LES ROCHEBARON


(Extrait du procès-verbal de la séance du 3 juillet 1879.)

M. Rocher expose que, depuis quelques années, la recherche locale s’exerce de préférence sur la famille des Rochebaron. M. l’abbé Fraisse a dressé, dans les III et IVe volumes des Tablettes, une généalogie fort intéressante de cette maison forézienne. Celui qui a l’honneur de s’adresser en ce moment à la Société a essayé de compléter les belles notices du savant modeste de Monistrol-sur-Loire en retraçant le rôle d’Héracle, de Macé et d’Antoine de Rochebaron, ces chefs de la faction anglo-bourguignonne dans notre province en 1419 et en 1420[1]. Le regretté et si regrettable M. du Molin achevait une étude approfondie de sa sombre voisine, la forteresse de Bas, lorsque la mort est venue briser la plume dans ses mains infatigables. De divers côtés, on annonce de nouvelles fouilles sur un terrain déjà bien exploré, mais qui garde encore beaucoup de surprises. La famille des Rochebaron mérite, à tous égards, la curiosité qu’elle excite. Son manoir, à l’aspect tragique et de si fière structure, se tenait à cheval sur le Velay et le Forez : ses maîtres eurent toujours les instincts aventureux, l’humeur batailleuse des races de confins et de frontières. Placés en vedette et, pour ainsi dire, en sentinelle au point de rencontre des deux provinces, les Rochebaron étaient sans cesse conviés par leur poste intermédiaire à quitter leur gîte d’origine, à courir les grands chemins. On remarque, en effet, chez la plupart de ces intrépides batteurs d’estrade, un goût assez rare dans les vieilles lignées féodales : le goût de l’émigration ; ils se dépaysaient facilement ; on les voit partout, en Flandre, en Bourgogne, dans le Lyonnais, dans le Forez, en Auvergne, en Gévaudan, au Puy, à la Tour-Daniel, au Pont-de-Lignon, et partout ils se taillent, de gré ou de force, une place de choix. Ces habitudes cosmopolites infligent même à leur physionomie héréditaire un cachet visible d’indifférence politique. Ils changent volontiers de drapeau et servent toutes les causes, selon les caprices ou les hasards de leur inquiète fortune. Le routier, le condottiere, l’homme de proie abondent dans leur histoire.

Le véritable foyer, le point de ralliement des diverses branches des Rochebaron, éparses au nord, au centre et à l’est de la France, semble avoir toujours été la forteresse de Bas. Là résidait le chef de la famille, mais de bonne heure le manoir patrimonial fut trop étroit pour contenir et retenir ces nombreuses couvées, qui, grâce aux facultés prolifiques d’une race robuste, devenaient à chaque génération plus drues et plus remuantes. Ces barons du vieux temps n’avaient point deviné du tout les théories des Malthus et des Schopenhauer. Ils se mariaient à outrance : ils se multipliaient, provignaient et essaimaient à plaisir. Que faire de tous ces enfants, bien venus, éveillés, énergiques, aux dents longues, aux appétits précoces, sinon des hommes de cape et d’épée ? Pour ouvrir une carrière à cette jeunesse, il fallait, de temps à autre, baisser la herse et lâcher à travers pays écuyers et damoiseaux, armés à la fois d’une escarcelle légère et d’une vaillante flamberge.

L’un des plus beaux livres de notre vieille littérature — L’Histoire de Bayard, par le loyal serviteur — nous fait assister à une scène charmante, qui donne bien la note des éducations de famille au moyen âge et révèle comment les barons d’autrefois préludaient à l’apprentissage de leurs fils. Le père de Bayard, déjà chenu et tout cassé, a réuni à sa table son frère, l’évêque de Grenoble et un certain nombre de cousins et d’agnats, pour les aviser d’une résolution importante. Sur la fin du dîner, et après grâces dites, le bon vieillard tient ce discours à la compagnie :

« Monseigneur et messeigneurs, l’occasion pourquoy vous ai mandés est tems d’estre déclarée ; car tous estes mes parents et amys, et jà voyez-vous que je suis par vieillesse si oppressé, qu’il est quasi impossible que je sache vivre deux ans. Dieu m’a donné quatre filz ; de chacun ai bien voulu enquérir quel train ilz veulent tenir. Et entre aultres m’a dict mon filz Pierre qu’il veult suivre les armes, dont il m’a fait un singulier plaisir, car il ressemble entièrement de toutes façons à mon grand-père, vostre parent. Et si de conditions il luy veult aussy bien ressembler, il est impossible qu’il ne soit en son vivant un grand homme de bien, dont je croys que chascun de vous, comme mes bons parents et amys, seriez bien aises. Il m’est besoing, pour son commencement, le mectre de quelque prince ou seigneur, afin qu’il apprenne à se contenir honnestement ; et, quand il sera un peu plus grand, apprendre le train des armes. Je vous prye tant que je puys, que chascun me conseille, en son endroit, le lieu où je le pourroy mieulx loger. »

Sur ce discours, la délibération s’ouvre : l’un des plus anciens gentilshommes veut que le petit Pierre soit envoyé au roi de France, un autre parent dit que le jouvenceau serait très bien à la cour du duc de Bourbon et chacun à la suite de deviser et d’opiner ; mais l’évêque déclare que son neveu ne saurait trouver meilleure école que chez le duc de Savoie et il s’offre à conduire lui-même le garçonnet « après l’avoir très bien mis en ordre et garni d’un bas et bon petit roussin qu’il a, depuis trois ou quatre jours, recouvré du seigneur d’Uriage. »

Ce propos de l’évêque est approuvé par toute la compagnie, et surtout par le père qui livre son fils au prélat en lui disant : « Tenez, monseigneur, je prye nostre Seigneur que si bon présent en puissiez faire, qu’il vous fasse honneur en sa vie. »

L’évêque envoie aussitôt quérir son tailleur à Grenoble, et le tailleur besogne si bien la nuit que, le lendemain, le petit Pierre est tout appareillé. Après déjeuner, il monte sur le roussin et se présente à tous ses parents assemblés dans la basse-cour du château, comme il se serait présenté au duc de Savoie lui-même. « Quand le cheval sentist si petit failx sur luy, joint aussy que le jeune enfant avoit ses éperons dont il le piquoyt, commença à faire trois ou quatre saults, de quoy la compaignie eust peur qu’il affolast le garçon. Mais, au lieu de ce qu’on croyoit qu’il dust cryer à l’ayde quand il sentit le cheval si fort remuer sous luy, d’un gentil cœur, assuré comme un lyon, luy donna trois ou quatre coups d’éperon et fournit une carrière dedans ladite basse-cour ; en sorte qu’il mena le cheval à la raison, comme s’il eust eu trente ans. »

Qui fut bien aise, si ce n’est le bon vieux chevalier Bayard ? Il souriait et s’émerveillait fort. Les cousins et parents étaient ébahis de voir si frêle garçon avoir si bon courage. « Or, sus, sus, dit alors l’évêque, mon neveu, mon amy, ne descendez point et de toute la compagnie prenez congié. » Sur ce, l’enfant demanda la bénédiction de son père et chevaucha dehors le château, laissant tout le monde ravi de sa belle contenance.

Voilà un tableau pris sur le vif et où reluit, dans son entière naïveté, l’ancien esprit de famille de nos ancêtres. Ces scènes intimes, que rend si savoureuses le doux parler du Loyal Serviteur, n’eurent-elles point leur pendant sur l’esplanade du manoir de Bas ? Les vieux Rochebaron durent faire comparaître plus d’une fois leurs héritiers devant leur parentèle, soit pour discuter sur leur avenir, soit pour récréer la vue de l’assistance par la noble tournure des gentils damoiseaux, fièrement campés sur leurs palefrois. Du moment où les fils du château avaient passé l’âge de discrétion et pouvaient prendre leur volée, il fallait aviser, les pourvoir d’un état. Le père avait le choix entre la cour du comte de Forez et celle de l’évêque du Puy et souvent il se décidait pour l’évêque. L’enquête de 1285, qui figure en tête du présent volume, indique le genre de vie des jeunes nobles dans le palais du comte de Velay. — Disons-le en passant : on nous reproche d’abuser du latin dans les travaux de notre Société, mais l’histoire vraie est à ce prix. Quand on sait lire à travers ces antiques paperasses, on y rencontre de précieuses révélations sur les mœurs et les idées du moyen-âge et l’on peut recomposer, presque à coup sûr, l’existence quotidienne de tous ces chevaliers et seigneurs, dont nos chartes nous fournissent à peine les noms et les titres. — Donc le jeune Rochebaron entrait dans la maison militaire de l’évêque ; il était attaché au service personnel du prélat… ad raubas ; il faisait partie de sa famille… erat de familia sua… comme le dit, dans l’enquête de Chapteuil, Jean Guers, ancien écuyer de Bernard de Montaigu. C’est ainsi que le fils de Pierre de Fay, après le meurtre de la rue des Grazes, fut astreint par le même Bernard de Montaigu à la domesticité épiscopale. De sept à quatorze ans, le jeune Rochebaron avait, auprès de l’évêque, le titre de page ou varlet[2]. Il suivait son seigneur à la chasse, lançait et rappelait le faucon, sonnait l’hallali, forçait la bête. En 1523, l’évêque Antoine de Chabanes courait encore le cerf dans nos montagnes[3]. L’évêque faisait instruire ses pages et varlets dans la religion et les bonnes lettres : il leur apprenait par son propre exemple à se bien tenir, à garder la modestie ; il dressait leur âme par les pratiques pieuses et leur corps par les exercices et les fatigues. « C’est un bel usage de notre nation, » disait plus tard Montaigne, « qu’aux bonnes maisons nos enfans soient reçus pour y être nourris et élevés pages comme en une école de noblesse et est discourtoisie, dit-on, et injure d’en refuser un gentilhomme. »

À quinze ans le page devenait écuyer, scutifer. Il y avait les écuyers de corps ou d’honneur qui accompagnaient à cheval le châtelain ; les écuyers tranchants qui découpaient et servaient à table ; les écuyers d’armes qui portaient la lance de leur patron, sa bannière et les diverses pièces de son armure. L’écuyer était investi de sa charge par une véritable consécration religieuse. On le conduisait à l’autel, au moment où il était mis hors de page, c’est-à-dire quand il sortait de l’enfance pour entrer dans la jeunesse. C’était l’antique cérémonie de la robe prétexte. Alors commençait le noviciat militaire. L’écuyer portait le haubert et le casque, il chevauchait et combattait côte à côte avec son seigneur, prenait part à ses expéditions, rompait la lance sous ses yeux. L’enquête de 1285 nous fait pénétrer dans l’intérieur d’un évêque du XIIIe siècle et nous montre le comte de Velay au milieu de sa cour, à la fois guerrière et sacerdotale. Lorsque Pons de Chapteuil vint supplier Bernard de Montaigu de lui rendre la liberté et ses domaines, le prélat avait autour de lui plusieurs prêtres et serviteurs laïques et, parmi ces derniers, Adalbert de Polignac, chevalier ; Pons André et Jean Guers, écuyers ; Pierre de Mauprat, garde de la chambre ; Robert de Mauprat, porte-fanion.

À l’âge de vingt-un ans révolus, si l’écuyer avait donné des gages de prud’homie, honneur et vaillance, il était armé chevalier et, à ce couronnement de sa carrière, il trouvait encore la religion pour sanctifier sa qualité nouvelle. Les cérémonies préliminaires à la réception ou ordination du chevalier : le bain, signe de la pureté de corps et d’âme, la veillée d’armes, la confession souvent à haute voix, la communion, puis la messe solennelle où se bénissait l’épée, la présence à côté du récipiendaire de deux parrains, éprouvés dans la guerre et les tournois, l’investiture du candidat au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, tous ces nobles symboles d’un sacrement militaire et religieux, cet imposant rituel dont on admire la haute portée morale même à travers l’immortelle satire de Don Quichotte, ont été trop souvent décrits pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. L’ordination des chevaliers par le Dauphin dans notre Cathédrale, le 15 mai 1420, est l’un des plus beaux souvenirs de notre histoire vellave. Rappelons-le toutefois : les défenseurs de la ville du Puy en 1419, les barons de Queyrières, de Roche-en-Régnier et leurs valeureux compagnons ne firent que recevoir du futur Charles VII la confirmation d’un titre, déjà conféré sur le champ de bataille de Serverette[4]. Les créations sommaires de chevaliers, à la veille, au lendemain et au moment même de l’action, apparaissent fréquemment dans les chroniques. C’est ainsi que François Ier fut armé chevalier par Bayard dans les plaines de Marignan[5].

