus ordinis, ex quo credit quod esset suspicio contra eos. Cordulis unde volebant asumptis cingebantur, ex precepto superiorum, super camisias cum quibus jacebant. Injungebatur eis per sacramentum ne predicta illicita revelarent ; et si revelassent, credit quod domum perdidissent. Fratres scientes errores fuerunt negligentes, quia non correxerunt eos nec denunciaverunt Ecclesie. In domibus ordinis in quibus extitit commoratus, vidit elemosinas et hospitalitatem convenienter fieri et servari, et capitulia clam, nullis presentibus nisi fratribus ordinis, teneri, januis clausis, aliquando de nocte, post matutinum, sermone per aliquem religiosum facto, et aliquando de die. Ordinata per Magistnum cum conventu servasset totus ordo, contra quem nunc grandia scandala, suspicio et infamia sunt exorta. Cujus fratribus credit quod essent nota confessata per eum. Et audivit dici magnum Magistrum et alios aliqua fuisse confessos contra dictum ordinem, ad cujus deffensionem se non obtulerat.

Requisitus si sic deposuerat prece, precepto, timore, amore, odio, vel temporali comodo habito vel habendo, respondit quod non, sed pro veritate dicenda : cui fuit injunctum quod non revelaret hanc suam deposicionem, quousque attestaciones fuerint publicate.

Acta fuerunt hec dictis die et loco, presentibus magistro Amisio, me Floriamonte Dondedei, et alus notariis supra ultimo nominatis.


Le document ci-dessus n’est pas inédit. On peut le lire tout au long dans le t. II, pp. 154 et suiv., du Procès des Templiers, que publia en 1851 l’illustre Michelet (2 vol. Imprimerie nationale) ; mais nous avons voulu marquer un procédé, ouvrir une voie. En récoltant de toutes mains les pièces relatives au Temple du Puy, on provoquera les critiques, les commentaires, — ce qui est le but principal des publications de titres — et l’on finira par avoir un copieux chartrier, un recueil ondoyant et divers, comme dit Montaigne, dans lequel chacun fera son choix et où les pièces, exhumées par M. Chassaing, tiendront, comme de juste, la place d’honneur.


Notre bulletin bibliographique vise surtout à dispenser les amis de notre histoire de recherches pénibles et à leur offrir ces ressources matérielles, ces renseignements de dates et de faits qu’on n’obtient pas sans perte de temps et de travail. Nous voudrions, si c’est possible, dresser un manuel, un inventaire, qui mettrait au service de tous les découvertes quotidiennes de la grande érudition ou de la recherche locale. C’est le même désir de vulgarisation à outrance qui nous conduit vers l’un des plus rudes travailleurs de notre époque, M. Alexandre Bruel, archiviste aux Archives nationales. M. Bruel s’est attelé à une grosse besogne qu’il est homme à mener jusqu’au bout et d’une traite malgré les énormes difficultés de la tâche. Il publie le Cartulaire de Cluny, œuvre considérable entre toutes, et dont les matériaux avaient été, en grande partie, amassés par le regrettable Auguste Bernard. Le Cartulaire de Cluny sera l’une des grandes attractions de la science française. Notre Velay fera son profit de ce splendide recueil et il peut lui emprunter déjà les deux chartes suivantes d’une belle époque :


Charta qua Anterius et uxor ejus Leotgardis cedunt Casa Dei Sancti Petri de Grazaco cabannariam in villa Loberias, in pago Vellaico.
(Juin 962. — Biblioth. nat. cop. 9-186.)


