Betzi/2/08
Peu de jours après son arrivée, il
me manda qu’il était moins bien qu’à
son départ. Une seconde lettre accrut
encore mes inquiétudes ; malgré sa
défense, rien ne pouvait plus m’empêcher
de le suivre, lorsque je reçus
la nouvelle atterrante de sa mort et
ces dernières lignes écrites de sa main.
Je les ai toujours portées sur mon
cœur ; les voici, mes larmes ne les
ont point encore effacées.
« Tout est fini pour moi, ma chère Betzi. Je ne méritais peut-être pas le bonheur que le ciel me ravit. Je mourrais inconsolable si l’ami tendre et généreux auquel j’osai t’enlever n’existait pas encore, n’était pas toujours le même pour toi. C’est pour lui que je te conjure de vivre, au nom même de notre amour ; ta haine reposerait éternellement sur ma tête, si tu refusais de croire aux dernières paroles d’un mourant : je suis sûr qu’un destin favorable doit vous rejoindre ; dispose tout à l’instant pour passer en Angleterre. Par des raisons qui ne tarderont pas à t’être expliquées, n’y parais que sous ton nom de famille ; emmène avec toi l’enfant que tu daignas adopter. La ferme que t’a laissée Crafford est arrangée pour te recevoir ; c’est là que tu reverras ta sœur chérie ; c’est là… Je me meurs… Au nom du ciel, si tu m’as jamais aimé, respecte ma dernière volonté, ma seule espérance ». Les larmes de Betzi l’avaient empêchée de lire et de prononcer distinctement tous les mots de cette cruelle lettre. Henriette y jeta les yeux et pâlit de surprise et d’effroi ; mais trop émue elle-même pour distinguer l’émotion subite de sa sœur, Betzi ne la prit que pour l’effet de sa tendre pitié. Toutes deux avaient besoin de solitude et de repos ; après s’être embrassées, elles se retirèrent chacune dans son appartement.