Nos annales et nos diplômes regorgent de ce titre de miles. Le miles, ou chevalier du moyen âge, prenait rang dans une hiérarchie purement honorifique. La chevalerie constituait une dignité et non un grade. Dès qu’il avait reçu sur sa tête l’onction sainte et sur ses épaules le plat de l’épée, le plus pauvre gentilhomme ne relevait que de Dieu et se trouvait, dans l’ordre purement moral, au niveau du roi et des plus grands feudataires. Comme chevalier, il avait des égaux et point de supérieurs. Riche, il gouvernait sa terre et guerroyait à son plaisir, soit dans ses domaines, soit en France ou en pays étranger. Pauvre, il cherchait du service, à la cour du roi, dans les maisons princières ou dans les palais épiscopaux, mais c’était son épée seule qu’il aliénait au profit d’autrui ; son titre de chevalier demeurait intact, au dessus des exigences de la vie matérielle. Au Puy, l’évêque comptait maints chevaliers dans son ost, dans ses expéditions ; en temps de paix, il avait aussi à sa solde des gentilshommes de cet ordre et il utilisait leur expérience militaire pour la conservation de sa mense et la garde de ses châteaux. Dans cette enquête de 1285, que nous nous plaisons à citer, on voit Bernard de Montaigu partir en guerre avec plusieurs chevaliers, ses commensaux, et, après la prise du manoir de Chapteuil, instituer pour châtelain ou capitaine de la place conquise, un chevalier d’Auvergne, nommé Drogon d’Aubusson.

Les deux qualifications de scutifer et de domicellus répondaient l’une et l’autre à l’idée de stage, de noviciat d’un gentilhomme, aspirant à la chevalerie, mais trop jeune pour ceindre le baudrier. L’appellation latine : dominus, maître, seigneur, était réservée d’abord à Dieu, le souverain par excellence. Le domnus fut un premier diminutif de dominus et servit à désigner les puissances de la terre, les papes et les rois, les princes et généralement toutes les personnes constituées en dignité. Le domicellus fut à son tour le diminutif de domnus : il semble qu’aux débuts de la féodalité le domicellus était plus spécialement un jeune homme issu d’une famille non seulement aristocratique, mais encore maîtresse de la terre et du fief. L’adolescent, qualifié de scutifer à cause de sa fonction et de domicellus à raison de sa haute naissance, était, en outre, salué dans les relations familières d’un petit surnom amical : Guigonetus… Poncetus… Guigonnet ou petit Guigues… petit Pons… À l’âge viril, il devenait Guigues ou Pons tout court. À la longue, ces expressions de dominus, domnus et domicellus perdirent leur sens primitif et rigoureux. Les nobles, fonctionnaires, hommes de robe ou d’église se décorèrent du titre de dominus aussi bien que les papes, les rois et les princes. Le terme de domnus devint le privilège des dignitaires des ordres monastiques. Pour le mot de domicellus, il ne fut plus un signe absolu de suzeraineté féodale et terrienne ; il fut revendiqué par tout fils de noble, possesseur ou non de fiefs, mais il continua longtemps à s’appliquer aux aspirants chevaliers, comme en témoignent ces vers du roman de Florimon :

Li dux fait aporter l’espée,
Si la li eut au col fermée ;
L’espée caindre ne volou
Parce que damoisiaux estou.

Dans les fabliaux, le damoisel est souvent confondu avec le gentil page ; c’est un servant des châtelaines, le principal ornement des cours d’amour. Après l’extinction de la chevalerie, le titre de damoiseau fut encore porté par les maîtres de certains fiefs. Le cardinal de Retz fit son entrée dans le monde comme damoiseau de Commercy. C’est probablement en souvenir des types un peu efféminés de damoisels que renferment les canzones et les sirventes des troubadours, que, sous Louis XIII et Louis XIV, on se servit de ce terme de damoiseau pour ridiculiser les petits-maîtres, les freluquets et autres personnages de peu de valeur, adonnés à la galanterie banale ou à la recherche des vêtements. Les donneurs d’embrassades frivoles de Molière, les gandins et gommeux de nos jours, appartiennent à cette race insupportable dont un poète du XVIIe siècle disait :

Il est des damoiseaux dont l’œillade amoureuse
Accompagne toujours la phrase précieuse.

Boileau pensait aux inutiles de son temps lorsqu’il se fâchait dans son Art poétique de voir :

Peindre Caton galant et Brutus dameret.

Sous les divers titres de miles, dominus ou domicellus, les Rochebaron vinrent souvent chercher fortune au Puy. Leur demeure patrimoniale (nous l’avons déjà dit et nous insistons sur ce point) donnait sur diverses voies pour aller « devers France », suivant le langage des grands chroniqueurs, et suivant aussi le langage de notre Médicis. Cet horizon, ouvert sur tant d’estrades, ouvert sur la gloire, les hasards et les profits, était une tentation trop forte pour cette sève de jeunesse, pour cette activité exhubérante, qui fermentaient dans l’âpre solitude du manoir. Aussi notre cité vit-elle maintes fois accourir dans ses murs ces voisins incommodes, dont la turbulence, l’ambition et les vices n’étaient point sans périls pour nos pacifiques aïeux. On sait trop que « l’hébété et charnel[6] » bailli épiscopal, qui par sa luxure provoqua la grande émeute de 1276, était un Rochebaron. Le Puy et la Campagne eurent beaucoup à pâtir, en 1419 et 1420, des attaques de Macé, d’Héracle et d’Antoine de Rochebaron. Le seigneur de Rochebaron après 1347 suivit la bannière de la maison de La Roue dans la querelle, à main armée, qui suivit l’ouverture de l’hoirie de Lioutaud de Solignac[7].

En janvier 1551, le seigneur de Rochebaron assista dans notre ville aux obsèques d’Anne de Beaufort, vicomtesse de Polignac, tandis que les autres coins étaient tenus par le marquis de Canillac, Raymond de Montégut et Pierre de Rochefort, seigneur d’Ailly[8].

De 1345 à 1558, la justice de Rochebaron ressortit de la cour de Puy[9]. On voit enfin figurer un Rochebaron parmi les commissaires députés, vers les chanoines du Puy en juillet 1514, par le roi Louis XII, pour soutenir la candidature du protonotaire Antoine de Chabannes à notre siège épiscopal[10].

Nous ne parlons que de notre ville en ce qui concerne les Rochebaron. On sait qu’ils s’établirent, en outre, sur divers points de notre diocèse : à la Tour-Daniel, par exemple, et à Saint-Maurice-de-Lignon.

La carrière des armes n’était point le seul débouché offert par notre ville aux Rochebaron. Les cadets de cette race, en quête d’un avenir, avaient aussi la ressource des dignités ecclésiastiques et ils commençaient leur existence cléricale sur les bancs de l’université de Saint-Mayol. Cette université (ainsi dénommée parce qu’elle formait une agrégation, un ensemble… Societas ou Universitas… de clercs de divers degrés), tenait à la fois du collège, de la maîtrise et du séminaire. Les fils de la noblesse et de la bourgeoisie entraient dans cette maison pour y apprendre les lettres divines et profanes et vaquer à tous les pieux exercices de la Cathédrale. Ils étaient à la fois écoliers et enfants de chœurs. Ils endossaient la robe bleue, formaient une petite république dont le chef était l’un de leurs égaux, dit l’abbé des Clergeons, et relevaient, en premier lieu, de l’écolâtre et des grands chanoines. Une fois prêtres et même simples minorés, les disciples de Saint-Mayol devenaient sous-choriers, puis choriers et alors ils recevaient un bénéfice, soit à la ville, soit dans la campagne. Les mieux pourvus arrivaient au chapitre de Notre-Dame, le sénat de notre Église. Les moins favorisés se contentaient d’une stalle à Saint-Vosy, Saint-Agrève, à Saint-Pierre-Latour ou d’un prieuré rustique. Dans son article sur Bertrand de Chalencon, inséré aux Mémoires de notre Société de 1878, p. 33, M. Jacotin donne un exemple des échelons gravis par un élève de Saint-Mayol. En 1357, Pierre de Rochebaron est chorier de Notre-Dame et maître de l’Hôtel-Dieu ; en 1358 et 1360, il est devenu chanoine et il passe des actes au nom de l’hôpital, dont il continue à être l’administrateur.

Les Rochebaron prirent pied de bonne heure dans notre milice sacerdotale. Pons de Rochebaron, d’abord chanoine du Puy et comte de Lyon, puis évêque de Mâcon après 1144, fit un legs aux clercs de notre Cathédrale et figure, en sa double qualité de chanoine du Puy et de préchantre de Lyon, dans une bulle du pape Célestin III de 1193[11].

Brocard de Rochebaron, abbé de Saint-Pierre-Latour dès 1206, consacra, en 1212, une libéralité faite par Pierre Truans au profit de notre Hôtel-Dieu : il fut élu évêque du Puy en 1213 et fut même reconnu officiellement en cette qualité, comme l’indique le no 156 du cartulaire de Chamalières ; mais il dut se retirer devant Robert de Mehun[12].

Armand de Rochebaron assista comme témoin à cette transaction du 31 janvier 1389, qui mit fin au procès relatif à la baronnie de Chapteuil entre l’évêque Frédol de Saint-Bonnet et le seigneur d’Eynac. Armand de Rochebaron n’est pas qualifié dans cet acte, mais il appartenait sans doute au monde ecclésiastique, car son nom se trouve au milieu d’autres personnages du clergé. Il était probablement alors simple clerc et attendait un bénéfice.

Dans une transaction passée en 1333 entre les chanoines de Saint-Flour et ceux du Puy, on voit, parmi ces derniers, plusieurs membres de la noblesse du Velay ou des provinces voisines : Guérin de Fay, doyen, Pons de Polignac, Hugues de Montboissier, Hugues de la Tour, Imbert Malet, Guérin de Canillac, Pons de Rochebaron[13].

Pierre de Rochebaron, chanoine de Notre-Dame, fut l’un des témoins d’un accord passé, le 15 décembre 1349, entre l’évêque Jean de Chandorat et les citoyens du Puy, à l’occasion du rétablissement du Consulat. C’est probablement le même Rochebaron, visé ci-dessus, chanoine de Notre-Dame et administrateur de l’Hôtel-Dieu, lequel en 1360 octroya une nouvelle assense à Pierre Malacher, meunier de Cottes, sur le Dolaizon, au Puy[14].

On voit par tout ce qui précède que les Rochebaron, au cours du moyen âge, ont joué un assez grand rôle dans l’histoire civile et religieuse du Velay. Il convient donc d’avoir l’œil sur cette famille et l’on ne saurait trop remercier les érudits qui s’en occupent. Beaucoup de points inconnus ou obscurs de nos annales seront ainsi révélés ou expliqués. Le meilleur moyen pour arriver à bien connaître les Rochebaron, c’est d’accumuler le plus possible de documents à leur égard, d’instruire leur dossier, de n’omettre aucun détail et surtout de publier tout ce qui les concerne. Lorsque les matériaux seront réunis et qu’un grand nombre de pièces auront vu le jour, la critique vaquera à son œuvre ; elle choisira, comparera, fera son triage, elle adoptera ce qui doit rester et rejettera le douteux : c’est ainsi qu’on pourra obtenir une monographie sinon complète — en ces matières, le dernier mot échappe toujours, — mais approximative et, en tout cas, fort utile pour le monument futur de l’histoire vellave.

M. Rocher rappelle qu’il a déjà réuni beaucoup d’éléments sur les Rochebaron dans son étude sur les Bourguignons en Velay. Tous les titres déjà publiés dans les Tablettes demeurent acquis, et il est inutile d’y revenir ; mais M. Rocher estime qu’il faut mettre à la disposition des chercheurs tout ce qui a été déjà écrit à droite et à gauche sur les Rochebaron, tout ce qui se cache dans des ouvrages dérobés par leur prix ou leur rareté à la lecture courante. C’est là un office qui paraît minime au premier aspect, mais les travailleurs, dont le temps est court et dont les investigations se trouvent si fréquemment suspendues ou découragées par une lacune, par une date incertaine, un renseignement douteux, seront bien aises sans doute d’avoir à leur portée une sorte de petit recueil des principales sources relatives aux Rochebaron.

M. Rocher donne, en conséquence, lecture à l’assemblée des documents qui suivent :


I

Généalogie des Rochebaron, extraite des Masures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe-lès-LyonLyon, MDCLXV, par Claude Le Laboureur, pp. 506 à 512.


rochebaron.
.
Guy de Rochebaron, moine de l’Isle-Barbe, l’an MCLXXXVI.