Sacrosancte ecclesia Vellavensis, que est constructa vel edificata in honore Dei omnipotentis Patris et Filii et Spiritus sancti et santi Petri ad Grazago. Ab hoc igitur ego, in Dei nomen, Asterius et uxor mea Leotgard cedimus vel condonamus ad ipsa Casa Dei jam predicta, pro amore Dei omnipotentis et pro amore Sancti Petri et remedium animas nostras et cunctorum parentum nostrorum, et pro remedium anime Geodadi et anime Gevieldi et cunctum parentorum nostrorum, ut pius Dominus remittat nobis peccata nostra ; propterea cedimus ad ipsa Casa Dei Sancti Petri aliquid de res propriis nostris juris, qui ex hereditate vel per conquisto ipsas res nobis legibus obvenerunt. Resident autem ipsas res sitas in pago Vellaico, in vicaria Bassense, in villa Loberias ; in ipsa villa cedimus ad ipsa Casa Dei predicta cabbanaria quem Ingerandus excolet, cum omnibus aiacensiis suis, quesitam vel quicquid ad ipsa cabbanaria ad inquirendum est, totum et ab integrum cedimus vel donamus ad ipsa Casa Dei jam predicta, ea scilicet ratione, dummodo Aribernus sacerdos et Galbertus sacerdos vivunt, teneant et possideant, sine ullo contradicente persona. Post illorum quoque discessum, ad illos sacerdotes, qui ibi decantaturi assidui ibi erunt et si ullus omo ad illos sacerdotes ipsas res abstulere voluerit, ipsa hereditas ad propinquos revertat ad jure proprium. De repeticione vero sane, et si ullus omo vel intromissa persona, qui contra carta donacione ista agere vel inquietare presumpserit, non vindicet, set in primis iram Dei judicii et omnibus sanctis suis incurrat, et cum Juda traditore Domini in participationem habeat, et cum Datan et Abiron in infernum demergat et ad memoriam non perveniat antedictam, et auri libras II coactus exsolvat, et inantea carta donacio ista firma et stabilis permaneat, cum stipulatione subnixa. Facta carta cessione ista die Lunis, in mense Junii, anno VIII, regnante Lotario rege. S. Asterio et uxore sua Leotgard, qui carta donacione ista scribere et firmare rogaverunt in presente, manus eorum firmas. S. Girberno. S. Ariberno. S. Bernardo. S. Yvone. S. Bermundo. S. Eldino. S. Rainulfo. Ego Dodbrandus rogitus scripsit. (Au dos : Carta de Loberias)[11].


Le pitoyable latin de cette charte n’enlève rien à sa valeur. Nous savons par elle que l’église de Grazac, destinée à un bel avenir, existait au Xe siècle. Il faut aussi relever ces vieilles circonscriptions territoriales du pagus et de la vicaria.

Le deuxième titre, que nous présente le Cartulaire de Cluny, n’est pas moins intéressant :


Charta qua Guigo, præpositus ecclesiæ Sanctæ Mariæ Aniciensis, vendit Grimaldo et Annoni, sacerdotibus, mansiones suas infra claustra ejusdem loci.
(24 novembre 976. — Bibl. nat., Cop. 10-182.)


Regali precepto diffinitum ac antistitum nostrorum manibus diurno ex tempore novimus corroboratum, ut si quis clericus infra claustra sancte Marie Aniciensis ecclesie habuerit mansiones, liceat ei vel vita comite, seu post funus, nullo obsistente, in alicujus clerici divinis obsequiis ibidem devoti possessionem quocumque tenore easdem transferre. Quapropter ego Guigo, gratia Dei prepositus Aniciensis, ob amorem dilectionis quem habeo erga fideles meos, sacerdotes Grimaldum et Annonem, vendo illis mansiones meas cum ipsa terra, quas ante prepositatus honorem possidebam infra claustra sancte Marie, pro solidis CCC ut habeant ab hac die et deinceps de ipsis domibus et de ipsa terra Grimaldus et Anno potestatem tenendi, donandi, vendendi, commutandi, et in vita et in morte, secundum supradictam consuetudinem, sine ulla contradicente persona. Si quis ergo hanc cartam inquietare presumpserit, non vindicet, sed cum Datan et Abiron vivus in infernum descendens, cum Nerone et Juliano apostata sociatur, et Jude traditoris particeps effectus, cum tartareis ministris, perpetuis dampnentur suppliciis, et carta ista firma et stabilis permaneat, cum stipulatione subnexa. Facta casta ista VI feria, VIII kalendas decembris, anno XX regnante Lotario rege. S. Guigonis, prepositi, qui cartam istam scribere et firmare rogavit, manu sua firma. S. Truanni, decani. S. item Truanni. S. Richardi. S. Gerardi. S. Guidonis. S. Guidonis. S. Girberni, S. Hisimbardi. Ego Hicterius, levita, rogatus scripsi.

