Bertram, ou le Château de St-Aldobrand, tragédie en cinq actes
Traduction par Taylor et Nodier.
(p. 171-173).

PROLOGUE,

PAR M. J. HOBHOUSE,

PRONONCÉ PAR M. RAE.

Instruite par vos jugemens, encouragée par vos faveurs, la scène reconnoissante a fait revivre ses illustres morts ; mais quand le génie des siècles passés reparoît, celui de nos jours doit-il renoncer à se faire connoître ? Non, sans doute, et le zèle généreux que vous mettez à immortaliser le poète, quand l’homme a cessé de vivre, vous fera sans doute agréer aussi et couronner d’un suffrage impartial les belles productions de nos contemporains.

Ce soir un barde qui n’a connu, hélas ! jusqu’ici que les peines attachées au talent ; qui condamné à lutter contre sa mauvaise fortune, ne lui a opposé que des efforts inutiles et des espérances toujours déçues, ose espérer qu’une voix propice ranimera son courage abattu, et il l’invoque avec ardeur. Semblable au souffle qui fait jaillir la flamme d’une étincelle presque éteinte, vos louanges peuvent encore rallumer en lui le besoin dévorant de la gloire.


Une autre personne, ici et dans la même soirée, forme avec la même vivacité le désir de vous plaire. Elle tremble sur son sort. La rougeur sur le front, elle s’incline devant vous comme une suppliante, et cherche sur des visages amis qui lui sourient l’indulgence dont elle a besoin, comme cette fleur qui constamment tournée[1] vers le soleil, semble attentive à solliciter les caresses de ses rayons bien-faisans. Ah ! daignez mettre fin au combat que livre dans son cœur la crainte à l’espérance, et ne permettez pas que des pleurs amers abreuvent ses joues décolorées.


L’enfant d’Apollon et celle qui lui prête sa voix ont osé courir les mêmes dangers. Ils subiront le même sort. C’est de votre indifférence ou de vos suffrages, que va dépendre la disgrâce ou le triomphe de l’actrice et du poète.


  1. WS : fleur tourné -> fleur tournée