Il n’est pas besoin d’examiner en ce lieu ce que Pierre de Saint-Julien a écrit des seigneurs de Rochebaron d’Auvergne[15], qu’il a cru avoir esté comtes de Forez et estre arrivez à un tel degré de grandeur et de puissance qu’ils auroient bien osé se soulever contre le roy et luy faire la guerre. Les hommages qui se trouvent dans la chambre du Trésor de Forez et qu’ils ont rendus de temps en temps et à chaque mutation à ces comtes comme à leurs seigneurs, et l’acte par lequel Guigues, comte de Forez, restitue au seigneur de Beaujeu le patronage de l’abbaye de Savigny, en la personne de Ponce de Rochebaron, domestique de ce comte, sont plus que suffisants pour justifier que les seigneurs de Rochebaron estoient vassaux, et le comte en particulier, qui estoit de familia comitis, c’est-à-dire domestique et commensal, comme Guy de Garlende, autre témoin nommé en tel acte, l’estoit du roy Louis VII.

Voilà pour ce qui concerne la qualité de seigneur de Rochebaron, qui est encore assez déclarée par le titre de leur terre, qui estoit baronnie, qui les distinguoit de quantité d’autres maisons et familles de ce nom de La Roche dont le Forez est remply.

Quant à l’antiquité, elle se peut prendre de l’an MCXL auquel Ponce de Rochebaron fut esleu évesque de Mascon[16]. Cet évesque avoit un frère, sans doute père de ce domestique nommé dans l’acte ci-dessus, qui est de l’an MCLXX, et qui probablement estoit père ou frère de nostre moine, et de celui-là descendoit Briand, seigneur de Rochebaron et de Montarchier, qui vivoit l’an MCCXCV, père ou ayeul d’Armand, seigneur de Rochebaron, et de Henry, seigneur de Montarchier et de Legniec, chevaliers, qui firent hommage aux comtes de Forez, celui-là de sa grange de Gotalet, l’an MCCCXXII, et cettuy-cy de ses chasteaux de Montarchier et de Legniec, l’an MCCCXXXV, ce qui ne s’accorde pas avec ce qu’on a dit de ce Jean de Rochebaron, prétendu comte de Forez, duquel on a voulu faire descendre les comtes de Berzé de Masconnois.

Quoy qu’il en soit, de l’un de ceux-là sortoient Briand de Rochebaron, qui vivoit l’an MCCCLV et Guy de Rochebaron, qui fit hommage au comte de Forez de son château de Rochebaron, l’an MCCCLXXII. Cettuy-ci eut un fils entr’autres nommé Héracle de Rochebaron, lequel espousa l’an MCDI, Elide de La Roue, fille d’Armand, seigneur de La Roue, et qui, l’année suivante, fit hommage au comte de Forez de ce qu’il avoit acquis du seigneur de La Roue, dans le mandement de Rochebaron, au mois de juin MCDII. Le temps de sa mort n’est pas certain, mais il cessoit de vivre le vingt neufviesme septembre MCCCCXIX car en ce temps Amé Vert, bailly de Forez, fit saisir et mettre en la main du comte le chasteau de Rochebaron, pour droicts non faicts et non payez.

La postérité d’Héracle n’est pas certaine, mais il se rencontre deux seigneurs de Rochebaron, l’un nommé François de Rochebaron, seigneur de Saint-Pal et de Tirange, qui épousa Antoinette de Rochebaron[17] l’an MCCCCXLI, fille de Guigon, seigneur de Rochebaron, vivant l’an MCCCCXXXVII, et cela estant il faudroit qu’Héracle, seigneur de Rochebaron eut eu deux fils, Guigon et Briand, marié à Fleur de Lys du Saix, dame du Pojet, sans enfans, et que cette Antoinette, femme de François, estant demourée veuve et sans enfans elle ait convolé en secondes nopces avec Louis de Chalencon, qui prit le nom et armes de Rochebaron et fut père de Guillaume, marié à Magdelaine de Brion, fille de Pierre de Brion et de Louise d’Estrabonne, père de Claude, seigneur de Rochebaron, allié à Suzanne de La Tour, fille de Geoffroy de La Tour et d’Antoinette de Polignac, père et mère de François de Rochebaron[18], marié à Jacqueline de Lévis, fille de Gilbert de Lévis, seigneur de Ventadour et de Suzanne de Laire, dame de Cornillon, dont un fils, François, seigneur de Rochebaron, dont François second, seigneur de Rochebaron, marié à Marguerite d’Aumont, fille de Jean, mareschal de France et d’Antoinette Chabot, père et mère de dame Antoinette de Rochebaron, mariée à Claude des Serpents, comte de Gondras, qui en eut trois filles : Suzanne des Serpents, première femme de Louis Armand, vicomte de Polignac, chevalier des deux ordres ; Catherine des Serpents, épouse de Louis de La Rochefoucault, comte de Laurec, dont un seul fils, Charles, marquis de Rochebaron ; Gabrielle des Serpents, femme de Louis Antoine de Rochefoucault, comte de Gondras, puisné de Louis, qui en a cinq enfans : Charles-Ignace, Charles-Louis, Louis-Charles, Jeanne-Louise, religieuse, Jacqueline, religieuse.


Les seigneurs d’Usson[19], du nom de Rochebaron.

Georges de Rochebaron, contemporain de nostre moine, qui vivoit à l’Isle-Barbe l’an MCLXXXVI est celuy qui a donné naissance à ceste branche, et de luy descendoit Ponchon ou Poncet de Rochebaron, seigneur d’Usson, sur les limites du Forez ou de l’Auvergne, dont ce lieu est la porte, à raison de quoy il a esté appelé Usson quasi ostium, que nous disons en vulgaire un huis. Outre cette terre, qui est fameuse, il possédoit encore le Mas de Boleine en Forez, duquel il fit hommage au comte, le vingt septiesme février l’an MCCXLVIII. De celuy-là descendoit par degrés Armand de Rochebaron, seigneur d’Usson, qui vivoit l’an MCCCXXXIX, estant dès ce temps père de Guillaume, dit Billaud de Rochebaron, seigneur d’Usson, qu’il avoit eu de Maragde de Vissac, fille de Silve, seigneur de La Brosse, Vissa ou Vissac. Cet Armand devoit estre décédé l’an MCCCXLVI, car en ce temps, Guillaume, son fils, seigneur d’Usson, advoua du comte de Forez son château situé autrefois près de la terre de Bousac, et l’année suivante, Guigues de Rochebaron, parent de ce Guillaume, reprit du comte le temporel de son prieuré de La Chaumeclare.


Les seigneurs de Berzé en Masconnois, du nom et armes de Rochebaron.

Pierre de Saint Julien, qui a donné la généalogie de cette branche, la fait sortir d’un Jean de Rochebaron, comte de Forez, mais cette qualité, qui n’est appuyée d’aucun titre, et qui est assez détruite par ce que nous avons dit cy dessus, les alliances qu’il donne à Briand, Henry et Macé de Rochebaron, sont si peu raisonnables, qu’on peut dire de cette généalogie, qu’elle est plustost un songe d’un homme endormy qu’une véritable histoire.

Toutes ces alliances estant donc fabuleuses, je commence ceste petite narration par Macé de Rochebaron, dont l’existence est indubitable, comme nous apprenons de l’histoire du mareschal de Boucicaut, lequel il accompagna en diverses courses qu’il fit sur les mers du Levant et notamment au port de Roquebrune, où il donna la chasse à quatre galères turques qu’il y trouva ancrées après les avoir combattues, et où Macé de Rochebaron et Jean d’Ony, qui commandoient à la proue de la galère du général, eurent beaucoup à travailler, à cause de l’inégalité de nos forces eu esgard à celle des ennemys.

Au reste, je ne voudrais pas dénier que ce Jean de Rochebaron, prétendu comte de Forez, Brian, Henry et Macé de Rochebaron n’ayent véritablement esté et qu’ils ne soyent sortis cadets de la branche des seigneurs d’Usson en Auvergne, à raison de quoy on les appelle les Rochebaron d’Auvergne, pour les distinguer de ceux de Forez, mais je peux assurer que Pierre de Saint-Julien ne trouvant point leurs alliances, il leur en a forgé de sa teste jusques à ce Macé de Rochebaron, de qui la femme, Alix de Roussillon, près Perpignan, n’estoit point niepce d’un duc de Bretagne et encore moins de la maison d’Aragon dont on luy donne les armes, mais bien plustost de celle de Roussillon en Dauphiné, qui estoit illustre et portait eschiquetté d’argent et d’azur à une bordure de gueulles, dont quelques puisnez s’estant venus loger en Bourgogne, ils se distinguèrent de ceux-là par un escusson lozengé d’argent et d’azur, quelquesfois sans bordure, et quelquesfois avec la bordure de gueulles. Or, cette alliance l’ayant attiré au service des ducs de Bourgogne, qui n’estoient pas bien avec les ducs de Bourbon, lors comtes de Forez, il abandonna son pays natal pour suivre les Bourguignons, dont il se trouva bien avec le temps, tant il y a qu’il eut un fils de cette alliance : Antoine de Rochebaron, seigneur de Berzé.

Ve degré. — Pierre de Saint-Julien se trompe encore en cet endroit, car il donne pour femme à Antoine de Rochebaron, Philippes de Bourgogne, qu’il a cru fille de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, lequel fit ce mariage, en faveur duquel il donna à Antoine de Rochebaron, son escuyer tranchant, la terre de Joncy et cent livres en fonds de terre au païs d’Arthois. Cette demoiselle pourtant n’estoit pas sa fille, mais bien du duc Jean son père, comme ont remarqué Messieurs de Sainte-Marthe, qui dattent le mariage du pénultième juillet MCDXXIX. Il en sortit deux fils et une fille.

6. Claude de Rochebaron a continué la lignée.

6. Jean de Rochebaron a eu des enfants qui se verront ensuitte.

6. Jeanne de Rochebaron épousa Antoine d’Anglure, seigneur dudit lieu, advoué de Thérouenne, fils d’Estienne d’Anglure et de Jeanne Choiseul, fille d’Amé, sire de Choiseul, et de Claude de Grancey.

VIe degré. — Claude de Rochebaron contracta mariage avec Guye d’Anglure, sœur d’Antoine d’Anglure[20], son beau-frère. Elle estoit veusve de Pierre Palatin, seigneur de Dio, dont il eut deux fils et une fille.

7. François de Rochebaron a eu postérité qui vient ensuitte.

7. Jean de Rocheharon, seigneur de Joncy, marié à Péronne de Malain.

7. Claude de Rochebaron, épouse de François d’Andelot[21], seigneur de Pressia, Marmont, des Verneys, Montfort et Borsia, fils de Louis d’Andelot, seigneur de Pressia, et de Catherine de Mondragon.

VIIe degré. — François de Rochebaron doit estre celuy qui épousa Guyonne de Saint Belin, fille aisnée de Geoffroy de Saint Belin, seigneur de Saxefontaine et de Marguerite de Baudricourt, sœur du mareschal de France, laquelle estant décédée sans enfans il convola en secondes noces avec Louise Hugonnet de Saillant, fille du bon chancelier Hugonnet, dont un fils et une fille.

8. Philibert de Rochebaron, héritier ; a continué la lignée.

8. Claude de Rochebaron, femme de Christophle, premier du nom, baron de Rabutin, et de Sully, seigneur de Bourbilly, fils de Claude de Rabutin, seigneur d’Espiry et de Barbe Damas de la Bazolle.

VIIIe degré. Philibert de Rochebaron épousa Catherine de Roussillon, fille d’Antoine de Roussillon, chevalier, seigneur de Savigny et de Rochetaillée, et de Marguerite de Saint Seine. Elle estoit veusve de Jean, seigneur de Lugny et de Leyssard, qui l’avoit épousée le vingt-quatriesme février MDXV. Il en eut deux fils.

9. Georges de Rochebaron, héritier, a continué la postérité.

9. Jean de Rochebaron, seigneur de Joncy en Charrollais, tué à la défaite du duc d’Aumalle par le marquis Albert de Brandebourg.

Georges de Rochebaron : il espousa Claire de Choiseul, de la maison de Clémont, qui le fit père des deux fils qui suivent[22].

IXe degré. — 10. René de Rochebaron, héritier.

10. Guillaume de Rochebaron eut son partage en Beaujollois, consistant en plusieurs rentes nobles dans les paroisses de Pradines, Saint Vincent de Boisset et de Saint Sire de Favières dont il bailla dénombrement au mois d’avril MDLVII. C’est de luy vraisemblablement que descendoit Geoffroy de Rochebaron, mari de Gabrielle de La Ray.