Au dos : Wuigo, prepositus, mansiones in Podio Aniciensis[12].


Il y plusieurs choses à retenir dans cette charte. Nous la plaçons au 24 novembre 976. Cette date ne concorde qu’avec les années 971 et 976. La première de ces deux années ne se rencontrant dans aucun calcul avec la vingtième année de Lothaire, il faut adopter la seconde et en conclure que le règne de Lothaire ne datait en Velay que de 957.

Ce prévôt Guigon devint évêque de Valence suivant le Gall. Christiana, Eccl. Aniciensis, t. II, col. 747. Il figure en la double qualité de prévôt du Puy et d’évêque dans la charte de fondation (993) de Saint-Pierre-le-Monastier. Il s’intitule dans le diplôme ci-dessus : prévôt, par la grâce de Dieu, ce qui prouve qu’à cette époque cette formule n’avait pas le sens orgueilleux dont parlent certains critiques. Nous voyons parmi les témoins notre célèbre Truan, qui érigea l’oratoire de Saint-Michel-d’Aiguilhe en 972 et non en 962, comme le dit mal à propos le Gall. Christiana, même tome, col. 755 ; enfin le droit réservé aux chanoines de céder deux maisons, sises dans le Cloître, à d’autres clercs ou chanoines démontre bien que l’évêque possédait un droit d’entière suzeraineté sur la partie haute de la ville. Notons en passant les noms de Néron et de Julien l’Apostat, introduits dans l’imprécation comminatoire.


Les Bénédictins, d’origine vellave, ont fourni à M. Mandet — Histoire du Velay, t. VII, pp. 150 et suiv. — le thème de notices, auxquelles l’Annuaire historique de la Société de l’Histoire de France pour l’année 1840 permet d’ajouter quelques dates.

Jacques Boyer, qui eut la meilleure part dans la préparation de l’Ecclesia Aniciensis du Gallia Christiana, naquit au Puy, fit profession, le 30 avril 1690, dans l’abbaye de Limoges et mourut à l’abbaye de Chezal-Benoit le 9 septembre 1738.

Hugues Lantenas, auteur de diverses éditions et traductions fort estimées dont M. Mandet fournit la liste, et qui aida Mabillon pour ses Annales benedictini, naquit au Puy, fit profession dans l’abbaye de Saint-Augustin de Limoges le 11 mars 1651 et mourut en odeur de sainteté, à l’abbaye de la Sainte-Trinité de Vendôme, le 20 mars 1701.

Simon Bonnet, qui prépara l’immense ouvrage intitulé Biblia maxima Patrum, et ne put mettre au jour lui-même le fruit de ses travaux, naquit au Puy, fit profession à l’abbaye de Notre-Dame de Lire le 11 mai 1671 et mourut à l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen, le 11 février 1705.

L’Annuaire de 1840 fournit également de brèves notices sur deux bénédictins, qui, sans appartenir au Velay, tiennent à lui néanmoins par le voisinage : Dom Marcland (Antoine-Gabriel), né à la Chaise-Dieu vers 1643, mourut à l’abbaye de Saint-Denis le 3 novembre 1727.

Dom Robert Morel, auteur de nombreux ouvrages ascétiques, naquit à la Chaise-Dieu en 1653, entra dans l’ordre de Saint-Maur le 11 mai 1671, devint bibliothécaire et maître des cérémonies à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, en 1680, sous-prieur à Saint-Lucien de Beauvais, prieur de Meulan et de Saint-Crépin-le-Grand, puis secrétaire de Dom Robert Marcland, visiteur de France, et mourut à l’abbaye de Saint-Denis, le 19 août 1731, âgé de soixante-dix-neuf ans. M. Lascombe, auquel nous empruntons quelques détails sur Dom Robert Morel, a publié dans les Tablettes, III, 99 et 100, une lettre très touchante de ce vénérable religieux à sa sœur, la veuve Boutaud, de la Chaise-Dieu.