Xe degré. —[23] René de Rochebaron, comte de Berzé, contracta mariage avec Française d’Aumont, fille de Jean d’Aumont, mareschal de France, comte de Chasteauroux et d’Antoinette Chabot, dont il eut un fils.

XIe degré. — Philibert de Rochebaron, comte de Berzé, etc. Il est mort sans alliance et sa mère luy ayant succédé, elle donna à Antoine d’Aumont, son neveu, fils de son frère, le comté de Berzé, à la charge de prendre les noms et armes des Rochebaron. Il est mort duc, pair et mareschal de France.


Les seigneurs de Lignon, du nom de Rochebaron.

6. Jean de Rochebaron, chevalier, seigneur de Lignon, second fils d’Antoine de Rochebaron, seigneur de Berzé et de Joncy en Charrollois et de Philippes, donnée de Bourgogne, épousa Jeanne de Planque, fille de messire Jean de Planque[24], chevalier, seigneur dudit lieu. Olivier de la Marche fait honorable mention de ce seigneur liv. II, chap. XII de ses Mémoires. Il laissa un fils.

7. Jean de Rochebaron, seigneur de Planque, de Lignon et de Borelval, épousa Michelle de Monchy, fille du seigneur de Montcavrel, et en eut un fils et deux filles[25].

8. Louis de Rochebaron.

8. Gabrielle de Rochebaron espousa en premières noces Gilles, seigneur de Soicourt et, en second lieu, Pierre de Longueval, seigneur de Landas, capitaine de cinquante hommes d’armes, fils de Pierre, seigneur de Longueval, et d’Isabelle, héritière de Landas.

8. Yolande de Rochebaron épousa Louis de Rouvroy, seigneur de Saint-Simon, fils de Jean de Rouvroy et de Marguerite de La Trémouille Dours.

VIIIe degré — Louis de Rochebaron, du consentement duquel Jean, son père, vendit la terre de Planque à Jean de La Brique l’an MD. Ce Louis de Rochebaron parut avec honneur dans la guerre d’Italie, sous le règne de François Ier qui en faisoit cas. Il mourut sans lignée et même sans alliance et avec luy finit cette branche.


II

Extrait de l’origine des Bourguignons par Pierre de Saint-Julien, p. 312.

Berzé. Le seigneur de ce lieu est estimé l’un des quatre premiers barons du Masconnois. Il a sa maison peu détournée du grand chemin tendant de Mascon à Cluny, mais beaucoup plus près de Cluny. Les anciens seigneurs dudict lieu portoient le nom de Berzé et leurs armes estoient de gueulles, à trois estoilles d’or, selon que je l’ay apprins par une sépulture qui est dans l’abbaye de Tournus, en la chapelle Sainct-Georges. Là, sur une large tombe, est gravée l’effigie d’une dame en atour tel que les princesses le portent encore à présent le jour de leurs nopces, et autour de ladicte tombe, sont les motz : Cy gist Simonne de Berzé, qui fut femme de mon seigneur Mille de Frélois, qui trespassa l’avant-veille de Saint-Andrié, l’an MCCCXXVII. Ledict seigneur de Frélois ou Frolois (selon le langage de Bourgongne) estoit d’un puisnay de la maison de Bourgongne et en portoit les armes, sans autre différence que d’une dentelure autour du bord.

Depuis la maison de Berzé est escheüe à ceux de Rochebaron, issuz des Rochebaron d’Auvergne, maison à présent possédée par ceux de Chalancon, qui ne sont plus ny du nom ny des armes de Rochebaron ; pourtant en est devenu chef le sieur de Berzé qui porte de gueules à un chef eschiqueté d’argent et d’azur. Le présentement seigneur de Berzé est nommé René de Rochebaron, fils de messire Geoffroy de Rochebaron, chevalier, et de dame Claire de Choyseul, fille du sieur de Clémont.

Geoffroy fut fils de Philibert de Rochebaron et de Catherine de Rossillon, dame de Roche-taillé, ayant auparavant esté mariée en la maison de Lugny.

Philibert de Rochebaron, seigneur de Cenves, Berzé, etc., fut fils de François de Rochebaron et de Louise de Saillant, fille du bon sieur de Saillant, chancelier de Bourgogne.

François fut fils de messire Claude de Rochebaron, chevalier, et de dame Guye d’Anglure, auparavant veusve de messire Pierre, palatin de Dyo, et déjà dame de Joncy, selon qu’il appert par son épitaphe sauvée de la ruyne des Jacobins de Mascon, où elle avoit esté enterrée.

Claude fut fils de messire Antoine de Rochebaron et de dame Philippe, bastarde de Bourgongne, donnée du bon duc Philippe, qu’aucuns tiennent luy avoir donné la terre de Joncy en mariage.

Antoine fut fils de messire Macé de Rochebaron et de dame Alis de Rossillon, près Perpignan, niepce du duc de Bretaigne, et portoit les armes d’Aragon.

Macé estoit fils de Henry de Rochebaron et de dame Marthau-Ville de La Cueille, dit du Drac, en Auvergne.

Henry estoit fils de Bryen de Rochebaron et de dame Jeanne, sœur de messire Robert, dauphin d’Auvergne.

Bryen fut fils de messire Jean de Rochebaron, comte de Forest, seigneur si puissant que, selon le récit de Froissart, il livra une bataille au roy de France.

Berzé est l’ancien estoc de ceste branche de Rochebaron. — Cenves est une pièce de la baronnie de la Beau-Joulois. — Joncy, mariage d’une femme. — Rochetaillé fut le partage de Catherine de Rossillon, fille d’un seigneur dudit lieu et d’une fille de Sainct-Seigne sur Vigenne. — Lis est un acquest faict du seigneur de Saillant, qui est ce que j’ay apprins des affaires de Berzé, par la familière amitié que j’ay eue avec le feu seigneur du dict lieu.


III

Extrait du Dictionnaire de la noblesse de La Chesnaye des Bois.

Roche-Baron (de la) en Forez, diocèse du Puy. C’est le chef-lieu d’une baronnie, qui s’étend sur les deux rives de la Loire et comprend en partie les paroisses de Bas en Basset, Merle et Saint-Hilaire en Forez, avec Monistrol en Velay. L’abbé de Saint-Cyr, conseiller d’estat et aumonier de feu madame la Dauphine, est seigneur et baron actuel de la Rochebaron.


IV

Extrait de la généalogie des Polignac branche des marquis de Chalencon, dans l’histoire des Pairs de France, par Courcelles ; notices des Pairs, p. 148.

VIII. — Louis, baron de Chalencon, dit Armand XII, vicomte de Polignac, chevalier, seigneur de Beaumont, chambellan du duc de Bedfort, régent en 1420[26], avait épousé, en 1419, Isabeau de La Tour, fille de Bertrand V, seigneur de La Tour et de Marie de Boulogne, comtesse d’Auvergne. Il assista, en 1430, au contrat de mariage de Louise de La Tour avec Tristan de Clermont-Lodève et fut présent aux États de la Basse-Auvergne tenus à Montferrand au mois de février 1438 (Titre origin. aux archives de M. de Courcelles). Il eut de son mariage :

1. Guillaume, dit Armand XIII, dont l’article viendra,

2. Antoine de Chalencon, chevalier, seigneur de Beaumont, légataire en 1474 de Jeanne de Chalencon, sa sœur, comtesse de Villars. Il avait épousé vers l’an 1440 Antoinette de Rochebaron, veuve en premières noces de François de Rochebaron, seigneur de Saint-Pal et fille de Guigon, seigneur de Rochebaron. Leurs enfans furent :

A. Louis de Chalencon, seigneur de Rochebaron, mort sans postérité.

B. Guillaume de Chalencon, seigneur de Beaumont et Rochebaron en 1475. Il rendit hommage en 1493 pour le chasteau des Plantes, mouvant de la baronnie de Mercueur. Il avait épousé, vers l’an 1480, Catherine ou Madelaine de Brion, fille de Pierre de Brion, seigneur du Chaylard et de Louise d’Estrabonne. Leurs enfans furent :

A. Claude de Chalencon, seigneur, baron de Rochebaron et de Montauroux, seigneur du pays de Livradais, marié vers l’an 1509 avec Suzanne de La Tour-Montgascon, fille de Geoffrol de La Tour, 2e du nom, seigneur de Montgascon et d’Anthonie de Polignac-Chalencon. De ce mariage sont nés :

I. François de Chalencon, chevalier, seigneur, baron de Rochebaron, qui épousa, le 11 juillet 1543, Jacqueline de Lévis, fille de Gilbert II de Lévis, comte de Ventadour, baron de Lavoûte, etc., panetier du roi Francois I, et de Susanne de Lair, dame de Cornillon. De ce mariage sont issus :

AA. François de Chalencon, vicomte de Rochebaron, marié, avant l’année 1585, avec Marguerite d’Aumont, morte en 1626, fille de Jean d’Aumont, sixième du nom, comte de Chasteau-Raoul, baron d’Estrabonne, maréchal de France, et d’Antoinette Chabot.

De ce mariage est née : Antoinette, dite de Rochebaron, mariée avec Claude des Serpens, comte de Gondras, dont elle eut trois filles : la première, mariée dans la maison de Polignac et les deux autres dans la maison de La Rochefoucauld.


V

Philippe de Bourgogne, femme d’Antoine de Rochebaron.

Lacurne de Sainte-Palaye, dans ses Mémoires sur l’ancienne Chevalerie, Paris, 1783, t. II, pp. 183 et suiv., a publié un vieux manuscrit sur les Honneurs de la cour. Ce code de l’étiquette fut rédigé par Aliénor de Poitiers, fille de Jean de Poitiers, seigneur d’Arcy, et d’Isabeau de Souza. Isabeau de Souza, issue d’une vieille famille de Portugal, vint à la cour de Bourgogne avec Isabelle de Portugal, mariée au duc Philippe-le-Bon le 10 janvier 1429. Aliénor de Poitiers mit par écrit toutes les règles du cérémonial suivi par la cour fastueuse où elle vécut elle-même jusqu’à l’époque de son mariage avec Guillaume, seigneur de Stavèle et vicomte, puis comte de Furnes en Flandre.

Entre autres événements de cour qu’elle put voir de ses propres yeux, la comtesse de Furnes décrit avec toute sorte de détails les fêtes du baptême de Marie de Bourgogne, fille de Charles, comte de Charolais, plus tard duc de Bourgogne sous le nom de Charles-le-Téméraire, et d’Isabelle de Bourbon, sa seconde femme. La princesse Marie, qui devait en 1477 épouser Maximilien d’Autriche, naquit à Bruxelles le 13 février 1457. Elle fut baptisée dans l’église de Coberge, par l’évêque de Cambrai, en présence de sa grand’mère, Isabelle de Portugal, de son père, le comte de Charolais et d’une foule de seigneurs, grandes dames et hauts personnages du monde et de l’Église. « En cet estat, dit la comtesse de Furnes, p. 232, fut porté et rapporté l’enfant, lequel fut prins en la chambre de parement et fut rapporté en la chambre de madame de Charrolois, couchée en son grand lict, lequel estoit à la droite main, paré comme ci-dessus s’est dist, et toutes les dames et damoiselles, seigneurs et gentilshommes y entrèrent jusques la chambre fut pleine.

Et là, quand Madame la duchesse (Isabelle de Portugal) fut deschargée de l’enfant, lequel fut baillé à la nourrice par madame de Berzé, qui en avoit le gouvernement, madame la duchesse vint dehors les courtines, là où elle et monsieur le Dauphin avoient présenté à madame de Charrolois son enfant, etc. »

Circonstance curieuse ! Louis XI, qui n’était encore que dauphin et s’était retiré en Brabant à la suite de sa brouille avec son père, joua l’un des premiers rôles dans les fêtes du baptême. « Madame la duchesse de Bourgogne, dit la vicomtesse de Furnes, p. 230, grand’mère de l’enfant, l’apporta aux fonts et l’addextra Monsieur le Dauphin luy seul et ouys lors dire ceux qui s’y cognoissoient que Monsieur le Dauphin addextrait seul l’enfant, pour ce qu’on n’eust sceu trouver son pareil pour l’addextrer à l’un des costés de Madame, lequel honneur estoit fort grand, comme j’ouys dire. »

Louis XI addextrant dans son berceau cette petite princesse qu’il devait plus tard entourer de pièges et abreuver de chagrins, c’est là une de ces ironies dont le tableau mouvant de l’histoire est si prodigue. Ne soulignons ici que ce qui vise les Rochebaron. La dame de Berzé-le-Chatel, gouvernante de Marie de Bourgogne, prit une part très active aux magnificences du baptême princier. Philippa, la bâtarde de Jean-sans-Peur, comme l’indique une note de Lacurne de Sainte-Palaye, ibid., p. 282, mourut en 1461 et son mari, Antoine de Rochebaron, en 1463.