Dans un recueil très utile pour les recherches, le Cabinet historique de 1881, M. Ulysse Robert a donné un Supplément à l’histoire littéraire de la congrégation de Saint-Maur. Nous tirons de ce travail les deux articles suivants :

Bardion (Jacques), né à Craponne, diocèse du Puy, fit profession à Saint-Augustin de Limoges, le 17 juin 1647, à l’âge de vingt ans. Il mourut le 22 octobre 1695, au monastère de Saint-Allyre-lès-Clermont. Il a fourni au Monasticon benedictinum : un Essay de l’histoire de l’abbaye de Saint-Allyre-lès-Clermont, 1681, mss. lat. 12676, fol. 4 de la Bibliothèque nationale (Matricule de Saint-Germain-des-Prés, no 1230).

Liabœuf (André), né au Puy, fit profession à la Daurade, à l’âge de dix-sept ans, le 23 décembre 1642. Prieur de Saint-Maixent, il mourut dans ce monastère le 1er juillet 1677. On a de lui : 1o Des auteurs, antiquité et autorité de la vie de saint Maixent ; de l’ancienne chronique et du cartulaire de l’abbaye de ce nom ; mss. no 133 de la bibliothèque de Poitiers ; — 2o Histoire de l’abbaye de Saint-Maixent, t. XXXVI de la deuxième collection de Dom Fonteneau à la bibliothèque de Poitiers. Il a donné au Monasticon benedictinum une courte chronique de l’abbaye de Saint-Séver en Gascogne, 1653, ms. lat. 12696, fol. 373 (Matricule no 1062 ; — Paul de Fleury, Inventaire analytique et descriptif des manuscrits de la bibliothèque de Poitiers, pp. 42 et 45).

Voilà deux noms ajoutés à la bibliographie bénédictine du Velay, mais notre province dut fournir un appoint plus riche à la docte congrégation. Maint religieux, sorti de nos montagnes, coopéra dans l’ombre aux grandes œuvres de l’ordre et quitta ce monde sans bruit et sans renommée. Ce sera toujours pour nous une bonne fortune que de disputer à l’oubli le souvenir de ces modestes travailleurs, qui ont si bien mérité de la patrie et de l’histoire.


CH. Rocher.



  1. Mémoires de notre Société pour l’année 1878, pp. 219 et suiv.
  2. Patrologie de Migne, t. CCXV, col. 484.
  3. Patrologie de Migne, t. CCXV, col. 1181 et 1182.
  4. Patrologie de Migne, t. CCXV, col. 1544.
  5. Voir le chapitre de Chabron sur les vicomtes Pons IV et Pons V : ce chapitre de l’Histoire de la maison de Polignac a été publié par M. Jacotin, dans les Mémoires de notre Société pour l’année 1878, pp. 34 et suiv.
  6. Biblioth. nat., Fonds Dupuy, 261, fo 191.
  7. Voir, sur l’écolâtre Bernard : Gissey, édit. de 1644, pp. 138 et 139, et la Vie de sainte Foix dans les Bollandistes, au t. III du mois d’octobre, pp. 286 et 287.
  8. La Semaine religieuse, IIe année, pp. 633 et 634 et la Velleyade de Hugues Davignon, pp 36 et 37.
  9. Tablettes, I, 197 et suiv.
  10. Voir sur le concile de Saint-Paulien en 1004 les Tablettes, III, 1 et suiv.
  11. Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, formé par Auguste Bernard, complété, révisé et publié par A. Bruel. — Paris. Imprimerie nationale, 1880, t. II, p. 222, ch. 1131.
  12. Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t. II. pp. 187 et 188 ch. 1131.