VI

Extrait du nobiliaire de Picardie, par Handiquert de Blancourt, Paris, 1695, in-4o, p. 17.

Louis-Marie d’Aumont de Rochebaron, duc d’Aumont, pair de France, marquis de Villequier, d’Isles et de Nolay, comte de Berzé, baron de Chappes, de Rochetaillé, de Joncy, d’Estrabonne et autres lieux, chevalier des Ordres du roy, premier gentilhomme de la chambre, gouverneur du païs Boulonnais et gouverneur particulier de Boulongne, Tour d’Ordre, Estapes et Fort de Monthullin, cy-devant capitaine des gardes du corps du roy, né le 9 décembre 1632, marié en premières noces, le 21 novembre 1660, avec Madelène-Fare Le Tellier, morte le 22 juin 1668, fille de Michel Le Teiller, marquis de Barbezieux, seigneur de Chaville, Villacoublay, La Ferté-Gaucher et autres lieux, grand trésorier des Ordres du roy, ministre et secrétaire d’Estat, puis chancelier de France ; et d’Elisabeth Turpin de Vauvredon, de laquelle il a Louis d’Aumout de Rochebaron, marquis de Villequier, premier gentilhomme de la chambre du roy, en survivance de M. le duc d’Aumont, son père, dont il prêta le serment le 7 avril 1683 et qui a épousé Olimpe de Brouilly, marquise de Piennes, fille aînée d’Antoine de Brouilly, marquis de Piennes, comte de Mondidier et de Lannoy, seigneur de Mesvilliers, etc., chevalier des Ordres du roy, lieutenant-général de ses armées et gouverneur de Pignerol ; Madelène Elisabeth Fare d’Aumont, mariée le 14 octobre 1677 à Henry, marquis de Béringhen, premier escuyer du roy, et Anne-Charlotte d’Aumont, qui a épousé, le 4 février 1683, François Joseph, marquis de Créquis et de Marines. Et, en secondes noces, M. le duc d’Aumont s’est allié, le 28 novembre 1669, avec Françoise-Angélique de La Mothe-Houdancourt, fille aînée de Philippe de La Mothe-Houdancourt, duc de Cardonne, comte de Beaumont-sur-Oise, maréchal de France, vice-roy et lieutenant général des armées de Sa Majesté en Catalogue, et de Louise de Prie, marquise de Toucy, gouvernante des enfans de France, de laquelle il a eu entre autres un fils, Louis d’Aumont de Rochebaron, marquis de Chappes, né le 30 mars 1671 et marié avec Julie de Crevant-d’Humières, damoiselle de Mouchy, qui lui a porté le titre de duc d’Humières et qui doit passer à ses descendants à la charge des nom et armes. Elle est fille de Louis de Crevant, duc d’Humières, pair, maréchal et grand maître d’artillerie de France, chevalier des Ordres du roy, gouverneur et lieutenant-général pour Sa Majesté de la Flandre françoise, et de Louise-Antoinette Thérèse de La Chastre.

Charles d’Aumont, abbé d’Uzerches et de Longuevilliers, né le 30 novembre 1634, est frère du duc, et Anne-Louise d’Aumont, leur sœur, née le 9 novembre 1638, est veuve de Charles, comte de Broglio, gouverneur d’Avesne et lieutenant-général des armées du roy, d’une noble maison de Piémont, qu’elle épousa au mois de juillet 1661.

Ils sont enfans d’Antoine d’Aumont de Rochebaron, duc d’Aumont, pair et mareschal de France, marquis d’Isles, de Chappes et de Villequier, comte de Berzé, baron d’Estrabonne et chevalier des Ordres du roy, capitaine de ses gardes du corps, gouverneur et son lieutenant général de Paris, de Boulogne et du païs boulonnais, qui a rendu un service continuel à la couronne depuis l’an 1624 jusqu’à sa mort, arrivée le 11 janvier 1669, s’estant trouvé en divers sièges, combats, batailles où partout il a donné des preuves signalées de sa valeur et sage conduite.

Ce duc fut substitué au nom et armes de Rochebaron, par René de Rochebaron, comte de Berzé, mary de Françoise d’Aumont, sa tante, duquel elle n’avoit qu’un fils, Philibert de Rochebaron et de Berzé, qui décéda jeune. Cette maison est sortie de Béraud de Forez, seigneur de Rochebaron, dont la postérité prit le nom suivant l’usage ancien, et dont l’ayeul, Jean de Forez, avoit pour frère aîné Guy, comte de Forez.

Jacques d’Aumont, baron de Chapes, père du mareschal, fut gentilhomme ordinaire de la chambre du roy et prévost de Paris, le 1er octobre 1594. Il épousa Charlotte Catherine de Villequier, fille unique et héritière de René, baron de Villequier, de Clervaux et autres lieux, chevalier des Ordres du roy, premier gentilhomme de sa chambre et gouverneur de Paris ; et de Françoise de La Mark, sa première femme. Cette illustre héritière est sortie d’une ancienne maison de Normandie, qui tire son origine de Richard, seigneur de Villequier, mentionné avec plusieurs autres chevaliers, en une enqueste faite l’an 1190 pour la régale de l’archevêché de Rouen.


VII

Extrait de la généalogie des La Rochefoucauld, dans l’Histoire des Pairs de France, par de Courcelles, p. 89.

Louis de La Rochefoucault, comte de Lorac, marié avec Catherine des Serpens, fille de Claude des Serpens, Comte de Gondras, et d’Antoinette de Rochebaron. Ils ont laissé :

A. Charles-Ignace de La Rochefoucauld, marquis de Rochebaron, marié avec Madeleine d’Escoubleau, fille de Pierre d’Escoubleau, marquis de Sourdis, seigneur de Sury en Forès et de la Chapelle, capitaine au régiment des gardes françaises, et lieutenant du roi en Maconnais, et de Marie-Chrétienne de Crémeauz d’Entragues. Elle mourut au mois de février 1720. De ce mariage sont provenus :

I. — François de La Rochefoucauld, marquis de Rochebaron, commandant pour le roy à Lyon et en Lyonnais, Forès et Beaujolais, marié en 1764 avec Marie-Anne Joachime de Foudras et décédé à Lyon, sans enfans, le 26 décembre 1766, à 89 ans.

II. — Charles de La Rochefoucauld, capitaine au régiment de Sully-Cavalerie, marié avec N… de La Rochefoucauld de Gondras, sa cousine, dont il eut un fils, mort de la rougeole, au collège d’Harcourt, à Paris, le 15 septembre 1732.

III. — Joseph-Jean-Baptiste de La Rochefoucauld, dit l’abbé de Rochebaron, vivant le 10 avril 1766.

IV. — Bénigne-Constance de La Rochefoucauld, née le 12 juin 1683, morte le 30 septembre 1723, religieuse aux Dames de la Visitation, rue du Bac, à Paris.

B. Marie-Catherine de La Rochefoucauld,

C. Henriette de La Rochefoucauld,

D. Françoise de La Rochefoucauld, vivantes le 10 septembre 1679.


VIII

Extrait des Archives départementales de la Côte-d’Or.

Les comptes de Pierre Gorremond, receveur général des finances du roi de France (1417-1420) ; ceux de Jean de Noidan, receveur général des finances du duc de Bourgogne (1418-1419) ; ceux de Guy Guilbaut, son successeur (1419-1421) ; ceux de Jean Fraignot, receveur général du duché et du comté de Bourgogne (1418-1420), sont absolument muets sur le compte des sires de Rochebaron. On trouve seulement dans le compte de Jean Fraignot (1419-1420, B. 1606, fo 203), le paiement d’une somme de 1,700 livres à « Guigue, sire de Salenove, capitaine et chef des gens d’armes, » pour la solde des compagnies, hommes d’armes et de trait qu’il a promis mener devers mondit seigneur le duc, là où il sera, ou plus grant nombre qu’il pourra, pour servir le roy. Le tout par mandement du duc, donné à Dijon, le 23 juin 1420. »

Le compte de Mahieu Regnault, successeur de J. Fraignot (1431-1432 B. 1649, fo 73), signale le paiement de 104 francs et demi « pour don fait par Mgr le duc à Anthoine de Roiche Baron, escuier, son chambellan pour et en récompense de pareille somme qu’il a paiez pour les despens de quatre prisonniers tenant le party des adversaires de mondit seigneur, lors estans à la Charité-sur-Loire, qui naguère lui ont esté donnez a la requeste de mondit seigneur, par ceulx ausquels ils appartenoient, lesquels il a amenez en pays de Bourgogne pour soy en aydier au recouvrement de Roiche Baron, son père, détenu par lesdicts adversaires. »

Au fo 58 du compte de J. de Visen, receveur général de Bourgogne (1440-1441, B. 1677), figure le remboursement de « la somme de 6,000 livres payée a Antoine de Roiche Baron, escuier, conseiller et chambellan de mondit seigneur, et a demoiselle Philippe de Bourgoingne, seur bastarde de mondit seigneur et femme dudit Anthoine, sur la somme de 40,000 livres a eulx due par mondit seigneur, pour le rachat de la terre d’Avennes que mondit seigneur avoit donnée en mariage a sadite seur bastarde. »

Dans le compte du même, de 1450-1451 (B. 1720, fo 55), figure le don de 4,000 ecus d’or fait par le duc « à messire Anthoine de Roichebaron, sieur de Berzé, chevalier, conseiller et chambellan, pour employer et convertir en bien et avancement du mariage de demoiselle Jeanne de Roichebaron, sa fille, avec messire Anthoine, sieur d’Anglure, chevalier, advoué de Thérouanne. »

Le compte de Hugues de Faletans, receveur général de Bourgogne (1460-1461, B. 1747, fo 73), mentionne le paiement à « messire Anthoine de Roiche Baron, chevalier, seigneur de Lignon et de Berzy, conseiller et chambellan du duc, de la somme de 728 francs pour arrérages de la somme de 36 sols par jour, qui lui avaient esté assignés, sa vie durant, pour ses gages. »

Au compte du même (1461-1462, B. 1750, fos 96 et 97), mention du paiement au même d’une pareille somme pour ses gages. « Audit messire Anthoine de Roichebaron, messire Claude de Roichebaron, chevalier, seigneur de Cenne, et Girard de Roichebaron, escuier, enffans dudit messire Anthoine, du corps de feue noble dame Philippe, bastarde de Bourgoingne, la somme de 211 francs, due à ladite dame à cause de la somme de 18 sols par jour, que le duc, par ses lettres patentes données à Bruxelles, le 3 janvier 1459 (1460, n. s.), lui avait assigné, sa vie durant, sur la recette de Bourgogne. »

Il semble résulter de ces mentions diverses qu’Antoine de Rochebaron étoit bien jeune en 1419 et que, s’il assista au siège du Puy avec son parent Héracle, il ne put jouer dans cette échauffourée qu’un rôle très subalterne.


IX

M. l’abbé Fraisse a fait dans les Tablettes, V, 424 et suiv. ; l’histoire de la seconde famille seigneuriale des Rochebaron de Bas. Il nous est permis, à l’aide de quelques titres, de compléter, sur deux ou trois points, l’excellente notice du vaillant et modeste érudit. Les Chalencon-Rochebaron avaient acquis, en Auvergne, de vastes domaines par le mariage qui eut lieu, le 27 janvier 1500, entre Claude de Chalencon, seigneur de Rochebaron, et Suzanne de La Tour d’Auvergne et de Boulogne, fille de Geoffroy II de La Tour Montgascon. Claude de Chalencon était devenu un seigneur de premier ordre, ainsi qu’en témoigne la lettre suivante, adressée par le connétable de Bourbon au vicomte de Turenne : « À mon cousin, le vicomte de Turenne. — Mon cousin, Madame vous escript comment elle fait mander l’arrière-ban d’Auvergne pour plus aisément accomplir vostre bande et celle de Monsieur de Rochebaron. Je le fays aussi mander en quelques autres lieux circonvoisins en ensuivant la commission que j’en ay du roy. Vous en pourrez prendre du meilleur en droit. Et ce qui sera à vous et à Monsieur de Rochebaron sera exempt pour ceste foys dudit arrièreban. Toutesfois, je vous prye que à la plus grant diligence que fère se pourra fetes marcher vostre bande vers Desise, où j’espère estre le XII de ce moys, pour d’illec aller devers ledit seigneur, qui m’escript que son affaire requiert estre promptement servy. Et adieu, mon cousin, qui vous doint ce que plus vous désirez. Escript à Aigueperse le premier jour de septembre (1521). Vostre cousin, Charles[27].

Les terres d’Auvergne servirent maintes fois à doter les puînés ou filles de maison de Rochebaron. Jean de Chalencon-Rochebaron, fils de Claude et de Suzanne de La Tour, eut beaucoup d’enfants. L’un de ses fils, Christophe, reçut en partage les terres de Riolx ou Rioux, Boutonargues, Pontempeyrat et Roche-Savine en Auvergne, et de Châteauclos et Sarras en Vivarais. Ce Christophe de Rochebaron fut, à tout prendre, une assez triste pièce. De nos jours il eut eu des malheurs en justice. De son mariage, qui a tout l’air d’un concubinage, avec une femme nommée Catherine Cheynac, il eut un fils, Balthasard, héritier de tous les titres de son père et aussi de quelques-uns de ses vices, plus une fille du nom de Florie.

Le 20 juin 1591, fut dressé le contrat de mariage de puissant seigneur, Antoine de Montivéry, seigneur de Marmignac ou Maringnat, et de Florie de Rochebaron. Balthasard de Rochebaron intervint dans l’acte et constitua à sa sœur germaine six cent soixante-six écus pour trousseau et six mille écus pour dot et chancère.

Cette première union fut de peu de durée. Le 6 janvier 1593, au château de Rioux, près Riom, et en présence de noble Jean de la Reynerie, écuyer, seigneur dudit lieu, d’Abel Croze, secrétaire du précédent, de Jean Chemynade, notaire de Marsac, et de vénérable personne, messire Mathieu de Feilheux, prêtre de ladite église de Marsac, furent dressés les articles de mariage entre dame Florie de Rochebaron, veuve d’Antoine de Montivéry, fille de feu haut et puissant seigneur messire Christophe de Chalencon-Rochebaron, et de puissant seigneur Julien de la Blanchisse, écuyer, seigneur dudict lieu, en la paroisse de Saint-Gervais, diocèse de Clermont. À ce contrat intervint haut et puissant seigneur messire Balthasard de Chalencon et Rochebaron, vicomte de Châteauclos, seigneur et baron de Rioux, Roche-Savine, Boutenargues, Sarras et Pontempeyrat, chevalier des Ordres du roi et capitaine de cinquante hommes de ses ordonnances, lequel se reconnut débiteur envers la future épouse du reliquat de la constitution dotale qu’il avait faite dans le contrat de mariage de sadite sœur avec Antoine de Montivéry.

Par deux actes des 18 et 20 décembre 1594, le vicomte de Châteauclos fit des arrangements avec sa sœur, la dame de la Blanchisse, pour les sommes qu’il lui devait.

À titre de renseignements supplémentaires M. Rocher signale comme renfermant plusieurs faits curieux sur les Rochebaron les Mémoires pour servir à l’histoire de France et de Bourgogne, par Labarre, Paris, 1729, in-4o. Dans les Tablettes, VIII, pp. 472 et 473, se trouve mentionné tout ce qui concerne les Rochebaron dans l’ouvrage de MM. Beaune et d’Arbaumont : La Noblesse aux États de Bourgogne, Dijon, 1864.

Enfin l’Inventaire des titres du comté de Forez, de Lullier, édité par M. Chaverondier, Roanne, 1860, 2 vol., contient quelques mentions sur les Rochebaron, mais ces mentions sont bien vagues pour être utilisées : elles n’indiquent point de quels Rochebaron il s’agit, et elles sont d’une date relativement moderne, des XIVe et XVe siècles.


Après la lecture de ces divers documents, M. Rocher signale, en outre, comme pouvant fournir de plus amples données sur les Rochebaron, l’Histoire de la maison d’Auvergne, par Baluze, La Chronique des châteaux et abbayes de M. de La Tour Varan, l’Histoire des comtes de Forez, par La Mure, édition Chantelause, et l’Histoire généalogique du P. Anselme[28], mais il ne croit pas utile de publier des extraits de ces ouvrages, puisque tout le monde peut se procurer à son aise Baluze, La Tour Varan, La Mure et le P. Anselme. M. Rocher renvoie, pour ce qui regarde surtout Antoine de Rochebaron, l’un des assiégeants du Puy en 1419, aux Tablettes, VIII, pp. 452 et suiv. Antoine de Rochebaron avait épousé, le 30 juillet 1429, à Arras, Philippe ou Philippote, fille naturelle du duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur. Le fils de Jean-sans-Peur, Philippe-le-Bon, se plut à combler de faveurs son beau-frère de la main gauche, et entre autres libéralités lui donna la terre de Berzé-le-Chastel en Mâconnais.

Ce château fort, dont les épaisses murailles et les solides remparts bravèrent tant de fois les assauts et les surprises, est aujourd’hui ruiné, mais ses restes suffisent pour attester son ancienne splendeur. « Ce château », dit un article du Cabinet historique[29], « situé sur une montagne, à laquelle on arrive par une vallée étroite, entouré de murs en terrasse à plusieurs étages, montre encore au visiteur une partie des tours qui le ceignaient jadis comme une couronne. Outre quatre grandes pièces qui ont été conservées, on remarque l’entrée principale garnie de ses mâchicoulis, les restes de longues galeries dans le haut et dans l’épaisseur des murs qui ferment la cour et avec lesquelles communique l’intérieur du château, et une chapelle souterraine en assez bon état. Il existe aussi des souterrains vastes et profonds, dont quelques uns ont deux ou trois voûtes superposées ; les habitants du pays croient même qu’ils se prolongent sous les montagnes des environs.

La race primitive des seigneurs de Berzé se fit remarquer par son humeur querelleuse et farouche, mais elle racheta un peu ses méfaits en donnant, au XIIIe siècle, un poète d’assez haut mérite. Hugues de Berzé prit part à la quatrième croisade et assista à la prise de Constantinople (1204). À son retour, il composa un poème satirique, où il flagella avec beaucoup de verve les travers et les vices de son temps. Cet ouvrage, qui comprend 838 vers a été publié par Méon sous le titre de : La Bible au seignor de Berzé dans son édition des Fabliaux de Barbazan. Le t. XVI de l’Histoire littéraire de la France accorde des éloges à cette production. Les descendants d’Hugues de Berzé ne continuèrent point ce pacifique commerce avec la Muse : ils se rendirent insupportables à leur voisins et vassaux. En 1264, Étienne de Berzé, écuyer, jeta les assises d’une forteresse sur le Mont Avot ; mais, sur les plaintes de l’abbé de Cluny, un ordre du roi fit raser les constructions nouvelles. Hugues de Berzé, chevalier, fut condamné à l’amende en 1282 pour avoir refusé l’accès de sa demeure aux sergents royaux, qui avaient charge d’exécuter contre lui un mandement de justice. En 1345, Geoffroy de Berzé, le dernier seigneur de sa race, eut l’audace de souffleter, au château de Vérizet, Pierre de Montverdun, archidiacre de Mâcon, et fut condamné par le parlement à brûler chaque année et à perpétuité, lui et ses successeurs, un cierge du poids de 50 livres en l’église de Saint-Vincent pour réparation de l’outrage fait à Dieu dans la personne de son ministre. Après la mort de Geoffroy de Berzé, sa succession fut disputée par son beau-frère, Jean de Frolois, chevalier, seigneur de Molinot, conseiller du roi, et son neveu, Guy de Saint-Trivier, chevalier, seigneur de Beauregard. La lutte fut vive et acharnée. Le parlement adjugea l’héritage à Jean de Frolois, mais le seigneur de Beauregard résista à cette sentence, les armes à la main, et prit d’assaut le manoir en litige. Jean de Frolois fut obligé de recourir plusieurs fois à la justice. Un mandement royal du 8 juillet 1348 ordonna au bailli de Mâcon de contraindre, par la saisie des biens, Armandon, Guillaume et Geoffroy, fils du sire de Saint-Trivier, à payer à Jean de Frolois tous les dépens de l’instance.

On ne sait comment la terre de Berzé échappa aux Frolois et fit retour à la maison de Bourgogne. Pendant la guerre des Anglais, le château fut pris en 1421 par les troupes du Dauphin. En novembre 1430, le roi de France y tenait encore garnison.

Le célèbre traité d’Arras (21 septembre 1435) stipula la restitution de cette place à Philippe-le-Bon. Antoine de Rochebaron ne devint donc maître de Berzé qu’après 1435. Après la mort d’Antoine, survenue le 16 octobre 1463, son patrimoine se divisa entre ses deux fils Gérard et Claude. Gérard eut en partage les domaines de Flandre et la co-seigneurie de Lignon en-Velay. Claude garda la baronnie de Berzé-le-Chastel. Le dernier descendant de Claude de Rochebaron fut René, comte de Berzé, neveu de Françoise d’Aumont.

Aux temps de la Ligue, René de Rochebaron et sa femme, Marguerite d’Aumont, se prononcèrent ouvertement pour Henri de Navarre. L’Annuaire administratif, statistique et historique de Saône-et-Loire, pour 1859, publié par M. Monnier, chef de division à la préfecture de ce département, contient un article très curieux sur Berzé-le-Chastel et son dernier maître, de la race des Rochebaron. Voici cet article :


Berzé-le-Châtel (arr. de Mâcon, cant. de Cluny), à 7 kilomètres de Cluny ; 1 myriamètre 6 kilomètres de Mâcon ; 5 myr. 5 kil. de Châlon. — Habitants, 162 ; maisons, 34 ; ménages, 35. — Superficie, 553 hectares, dont 144 en terres labourables, 45 en prés, 32 en vignes, 240 en bois, 43 en terres incultes. Église, vocable Saint-Sébastien, martyr à Rome. — Perception de Cluny ; bureau de poste, Saint-Sorlin.

Le château de Berzé-le-Châtel était un des plus forts du Mâconnais. Il en est fait mention dans le traité passé, en 1419, entre Charles VI, le Dauphin et le duc de Bourgogne. Ce château, qui est aujourd’hui ruiné, présente encore des restes d’un aspect imposant. Il est situé sur une montagne à laquelle on arrive par une vallée étroite. Ceint de murs en terrasses à plusieurs étages, il se montre orné de plusieurs de ses nombreuses tours et soutient de près l’effet pittoresque qu’il produit de loin. Outre quelques grandes pièces qui ont été conservées, on remarque le portail garni de ses mâchicoulis ; les restes de longues galeries pratiquées dans le haut et dans l’épaisseur des murs qui forment la cour, et avec lesquelles communique l’intérieur du château ; une chapelle souterraine assez bien conservée ; d’autres souterrains vastes et profonds, dont quelques-uns ont deux ou trois voûtes, les unes au dessus des autres. Parmi ces souterrains, il en est qui aboutissent aux tours. Les gens du peuple sont même dans la croyance que quelques-uns se prolongent dans les montagnes des environs. C’est dans ces lieux ténébreux que, d’après la tradition conservée dans le pays, un seigneur de Berzé renferma un homme et un bœuf sans nourriture, pour savoir lequel des deux vivrait le plus longtemps. Dans quelque siècle que l’on place cette expérience aussi extravagante que barbare, il faut croire, malgré tout le respect que l’on doit à la tradition, qu’elle n’a jamais eu lieu. — En 1315, Geoffroi de Berzé, homme violent et emporté, osa frapper, au château de Vérizet, Pierre de Montverdun, archidiacre de Mâcon. Le parlement ordonna que le seigneur et tout[sic] ceux qui, après lui, posséderaient la terre de Berzé, feraient brûler tous les ans, et à perpétuité, pendant l’octave de saint Vincent, dans le chœur de cette église, un cierge du poids de 50 livres, en réparation de l’outrage fait à Dieu dans la personne de son ministre. — Le château a figuré dans les guerres civiles et religieuses qui ont désolé le Mâconnais comme tant d’autres provinces. Le duc de Bourgogne y avait garnison. Les troupes du Dauphin, depuis Charles VII, le lui enlevèrent en 1421, et de là fatiguèrent le pays jusqu’à ce que les Bourguignons le reprissent : ce qui n’eut lieu qu’à plusieurs années de là. On voit, en effet, dans les registres secrétariaux de Mâcon « qu’au mois de novembre 1430, le conseil de ville députa à Dijon, auprès du maréchal gouverneur de Bourgogne, pour exposer que le pays de Masconnois estoit en voye de perdition se pourveu n’estoit à rebouter les ennemis qui tenoient Mazilles et Berzé et détruysoient ledit pays. »

Dans le siècle suivant, non moins fécond en désastres, ce château lutta, pendant plusieurs années, contre les efforts du parti de l’Union catholique. Il était défendu par le seigneur de Rochebaron, seigneur de Joncy et de Berzé, qui fut un fidèle champion du parti royaliste. Les habitants de Mâcon eurent beaucoup à souffrir de son voisinage. Plusieurs fois cette ville, qui était au pouvoir du duc de Mayenne, envoya des troupes pour en faire le siège. La femme du sieur de Rochebaron commandait le château en l’absence de son mari qui guerroyait dans le pays. Nous extrayons des annales inédites de Mâcon les passages ci-après qui se rattachent à l’histoire de cette maison forte. On y lit qu’au mois d’octobre 1689, le receveur des tailles s’étant plaint au gouverneur de cette ville de ce que les villages sujets du seigneur de Berzé refusaient de payer les cotes auxquelles ils étaient imposés pour les munitions, « M. de Varennes écrivit une lettre fort honnête à Mme de Rochebaron, qui lui fit une réponse fort fière et lui manda qu’elle avait défendu à ses villages de soulager les traîtres de Mâcon, et que, si l’on entreprenait quelque chose contre eux, elle saurait bien s’en venger. Le gouverneur fut tellement piqué qu’il fit enregistrer cette lettre, afin de justifier du peu d’affection que cette dame avait pour l’Union. » Le seigneur de Rochebaron donnait refuge dans son château à tous ceux qui se disaient partisans du roi de Navarre. Il permettait à sa garnison de faire des prisonniers de toutes sortes, quoiqu’ils ne fussent point gens de guerre et surtout s’ils étaient de Mâcon. — Le 19 janvier 1590, la compagnie de M. de Varennes étant allée la nuit précédente pour forcer le château, elle revint emmenant deux soldats qui furent reconnus pour être de ceux qui avaient fait prisonnier un habitant de cette ville et lui avaient fait payer 200 écus de rançon. On les mit en prison.

Mme de Rochebaron entretenait des intelligences avec l’élu de Laporte et autres notables de Mâcon pour se faire livrer la ville par l’entremise d’un des capitaines nommé Scipion, maréchal de profession. Celui-ci avait feint d’ouvrir l’oreille à ces propositions. Il eut même avec cette châtelaine une longue conférence à ce sujet sur le pont-levis du château. Mais il arriva qu’au jour un paysan de Prissé, du nom de Dubief, qui était chargé de porter la correspondance, fut dénoncé par le capitaine. Arrêté le 21 mai 1591, on instruisit son procès, et, après qu’on lui eût inutilement infligé la torture pour lui arracher des révélations, il fut pendu sur la place de la Pêcherie.

Le 3 août suivant, M. de Nemours, qui commandait pour la Ligue, arriva à Mâcon avec 400 chevaux et 4,200 hommes de pied. Le même jour, il fit ses dispositions pour aller investir le château de Berzé où étaient le sieur de Rochebaron et sa femme. À cette occasion, il ordonna aux échevins de fournir 15,000 pains et 15 bottes de vin qui furent achetées jusqu’à 26 écus la botte. Le 6, le sieur de Rochebaron, ayant appris qu’on venait assiéger son château avec une couleuvrine, une bâtarde, une moyenne et deux fauconneaux, envoya dire à M. de Nemours, par le sieur de Locatel, qu’il demandait à capituler, à quoi le prince consentit. Les articles de la capitulation furent dressés dans les termes ci-après :

« Que la place de Berzé serait remise à M. de Nemours, dans demain, à dix heures du matin ;

Que le sieur de Rochebaron se retirerait avec ses gentilshommes, capitaines, soldats et domestiques, avec leurs armes, chevaux et bagages, où bon leur semblera ;

Que, pour sa femme, elle pourra se retirer à Joncy avec ses enfants, sous la sauvegarde de M. de Nemours, sans qu’elle puisse innover pour la fortification, ni permettre aucun acte d’hostilité, ni donner retraite à gens faisant la guerre ;

Que généralement, de la part du sieur de Rochebaron ni des siens, ne sera faite la guerre, en quelque façon que ce soit, aux catholiques, dans tous les pays du Maconnois, Charollois et Beaujollois, à peine de 12,000 écus, dont se rendront cautions les sieurs d’Essertaux, Locatel et leurs femmes, sauf que, venant une armée dans ledit pays, il lui sera permis de monter à cheval ;

Que lesdits sieur et dame de Rochebaron n’attenteront ni ne feront attenter directement ni indirectement contre la personne, maison, biens serviteurs et sujets de M. l’abbé de Cluny, aux peines que dessus, et les mêmes défenses à l’abbé de Cluny à l’égard des sieur et dame de Rochebaron ;

Qu’en sortant de ladite maison, il pourra emmener ses meubles, mais non ses munitions de guerre, blé ni vin, ni les pièces servant pour la défense de ladite maison ;

Que, pour le regard des biens appartenant aux sujets dudit sieur de Rochebaron, il leur est permis de les oter et sortir de ladite maison de Berzé, sans qu’il leur soit fait aucun tort. »

Le 9 août 1591, en vertu de cette capitulation, le sieur de Rochebaron sortit sur les deux heures après midi, enleva tous ses meubles, et ses sujets tout ce qu’ils avaient retiré au château, sans qu’il fût contrevenu en aucune façon aux articles de la capitulation.

Le même Annuaire de Saône-et-Loire contient, pp. 201, 249 et 250 deux autres articles, qui touchent aux Rochebaron :

I. Dyo (arr. de Charolles, cant. de la Clayette), à 8 kil, de la Clayette ; 1 myr. 2 kil. de CharolLes ; 8 myr. 1 kil. de Châlon ; 6 myr. 1 kil. de Mâcon. Habitants, 1,080, maisons, 219 ; ménages, 223. Église, vocable : Saint-Pierre-ès-liens.

Le village est situé près du château, sur une petite montagne, à peu de distance de la route départementale no 10, de Charolles à la Clayette. Le chef-lieu de la paroisse était autrefois au hameau de Saint-Prix où il existe une chapelle. La baronnie de Dyo a donné son nom à l’une des familles les plus illustres du pays. Un Philibert de Dyo était président au parlement de Paris sous Charles IX.

II. Joncy (arr. de Charolles, cant. de La Guiche), à 1 myr. 8 kil. de la Guiche, 3 myr. 5 kil. de Charolles, 3 myr. 6 kil. de Châlon, 3 myr. 8 kil. de Mâcon, etc.

Situé dans un riche vallon et traversé par la route départementale no 3, de Châlon à Charolles, Joncy était une des quatre anciennes baronnies du Chârollais. Cette dernière baronnie, longtemps possédée par les comtes de Châlon, fut cédée, en 1279, par le duc Robert II à Robert de Clermont, comte de Charollais. Elle passa ensuite aux palatins de Dyo, puis aux Rochebaron. Saulx-Vantoux battit, en 1562, un parti des Huguenots au pont de Joncy.


Lors de la main-mise, pratiquée le 18 septembre 1419, par les officiers de la duchesse de Bourbon, comtesse de Forez, sur la forteresse de Bas et au préjudice d’Élide de La Roue, veuve d’Héracle de Rochebaron, on fit sortir du manoir divers personnages qui le gardaient pour le compte de la faction de Bourgogne et à leur tête Massier de Doia, domicellus, dominus dicti loci de Doia… Les Tablettes, V, p. 573, en commentant le procès-verbal de saisie, traduisent Doia par Doye. Ce capitaine du château, appelé dans le titre : dominus de Doia, n’appartenait-il pas à la famille de Dyo ?

La terre de Joncy entra de bonne heure par un mariage dans le patrimoine des Rochebaron de Berzé.


Le chercheur, qui se promène à travers les âges passés, ressemble au touriste conduit par sa bonne fortune dans une contrée inconnue et charmante. Le voyageur découvre à chaque instant des sites nouveaux, des points de vue ignorés, des coins silencieux où se cachent des révélations. Ainsi du chercheur. Les vieux livres, les antiques manuscrits, même les ouvrages modernes lui apportent mainte surprise. Ils ne trouve pas ce qu’il désire et met la main sur ce qu’il n’espérait pas. Une trouvaille jaillit à côté d’une déception. Voilà, par exemple, cet Annuaire de Saône-et-Loire. Nous pensions y découvrir plus d’une curiosité sur les Rochebaron, transplantés du Velay et du Forez en pleine Bourgogne. Notre attente a été un peu déçue, mais, en revanche, un article nous saute aux yeux :

La Motte-Saint-Jean, chef-lieu de commune, canton de Digoin, arrondissement de Charolles, à 2 kil. de Digoin, 2 myr. 6. kil. de Charolles, 9 myr. 5 kil. de Chaton, 7 myr. 7 kil. de Mâcon. Habitants, 1,703 ; maisons, 440 ; ménages, 441. Église, vocable : Saint-Saturnin. Ce bourg, très ancien, et situé sur le bord de la Loire, est traversé par la route no 79, de Nevers à Genève. Il y eut jadis à La Motte-Saint-Jean un prieuré qui dépendait de Paray. Sur la hauteur existait encore, il y a moins de vingt ans, un château magnifique, bâti par J. de Coligny, vers 1630, et qui appartenait en dernier au duc de Cossé-Brissac qui l’a aliéné.


La Motte-Saint-Jean ! Mais c’est pour nous une vieille connaissance. Nous sommes au beau milieu de la Bourgogne et il nous vient de ce plantureux pays une bouffée d’air vellave. La Motte-Saint-Jean nous éloigne, c’est vrai, des Rochebaron. Il n’importe. Nous faisons un pèlerinage à travers le temps jadis et le carnet du pèlerin comporte beaucoup d’imprévu et de décousu.

Deux souvenirs de notre histoire se rattachent à ce château de La Motte-Saint-Jean.

Guillaume III de Chalencon, veuf de Valpurge de Polignac, décédée vers 1371, épousa Catherine de La Motte-Saint-Jean, veuve de Lourdin, seigneur de Saligny en Bourbonnais. De ce mariage naquirent : 1o Isabeau, mariée le 20 octobre 1404 à Armand, seigneur de La Roue ; 2o le grand évêque du Puy, Guillaume de Chalencon, qui reçut dans sa cathédrale, à l’Ascension de 1420, le futur Charles VII ; 3o Louis, chanoine et prévôt de Notre-Dame du Puy, après le décès de son grand-oncle, Guillaume de Chalencon, en 1393[30].

Par acte reçu Pierre Beylet notaire, en 1428, Guillaume de Chalencon, évêque du Puy, et son frère utérin, Lordin de Saligny, se réglèrent sur la succession de leur mère commune, Catherine de La Motte-Saint-Jean[31].

Les Lordin de Saligny furent la tige de cette grande maison de Coligny d’où sortait la grande victime de la Saint-Barthélemy.

C’est encore au château de La Motte-Saint-Jean que mourut, le 16 mai 1683, Anne Nicole Cauchon de Maupas, dame du Tour, du Cosson en Champagne et nièce de notre cher évêque, Henry de Maupas du Tour. Mlle de Maupas avait épousé Jean de Coligny-Saligny, connu sous le nom de comte de Coligny, lequel mourut également au château de La Motte le 16 avril 1686.

Dans l’Annuaire de la Haute-Loire de 1878, partie historique, nous avons retracé un certain nombre de détails peu connus sur Mgr de Maupas et nous avons groupé autour de l’aimable et pieux évêque les visages qui lui furent les plus chers, c’est-à-dire sa nièce et son neveu, la comtesse et le comte de Coligny. Si l’on veut se reporter à notre petite notice, on verra quel homme était ce comte de Coligny, quelle haute nature, quel fier soldat ; combien il était digne de l’affectueux respect que lui vouèrent ses contemporains, digne de l’estime de Louis XIV, digne surtout de la tendresse de Mgr de Maupas. Nous avons dit que ses Mémoires, écrits au courant de la plume, sans effort et sans prétention, avaient une grande valeur littéraire, mais nous n’avons pas assez pesé sur cet article et nous voulons en toucher encore quelques mots.

Ce gentilhomme, de race militaire, se mit à écrire sur le tard de sa vie et fut moins que tout autre une bête d’encre. Il n’avait ni le goût ni l’ambition des lettres et il passa écrivain sans le vouloir et sans y penser. Les écrivains de profession ont beau faire ; ils sentent toujours le métier, l’effort. Ils se mettent à l’œuvre pour faire du mieux qu’ils peuvent. Ce désir de bien faire est déjà une pose, un croc-en-jambe à la nature. On s’excite, on se monte, on se contrefait. L’idéal, ce serait d’écrire presque à son insu, d’abdiquer sa propre personne, de se dégager de son milieu et de ne confier au papier que le trop-plein de son cœur et de son intelligence. L’imitation, le procédé gâtent les plus nobles ouvrages. On n’est original qu’à condition d’être simple. Or la simplicité, cet attribut des maîtres, ne vient guère à ceux qui s’écoutent, contournent leur pensée, martèlent leur style. Prenez, par exemple, Amyot, Montaigne, Mme de Sévigné, Saint-Simon, et, en remontant plus haut, Villon et Comines. Voilà des gens qui ont écrit un peu à la diable, sans se raturer, au vol de la plume. Ils avaient quelque chose à dire et ils l’ont dit comme cela leur venait. Aussi quel charme et quelle sève dans ces écrivains de premier saut ! Le souci de la forme, l’arrangement des termes, la cadence et le rythme de la période constituent des éléments indispensables à toute production de l’esprit. C’est de l’art à proprement parler. Eh bien ! l’art est toujours un peu cherché, prémédité, voulu, l’artiste pense à son public, il se farde, il se grime, il se fait beau pour ses lecteurs ou auditeurs. Il veut les surprendre et les séduire. La littérature, qui n’est que de la littérature, sent trop le théâtre et la rhétorique.

Nous préférons de beaucoup ces auteurs de hasard, qui n’ont vu dans le style que l’instrument de leur pensée, dans le langage que la traduction de leur être intérieur et ont écrit comme ils parlaient, comme ils sentaient. Un beau jour, ils ont dû sortir d’eux-mêmes et leur plume a couru, libre, dédaigneuse, insoucieuse. Ils ont été écrivains sans le savoir. Au premier rang de ces œuvres de rencontre et presque inconscientes, il faut mettre les Mémoires, c’est-à-dire les confidences intimes où l’homme du monde se raconte lui-même et redit ce qu’il a vu dans sa carrière. Les Mémoires se prêtent admirablement au génie de notre idiome, fait pour le récit et le conte ; ils se prêtent surtout aux effusions des âmes honnêtes et généreuses. Nous avons dans ce genre une série de compositions naïves et sincères dont aucune littérature exotique n’offre le pendant. Après les Mémoires et toujours dans cette veine originale, nous placerions, suivant notre goût, les écrits des hommes d’État, les dépêches des ministres, les relations des généraux et des ambassadeurs. Nos dépôts publics regorgent de documents de cet ordre et, depuis qu’une décision récente a levé les scellés des Archives de nos ministères, on peut avoir une idée des trésors enfouis dans les cartons officiels. Déjà il s’est produit bien des révélations qui font justice d’une foule de préjugés et de partis pris. Nous avons, par exemple, un Saint-Simon et un Talleyrand que nous ne connaissions guère. Ces deux hommes, jugés avec tant de légèreté, avaient une portée intellectuelle et même une élévation patriotique, dont il faut aujourd’hui rendre témoignage. Il en est de même pour Richelieu, Mazarin, Colbert, Louvois et tant d’autres sommités de l’ancien régime. Les conducteurs de peuple, ceux auxquels tombe la charge de contenir et de diriger les choses humaines, contractent dans le maniement des grandes affaires une hauteur de vues qui déteint sur leurs écrits. Lorsque la pensée est forte et grande, le style se met à l’unisson. Au dessous de Richelieu, Colbert, Louvois et dans un cran inférieur, se trouvent les agents et correspondants de ces illustres chefs de file. Le Dépôt de la guerre contient une masse de dépêches, d’une valeur inégale, mais dont un grand nombre sont des modèles de diction noble, précise et élégante. Telles sont, entre autres, les dépêches adressées par le comte de Coligny au marquis de Louvois.

Nous avons exposé dans l’Annuaire de la Haute-Loire de 1878, comment Léopold, empereur d’Allemagne, menacé d’une invasion ottomane au cours de l’année 1664, demanda l’assistance de Louis XIV dans ce péril commun à toute la chrétienté. Le roi envoya généreusement à l’ennemi traditionnel de sa maison un corps d’armée de six mille hommes sous les ordres du comte de Coligny, créé pour cette circonstance lieutenant-général. Les troupes françaises se rendirent en Hongrie et assistèrent, le 1er août 1664, à ce singulier combat dit de Saint-Gothard où les ennemis, après avoir fait un grand carnage des Impériaux furent tout-à-coup arrêtés dans leur victoire par deux bataillons français. Les choses changèrent aussitôt de face et une journée commencée par un désastre finit par un triomphe. Coligny allait fondre avec toute sa petite armée sur les Turcs, lorsque ceux-ci, affolés et en proie à une panique générale, se précipitèrent dans le fleuve de Raab et y périrent en nombre considérable. Dans ses grands Mémoires, Coligny a raconté toute cette campagne, qui n’eut aucune conséquence et fut plutôt une épisode romanesque, une poussée de gentilshommes qu’une entreprise sérieuse et politique. Ce qui vaut mieux que les petits et grands Mémoires de Coligny, c’est sa correspondance avec le ministre de la guerre, Louvois. Coligny se montre tout entier dans ces lettres officielles : il y est à la fois homme de cour et de bonne compagnie, organisateur habile, militaire consommé, diplomate clairvoyant. On se demande pourquoi ces rares mérites ne furent pas mieux utilisés par Louis XIV, qui pourtant se connaissait en hommes. Le mal pour Coligny, c’est qu’il était fier, hautain et le prenait de très haut avec les gens en place. Cet ex-frondeur, cet ancien compagnon des révoltes de Condé était devenu un courtisan passable à l’égard du roi, mais il ne sut jamais plier l’échine devant les ministres. Le descendant du grand supplicié de la Saint-Barthélemy gardait un levain du XVIe siècle : il ne pouvait assouplir sa nature féodale et rembarrait avec un sans-gêne trop aristocratique bureaux, intendants et favoris. Il paya ses dédains d’un autre âge. Sa carrière se trouva brisée au lendemain de l’expédition d’Allemagne. Il ne fit plus que végéter dans sa retraite, tandis qu’un fat ridicule, l’incapable La Feuillade, son second dans le combat de Saint-Gothard, s’attribua toute la gloire de la journée, fut cru sur parole et entassa sur sa vaniteuse personne dignités et honneurs.

C’est dommage. Il y avait chez Coligny de quoi faire un général éminent ; il y avait surtout l’étoffe d’un écrivain de première volée. Un bon juge, M. Rousset, de l’Académie française, a cité avec éloges dans son Histoire de Louvois les dépêches de Coligny à ce ministre, lors de la campagne de Hongrie. M. Rousset trouve, à juste titre, dans ces dépêches, des qualités supérieures. Coligny, sans jouir d’une grande culture, n’était point cependant dénué de lettres : il en avait juste de quoi se dégrossir et ne point noyer sa trempe native. Le peu de livres qu’il avait parcourus ne déflorèrent point son coup d’œil, son esprit prime-sautier, son génie d’observation, et, comme il avait le cœur bien placé, il se servit naturellement d’une langue saine, un peu gauloise, mais forte et de bonne venue[32]. On a comparé Coligny au maréchal de Monluc. Il y a entre ces deux hommes de guerre un air de famille. Faits l’un et l’autre pour l’action, ils se sont mesurés avec les orages de la vie et ont goûté les amertumes de la lutte. Ils ont écrit sous la seule inspiration de leur âme ; ils s’offrent à nous dans le simple appareil de leur loyauté et de leur fierté. Notre siècle, qui s’abîme de plus en plus dans la matière, trouverait grand profit à se rafraîchir avec les mémoires de Castelnau, de Fleuranges, de Montglat, de Coligny et de Monluc, mais les délicats, qui s’embarrassent peu des admirations de commande, connaissent seuls ces sources limpides de notre vieille littérature. Pour nous, gens de Velay, le souvenir de Coligny doit nous être spécialement cher. Coligny aima son oncle, le doux et spirituel Henry de Maupas, et il a rendu un véritable service à cette pure mémoire en nous conservant une partie de ces lettres du prélat, que nous avons publiées dans l’Annuaire de la Haute-Loire de 1877.



  1. Les Bourguignons en Velay dans les Ve, VIe et VIIIe années des Tablettes. M. l’abbé Theillière vient de publier la cinquième livraison de ses Châteaux en Velay. Les Rochebaron occupent, à bon droit, une large place dans ce nouveau travail du vaillant chercheur. M. l’abbé Theillière a poussé plus loin que ses devanciers : il donne des renseignements inédits et très précieux sur les derniers possesseurs du manoir de Bas : les deux familles des Giry de Vaux et des Fisicat. (Note des secrétaires.)
  2. À l’origine le mot varlet ou vallet, dont valton ou valeton est le diminutif, n’entraînait point l’idée d’une infériorité humiliante ; il signifiait fils :

    Trois valez out (trois fils eut) de son seigneur.

    (Roman de Rou.)

    Ce terme s’appliqua plus tard à un jeune homme sans état, à un aspirant à la chevalerie, et dans une acception moins relevée, à un apprenti, à un compagnon de métier :

    N’ert mie (n’était pas) chevalier encore et valeton,
    N’aveit encore en vis (visage) ne barbe ne guernon (moustache).

    (Roman de Rou.)
  3. Interrogatoire d’Antoine de Chabanes, à Loches, le 21 octobre 1523, par les commissaires nommés à l’instruction du procès du connétable de Bourbon (Bibl. Nat. Fonds Dupuy) ; l’évêque déclara que dans le mois de juillet ou d’août précédents, il avait été courir un cerf, auprès d’un lieu nommé Saint-Victor, à quatre lieues du Puy.
  4. Tablettes, V, 564.
  5. Bayard était alors simple lieutenant d’une compagnie d’ordonnance et arma le roi « devant tant de chevaliers de l’Ordre et de gens de bien qui estoient venus là pour leur plaisir. » Mémoires de Fleuranges.
  6. Médicis, I, 212.
  7. Ibid., II, 4.
  8. Ibid., I, 249.
  9. Ibid., I, 495 ; II, 343 et 345.
  10. Lettre écrite à Louis XII, le 12 juillet 1514, par les seigneurs de Polignac et de Rochebaron et deux personnages, qui signent : Sarat et Thuans (Bibl. Nat. Fonds Dupuy, 261, fo 101).
  11. Frère Théodore, p. 347 ; Gall. Christiana, Eccl. Matisconensis, t. IV, col. 1071, et Eccl. Lugdunensis, col. 237 et 238 ; Pièces justificatives du marquis d’Aubais, t. III, p. 162.
  12. Tablettes, VIII, 453 et suiv. ; Mémoires de notre Société, 1re année, pp. 232 et suiv.
  13. Gall. Christiana, Eccl. Aniciensis, t. II, col. 743.
  14. Archives de l’Hôtel-Dieu du Puy, série B, no 56. Le texte intégral de l’accord de 1349 figure aux Mémoires de notre Société de 1878, pp. 171 et suiv.
  15. De gueulles au chef eschiquetté d’argent et d’azur de deux traits.
  16. Histoire des évesques de Mascon, par Jacques Sévert, théologal de Lyon.
  17. Mémoires du feu sieur de La Mure, sacristain de Montbrison.
  18. Histoire d’Auvergne, de M. Justel.
  19. Usson, de gueulles à une porte d’or.
  20. Anglure : d’argent semé d’anglets de gueulles, surmonté chacun d’un grillet d’or.
  21. Andelot : de gueulles à une fleur de lys-d’or.
  22. Saint-Julien, Mémoires du Masconnais.
  23. Dans la construction de cet arbre généalogique, le bon Le Laboureur a malheureusement omis les dates, difficiles à établir, et, de plus, il n’a pas suivi exactement les degrés. Georges de Rochebaron devrait faire le neuvième degré, et son fils René figure à deux degrés successifs.
  24. Planque : d’argent semé de billettes de gueulles au lyon de sable, membre de gueulles sur le tout.
  25. Philippe de L’Espinay, p. 327.
  26. On ne s’explique pas comment de Courcelles a pu commettre cette grosse erreur de faire de notre Louis de Chalencon, l’un des héros du siège du Puy en 1419, un chambellan du duc de Bedfort.
  27. Histoire généalogique de la maison d’Auvergne, par Baluse, t. II, p. 748, et Coutumes d’Auvergne, de Chabron, IV, 118 et 434.
  28. Dans les Tablettes, VIII, 470 et suiv., figurent les divers renvois à l'Histoire généalogique du P. Anselme.
  29. Livraison de juillet et août 1879.
  30. Histoire manuscrite de la maison de Polignac, par Chabron, livre IX, ch. XVI ; Gall. Christiana, Eccl. Aniciensis, t. II, col. 750.
  31. Inventaire des titres de la maison de Polignac, dans les Tablettes, VII, p. 35.
  32. Voir sur Coligny, outre la grande et belle Histoire de Louvois, l’édition des Mémoires du comte par M. Monmerqué, Paris, 1844.